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  • Day 7

    J7 - dimanche 24 avril, journée

    April 24, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 15 °C

    Une journée relax aujourd'hui, comme disait les jeunes quans je l'étais. Nous réalisons que passer 4 jours à Bursa était peut-être un peu ambitieux, question visites et points d'intérêt. Non pas qu'il n'y ait rien à voir, mais ces intérêts sont moindres, du coup, on décide de se la couler douce et de ne pas courir partout comme lors de nos précédents voyages.

    Mais y aller cool ne veut pas dire ne rien faire. Depuis une semaine tout pile que nous sommes en Turquie, nous avons parcouru en moyenne... 15km par jour, et pas en taxi, crois-moi, lecteur perplexe. Dixit la montre connectée de Mérignac. 137 000 pas, grosso modo!

    On décide donc de se faire un petit hamam. Un turkish bath en Turquie, cela s'impose! Mais cela sera en fin d'après-midi, car nous avons nos 18 000 pas quotidiens à faire avant.

    INTERDIT DE MOSQUÉE

    Le petit déj de l'hôtel est d'une qualité inversement proportionnelle au standing du bâtiment, donc on passe. On s'est levés plus tard, on est les seuls, ils cuisinent pour nous, mais ça ne vaut pas grand chose.

    Nous prenons la route vers 10h30, armés de notre matos photo, moi en bermuda, on a jeté les blousons et les moufles, c'est l'été ici. La journée promet d'être chaude.
    Nous commençons à croire que nous savons nous repérer dans nos alentours immédiats, mais il nous faut encore le GPS pour nous confirmer qu'en localisation, on reste des burnes à Bursa.

    Nous arrivons quelques dizaines de minutes après aux deux monuments que nous voulons visiter : le Mausolée Vert et juste à côté la Mosquée Verte. Ouais, ils ne se sont pas cassé la tête sur ce coup-là.

    Le Mausolée abrite la sépulture d'un sultan, Mehmet 1er, et de ses fils et épouses. Les sépultures ici sont surmontées, en lieu et place d'une croix comme chez les Catholiques, d'une pierre taillée en forme de turban. Sauf que chez les sultans, ce n'est pas une pierre mais du tissu, selon toute vraisemblance. On ne peut pas toucher, bien sûr, mais un petit indice nous met la puce à l'oreille : il est recouvert d'un plastique transparent, probablement pour le protéger de la poussière. Du meilleur effet.
    Sinon, le mausolée est recouvert de carreaux de faïence turquoise qui le rendent vraiment atypique.

    La Mosquée, plus loin, est assez imposante, et c'est le seul commentaire que j'en ferai car je n'y suis pas entré, étant en bermuda. J'avais totalement oublié ce petit détail vestimentaire. Olive, une fois entré, me dégote bien une longue toge maronnasse destinée aux femmes sans foulard ou en jupe et qui voudraient entrer, un sur-vêtement. J'ai un flash d'une micro-seconde, Olive a déjà la connerie dans l'oeil droit, aussi je refuse catégoriquement. Je ne le sais pas encore, mais je finirai la soirée sur ses épaules, dans le noir. Je dois pressentir que cela suffira en termes de ridicule pour un jour. La Culture et l'Architecture se passeront donc de ma présence pour l'heure, et je m'assois au pied du bâtiment pour bouquiner. On me jette bien une pièce ou deux, mais je les renvoie illico à leurs donateurs, j'ai ma fierté.

    DÉJEUNER

    Je ne veux pas déjeuner. On a pris le petit dej il n'y a pas si longtemps, et on a des réserves vu ce qu'on s'enfile depuis le début. Et puis ce soir, on mangera tôt : les resto ferment tôt, on en a fait l'expérience hier, et c'est le résultat du second tour des présidentielles, on voudrait être devant notre écran à 21h pétantes, heure turque. Donc, pas de déjeuner.

    On finit par trouver un petit resto qui propose des salades près de la rue commerçante couverte, en face de la Grande Mosquée, que nous visiterons demain. La salle est juste magnifique. Les murs sont peints d'arabesques jusqu'aux plafonds en dômes (ils aiment les dômes dans ce pays). Et la micro-cuisine à côté de l'entrée, dans une alcove, est surmontée d'une énorme hotte en cuivre rutilante.
    Nous mangeons nos salades (ça fait du bien) avec un seul plat de kebab pour 2, pour les protéines. Pas de dessert, et juste de l'eau à boire (de toute façon, c'est sevrage alcoolique depuis notre arrivée, les établissements ici ne vendent pas d'alcool).
    C'est ça, la volonté, prends-en de la graine, lecteur.
    A noter : les toilettes turques sont tellement bien! En version urinoir ou popo, je découvre qu'ils offrent à chaque fois un jet d'eau savemment placé pour nettoyer ce qui doit l'être!

