Istanbul

April 2022
10 jours entre Byzance et Constantinople Read more
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  • Day 1

    J1 -Aéroport

    April 18, 2022 in France ⋅ ⛅ 14 °C

    Enregistrement ✅
    Contrôle sécurité des sacs ✅
    Police aux frontières ✅

    Constantinople, Baby!!🤩

  • Day 1

    J1 - Première journée à Istanbul

    April 18, 2022 in Turkey ⋅ ☁️ 7 °C

    Enfin la délivrance... la malédiction est rompue. Après deux annulations de vol pour le Pérou à 2 ans d'écart puis cet insupportable (parce qu'injustifié) refus d'embarquement essuyé en février dernier pour le Népal, nous comprenons que la maxime qui veut que jamais 2 merdes n'arrivent sans qu'une troisième ne suive rapidement derrière est quasiment un fondement philosophique de nos deux existences, nous nous relevons tels deux phoenix (bon, deux pigeons, on va dire) et reprenons nos bonnes vieilles habitudes de photo-voyageurs pour une petite dizaine de jours cette fois, direction Istanbul.

    FRAYEUR

    Oui, lecteur intuitif, tu l'auras bien compris : ce n'est pas sans appréhension que nous nous sommes approchés du comptoir d'enregistrement de la Turkish Airlines ce matin, le passeport tremblant, le coeur battant la chamade non pas d'émoi pour la dame assise en face de nous qui tapotait sur son clavier, mais à l'idée que le Covid ou tout autre contrainte administrative minable nous empêche une nouvelle fois de prendre place à bord.

    "Vous partez où?
    - Istanbul, lui réponds-je.
    - Ah bon, vous n'allez pas ailleurs? mon ordinateur me dit que vous allez en Egypte...
    - !!!
    - Attendez, je relance. En attendant, donnez-moi vos documents sanitaires, s'il vous plaît."

    Beaucoup d'émotions en peu de temps! L'Egypte revient encore pendant un petit moment dans la conversation, elle ne comprend pas ce qui se passe, nous changeons même de comptoir... puis elles (elles sont deux maintenant) émettent l'éventualité qu'il pourrait y avoir un souci avec nos deux prénoms identiques!!
    Après les avoir giflées sèchement l'une après l'autre, nous nous apaisons de nouveau et elles corrigent cette dernière hypothèse comme étant totalement hors de propos.

    Non, cher lecteur, tu te souviens que je carabistouille parfois (c'est un mot à la mode en cette période d'élections). Nous ne les avons évidemment pas giflées, car ç'eût été extrêmement contre-productif, comme nous le répètent les panneaux rouges postés au-dessus de chaque comptoir : "toute atteinte physique ou verbale au personnel de l'aéroport ou de vol se soldera par une amende ou un refus d'embarquement". Au moins, c'est clair.

    ISTANBUL

    Nous voilà donc partis pour Istanbul, anciennement Constantinople, anciennement Byzance. Byzance la grecque devient Constantinople en 330 après que l'empereur Constantin l'a choisie parce que son empire romain commençait à craquer au niveau des coutures, pour reprendre une expression anglaise. Trop étendue, trop difficile à gérer, donc divisée finalement en deux "sous-empires", l'un d'Occident avec Rome pour capitale et l'autre d'Orient avec Constantinople...
    ... qui tombera aux mains des Ottomans en 1453. Bon, un millénaire quand même, il avait du pif, Constantin, parce que du côté de Rome, ça s'est effondré bien avant! Apparemment, la ville avait une situation tellement privilégiée au niveau géo-politique et commerciale, sur la route de la soie, que sa chute définit pour les historiens la fin du Moyen-Age en Occident, rien que ça!

    Pardon? Oui, désolé, je vois bien que je t'ai endormi avec ce chapitre historique, lecteur patient, mais c'était juste pour faire le point, histoire de ne pas arriver comme un cheveu sur la soupe face à tant d'Histoire! c'est quand même passionnant! La seule mention des noms de Constantinople et encore plus, Byzance, est tellement évocatrice...

    Tiens, notre premier plateau-repas d'avion arrive. J'ai faim, je te laisse. Il y a des priorités. Et tant que j' y suis : je vais essayer de faire court. Essayer, j'ai dit. Après, tu peux aussi zapper. Pas de chichis entre nous. En tout cas, encore et toujours, merci de continuer de nous suivre, de me lire et supporter mes élucubrations.

    -----

    23.15, heure locale / 22.15 heure française

    Voilà, on a bien repris nos marques depuis l'atterrissage. En grande pompe, l'atterrissage, après une dizaine de minutes à tOurner autour de l'aéroport parce que c'était le bordel en bas, aucune piste de libre. La pluie battait la carlingue, la température était annoncée à 9°C et finalement notre avion se pose sous un tonnerre d'applaudissements des voyageurs! Non mais vraiment? C'est pas juste son boulot, au type, de nous faire arriver sains et saufs!? On dirait qu'il a fait un exploit, qu'il nous a sauvés d'une mort certaine! Bref.

    Nous mettons un temps infini à sortir de l'aéroport tout neuf et au hall-cathédrale. Beaucoup d'indications en turc (! oui, bon) mais de la sorte qui te servent, cher lecteur, quand tu sais déjà les choses. Ce sont des indications-rappels, en fait, pas des nouvelles pour les gens qui arrivent. On nous annonce dans le guide une rame de métro qui relie le centre-ville, super! - mais pas encore construite - ah. Va pour le bus, qu'on trouve finalement après maints allers-retours. Il nous déposera à son terminus, une station de métro à... 6km de notre hôtel. Rien de plus près.

    Non, personne n'est parfait : lorsque j'ai réservé la chambre, j'ai choisi le vieil Istanbul, où se trouvent tous les principaux monuments. On est près de tout : Topkapi, la Sainte-Sophie, la Mosquée Bleue... mais loin des moyens de transport. Apparemment, on ne nous a pas tout dit : on ne peut pas tout avoir ici-bas.

    PEKIN EXPRESS, ENFIN

    Le car nous dépose donc à Aksaray, une plateforme vibrante et pulsante de vie où l'on convient que Mérignac va garder un moment les valises sur une place venteuse alors que je m'enfonce dans des rues grouillantes de passants pour débusquer un distributeur afin de payer notre prochain taxi.
    C'est un quartier très, très jeune, beaucoup de musique, de la circulation très dense, des véhicules effreinés passent dans les deux sens, les lumières des magasins pulsent au rythme des portables qui sonnent et des vendeurs de kébabs qui haranguent les piétons. Je n'en crois pas mes yeux : les gens courent à la Usain Bolt en traversant à 2 ou 3 mètres à peine de bus roulant à vive allure sur une avenue à 4 voies! Mon Dieu mais ils sont inconscients ou bien!
    Moi, je marche vite avec mon sac à dos vissé sur les omoplates, j'ai une mission, je dois trouver du cash, je ne vois aucune banque, va falloir que je demande aux gens, je dois faire vite, Olive m'attend, l'hôtel aussi, la nuit tombe... tu le sens venir, le symptôme "Pékin Express"?
    Aussi, lorsque je trouve ce maudit distributeur, je retire ni une ni deux des billets et repars je ne sais pour quelle raison comme un dératé dans l'entrelac de ruelles, je suis pris dans une tension aussi inutile que pressante, je me repère sans erreur, l'esprit froid et détaché (perdons-nous de l'argent à chaque seconde passée?) puis je débouche au bout de cinq minutes folles sur la place où j'ai laissé mon binôme, planté à côté des sacs. Il me voit de loin et sourit. Je prends le dernier virage sur une demi-semelle et j'arrive en hurlant "je suis le premier??" puis je saute sur le drapeau rouge imaginaire déroulé au sol et qui marque la fin de l'étape. J'ai l'impression d'avoir gagné une amulette, sinon la finale. Je suis refait.

    Le taxi nous amène finalement à une rue de notre hôtel sans avoir remis son compteur à zéro au départ; Bon, faut bien se faire avoir, sinon c'est pas drôle.

