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Jul 29, 2019, 9:00am · ⛅ 27 °C Altitude: 13 m
South KoreaSeoulYomgong-niYeoui-cheon37°27’36” N 127°2’36” E
Vous avez dit têtu ?

Pendant qu'Elena se presse de rejoindre sa sœur au Japon j'ai une semaine pour descendre à mon rythme, 4 jours jusqu'à Busan, une nuit de traversée et 3 jours pour remonter le Japon jusqu'à Chiba.
Je suis seul pour la première fois depuis le début de notre voyage. J'ai trop lu Kerouac, Tesson et Bouvier, je veux descendre en stop et dormir en tente. La Corée n'est pourtant pas le pays le plus approprié pour ce mode de voyage. J'ignore comment les habitants de ce pays conservateur réagiront face à un petit français qui dresse son pouce sur le bord de la route. Sans compter qu'il n'est pas facile de trouver un bivouac tranquille quand la densité est de 512 habitants par kilomètre carré.
Qu'à cela ne tienne les infos glanées sur le web sont encourageantes, on m'indique une aire d'autoroute accessible en métro pour aller vers le sud. J'arrive sur le spot. Des voyageurs ont tagué des messages d'encouragement sur le mur contre lequel je pose mon sac.
Ma pancarte rédigée en coréen par l'employé de l'aire de service me paraît un peu petite mais assez vite un premier conducteur mord à l'hameçon. A peine a-t-il le temps de venir jusqu'à moi qu'une jeune femme affolée me demande si j'ai besoin d'aide. Elle ne comprends pas pourquoi je ne prends pas le bus. Ça ne marchera jamais me dit-elle, "pas dans la culture coréenne". En effet, elle a réussi à faire fuir le mec qui s'était arrêté. Il a changé soudainement d'avis et m'explique qu'il vient de recevoir un coup de fil invisible, qu'il doit filer. Il repasse devant moi en me saluant chaleureusement enferré dans son mensonge. Mieux vaut en rire...
Pendant que je tourne sur le parking allant de refus en refus, la jeune femme qui veut absolument me secourir revient à la charge : "J'ai appelé la police, ils vont venir vous aider". Effectivement avec des spécimens dans ton genre je comprends mieux pourquoi "ça ne marchera jamais" 🤦♂️. J'arrive à refuser l'argent qu'elle me tend et retourne à mon poste. Une sirène retentie dans mon dos, elle n'avait pas bluffé.
Habitué à la Police française nazillonne (ACAB), je m'attends au pire. Comme j'ai eu tord, les types sont super aimables et souriants. Ils éclatent même de rire quand je leur fais le signe des menottes, non ils veulent juste m'aider... à arrêter de faire du stop et à prendre le bus. Direction la gare la plus proche donc. Je lâche l'affaire et monte dans un car pour Daejeon à 160 klm de Séoul.
Le problème c'est qu'entre mon heure de départ tardive de l'hostel ce matin et mon échec en stop, il est déjà 18h lorsque j'arrive en plein centre de cette ville de 1 million d'habitants. Sachant qu'il fait nuit à 20 heures une personne normalement constituée se serait mise en recherche d'un hostel. Pas moi, je suis têtu jusqu'à la bêtise. Maps.me m'indique un lac à proximité accessible en bus. Encore faut il trouver l'arrêt pour le prendre. 2 heures plus tard je monte dedans, il fait nuit, je me sens terriblement con.
Je suis avec anxiété notre parcours sur le GPS de mon téléphone. Dehors il fait très sombre et je ne distingue que des clôtures au bord de la route qui délimitent des terrains privés. Pas de lac en vue et même s'il y avait un coin pour planter ma tente je ne pourrais le voir vu qu'il est maintenant 21 heures et qu'il fait nuit noire. Le bus s'arrête enfin, terminus, au milieu de nulle part et loin du lac. J'ai cette faculté assez exceptionnel à m'obstiner coûte que coûte quand bien même tous les signes m'indiquent que c'est une mauvaise idée. Normalement Elena est là pour m'arrêter mais cette fois-ci je suis seul, seul face à ma connerie avec ma lampe sur le front, à taton dans le noir.
Heureusement c'est souvent quand on est dans une situation désespérée qu'un espoir surgit dans la pénombre. Cette fois-ci il se matérialise sous la forme d'un employé de ferme d'une cinquantaine d'années qui n'a rien à faire là et encore moins à cette heure. On aurait dit qu'il m'attendait à la sortie du bus. Je lui mime sommairement ma situation et il m'empêche de m'enfoncer dans la forêt pour trouver un bivouac. Dommage ça aurait encore été une brillante idée.
Au lieu de cela il m'indique le terrain qui jouxte l'arrêt de bus. C'est une sorte d'aire d'accueil pour les enfants qui viennent visiter la ferme. Toilettes, eau potable, un vrai petit camping. Le propriétaire des lieux ne tarde pas à nous rejoindre. Il m'a l'air un peu louche dans le noir, voix cassée, démarche hésitante, il est bourré. Après la Mongolie j'ai appris à me méfier des ivrognes. Mais on est au pays des Bisounours ici et il allume une lampe de chantier pour que je puisse cuisiner mon repas du soir.
Le lendemain je reprends le bus dans l'autre sens après avoir bu un café avec le proprio (une bière pour lui bien sûr) et nourri les lapins. Le train pour me rendre à ma prochaine destination n'est vraiment pas cher, alors j'en profite ;-) !
Je sens qu'un sourire s'est glissé entre vos lèvres cher lecteur, à moins que ce soit ma conscience qui tiennent à se justifier de cette solution de facilité. Rappelez-vous que Kerouac aussi prenait le train, dans des wagons à marchandise certes, mais tout de même ça reste un chemin de fer !Read more