    LE JARDIN-CIMETIÈRE

    Nous nous rendons ensuite au complexe funéraire de Muradiye. Oui, c'est une journée mortelle, aujourd'hui.
    Une courte demi-heure plus tard, nous en poussons les grilles. C'est un curieux "jardin-cimetière" où sont disséminés 12 mausolées hexagonaux datant des 15e et 16e siècles. Le plus majestueux est celui du sultan Murat II et les autres sont ceux d'enfants, d'épouses ou de frères de ses successeurs, assassinés lors d'intrigues de succession. Faut pas les emmerder, les Turcs, je te le confirme, lecteur!

    " IF I GO TO THE TURKISH BATH...

    ... I risque. I risque énormément." Cette réplique de Louis de Funès dans La Grande Vadrouille résonne dans ma tête alors que nous arrivons au Yeni Kaplica Erkekler Hamami, un bain datant du 16e siècle construit à la demande de Solimane le Magnifique. Point de "Big Moustache" ici, l'analogie avec ma scène culte s'arrêtera là.

    Nous sommes des novices en t(h)ermes de hamam. Tout est extrêmement codifié, mais nous, on n'a pas les clés du code. Ce code qui fait toujours cruellement défaut aux voyageurs et qu'il est si excitant de découvrir au fur et à mesure que l'on s'approprie une culture, souvent en accumulant les faux pas ou les hésitations.

    Nous sommes pris en charge par un client à l'extérieur, alors que nous essayons de déchiffrer un panneau à l'aide de Google Trad en version réalité augmentée : on allume l'appareil photo, on vise le texte à traduire et la traduction se surimpose comme par magie sur le texte originale. Quand elle marche.

    Cette traduction nous parle alors d'une piscine de 4 bisous, de hammam de 20 hivers, c'est à n'y rien comprendre. On s'esclaffe comme deux idiots lorsque le monsieur vient nous traduire dans un anglais rudimentaire mais qui fait sens. Google a encore du taff à faire.

    Il s'agit en fait de l'annonce des capacités des différentes installations. Pas d'informations de fonctionnement. Nous entrons.

    Le client extérieur passe le relai au type derrière sa caisse, qui nous explique tout super gentiment. Bon il veut garder nos passeports et nos téléphones dans une petite boîte, mais quand je lui montre mon sac à dos de photo, il abandonne et nous file la clé du vestiaire.
    Une recommandation fort utile : ne laisse jamais ton passeport en gage! C'est bête mais apparemment il y a un gros trafic de papiers d'identité en Turquie et il faut donc faire attention.

    Nous entrons dans le vestiaire, qui ressemble plus à un compartiment de train, mais un train class, tout en bois. Le hamam date du 16e siècle, je te rappelle. Les portes sont vitrées en version dépolie sur la moité inférieure, pour qu'on puisse se changer même debout sans être vu.
    Nous avions apporté nos maillots, au cas où. Nous les mettrons même si nous n'en avons pas besoin (je m'en rendrai compte dans un moment en faisant face à un vieux monsieur jambes écartées). Des serviettes légères sont sur les 2 banquettes, prêtes à être utilisées. On ne sait pas trop s'il faut quand même mettre le maillot ou pas dessous, nous le gardons.

    On sort de notre vestiaire comme deux puceaux lâchés rue St Denis, aux abois, observant tout minutieusement, à la recherche d'indices nous dévoilant un peu de ce code qui nous fait tant défaut.
    Le type est là qui nous attend. Il nous dirige vers la première grande salle de bain, où l'on doit passer intégralement à la douche. C'est là qu'on voit que certains habitués, surtout des jeunes, sont en caleçons de bain. Les plus vieux sont tous dans la même serviette d'inspiration vaguement écossaise maintenant que j'y repense, en quadrillage rouge et blanc.

    Après la douche, il nous indique la deuxième salle, la vraie, le bain en lui-même: une salle ronde, décorée de marbre vert et rose, dans laquelle sont disposées 7 larges alcoves avec des bancs de marbre et de petits lavabos à chaque coin. Chacune peut accueillir 4 personnes à l'aise. Tout est chaud : les murs, les dalles, les bancs.
    L'eau qui coule dans les petits lavabos provient de deux robinets, un froid, l'autre chaud. L'eau chaude ici, et c'est la raison de la renommée des bains de Bursa, provient de sources thermales chaudes issues de la colline à laquelle s'accroche la ville.

    D'ailleurs, entre deux alcoves, une gueule de bête en pierre déverse l'eau naturelle très chaude dans une large piscine au centre de la pièce. Un panneau nous indique l'heure et la température : 42°C.