    MINI-MISERE

    Notre quartier pour 5 jours est ultra-touristique : des restaurants aux devantures éclairées de lampions colorés bordent les rues pavées. Nous tournons 5 minutes, mal dirigés par les rabatteurs des restos et nous choisissons finalement de faire confiance à notre GPS.
    Grosse déception. Notre hôtel, le "Mini Nova Old Istanbul" fait très miteux alors qu'il était très bien noté sur Booking. on a revérifié les photos, c'est bien ici, mais on n'y trouve pas notre compte. Ça sent un peu l'arnaque aux notes d'évaluation.
    Nous sommes dans une chambre au sous-sol (avec néanmoins des fenêtres) mais une insupportable odeur d'humidité, voire de moisissure. Galgon n'a pas dit son dernier mot. Nous dormirons ici ce soir mais demanderons à changer demain.

    SPECTACLE

    Nous ressortons manger et là c'est le show : chaque restaurant a son rabatteur dont nous devenons instantanément les meilleurs amis, au moins le temps de voir la carte et s'entendre dire qu'ici, pas de taxe, et que si on n'aime pas on paye pas. Bien sûr, le thé est gratuit en dessert. Et nous nous arrêtons dans l'une de ces gargottes, à l'écart desquelles le Routard nous avait bien prévenus de rester car ce sont des restos à touristes, donc de qualité très médiocre.
    Le repas est finalement correct, moi avec mon plat d'agneau aux légumes cuits dans une sorte d'amphore en terre cuite et apportée au centre d'un feu savamment entretenu par le serveur qui la casse après moults tapotements cérémonieux, provoquant une avalanche de flashes de la part des clients alentours qui veulent tous prendre le spectacle en photo. Comme moi, j'avoue, mais c'est mon plat, quand même!
    Le repas reste cher malgré tout et nous nous jurons de ne plus nous y laisser prendre... au moins jusqu'à demain.

    Petite promenade digestive et extrêmement revigorante (on avoisine les 6 ou 7°C, le vent est glacial et la bruine nous humidifie bien comme il faut, Mérignac est dans les affres de la torture physique par le froid). Le quartier est magique : de vieux bâtiments de bois projettent leur étages en encorbellement parfois en piteux état quand deux pas plus loin, nous nous retrouvons devant la majestueuse Mosquée Bleue visant le ciel de ses minarets pointés comme des flèches, alors que la majestueuse Sainte-Sophie se dresse dans notre dos.

    Une première journée riche en émotions, et nous n'avons pas visité grand-chose. Je ne cesse de me le répéter dans la tête, à chaque pas que je pose sur les larges dalles de granit :

    NOUS - SOMMES - A - ISTANBUL.
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  • Day 2

    J2 - première nuit!

    April 19, 2022 in Turkey ⋅ 🌧 7 °C

    8.35, réveil. Nuit partagée. Je crois que si je dois aussi rapporter les nuits (en tout bien, tout honneur, lecteur horrifié), je vais finir par écrire un livre...

    La soirée ne s'est pas terminée à la fin du rapport de hier. Minuit : on établit (et on en profite pour changer) le plan de visite d'aujourd'hui : la Sainte-Sophie était prévue, mais comme le Palais de Topkapi non loin est fermé le mardi, tous les gens se rabattent apparement sur cette brave Sophie, qui a les reins solides, c'est pas pour dire, elle encaisse depuis le temps, mais nous, on n'aime pas trop les gens.
    On décide donc d'aller faire un tour au Grand Bazar.

    Puis une idée qui tourne dans ma tête depuis le début de la journée, voire quelques jours, fonce telle une grosse buse en piquet vers quelques neurones encore debout à cette heure tardive et je réalise que nous navons pas de réservation pour la dernière nuit du séjour, après notre retour de Bursa.
    J'avais bien dit à Mérignac que la préparation du voyage avait été survolée, bâclée par moi-même!

    On se tourne directement sur Booking pour trouver une dernière chambre, plus sympa que celle-ci (qui finalement est acceptable, ce sont les canalisations qui sentent! Il suffit de fermer la porte de la salle de bain et tout va bien). Après quelques sueurs froides (le site Booking est bloqué aux Turcs, impossible de réserver depuis une connexion locale) et un petit tour de passe-passe (installation d'un VPN pour contourner l'interdiction - tiens d'ailleurs, information utile : le navigateur Opéra fait aussi VPN, ce qui est fort utile lorsqu'on en a besoin, tu avoueras), et la chambre est réservée.

    Soirée finie? Nan.
    Brossage de dents. Cela est censé prendre 2 minutes. Cela en durera 20. Nous avons oublié d'acheter de l'eau minérale, sur conseils de notre guide préféré et de mes tripes qui nous hurlent de ne surtout pas boire d'eau du robinet, même ici, aux portes de l'Europe, en Turquie.
    On finit par se brosser les dents à l'eau bouillie maison, une fois qu'elle est utilisable sans nous décoller la peau sur quatre couches.

    Allez on se couche. Il est... 2h!!! Purée de moine, comme dirait mamie Huguette, mais c'est pas Dieu possible. On se couche donc, un peu refroidi par la tournure de ces événements tardifs. La nuit sera courte.

    4h40

    "Allaaaaaaaaaaaaaah Waaakbar!"

    Hein?

    Ouh putain, mais c'est bien beau de s'émerveiller des minarets de la Mosquée Bleue, mais ils ne sont pas là pour la photo! C'est l'appel à la prière, comme on l'avait vécu en Inde. Je me donne d'ici notre départ de Constantinople (j'adore dire ça) pour me lever un matin et aller enregistrer l'ambiance de l'appel. Juste magique.
    Bon, là, à cette minute, je me sens beaucoup moins Majax que Bacri. il me fait chier, là, ce type, à gueuler pendant que tout le monde dort! On a l'impression qu'il chante juste derrière la fenêtre, c'est un malade.

    Mérignac ouvre un oeil, je vais en profiter pour lui ouvrir le second, il est 9h, on a du taf, aujourd'hui.
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  • Day 2

    J2 - journée et soirée

    April 19, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 6 °C

    Agréable surprise pour le petit déjeuner, sur le toit-terrasse (mais vitré. Une véranda, quoi.) Au menu, c'est du continental mais avec un choix de malade : sucré, salé, même moi qui ne mange habituellement pas le matin, je ne sais plus où donner de la cuillère. D'un côté, nous avons la vue des minarets de la Mosquée bleue, partiellement cachés par une rangée de maisons à étages, et de l'autre, la Mer de Marmara et l'estuaire de la Corne d'Or, qui sépare la vieille Istanbul de la moderne, côté européen.
    Mais le temps n'est pas de la partie. Nous aurons tout au long de la journée une alternance de pluie fine ou de crachin turc (le cousin du breton) assez pénible au final.


    SOPHIE

    Nous décidons de tenter notre chance à Sainte-Sophie, malgré notre décision la veille de ne pas y aller aujourd'hui.
    Nous prenons notre temps, nous flânons sur la magnifique esplanade séparant Sophie de la Mosquée bleue. L'entretien est au cordeau, pas une fleur n'est fânée, pas un brin d'herbe ne dépasse, et évidemment pas un papier par terre. Les touristes sont présents et beaucoup s'engouffrent dans l'entrée de la mosquée. Nous les suivons... et voyons de suite qu'effectivement, nous risquons attendre quand même un peu. Re-changement de plan, direction le Grand Bazar, sans oublier de passer devant la basilique-citerne.

    PLOUF

    Où plutôt "flop". Elle est fermée pour rénovation. Nous l'avons découvert quelques jours avant de partir en voyage et j'étais juste dégoûté : c'était LE lieu que l'on voulait absolument voir en vrai tellement il est unique.
    Ce "Palais Englouti" comme l'appellent les Turcs est une ancienne citerne dont le plafond est soutenu par une forêt de colonnes imposantes, le tout baignant dans l'eau et un éclairage un peu fantômatique. Bref, cela ne sera vraiment pas pour nous, pas cette fois. On avait l'espoir que l'information de la rénovation était un peu datée et la citerne serait ouverte de nouveau, mais non. Première déconvenue touristique.

