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  • Day 229

    Don't go East

    February 17, 2022 in Iran ⋅ ☀️ 22 °C

    "Don't go east"... Nous avons tellement entendu cette phrase qu'elle pourrait être l'adage officiel de notre voyage ! Cela avait commencé en boutade, lors de la toute première nuit du périple: nos amis, sourire aux lèvres, nous mettaient en garde contre Verdun, ville française où les cartels de la drogue seraient roi. Ensuite, et beaucoup plus sérieusement, les français nous ont incités à nous méfier des grecs, prêts à tout pour remonter la pente après la crise économique. Dans les Balkans, c'était la Turquie qui nous était déconseillée et, en Turquie, c'était l'Est de leur propre pays que les turcs nous suppliaient d'éviter. Enfin, dans ce dit Est, on nous recommandait grandement de ne pas passer la frontière Iranienne. Et pourtant, malgré toutes ces mises en garde, nous voilà en Iran, pays probablement le plus à l'Est de notre itinéraire! Nous passons la frontière, pédalons 5 km et une voiture s'arrête. Tajdin en sort et, tout naturellement, nous invite à venir chez lui : "S'il vous plaît, vous rencontrerez ma femme et mon fils, cela leur fera trop plaisir de vous recevoir, et puis, je pourrai travailler mon anglais..." Le ton jovial de ce pays "hostile" est donné !
    Ce pays, dont le parc automobile rendrait nostalgique les amoureux des années 80, est connu pour accueillir en même temps les 4 saisons. Il faut dire que ses 1 648 195km2 lui en donnent l'occasion. Nous sommes rentrés par le côté hivernal du pays et, comme la durée de notre visa ne nous permet de toute façon pas de tout faire à velo, nous avons commencé par un peu de bus. Découverte de Téhéran, où le traffic routier est ce qui nous a le plus marqué. Notre ami Navid nous explique : "pour traverser en Iran, tu regardes une fois à gauche, une fois à droite (pour la forme), puis tu regardes en haut, tu pries et tu te lances ! " Honnêtement, ça marche plutôt bien... On enchaîne ensuite avec la visite des villes de Kashan et d'Isphahan. L' architecture du Moyen-Orient est incroyable, raffinée, travaillée, colorée et très différente de ce que nous connaissons. C'est vraiment l'ambiance 1001 nuits. Il y a des vendeurs de tapis à chaque coin de rue et, à plusieurs reprises lors de rencontres avec des locaux, nous aurons l'occasion de nous essayer à leur confection artisanale. C'est un travail impressionnant. Des tapis de plusieurs mètres carrés sont tissés nœud par noeud ! Malgré les petits plans dont s'aident les artisans, on ne comprend pas comment ils s'y retrouvent!
    Ispahan sent l'automne, et, comme nous avons des fourmis dans les jambes, on décide de se remettre en selle..Quelle reprise: 3 jours à pédaler dans un désert ! Un tel décor est une grande première pour nous. Cette sensation d'être seul au monde! Bivouac sous un ciel étoilé comme nous en avions rarement vu, découverte de deux Caravansérails abandonnés et attaque de chien à l'instant précis où je disais à Gasp : "faut pas stresser, il n'y a pas d'animaux qui vivent ici!" Mais bon, après la Grèce et la Turquie, les chiens friands de mollets de cyclistes, ça va, on gère ! Les nuits piquent un peu (une à -12 quand même), mais les journées sont belles.
    Nous arrivons à Yazd. Nous sommes dans une grande ville et pourtant, même ici, l'hospitalité est omniprésente. Nous nous arrêtons dans un petit resto à midi et le couple de gérants nous invite à dormir chez eux! A contre cœur, nous refusons cette proposition spontanée car nous avons rendez-vous avec notre Warmshower. Warmshower est une plateforme d'accueil de cycliste basée sur l'échange (l'inscription nous engage à accepter d'héberger des cycliste chez nous, en échange de quoi nous pouvons profiter de l'accueil de tout ceux en ayant fait autant). Bien qu'officiellement interdite dans ce pays, c'est ici que cette application semble rencontrer le plus de succès et nous nous en servons dans toutes les grandes villes. Nous rencontrons alors des hôtes passionnés de vélos, souvent très ouverts d'esprit et parlant bien anglais, bref, on est assez fan! Et puis, de temps en temps, ça fait de bien de savoir à l'avance où l'on dormira le soir. Le lendemain, alors qu'on s'était offert une partie de backgammon en terrasse, 3 étudiants passent par là et se proposent de nous affronter . Après nous avoir mis la misère, ils nous emmènent de force au resto (on venait de manger), puis dans les montagnes...La journée se termine en soirée dansante dans leur cuisine, et Gaspard reçoit des cours privés pour apprendre à maîtriser le déhanché iranien ! Car oui, ici, on danse tout le temps, de manière spontanée et naturelle, pour 15 minutes ou pour 2 heures, filles comme garçons, quelque soit la génération, tout le monde en piste!
