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  • Day 71

    Torres del Paine

    March 16, 2020 in Chile ⋅ ⛅ 7 °C

    Un parc national splendide (ici on l'appelle modestement "La 8e Merveille du Monde!") qui s'étend autour du massif del Paine, une énorme forteresse de granit campée lourdement au milieu de la plaine, entourée de lacs et de glaciers. Au coeur des montagnes s'élèvent les fameuses Torres del Paine, trois tours impressionnantes qui dominent le paysage aux abords d'un lac d'altitude. Nous avons prévu une randonnée de 10 jours autour du massif, sous tente, en autonomie totale, sans aucun réseau téléphonique.

    Lors des quelques jours passés à Puerto Natales pour préparer le trek, nous avons discutés de notre situation au sujet du coronavirus. Pour le moment, il y a peu de cas positifs en Amérique du Sud et des mesures sanitaires ciblées (écoles fermées pour 14 jours). Nous nous attendons donc à une réaction de plus grande ampleur de la part du gouvernement chilien mais pensons avoir le temps de boucler le tour. De plus, vu le contexte, quelques jours en isolement volontaire nous semblent être une bonne idée.

    Nous arrivons dans le parc avec les premiers rayons de soleil. En approchant, on se sent déjà tout petits, écrasés, par cette citadelle de pierre impressionnante au pied de laquelle on pose la tente. Et puis sans attendre, départ avec un sac léger! Une montée sèche sur un sentier ombragé pour arriver au bien-nommé Paso de los Vientos (Col des Vents), où il faut lutter pour avancer, puis progression dans le creux de la vallée, on traverse la rivière, un petit campement, quelques bosquets sauvages, et on atteint finalement, sur notre gauche, un puissant pierrier qu'il va falloir escalader. Après cet effort, nous débarquons sur un replat fait de rochers en pagaille, au fond duquel, dans un lac cristallin, se reflètent les célèbres Torres del Paine! Une petite foule est installée à cet endroit, prenant des photos et contemplant le spectacle. On passe une bonne heure, luttant contre le vent parfois glacé, à admirer ces demoiselles de pierre, à suivre le ballet furtif des nuages qui s'effilochent contre les pics, à savourer les rayons de soleil sans cesse changeants contre les falaises. Dans une région comme la Patagonie, où la météo peut être très cruelle, nous mesurons notre chance! Finalement, frigorifiés, nous abdiquons et reprenons le chemin du retour, non sans profiter d'une bière à mi-parcours!
    Le jour suivant est le premier du parcours qui doit nous mener autour du massif. Le sentier qui part vers le nord-est, après avoir grimpé le long d'un contrefort boisé, nous offre la vue sur le fleuve Paine qui serpente au fond de sa vallée dans un champ d'épis doré : on se croirait dans le film "Gladiator"! L'arrivée au camping se fait sous les applaudissements de trois autres randonneurs déjà arrivés ; nous apprenons que le parc est désormais fermé pour cause du coronavirus, mais que les personnes qui ont déjà commencé leur périple pourront le terminer. Nous avons du mal à croire à notre chance... avec raison d'ailleurs, car quelques heures plus tard, on nous annonce que, vu que nous sommes au début du parcours, il nous faudra rebrousser chemin le lendemain. Fini le trek à peine commencé, fini le parc pour cette saison, finie également la saison touristique dans cette région qui ne vit pourtant que de ça... Nous trinquons donc à notre déception avec les autres randonneurs lors d'une soirée mémorable!
    Le matin suivant, retour par le chemin déjà emprunté la veille, les sacs à dos beaucoup trop lourds, remplis pour 10 jours de nourriture... on a le coeur lourd aussi, et anxieux de ce qu'on va découvrir en revenant vers "la civilisation"... Peu désireux d'arriver en ville le soir sans logement, nous préférons passer une nuit de plus dans le parc, sous tente, en vue des tours, et partir le jour suivant. Dernière nuit sur place, glaciale, des étoiles sublimes à se noyer dedans, et le vent qui siffle dans les hautes herbes.

    En allant récupérer les billets de bus, j'apprends qu'un puma a été aperçu dans le campement (normalement, ils ne s'aventurent pas si près des habitations mais la désertion soudaine du parc les met en confiance). Je vais faire un tour dans la direction où il est parti et je tombe soudain sur lui, grimpant une colline, grand, souple (le puma donc, pas moi). Il s'assied pour scruter la vallée, me regarde seul au milieu de l'herbe, puis se retourne et disparaît derrière la colline.
    On dit que voir un puma porte chance ; tant mieux, on va en avoir besoin!
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