    SULTANAHMET

    Nous poursuivons notre découverte de la vieille Istanbul et de ce quartier du Sultanhamet.
    A peine avons-nous quitté les grandes artères encombrées de voitures, camions, taxis, bus, trottinettes ou tramways klaxonnant à tout rompre pour espérer avancer de quelques mètres avant d'être obligés de re-klaxonner, nous pénétrons dans un autre monde: un incompréhensible lacis de ruelles pavées escarpées et biscornues, dans lesquelles s'insinuent tout autant de voitures, camions, taxis, bus, trottinettes ou tramways klaxonnant à tout rompre pour espérer avancer de quelques mètres avant de retomber sur ces grandes artères, soulagés de pouvoir s'en donner de nouveau à coeur joie sur leur klaxon.
    Les tramways sont à la queue leu leu, passent dans un enchevêtrement de ruelles improbables parfois. On se croirait en Inde. Ces ruelles débouchent sur d'autres ruelles encore ou bien sur d'imposantes mosquées de toute beauté, comme emprisonnées autour de ces minuscules voies tordues qui les contournent. Et en toile de fond, la ville moderne, de l'autre côté de la Corne d'Or, qui semble flotter entre ciel et mer, aujourd'hui de la même couleur. Une quantité invraisemblable de cargos poireautent dans la mer de Marmara au loin, attendant leur tour pour prendre le détroit du Bosphore et rejoindre la Mer Noire.

    PRIÈRE

    Nous passons par Nuruosmaniye Cami, la mosquée attenante au Grand Bazar. Elle est impressionnante avec ses superpositions de coupoles et demi-coupoles ainsi que ses 2 minarets aux triples balcons. Un exemple d'architecture ottomane, te dirais-je, lecteur curieux, si tu me le demandais.
    Nous y pénétrons, les chaussures à la main. C'est la prière. Depuis une dizaine de minutes, les muezzins de toute la ville sont à leurs micros et chantent, prient, appellent, psalmodient à tout va, à qui veut l'entendre. Car les gens dehors n'y prêtent apparemment qu'une attention extrêmement ténue... La mosquée n'est pas pleine non plus: outre l'imam qui fait l'office, juste 2 ou 3 pratiquants sont prosternés.

    Nous avons malheureusement interdiction de prendre des photos mais je dégaine mon portable et j'enregistre l'ambiance du lieu. Nous y passons une vingtaine de minutes, assis sur la moquette épaisse dans cette salle au plafond-coupole aussi haut que le ciel, éclairé d'ampoules électriques et décoré d'arabesques et dorures étincelantes. C'est un émerveillement pour les yeux.
    L'instant est paisible, on se laisse bercer par la voix de l'imam qui chante, parle, récite en arabe. C'est tantôt guttural, tantôt rond, fluide, envoûtant.


    LE GRAND BAZAR

    Mais revenons au Grand Bazar. C'est exactement l'impression que cela donne lorsqu'on s'y rend, et lorsqu'on y entre : des étals de toutes tailles, de toutes sortes, de toutes couleurs. Une ville dans la ville. L'un des plus célèbres du Proche-Orient et apparemment le plus grand marché couvert au monde.
    Les boutiques, parfois minuscules, comme compressées ente deux plus imposantes, sont organisées en rues et ruelles. Les murs sont souvent décrépis mais l'ambiance est surprenante. Beaucoup moins que la came, toute identique où qu'on regarde, avec des prix... à touristes. Il ne m'y prendront pas.
    (J'achèterai mon thé dans un autre bazar plus tard dans la journée. Aussi cher.)

    Je me fais un ou deux potes qui veulent que je les photographie et après échange de cartes pour leur envoyer les clichés, nous parvenons à nous extirper comme par magie de ce monde dans le monde... et ressortons par où nous sommes entrés, sans comprendre par quel miracle.

    KEBAP!

    Il est l'heure de déjeuner. On ne peut décemment pas le sauter, avec tous ces kébabs qui nous font de l'oeil. On s'arrête dans une gargotte/fast food, on salive quelques instants sur la carte et on commande deux "pide", sorte de kébabs, un au boeuf, l'autre au poulet.
    Pas à tomber mais pas mauvais quand même. Comme il n'y a pas de dessert, Mérignac émet l'hypothèse de prendre un autre plat à deux. Ce que nous faisons gaiement.

    LA MOSQUÉE BLEUE

    Il est 14h, l'heure des touristes à la Mosquée Bleue. Celle-ci leur est fermée pendant le culte.
    Grosse, énorme, monumentalisssime déception encore : toute en rénovation intérieure, on n'y voit que la coupole, dont les travaux sont achevés. Et vu la magnificence de ce plafond oeuvré, décoré, comme enluminé par la main du divin, on ne peut que pleurer de rage que le moindre centimètre carré de mur intérieur soit caché. Je me rapproche doucement du nervous breakdown.

    DU COUP, RE-BAZAR

    ... oui, mais pas le même. L'Egyptien, au nord de la vieille ville, en bordure de Corne d'or. Celui-ci est beaucoup plus petit, mais bien plus beau. C'était déjà un marché aux épices, établi par les marchants génois et vénitiens (17/18e siècle).

    Ici, les épices rivalisent de couleurs avec les fameux "turkish delights", ces confiseries que nous achèterons dans quelques instants (mais nous ne le savons pas encore), les fruits séchés et les thés médicinaux ou fruités.
    On a envie de tout goûter et ce ne sont pas les vendeurs qui nous en empêchent. Tiens, là, ces petites mignoneries brillantes avec des pistaches dessus, elles seraient pas pour nous avec leurs cousines au chocolat qui font leurs pimbêches à côté, toutes collées les unes aux autres?J'te jure, y'a plus de tenue, lecteur offusqué.

    6 d'entre elles finissent sur un mini-plateau en polystyrène dans les mains de Mérignac qui ne m'écoute déjà plus depuis quelques minutes alors que je lui demande d'attraper l'argent dans mon sac à dos. Il a les yeux qui coulent sur les pauvres confiseries.
    "Je te jure, j'en ai l'eau à la bouche!" sera son épitaphe, j'en fais le serment (avec "c'est bon, on a le temps!").
    Je m'arrête à la première-et-demi : ces baklavas sont à tomber. Quelles saveurs!
    Mais soudain, la bouche pleine, le doute m'étreint : est-ce l'hyperglycémie ou la crise de cholestérol qui va s'abattre sur moi en premier dans peu de temps?
    C'est très bon, mais très lourd. Très gras et très, très sucré. Je ne vais pas pouvoir manger ma part, je serai malade, c'est sûr.

    Heureusement, nous ne sommes pas complémentaires pour rien. Elles ont toutes péri. Silencieusement, inévitablement.

    Je finis par craquer à mon tour, me décide de me faire prendre pour un pigeon en achetant du thé à la mangue et à la pomme, que j'ai goûté sous les yeux du vendeur. Il m'en a quand même fait déguster 4 différents dont un mélange menthe/gingembre/orange/citron "contre le covid" dont les vapeurs m'ont instantanément tiré quelques larmes. Je l'ai reposé avec un sourire poli...

    RETOUR

    Une dernière mosquée pour faire bonne mesure, mais même si l'imam a une voix envoûtante, c'est loin d'être le cas pour le bâtiment. Nous ressortons un moment après et apercevons le long du mur des hommes qui font leurs ablutions à l'enfilade de robinets qui sortent du ventre de l'édifice. On s'y lave le visage, les bras, les pieds. Curieux.

    Nous rej-

    19h54 - interruption de frappe de rapport par un nouvel appel à la prière. Je jurerais qu'il est encore derrière la fenêtre si l'écho des autres voix des muezzins de la ville ne venait pas ricocher sur les murs alentours, atténué. Une rumeur tournoyante s'étendant au-dessus de toute la ville, instantanément.

    Fiou, je ne sais pas pourquoi mais ça me met toujours dans un état étrange, cet appel.

    Nous rejoignons donc notre chambre en faisant un détour par l'enceinte du Palais de Topkapi que nous visiterons demain.
    A moins qu'il soit en rénovation. Mais si c'est le cas, il y aura au moins un Turc mort demain avant le coucher du soleil.

    SOIRÉE

    Encore du grand art ce soir : Mérignac et Galgon ne veulent pas dîner dans le quartier ultra-touristique donc ils prennent des adresses dans les guides.
    1e resto : à 600 mètres. On décolle. Nouvel enchevêtrement de ruelles et au bout de 10 minutes (tu parles, 600m), nous le trouvons : "Sorry, we're closed".
    Galgon capote? Pas de souci, Mérignac à la rescousse. 2e adresse. Tiens, c'est cocasse, il est aussi à 600m d'ici. Soit. Enquillons-nous les ruelles! C'est joli comme tout en plus, elles sont souvent décorées de lampions, elles brillent de mille feux.
    Le 2e resto n'accepte pas les cartes de crédit. Soit. Un distributeur. On cherche, un peu, puis on abandonne vite. Tant pis, on a une 3e option, à 600m d'ici. Dis-donc, c'est pas le GPS qui serait en train de nous endormir, par hasard?