    On remonte sur nos bécanes pour quelques jours. Petites routes perdues dans les montagnes, villages de 100 habitants, on est content! Près d'une voiture sur 2 s'arrête, que ce soit pour faire un brin de causette, nous offrir des tonnes de fruits, nous proposer un logement, ou nous demander de poser pour une selfie! Ici, les touristes étrangers sont tellement rares que nous sommes de véritables stars! Parfois, il nous arrive même de nous cacher pour pique-niquer tranquille et, lors de notre visite de Persépolis, nous avons posé sur plus de photos que ce que nous avons pris de clichés des vieilles pierres.
    De rencontres en rencontres (dont une petite Athéna de 5 ans qui en pinçait sec pour Gaspard), nous nous sommes retrouvés à animer un cours d'anglais. Cela était une grande envie de Gasp pour ce voyage,mais il a moins fait le fier lorsqu'il s'est retrouvé seul homme face à 15 adolescentes en émoi! L'une d'entre elles nous a confié que c'était la première fois qu'elle rencontrait quelqu'un qui ne soit pas iranien. Beaucoup se sentent coupés du monde, souffrent de la réputation qu'ils pensent avoir à l'étranger (plusieurs fois, nous avons entendu la phrase: nous ne sommes pas des terroristes vous savez...vous le direz chez vous?), et je pense que les sanctions et l'embargo pesant sur le pays renforcent encore ce sentiment d'isolement. Avec plus d'une cinquantaine de numéros iraniens dans notre téléphone, nous arrivons enfin à Shiraz et à Shiraz, c'est le printemps. C'est notre ville coup de cœur et nous passons 3 jours à la découvrir dans les moindres recoins, jusqu'à ceux de l'Office des étrangers où nous faisons renouveler nos visas, histoire de profiter un peu plus longtemps de ce pays dont nous sommes littéralement amoureux ! On reprend la route pour 50 km. Une voiture s'arrête et, sans préambule, le conducteur se met à nous mimer une maison. On comprend qu'il nous invite à dormir chez lui 35 km plus loin. Ça tombe bien, c'est là qu'on va! Après nous avoir donné son adresse et numéro de téléphone, Amid redémarre. Il réapparaît 2h plus tard, nous fourre du sésame et du sucre dans la bouche (pour l'énergie dit-il) , allume ses 4 feux et nous escorte sur les 5 derniers km! Nous nous attacherons assez vite à Amid et sa famille et, finalement, nous resterons pour deux nuits. Avec les oncles, les tantes et tous les cousins, nous partons marcher dans un canyon. C'est le rêve. Au menu du soir : poulet, frite, compote. Nous avons pris l'habitude, lorsque nous restons plus d'un jour au même endroit, de cuisiner pour nos hôtes histoire de leur faire découvrir un peu de notre culture. Une fois, cela a bien failli coûter à Gasp ses sourcils car, nous avons littéralement mis le feu à un Crumble (on ne maîtrise pas tout à fait le four au gaz). Cette fois-ci, alors que nous nous étions engagés à cuisiner pour 5 personnes, nous nous retrouvons à cuisiner pour 5 familles! La cuisson des frites a été laborieuse mais l'ambiance était excellente et, comme d'habitude, l'attente du repas trompée par quelques pas de danse ! Le lendemain, des voisines que nous n'avions pas rencontrées débarquent pour m'offrir un cadeau. Nous sommes sans arrêt mis sur un pied d'estale dû à notre statut d'étranger. C'est assez désarmant, et parfois très gênant, mais au fond vraiment touchant.
    Avec beaucoup d'émotions dans les aurevoir, nous reprenons la route pour la dernière ligne droite nous séparant du Golf Persique. Avec pour mission impossible de s'offrir au moins une nuit seul en bivouac car, après presque 30 jours à être non stop accueillis, notre tente et notre temps pour nous commence à nous manquer! Surtout que, petite anecdote, les Iraniens n'ont pas toujours de chambre ou de lit: tout le monde sur son matelas dans le salon, ça donne une sacrée ambiance de pyjama party mais, pour l'intimité, on repassera :) Mission accomplie, cachés entre les gros rochers, nous passons deux nuits au calme (la deuxième nuit, nous ne devions pas être si discrets que ça car 2 jeunes sont quand même venus nous réveiller à 23h pour. .. nous inviter chez eux bien sûr!)
    Et ce soir, ça y est! Tout juste 1 mois après notre entrée dans le pays,.. nous dormons le long du Golf persique, bercés par le bruit des vagues et des cigales car oui, ici, c'est l'été ! Nous débordons de joie dans ce pays où la bonne humeur semble effacer tout autre problème et est plus contagieuse que n'importe quel virus! La légèreté,la gentillesse et l'humour des Iraniens est incomparable . Nous sommes tellement chamboulés par ce pays que cet article m'est terriblement difficile à écrire car les mots justes ne se laissent pas trouver. Mais, puisqu'il y a des choses qu'il faut voir pour croire, si l'envie vous en prend, n'hésitez pas, allez à l'Est! Vous y êtes plus que les bienvenus et l'on vous y attends les bras et portes ouvertes!
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