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  • Day 263

    J'irai dormir chez vous (Kusu)

    November 28, 2019 in Japan ⋅ 🌧 8 °C

    Je pourrais m'apesantir sur plein de details de mes premiers jours sur l'île de Kyushu... Mais ce qu'il faut retenir pour comprendre comment je me mets dans des situations délicates, c'est que :
    - j'ai une forte tendance à échafauder des plans ambitieux mais non réalistes (tant en termes de km que de difficulté, entre autres parce que je ne prends pas en compte la météo !),
    - parfois je n'ai pas envie de regarder mon GPS pour vérifier que je suis sur la bonne route (même quand celle-ci devient impraticable),
    - même une fois que jai réalisé que je me suis trompée, je ne fais jamais demi-tour !

    Conséquence : ma deuxième journee a été épuisante ! Je ne suis arrivée qu'en fin d'après-midi là où je comptais déjeuner et n'ai roulé au final qu'une quarantaine de km et 500 m de dénivelé (alors que j'en prévoyais le double). Dont 2-3 heures de galère dans une forêt boueuse et pentue, dont aucun chemin ne figurait sur mes applis, sur des sentiers impraticables à vélo, que j'ai donc du beaucoup pousser/ porter. N'ayant presque plus de batterie, je n'ai du mon salut qu'à une ligne THT qui m'a permis de me repérer et d'enfin trouver un "chemin de sortie" !

    L'avantage à ces erreurs est qu'il n'a pas fallu longtemps pour me faire inviter au onsen, puis à dîner et dormir, après avoir débarqué dans un café. Devenue femme des bois enrobée de boue et de feuilles - sans parler de l'état de mon vélo, dont la résistance force l'admiration - je crois que j'ai effrayé les gens et qu'ils se sont dit qu'il fallait faire quelque chose pour moi...
    Laissant le vélo au café, je suis donc embarquée en voiture par la tenancière : on va chercher les enfants à l'école et au sport. Capable d'allaiter sa fille, de regarder la télé, de chanter une chanson en tapant des mains tout en conduisant (de facon très sportive !), cette dame a l'air peu conventionnelle. Nous allons tous au bain public (une bicoque construite autour d'une source naturelle, au tarif imbattable de 0,8 €), avec les filles, 2 et 12 ans. Les petits garcons vont du côté des hommes mais ne manquent pas de nous espionner par les vestiaires. Dans le plus simple appareil, avec cette dame, ses filles, des voisines, à qui elle raconte mon histoire, j'ai le droit à de multiples tentatives de conversation (avortées, mon Japonais n'est pas au niveau !), sourires et "kawaii" appreciateurs, malgré (ou à cause de ?) mon corps épaissi et musclé de cycliste.

    Le soir, mon arrivée gardée surprise au mari lui fait l'effet d'une petite bombe. Il se met à courir partout pour m'accueillir. Ici aussi je suis la première étrangère invitée ! Curiosité autant qu'objet d'attentions, je me fais chouchouter par les parents et adopter par les enfants, de plus en plus canailles à mesure que l'âge diminue. Le monstre en chef étant la petite Oto, 2 ans, sacré caractère et pas de problème pour s'exprimer ! Elle a même essayé de choper mon vin rouge et mon "camemberu", spécialement rapportés du konbini pour moi par mes hôtes (Nota : "cheesu" et "camemberu" font partie des mots importés : les r sont à rouler et les u à prononcer "ou". Un de mes préférés est "hotto doggu" mais ça marche aussi pour guesthousu, biru, tentu.. Quand je ne connais pas un mot en japonais - soit presque tout le temps-, je tente un mot anglais suffixé du fameux "u". Parfois, ça marche).

    Le lendemain, je suis de nouveau dorlotée avec un bon petit dej et les attentions des grands et petits. La dame me donne des choses à manger pour la route, Oto joue un double jeu de m'aider à faire mes sacoches tout en cachant mes affaires, un des garcons entreprend de me coller des chaufferettes sur le dos et le ventre (l'invitation est tombée au bon moment, il a gelé pendant la nuit, ma tente qui séchait sur le balcon est raide comme du carton!). Je fais un dernier tour au café pour nettoyer le bazar de mon débarquement de la veille et mon vélo, avant de repartir.

    En résumé, les gens du GUMS (mon club de montagne) ou tout cycliste ou randonneur un peu organisés peuvent avoir honte de ma planification approximative et de ma constance à avancer sans vérifier où je vais, comme une tête de mule. Mais j'aime à penser qu'Antoine de Maximy serait fier de moi !
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