    Après une dizaine de minutes, nous arrivons à bon port et là nous avons droit à un repas bien mérité, Mérignac avec de l'agneau grillé (kebab, donc) et moi avec un mélange de viandes grillées. Je me sens pousser des ailes, je mange même les oignons et le persil qui sont les accompagnements (pas seulement la déco de plat). Je découvre en payant l'addition que le persil baigne dans une eau propre, soit, mais dans une eau nonobstant, et l'eau et censée être notre pire ennemi. Croisons-les doigts que tout se passe bien cette nuit.

    Petite marche digestive pour le retour, au début de laquelle Olive, confiant, m'arrête d'un geste autoritaire de la main lorsqu'il me voit prendre mon portable pour utiliser le GPS.
    "Ne dis rien, je vais retrouver le chemin."

    Quand je te dis, lecteur, qu'il était fatigué... Mais finalement, nous retombons sur un itinéraire déjà pris dans la journée et le retour s'exécute sans problème.

    ENCORE 10 LIGNES

    Nous repassons par la rue touristique de notre quartier, où les mêmes rabatteurs, nos potes désormais, nous courent toujours derrière en nous apostrophant dans 4 langues différentes pour découvrir notre nationalité. Le dernier nous prend pour des Espagnols, puis des Allemands avant d'abandonner, dépité, et nous demander si nous sommes chinois, ce qui nous arrache un éclat de rire.
    "Tsss encore 10 lignes," me plains-je. Les 10 lignes de plus que chaque nouvelle connerie ou mésaventure me force à écrire dès que nous rentrons à la chambre.

    Cela fait 3 fois que nous passons devant ce pub irlandais, le Rounder's. Evidemment, il fait le coin de la rue avec celle où nous logeons. Hier, déjà, je me posais la question de savoir s'ils avaient poussé la chose jusqu'à proposer des Irish coffees. Eh bien, ce soir, j'ai la réponse : oui. Irish, Turkish et aussi Bailey's coffee. Ce détail aura toute son importance dans quelques minutes.
    Le rabatteur sort de sa terrasse plastifiée pour me demander faussement en colère combien de fois je vais m'arrêter devant sa carte avant de venir consommer (manifestement 3 fois depuis hier).

    Olive n'est pas super chaud, ils ne font pas de déca ici, (ce qui me refroidit aussi, les nuits blanches sont longues dans n'importe quel pays et je serais capable de retrouver le sommeil juste au moment de l'appel à la prière, ce qui m'énerverait bien copieusement) c'est pas dans les moeurs, c'est des Turcs, pas des chochottes de Français, et on s'est déjà assez gavé au resto pour ne pas prendre de dessert. (Oui, lecteur incrédule, tu as bien lu : point de dessert. C'est ça, la volonté. *sortie de champ*)
    Bref, nous passons notre chemin. Mais Galgon a de la suite dans les idées. Nous arrivons, sortons les manteaux, les chaussures, on se pose un peu sur le lit.
    "Ca va me manquer, cet Irish coffee. Avec tout ce qu'on a mangé, il va pas nous empêcher de dormir...
    - oui, m-
    - et puis on n'a pas pris de dessert...
    - tu disais que tu ne pouvais plus manger!
    - oui, mais pas boire! Le café c'est de l'eau...
    - ...
    - tu veux pas un petit Bailey's? c'est les vacances...
    - !!!"
    Puis il a remis ses chaussures et son blouson en me regardant pour savoir si je le testais ou pas (comme si..!). Et quand il me voit faire de même : "Ah mais on y va vraiment?"
    Tu parles, j'étais déjà à la porte de la chambre, la clé à la main.

    Ils n'étaient pas mauvais.
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  • Day 3

    J3 - Bonjour

    April 20, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 9 °C

    Aaah, se réveiller à Istanbul... 😇

  • Day 3

    J3 - Sophie et le Top

    April 20, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 10 °C

    Alors là, les amis, quelle journée!

    Les nuages se sont gentiment dissipés hier soir lorsque nous rentrions du restaurant, et ce matin, le ciel est d'un bleu limpide... et ça change absolument tout!

    Le moral remonte, les déconvenues touristiques de la veille ne sont plus que de nouveaux prétextes pour re-visiter la ville une prochaine fois, nous prenons un petit déjeuner plus light que hier (enfin, dans mon cas) et nous voilà partis pour une grande journée de visites.

    CLIC-CLAC

    D'abord, on rattrape les clichés perdus de la veille : on n'a (presque) rien photographié en extérieur, aucun bâtiment, la lumière étant ultra moche, avec ce temps pluvieux. Donc aujourd'hui, à peine arrivés entre Sophie et la Mosquée Bleue, nous nous plaçons en position d'attaque : deux équipes, une heure de rendez-vous que personne ne respectera (seul le moins en retard aura le privilège de pourrir l'autre) et nous voilà partis en mode photo-sniper.

    Oui, lecteur imperturbable, je sais, tu n'es probablement pas un technicien de la photo, un malade du cliché ou un timbré du pola, mais nous, c'est notre came!

    Nous passons trois quarts d'heure à shooter tout ce qui bouge ou pas : les bâtiments évidemment, mais aussi les chiens errants (qui sont gros, plutôt du type labrador que bâtard maigrelet, et nombreux, au moins autant que les chats, mais ici tous taggés par les services municipaux, et très dociles) les chiens, donc, qui se prélassent sur les bancs de la place, au soleil, à se faire caresser par les touristes.

    Le soleil a un pouvoir de transformation phénoménal. La lumière matinale vient doucement caresser les dômes des mosquées, réchauffer les murs et les colorer de mille teintes d'ocre, tandis qu'elle illumine les coupoles de plombs et sature les couleurs. Nous nous abîmons dans une orgie photographique, cela fait deux ans que nous n'avons pas pu nous livrer à notre activité favorite en terre étrangère. Que du bonheur.

    SAINTE-SOPHIE

    Nous nous retrouvons à notre point de rendez-vous et c'est la Fête à la Mauvaise Foi, chacun arguant de sa présence à l'heure et au bon endroit, même si personne ne s'est vu (et pour cause). Puis après reconnaissance commune de notre lamentable situation, nous nous réconcilions instantanément et prenons la direction de la Sainte-Sophie (bon, en fait, la reconnaissance commune nous prend les 3 minutes de trajet nécessaire pour rejoindre Sophie, du coup, nous y sommes déjà.)

    Allez, 3 lignes sur cette mosquée-qui n'en-était-pas-une-au-début, c'est une histoire incroyable.

    Elle naît basilique, construite en moins de 6 années et inaugurée en 537 dans le but de dépasser en splendeur le temple de Salomon à Jérusalem (apparemment, pari réussi). Plus de 10 000 ouvriers furent employés en partie pour élever la coupole gigantesque de 32 mètres de diamètre à une hauteur de 56 mètres... qui s'effondra deux ans après, provoquant une nouvelle étude de la structure et l'ajout de renforts latéraux massifs.

    Pour Sophie, rien de trop beau.Les matériaux les plus nobles et chers furent utilisés: marbre, granit rouge, or, argent, ivoire... on prétendit que l'empereur Justinien avait reçu d'un ange le plan de l'édifice et l'argent nécessaire à sa construction... et nous qui avons honte de nos justifications bancales!

    Pourtant, elle n'a jamais été dédiée à une sainte Sophie. Car son vrai nom turc, c'est l'Ayasofya, ou Sainte Sagesse. Le traducteur devait avoir une ou deux amphores de pinard dans le nez au moment de faire son boulot.

    Quelques heures seulement après la chute de Constantinople en 1453, (le Pape se fait renvoyer dans les cordes par les Ottomans), le Sultan Mehmet II transforme la basilique en mosquée, par une simple prière.
    Nouvelles dépenses de ouf pour re-décorer, transformer, améliorer, convertir... Sophie reste musulmane jusqu'en 1934, lorsque le président Ataturk qui veut moderniser, occidentaliser et laïciser la Turquie la transforme en musée...
    ... jusqu'en 2020 où Erdogan la re-convertit en mosquée, suite à un petit déficit de popularité au sein des siens.
    Voilà. Dingue, non?

