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  • Day 17

    Les histoires de Manuman

    March 27, 2019 in Nepal ⋅ ☀️ 0 °C

    Mon guide népalais, Manuman, 26 ans, est né en...2049 ! J'apprends en regardant son permis de guide qu'au Népal nous sommes en 2075. Je n'ai pas encore cherché pourquoi (que s'est-il donc passé au Népal en - 60 BC ?)
    De 6 frères et sœurs, il est le deuxième. Les femmes semblent se marier tôt, les hommes cherchent à travailler. Plusieurs de ses frères et sœurs étudient encore. Son père était officier de police. Désormais à la retraite, il a une petite ferme à Gorkha, pas loin de Besi Sahar.

    A 26 ans, Manuman n'est pas encore marié. Il me dit que c'est parce qu'il n'a pas d'emploi stable. "If I were a police officer or in the army, I would have a wife". Pas de dot à payer, ni d'un côté ni de l'autre, mais il faut de l'argent pour se marier : payer la maison, entretenir sa femme, donner à la famille... Alors que pour l'instant, il réinvestit presque tout l'argent qu'il dégage des courses pour continuer à se former. Les différentes agences qui l'embauchent ne financent pas cela...

    Pas marié mais... la vigueur du système des castes au Népal va guider sa prochaine union. Chez les Gurung me dit-il, on épouse une Gurung, et si possible, du même coin ! Il est ainsi fiancé à une femme de son village, mais il ne semble pas trop la connaître. Il reste évasif sur la question de savoir s'il l'aime bien ou non. (Après plus de temps passé avec lui, je découvrirai que la dernière fois qu'il l'a vue était... il y a 4 ans).

    Il semble fier de son ascendance mongole mais déclare cependant que les Gurung, les Sherpa, les Bote, sont certes des castes/ peuples endurants et courageux mais pas des "mind people". "We cannot speak or write good, we are mountain people", déclare-t-il . A l'inverse des peuples de la plaine, dont il semble admiratif : "They are mind people. They work in the administration or have mind jobs", me dit-il, catégorique.

    Manuman rêve d'intégrer l'armée française et idéalement d'y utiliser son expérience en alpinisme/ montagne (chez les chasseurs alpins?). Ou une autre armée d'ailleurs, tant que ce n'est pas la népalaise, où le salaire mensuel, de 15 000 roupees, lui semble trop faible. Il a essayé l'indienne et la britannique mais a été recalé en raison de battements de cœur irréguliers côté indien, de tests écrits insuffisants côté anglais (il se débrouille pas mal en anglais mais 100% autodidacte, doit être faible à l'écrit). Maintenant il est trop âgé pour candidater de nouveau. Le soir dans la tente il me parle de lieux français avec des étoiles dans les yeux, comme... l'Alsace ! "Plus je prononce ces noms, plus j'ai peur de ne jamais y aller. Même si c’est mon rêve, je n'ose plus en parler", souffle-t-il, rappelant les nombreuses difficultés pour se rendre en France (visa et coût), qui lui semblent plus dures à franchir qu'une montagne de 7000 mètres.... Un sponsor devait lui permettre d'y aller cette année avec Mulal Gurung mais son visa est arrivé trop tard.

    Il nous raconte s'être fait prendre un jour dans une avalanche. Il a réussi a s'en sortir en courant mais son client, lui, est mort. "But I did not kill my client, the avalanche killed him", nous dit-il à moitié en rigolant. Hum...
    Je découvre aussi - mais seulement une fois tous les deux partis et ayant posé la tente à la première étape - qu'il ne se considère pas comme un "full professional guide" et que ce n'est que la deuxième fois qu'il emmène seul un client... Ses précédentes ascensions étaient en tant que porteur ou assistant guide, ce qui est bien différent de mener l'expédition.
    Compétent en escalade et en technique, il avoue qu'il doit, pour devenir un '"vrai guide", mieux connaître l'anglais.... et la montagne.. Re-hum. L'anglais, je m'en moque, on échange d'ailleurs plutôt bien mais la montagne, j'aurais aimé qu'il la connaisse ! Ses propos sont peu rassurants, mais au moins est-il 100 % transparent...
    Pour le Chulu, il ne cesse ainsi de répéter "too much snow, lots of snow". Il préfère grimper sur de la glace - "it's physical but tchak tchak" (en mimant les piolets et crampons qui se plantent dans la paroi)... I like it !".
    Il me raconte encore qu'un jour, en tant qu'assistant guide, il a du porter longtemps sur son dos une femme de 55/ 60kg qui avait le mal des montagnes.
    Ou, autre histoire d'avalanche, qu'il s'est trouvé pris sous la neige mais a réussi à se préserver un filet d'air grâce au bâton qu'il avait devant son nez, puis à se dégager à partir de là. Bon ... au moins est-il costaud et pugnace. Je n'ai plus qu'à espérer que tout se passe bien avec lui !

    PS: pour ceux qui auront lu jusqu'au bout : Le calendrier vikrami ou hindou débute à la victoire du roi légendaire Vikramaditya of Ujjain contre les Sakas, en 57 avant JC...
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