    UNE GIFLE

    Celle-là, je veux bien l'avoir tous les jours du reste de ma vie! C'est une véritable gifle qu'on se prend en pénétrant dans la mosquée. Déjà, la taille est titanesque. C'est bien beau, une "coupole de 32m de diamètre à 56m de haut" mais quand tu es dessous, lecteur incrédule, je peux te dire que ça calme; Ca détend automatiquement les muscles des mâchoires, de sorte que chaque touriste faisant un pas sur l'épaisse moquette verte de l'édifice entre la bouche bée, le souffe court, l'oeil hagard l'air hautement cultivé.

    Je suis juste sans voix. Les lustres circulaires pendent de la coupole à des chaînes d'une cinquantaine de mètres, ils sont tous allumés et semblent flotter à 2 mètres au-dessus du sol. C'est féérique.

    Les touristes déambulent selon des parcours déterminés à l'entrée de la nef, mais tout mouvement est libre juste après qu'on a vérifié que personne n'avait gardé ses chaussures.

    La re-conversion en mosquée de 2020 ne semble pas du meilleur augure culturel en tout cas : notre Routard nous a prévenus que toute ancienne oeuvre représentant un symbole chrétien, et a fortiori des visages, était voilée, cachée, voire recouverte de motifs peints. Effectivement, nous voyons bien une vierge et son Jésus à moitié dissimulés derrière un voile blanc tendu à une dizaine de mètres au-dessus de l'imam qui est en train de prêcher. Les visages d'ange en mosaïques sur chacun des 4 piliers sont recouverts de nouvelles mosaïques abstraites, seul un reste visible. Mais on sent qu'il y a quand même une certaine "tolérance culturelle": le Jésus à l'entrée, dans le vestibule, nous accueille, à la vue de tous, le drap destiné à l'occulter totalement relâché à ses pieds.

    Nous y restons quasiment une heure, à photographier, regarder, lire le guide, écouter... A elle-seule, Sainte-Sophie vaut largement le déplacement à Istanbul. Je suis ravi et gonflé à bloc.

    TOPKAPEU

    Après un déjeuner insipide de boulettes de viande qu'Olivier voulait déjà goûter hier soir, nous enchaînons avec le Palais de Topkapi.

    Enfin, Topkapeu, devrais-je dire, car il s'écrit avec un "i" sans point, vois-tu, lecteur linguiste, et il y a deux "i" en turc, un avec un point, qui se prononce comme le nôtre, et un sans, qui se prononce entre le "i" et le "eu"; ce son, je pense le reconnaître de mes lointaines études de russe où ils ont le même. Il est pénible ce son. Il casse tout, il rend tout ridicule. Tiens, par exemple, le weekend prochain, nous allons visiter un charmant petit village nommé Cumalıkızık. Eh bien, visiter "Djoumalikizik" (ah oui, aussi: le "c" se prononce "dj" en turc!), ça donne envie, ça évoque plein de choses, alors que passer le weekend à Djoumaleukeuzeuk, excuse-moi, lecteur, mais autant se finir à la Suze dans un bar à Heume-l'Eglise.

    Bref, donc, Topkapeu. On ne va pas les contrarier, on n'est pas chez nous, quand même. Pour faire court, c'est le palais impérial des lignées de sultans entre le 14e et 19e siècles.
    C'est plutôt une ville-palais qu'un palais au sens que l'on s'imagine. Plusieurs pavillons de taille variable sont agencés autour de larges jardins calmes et reposants plantés - en ce mois d'avril - de massifs de tulipes rouges et jaunes où les chats errants font leur vie, se battent en feulant, font des crottes qu'ils enterrent juste après au pied des arbres ou se laissent caresser par les touristes, les quatre actions citées interventant dans un ordre aléatoire et pas des plus avenant parfois.

    La visite nous (me) parait longue, mais longue... les bâtiments sont magnifiques, oui, mais vides, voire vidés de tout. Tout me semble très épuré, aseptisé, peut-être pour rappeler les origines nomades de cette culture? Quoi qu'il en soit, oui, c'est quand même à découvrir, mais de toute façon, derrière Sophie... rien ne survit!

    HAREM

    Bon, si, le harem est incroyable : une ville dans la ville. Des hamams pour les eunuques, pour la mère du sultan, pour les courtisanes, chacun a son jardinet, sa salon, sa cour, les mini-pièces sont enchevêtrées dans un labyrinthe ahurissant.

    Nous ressortons à genoux, ou presque. On n'en peut plus de piétiner, revenir sur nos pas, c'est plus fatigant que de marcher autant qu'on l'a fait la veille.

    SOIRÉE

    Nous trouvons un resto indien, le Dubb, qui nous fait de l'oeil depuis le guide : ils ont apparemment un toit-terrasse avec vue sur la Sainte-Sophie et derrière, la mer. Essayons!

    Nous pénétrons dans l'établissement une demi-heure plus tard.
    "Vous avez une réservation?
    - Non.
    (Cela me paraît mal parti pour le toit-terrasse.)
    - Vous voulez être dehors ou dedans?
    - On peut aller en haut?
    - Oui, pas de problème."

    Cool! Le temps de monter ces QUATRE étages à pied dans un escalier aussi étroit que dans un château-fort, soufflant comme des boeufs après le labour et nous voilà dans une charmante petite salle avec des fenêtres pour murs et une vue imprenable sur la mosquée qui commence à s'illuminer pour la nuit. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, le serveur nous demande si nous désirons manger indien ou turc!
    Nous sommes les rois de l'indécision, c'est un euphémisme. Aussi, nous finissons quelques instants plus tard avec 2 cartes de menus chacun et nous lançons dans la découverte de nouveaux mets, alors que d'autres clients arrivent au bout de leur vie en haut des escaliers, soufflant comme des boeufs après le labour.
    (Pour info, pas de passe-plat : les serveurs prennent le même chemin pour servir et débarrasser!)

    Nous rentrons après quelques nouvelles photos mais de nuit cette fois. Tiens, c'est nouveau aussi, on nous annonce devant un restaurant que c'est "Chicha time. you want? You want?"
    Hier on était des Chinois, ce soir on fume. Tout change. Que serons-nous demain?
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  • Day 4

    J4 - Jeudi 21 avril

    April 21, 2022 in Turkey ⋅ 🌙 11 °C

    La journée commence très, très tôt ce matin. 5h18. Quelqu'un frappe à la porte. Je remonte de mes lointaines vapeurs de rêve, le chemin est long, sinueux, je veux y rester.
    On frappe de nouveau, quelques coups, francs. C'est le gardien de nuit, le concierge, le type qui reste au bureau pour accueillir les éventuels retardataires ou voyageurs nocturnes, ou encore répondre aux demandes les plus insolites des clients, comme moi, hier: un rouleau de PQ et un café. On vit une époque...

    On en est à trois depuis lundi, toujours une nouvelle tête à saluer le soir quand on rentre, en général un jeune d'une vingtaine d'années, affalé sur son siège en train de jouer à un jeu sur son téléphone, parlant à peine anglais. Bref, celui-ci était sympa, dans le sens où on a eu une conversation la veille assez érudite, à savoir : pourrais-je avoir un rouleau de papier toilette et une café s'il vous plaît?" A quoi il a répondu, voilà pour le rouleau, et pour le café, c'est dans la cuisine, sur le toit.

    Je m'égare. A 5h18, j'ai aussi cette tendance. J'ai encore du mal à aligner mes planètes, mes chakras, mes énergies, tout ce que tu veux, lecteur, le compte n'y est pas.

    Je finis par tenir debout sans m'écrouler à moitié par terre, à moitié sur le lit, la bouche entrouverte et la salive me coulant dans l'oeil (comme j'ai la tête renversée). Non, je suis debout, il est 5h18, à Istanbul et on vient de frapper à la porte de la chambre. Deux fois.
    Cela doit être important. Une urgence? Le doute m'habite.
    J'ouvre la porte.

    EMINÖNÜ

    Je m'extirpe violemment du lit vers 9h, les yeux dans les valises. On était censés se lever tôt pour traverser la Corne d'Or, l'estuaire qui sépare la vieille ville au sud de la nouvelle au nord, toujours côté européen. Là-bas, il y a les quartiers de Karaköy, Beyoğlu et Cihandir et notre première visite de la journée: la Tour de Galata, que nous avons instantanément renommée Tour de Gataca et maintenant, tu peux t'asseoir pour dire le vrai nom de nouveau.

    Mais en voyant le jour se lever et la météo qui retourne au couvert, confirmée par nos applications de téléphone, nous décidons de reporter à vendredi cette journée car il nous faut absolument du soleil pour Gatac- GaLAta. Galata. C'est une tour dont je reparlerai qui donne sur notre vieille Istanbul depuis la moderne et du coup, en y montant, on a une vue panoramique sur toutes les mosquées et la vieille ville. Tu comprendras donc, cher lecteur, qu'il nous faut absolument du soleil, et en particulier du soleil levant, de l'est évidemment, pour éclairer Byzance de tous ses feux.
    Question de lumière.

    Pour la photo.

    Mais si, tu sais? la photo...! Ah ça y est. Je croyais t'avoir perdu.

    Nous optons donc pour une permutation avec vendredi et ça tombe bien, on n'avait rien de définitivement prévu. Nous irons dans le quartier d'Eminönü, celui du Bazar Egyptien, ou Marché aux Epices. Nous avons encore quelques mosquées à explorer ainsi qu'une éventuelle croisière sur le Bosphore à commettre, si l'envie nous gratouille.

    RÜSTEM PAŞA

    Nous voilà partis de nouveau à travers cet invraisemblable enchevêtrement de ruelles et de routes, moi armé de mon GPS, Mérignac de sa confiance (il est particulièrement inutile question orientation pour ce voyage, alors qu'en général, si tu me connais un peu en vrai et que tu es du sud-ouest, tu ddécouvriras peut-être, ébaubi, que je suis capable d'arriver à Arcachon lorsqu'on m'attend au Cap Ferret).
    Nous nous débrouillons comme des Stambouliotes. Si je n'obtiens pas ma licence de "taksi" dans le Vieux Stamboul d'ici mercredi prochain, c'est à n'y rien comprendre.

    La première mosquée de la matinée, Rüstem Paşa (le "s" cédille se dit "ch" en turc) est tellement imbriquée dans le lacis d'impasses, de ruelles et de caravansérails que nous tournons autour un moment, sachant pertinemment que c'est la bonne mais sans trouver l'entrée.

    Ah oui : un caravansérail. On a tous entendu ce mot un jour, et c'est très vocateur des chameaux, pour ma part. Et pour cause: jusqu'au 7e siècle, seuls les Chinois possédaient le secret de la fabrication de la soie. Et donc son importation se faisait le lond de la fameuse route de la soie, depuis la Chine en traversant l'Himalaya, la Perse (= le moyen-Orient) et la Turquie. Les cargaisons, extrêmement précieuses,
    voyageaient à dos de chameau, aussi, tous les 30/35km (une journée de marche à dos de camélidé), de mini-villes fortifiées s'élevaient pour protéger les caravanes pendant la nuit. Elles se composaient d'écuries, de hamams, de boutiques, d'entrepots ou encore de mosquées et les commerçants pouvaient y passer la nuit sans crainte de se faire piller leur trésor.

    L'intérieur de la mosquée est encore et toujours somptueux. Elle a été construite par le gendre de Soliman le Magnifique, à la tête de l'empire pendant une quarantaine d'années au 16e siècle, et qui était aussi son Grand Vizir.
    De taille beaucoup plus modeste que Sainte-Sophie ou même celle de Soliman, que nous allons visiter après, elle n'en reste pas moins un des plus belles.

    SOLIMAN LE MAGNIFIQUE

    Nous nous dirigeons maintenant vers la 2e mosquée d'Istanbul en termes de prestige et de magnificence, c'est le cas de le dire, après l'Ayasofya (Sainte-Sophie). Ici, c'est carrément un complexe entier qui a été bâti avec un hôpital, une bibliothèquee, des écoles, un hamam...
    Nous restons à l'intérieur pendant la prière, une nouvelle fois. Les fidèles sont beaucoup plus nombreux, les hommes regroupés autour de l'imam devant son mihrab, la niche dans le mur qui indique la direction de la Mecque et donc l'orientation de la prière, alors que les femmes sont regroupées contre le mur arrière de la mosquée, cachées par des panneaux de bois en moucharabiehs.

    APRÈS-MIDI

    Après de nouvelles divagations volontaires dans les ruelles animées où nous croisons un nombre hallucinant d'hommes de tout âge poussant des diables (souvent vides) de toute taille, nous comprenons soudain leur but dans la vie en observant un échange: ils parcourent en fait les rues à la recherche de "clients" potentiels comme des personnes chargées de gros colis imposants et lourds qui pourraient se faire facilement transporter sur un diable! Pendant note repas, nous voyons par deux fois un petit jeune pousser un chariot sur lequel se balancent dangereusement deux longs placards/armoires. Les rues étant très souvent bondées (le mot doit être ici considéré dans sa pleine mesure), étroites et pentues, on ne peux que les admirer!

    A table, nous nous laissons encore endormir par le serveur, qui, mine de rien, nous re-propose la quasi-intégralité de la carte et finit par nous faire prendre une portion de frites supplémentaire. Alors que Mérignac avait juré devant Allah qu'il ne mangerait qu'une salade aujourd'hui. Il avait juste oublié de mentionner la demi-pide ("pidé") que nous prenons en plus car on n'est pas sûr qu'une salade soit suffisante. Une pide, c'est une sorte de pizza turque très fine et formée comme une grosse barquette de Lu. Nous n'avions pas prévu que les salades seraient juste énormes.

    Depuis le début du séjour, nous qui ne mangeons quasiment jamais de pain, nous avons refait les stocks, sous toutes leurs formes : pita, galette, pain brioché, pain blanc, naan, beurré, huilé, grillé... et c'est que du bonheur dans 9 cas sur 10!
    Pour ma part, je ne jure plus de rien devant personne. C'est les vacances et quelle que que soit la force de ma volonté, elle finira de toute façon par s'évanouir dans ma nature (bon, dans le domaine du raisonnable quand même, hein?).

    Pour faire court, après un café turc, nous refaisons un tour de Bazar Egyptien puis nous dirigeons vers l'embarcadère d'Eminonu pour acheter une croisière sur le Bosphore, histoire de dire qu'on y était.

    1h45 de bateau et un tour jusque sous le deuxième pont qui relie l'Europe à l'Asie. C'est cocasse. On découvre une nouvelle facette d'Istanbul, que ce soit du côté européen comme asiatique. Les maisons sont par endroits très luxueuses, en hauteur et sur des terrains boisés. Les collines environnantes sont toutes plantées à intervalles réguliers de gigantesques drapeaux turcs dont le rouge tranche sur le vert de la végétation et qui claquent au vent. Le retour n'est pas très fun, le vent est glacial.

    Nous terminons les visites de la journée par un ultime retour au Bazar Egyptien faire des amplettes pour les familles.

    SOIRÉE

    Rien de bien notable, nous repartons dans la rue du Dubb de hier, l'indien en terrasse. Le serveur me reconnaît et me demande si on revient pour lui. Ben... non! Et du coup, on s'arrête manger juste en face (mais c'est juste une coïncidence).

    Une étrangeté parmi tant d'autres que je n'ai jamais le temps de raconter ici: tous les soirs, une camionnette food-truck vient se garer sur l'étendue entre sainte-Sophie et la Mosquée Bleue, notre QG, pour distribuer une soupe gratuite et un quignon de pain à une foule de passants toujours plus nombreux. On a au début pensé à une sorte d'Armée du Salut, mais les poireuteurs n'ont rien d'indigents ou de personnes en difficultés financières. Il y a même des étrangers, des touristes! Et tout ce petit monde s'installe sur la place et boit sa soupe en gobelet dans la satisfaction la plus intérieure...

    Bon, je sens bien que tu reste sur un non-dit, lecteur frustré. Il te manque quelque chose, je t'ai dérobé une partie de l'histoire que tu as pris le temps et la patience de lire malgré d'évidentes lacunes rédactionnelles.

    Que vois-je à 5h18 ce matin lorsque j'ouvre la porte, après que le concierge m'a tiré du plus profond des sommeils en frappant de manière si décidée?
    Eh bien, je te le raconterai une prochaine fois, car nous n'avons nous-mêmes pas le moindre début d'amorce d'explication quant à sa décision de nous réveiller.
    Nous voulons tirer les choses au clair en espérant le revoir demain (pas vu ce soir) pour lui parler et comprendre, car la situation avait un haut potentiel de vriage, quelque soit la direction prise! Quoi qu'il en soit, pas d'inquiétude, aucun animal (pas même un chat errant du quartier) n'a été blessé pendant le tournage, comme i'disent à Oliwoud.
    Je te souhaite une douce nuit.
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  • Day 5

    J5 - De l'autre côté de la Corne d'Or

    April 22, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 15 °C

    Réveil à 8h au lieu de 7h30, parce que pourquoi pas... on n'est pas à une demi-heure près, surtout que le temps nous joue encore un tour minable: ciel couvert et atmosphère voilée alors qu'on devait avoir grand beau temps. Nos photos ne seront de toute façon pas ouf, donc autant faire du rab de sommeil.

    TRAMWAY

    La première blague de la journée: acheter un ticket de tramway. Ça te paraît simple, hein, lecteur moqueur, mais je te défie d'utiliser une borne automatique... en turc.
    Mais d'abord, il nous faut du cash, bébé, parce que les machines ne prennent pas les cartes apparemment. Soit. Il y a une chariotte de distributeurs mobiles en bordure de l'immense place entre nos deux mosquées. D'expérience, je sais qu'il faut trouver quelle banque locale est en partenariat avec la nôtre pour voir nos commissions de change et de retrait s'évaporer. On s'est pris un 6,5% le premier soir. C'est pas énorme, mais c'est le principe!

    Ce n'est qu'au bout du 3e distributeur (le premier était élevé, le 2e, plus de cash...) que nous trouvons le 0% de com. On retire et nous voilà partis à l'arrêt de tram.
    Non.
    D'abord, il nous faut l'appoint. Le Routard nous a prévenus que les machines ne rendaient pas la monnaie. Le ticket unique est à 15 livres, nous n'avons que des billets de 50. Et de toute façon, nous découvrirons que les machines n'acceptent pas de billets plus haut que 20!

    On fait le tour des commerçants pour casser un billet. Evidemment, c'est la croix et la banière, ils veulent garder leur menue monnaie. Encore une épreuve Pékin Express... je me sens investi de cette mission, et d'un coup, elle se retrouve chronométrée comme par magie! Je commence à accélérer le pas, prends le billet de 50 des mains de Mérignac et me jette sur le premier vendeur qui me gifle sèchement pour me calmer sur l'instant.

    Bon, il ne m'a as vraiment giflé, tu l'auras compris, mais son refus me ramène sur terre.
    Je redonne le billet à Olive, tout penaud, et le laisse finir sa transaction plus tard. Nous finissons par trouver un rabatteur sympa qui nous fait un 2x20 + 10. Le top serait d'avoir des 5 pour faire l'appoint maintenant.
    La mission se poursuit avec un dernier commerçant qui nous échange un 10 contre deux billets de 5.

    Nous voilà enfin devant la machine.
    Nous restons interdits devant l'écran, essayant de comprendre a) comment cela fonctionne, b) pourquoi ce n'est pas traduit, au moins en anglais, et c) pourquoi on n'irait pas à pied, finalement?
    Au bout d'un moment, on découvre le petit drapeau tricolore qui nous ouvre la Voie de la Compréhension. Olivier sur une machine, moi sur une autre, on achète nos tickets. Enfin, Mérignac achète le sien. Moi, mon billet de 5 ne passe pas, quelle que soit la position dans laquelle je l'insère...

    Nous terminerons la mission en agressant un vendeur ambulant de simits, ces petits pains en forme de couronne et parsemés de graines de sésame si savoureux que les gens en mangent à toute heure, mais plus souvent le matin car ils sont frais. Le type ne comprend rien, nous lui braquons sa caisse pour échanger mon billet pourri de 5 livres turques contre 5 pièces clinquantes et nous achetons le dernier ticket à coups de pièces insérées avec délicatesse car en plus d'être revêche, la machine est espiègle et n'en accepte qu'une sur deux lorsqu'on les lui envoie un peu trop violemment.

    Nous descendons au mauvais arrêt, ce qui a pour effet de faire un peu monter la tension car sur le schéma du tram (fort mal expliqué au demeurant) Mérignac a pris la ligne de métro pour la ligne de tram, quand Galgon savait de quoi il parlait (pour une fois!).
    Nous arrivons enfin en face du pont qui enjambe la Corne d'Or.

    GALATA

    Nous traversons cet estuaire en observant la myriade de pêcheurs au coude à coude sur la rembarde, lignes en tension, bac à eau derrière eux pour y jeter les petits poissons qu'ils attrapent et qui finissent, au bout d'un moment, par flotter à la surface, le ventre en l'air. On ne sait pas s'ils les mangeront, et cela restera un mystère sanitaire.

    On rencontre un photographe turc sympa avec qui on tape la causette un moment lorsqu'il voit nos appareils. On parle boutique, puis échange de cartes, d'instagrams, je le filme, il nous filme et ce soir je reçois un message qu'on se retrouve dans une story qu'il a postée sur son compte. Rencontre sympa.

    Puis nous sommes dans le quartier de Kadiköy. Ce n'est plus Istanbul la Vieille, mais la moderne. Enfin, elle n'a de moderne que parce qu'elle s'est développée sur l'autre rive, bien après son aînée. Sinon, c'est plutôt vieillot, sale, mal aménagé. Foutrac. C'est ça,
    la municipalité stambouliote semble foutraque. Cela ressemble par certains aspects à l'Inde, mais sans la saleté et les animaux. Cela reste néanmoins très bordélique par endroits.

    La Tour Galata se trouve sur une colline, donc ce ne sont que des rues très pentues que nous arpentons, et nos sacs semblent peser une tonne, alors que quelqu'un a manifestement monté la température du chauffage, où que nous allions.

    La Tour est ceinte de ces mêmes petites ruelles biscornues qui font le charme de la ville. Elle se dresse de mémoire à près de 70m de haut, toute ronde avec un toit pointu, elle est très moyen-âgeuse, et pour cause, elle date du 8e siècle et on apprend incidemment que le père de jean-Jacques Rousseau, notre philosophe, a vécu ici en tant qu'horloger du palais. Ca, c'est une info de machine à café où je ne m'y connais pas!

    Elle est très bien aménagée, avec des expositions et même un simulateur de vol à chacun de ses 7 étages. Le simulateur, c'est parce qu'un type s'est élancé de son sommet au 16e siècle et a réussi à voler avec des ailes faites maison (à la De Vinci) et se poser dans un champ voisin, devenant instantanément un star locale auprès de ses congénères, tu m'étonnes!

    La vue est magnifique depuis le sommet, nous y restons un certain temps à nous imprégner des sons de la ville qui montent jusqu'à nous: ce groupe d'écoliers déguisés qui défilent et chantent en choeur dans cette rue, en-dessous, en agitant leurs drapeaux turcs, où ces gens qui se font servir à la terrasse de ce café, alors que les taxis jaunes stambouliotes se faufilent à la queue leu leu dans ce labyrinthe de ruelles. Vraiment syma.

    DÉJEUNER

    L'heure hypra-importante, parce qu'on n'a pas déjeuné, ce matin. Bon, moi, je suis habitué mais Olive moins. Et finalement, cela fait du bien, après tout ce qu'on s'ingurgite depuis lundi.
    On trouve notre recommandation du jour au détour d'une rue tordue : un café/brasserie un peu branchouille où on s'asseoit... à côté d'un autre couple de Frenchies qui ont le Routard également. Mais comment te dire, lecteur interloqué, comment j'en ai marre parfois, d'être un mouton...

    La recommandation valait le coup, on découvre un nouveau dessert à tomber de saveurs et de légèreté (le même commandé ce soir ailleurs sera moins léger, de moindre qualité): le katmer. En gros, une pâte de pistache (ils mettent de la pistache absolument partout ici) dans une sac de pâte filo ou de feuille de brick pliée à la manière d'un vague samoussa. Le tout frit, évidemment. Une tuerie intergalactique, lecteur.

    ÇA CHAUFFE

    Nous passons par le quartier de Beyoğlu mais nous le trouvons sans grand intérêt. Peut-être n'avons-nous pas vu les bons spots, mais l'heure tourne et nos pieds et dos chauffent.

    Mérignac se traîne aujourd'hui, fatigue accumulée depuis ces derniers jours, et moi aussi, je me sens arriver au bout de ma vie, que je porte justement sur mon dos, comme chaque jour. Mon sac photo pèse 10kg. Et c'est la version voyage.
    Je n'arrive pas à me résoudre à modifier mon équipement, ni à renoncer à quoi que ce soit. J'ai plein d'artifices quand même qui me permettent d'alléger la charge sur les épaules, mais je finis toujours par porter le même poids, réparti ou non. Et aujourd'hui, je le sens particulièrement bien.

    Re-traversée du pont de Kadiköy pour revenir sur Eminönü, le quartier du bazar égyptien, que nous traversons également pour rejoindre l'autre bazar, le Grand, cette fois, car nous avons des achats de dernière minute.

    En chemin, nous tombons nez à nez (ou presque) avec un derviche tourneur, ces religieux-danseurs traditionnels musulmans avec leur grande robe blanche qui se mettent en transe en tournant sur eux-mêmes sur de très longues périodes (10 à 30 minutes quand même!), leur robe aux ourlets lestés s'ouvrant en corolle et donnant l'impression qu'ils lévitent. Un beau moment de poésie, même entouré d'une foule de badauds sur une place passante, à côté d'une voie rapide et bruyante.

    Les sectes et confréries religieuses furent interdites en Turquie lorsque le président Atatürk voulut moderniser son pays, dans les années 20. Mais depuis, ils sont tolérés, probablement parce qu'ils représentent tellement une partie du patrimoine culturel du pays. Ils sont censés communier avec le divin par cette transe dans laquelle ils entrent au moyen de la danse, une main paume en l'air pour recevoir la parole divine, l'autre tournée vers le bas pour la transmettre aux croyants. Enfin, la tête est penchée sur l'épaule droite, ce qui maintient la circulation du sang centrifugé dans la partie supérieure du cerveau.

    On passe sur le Grand Bazar. Son accès est plus qu'éreintant, on dirait que tous les Stambouliotes (j'adore ce mot) et les touristes se sont jurés de se rencontrer ici aujourd'hui, par quelque miracle télépathique totalement hors de note contrôle.
    Les allées, les ruelles sont juste pleines à craquer, on peut à peine avancer sans bousculer quelqu'un, se faire tirer en arrière, pousser en avant ou le contraire, voire les deux en même temps, tout en se maîtrisant pour ne pas arracher trois carotides/minute avec les dents. C'est juste le dos en compote qui me retient, en fait.

    LA CITERNE

    Prochaine étape: la citerne de Théodose.
    Outre le fait que ce charmant empereur byzantin (donc grec) avait un nom particulièrement étrange, qui nous l'a fait renommer Théodore systématiquement dès que nous parlions de lui (ou Thé/eau-de-rose, la fibre poétique de Mérignac a encore frappé), c'est sous son règne que fut construite cette citerne, dont la visite comblera en partie l'immense déception de ne pouvoir découvrir la star des citernes stambouliotes (voire mondiales): la citerne-basilique, fermée pour rénovation, je te le rappelle, lecteur distrait.

    Cette cathédrale souterraine a tout de même 1600 ans, plus d'un millénaire et demi! On y parvient par un escalier qui s'enfonce dans l'obscurité de ladite citerne, qui s'illumine doucement au top départ de la visite pour nous laisser nous ébaubir devant cette (petite) forêt de colonnes antiques à chapiteaux soutenant des voutes et des coupoles en briques. Saisissant.
    Le "spectacle immersif de mapping 3D", tu sais, lecteur, la nouvelle mode de faire des projections sur les monuments, ce spectacle de 10 minutes l'est beaucoup moins, saisissant. Heureusement que le café frappé que nous avons dégusté au bar (le "Kitap", véridique !) au-dessus de la citerne en attendant notre tour de visite m'avait tapissé l'estomac de douceur sucrée, je n'étais donc pas ronchon. Ou du moins, moins que d'habitude.

    LE POULET DE L'OMBRE

    Oui, l'un de nous deux a encore frappé.
    Non, je ne te laisserai pas dire, lecteur moralisateur, que je me moque encore et toujours de Mérignac. D'ailleurs, si tu en es venu à cette conclusion, c'est que tu as inconsciemment identifié le responsable sans que j'en rajoute. Tu es donc tout aussi fautif que moi, si tu m'accuses!
    Mais point de ces sornettes entre nous. Il m'a fait rire, même si cela va rajouter 10 lignes à ce rapport bien trop long déjà.

    Ce soir, nous dînons dans la rue touristique que nous n'aimons pas, parce que nous ne voulons pas nous coucher trop tard. On doit faire les valises demain et partir pour Bursa, dernière étape de ce mini-voyage en terre ottomane.

    Nous nous en référons donc comme d'habitude à notre guide qui nous conseille d'aller au Shadow Kitchen, qu'on pourrait traduire au premier sens (étrange) de Cuisine de l'Ombre, mais qui fait probablement référence au Shadow Cabinet du pouvoir britannique, c'est à dire, l'Opposition, c'est à dire encore le clan politique opposé à celui du Premier Ministre. C'est comme ça qu'ils les appellent.
    Bref, Mérignac, soudainement pris d'une sorte de dyslexie anglo-turque du soir me le rebaptise le plus sérieusement du monde le Shadow Chicken... qui devient donc le Poulet de l'Ombre.
    Cela me fera une bonne dizaine de minutes où je suis hilare comme un collégien déneuronné.

    L'aventure ne s'arrête malheureusement pas là: les plats sont tentants, nous nous décidons rapidement. Manque de chance... le serveur fort aimable (qui avait des faux airs de Pierre Niney, alors que le barman de midi ressemblait clairement à Colin Farrell) Pierre, disais-je, ne pipe pas un mot d'anglais. Ou plutôt si, un peu, juste assez pour penser qu'il n'a rien compris et qu'il va se faire engueuler. Compliqué? Attend: TOUT, absolument tout ce que nous commandons est faux quand cela arrive sur la table. A part les apéros (bon, se tromper sur "Guinness" et "Coca" ça serait chaud quand même!)
    On lui commande une salade de légumes, il nous en apporte une autre. Les deux plats de roulés de poulet fourrés avec une sauce turque prennent l'apparence de nems tout plats. Et le verre de vin rouge que j'attends arrive en version blanche.
    On retourne le vin. Pas étonnant, dans sa bouche, "red" sonne comme "white", paye ta prononciation... je ne me moque par sentiment de supériorité, mais juste parce que c'est quand même très éloigné!

    On explique le souci des plats qui viennent d'arriver au rabatteur qui, lui, parle correctement, et comprend, surtout, correctement. Il explique lui-même les erreurs à notre serveur qui se fait gentiment engueuler, lorsqu'en prenant de nouveau le menu pour bien montrer ce que nous avons commandé, Olive se rend compte que notre plat qui fait partie des "plats cuisinés"... porte le même nom que le plat de ces nems totalement différents qu'on nous a portés, qui eux étaient classés dans les "entrées".
    Du coup, le serveur avait quand même bien compris pour les plats, c'est juste le chef qui a fait des conneries sur son menu en nommant deux plats du même nom (et encore avec des fautes de frappe). Le rabatteur s'excuse, mais on ne leur en veut pas, on est à Istanbul, en voyage!

    On termine le repas sur un thé à la grenade offert. Ils adorent la grenade ici. Il s'en vend partout, à chaque coin de rue, sous forme fraiche ou en jus acidulé, exquis. Tu trouveras si tu viens à Istanbul des sets de salière/poivrière en forme de grenade, des porte-clé grenade, mais aussi des pots-grenade, pour ton plus grand plaisir.

    Ah oui, un petit truc de voyage en Turquie probablement, à Istanbul en tout cas : le thé est souvent offert à la fin du repas au restaurant. Par contre, si tu le commandes, ben, tu le paieras! C'est des malins!

    Bon et comme j'ai fini presque en avance ce soir, voici deux informations insolites qui te feront briller dans le prochain dîner mondain:

    - la tulipe fut cultivée en Turquie bien avant qu'elle le soit aux Pays-Bas. On comprends de suite mieux pourquoi il y en a littéralement partout ici! D'ailleurs, son nom vient du turc "tülbent" en raison de sa forme qui rappelle celle d'un turban.

    - 1 mot sur 20 de turc moderne provient... du français! Et c'est vrai que parfois, j'ai vraiment fait la réflexion à Olive aujourd'hui, on a l'impression "réconfortante" qu'ils parlent français et assez déstabilisante au final de se rendre compte qu'on n'a rien compris!..
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