    Nous y passons à peu près une heure, à transpirer, somnoler, discuter ou se plonger dans l'eau bouillante de la piscine et résister un maximum de minutes avant de ressortir en sautillant sur la pointe des pieds parce que quand même c'est super chaud!
    Un papi est avachi dans son coin, la tête baissée sur le thorax, il n'en bougera pas de toute notre séance, si bien qu'en partant j'éprouve une furieuse envie de le secouer doucement pour savoir s'il est encore vivant ou devenu un fait divers.

    Ici, point d'ambiguité: les groupes d'hommes qui se connaissent et viennent ensemble se frotter mutuellement le corps avec les gants de tissu rèche et le savon fournis pour s'exfollier les uns les autres. Et vas-y que je t'exfollie le dos et la nuque, et toi tu m'exfollies les jambes et entre les orteils, et puis après je t'exfollierai les bras et le thorax... C'est troublant quand même, surtout après nos mésaventures stambouliotes.

    Mais pour l'heure, nous nous exfollions donc l'un l'autre, et n'y vois là rien de scabreux, lecteur peut-être salace, nous nous exfollions méthodiquement et c'est très agréable. Nous n'avons pas pris l'option massage à l'entrée, parce que sur plusieurs sites, ils disent tous que les massages pour homme prennent vite l'allure d'une séance de baffes dans la gueule. C'est assez sportif. Moi j'ai un dos en carton, donc je passe. Je préfère me faire exfollier. Nettement.

    Puis c'est au tour de Mérignac. Je l'exfollie assez rudement au début, il n'apprécie que moyennement cette exfolliation sportive, donc je réduis la pression. Mais j'ai déjà en tête l'excitation du moment où je vais pouvoir le rincer à grands coups de coupelle d'eau froide! Je suis un sous-être, je sais. Mais lorsqu'il m'a rincé, il s'est bien foutu de moi aussi, parce que bon, presque une heure à 42°C, je te laisse imaginer, lecteur, qu'une coupelle d'eau froide ne serait-ce que sur le petit orteil m'a fait hurler sur 6 octaves en un quart de soupir. Et il n'a évidemment pas ciblé mon petit orteil, la crevure...

    Puis vient l'heure de cesser ces bêtises exfolliatoires. On repasse par la douche puis je reviens à mon compartiment de train pour me changer. Pauvre fou que je suis, j'ai cru que la session était terminée!
    Le monsieur du début vient me chercher en me faisant un signe "halte" de la main, les yeux fermés, la bouche en moue, puis disparait un instant et revient avec 3 serviettes dans les mains. Il s'approche tout près de moi... bien plus près que ce à quoi j'étais prêt à consentir, il rentre dans ma bulle sociale, mais que fait-il!? Il me faut du code! ... et me fait lever les bras de chaque côté à l'horizontale pour m'attacher une première serviette autour de la taille en version très haute (ils appellent ça une "chirac" ici) (non, je plaisante), puis la seconde me couvre tout le haut du corps et la dernière, la tête en turban, suite à un savant pliage. Et il me sèche également le visage! Non mais cet homme est un sécheur professionnel, j'en veux un comme lui chez moi tous les matins!

    Puis il me refait sortir du vestiaire et me propose de m'asseoir à cette table, dans la salle principale. Il me fait un signe d'apaisement des deux mains, genre "tu te calmes!" mais je suis très calme, et me sens tout mou, qu'est-ce que c'est bon d'être tout mou! Il repart dans la salle des douches et un instant après, je vois Olive débouler, emmitouflé dans ses serviettes comme moi, un grand sourire aux lèvres et nous éclatons de rire en nous découvrant.
    Malheureusement, aucun appareil électronique n'était présent pour capter ces bons moments, et c'est peut-être mieux ainsi.

    Nous restons assis là un moment, interdits, lorsque le monsieur nous demande si nous voulons du thé ou de l'eau. Et on termine la session hamam sur un thé, bien chaud, bien agréable.

    RETOUR

    Nous sommes des Bursiens nés désormais. On rejoint la station de métro la plus proche et le prenons comme des chefs jusqu'à notre arrêt, Osmangazi. Encore un nom de sultan je crois.

    Petite marche finale d'une vingtaine de minutes et nous nous posons finalement dans la chambre. Juste le temps de se rafraîchir (ma peau a l'air toute neuve au toucher, c'est un vrai bonheur) et nous voilà repartis pour note resto de hier, où du moins celui où on n'a pas pu dîner parce qu'il était "trop tard".

    ISKENDER DÖNER

    Du coup, on y arrive à 19h pile. Ils sont en train de dresser les tables. Le patron (ou un vieux serveur) nous regarde comme deux hurluberlus lorsqu'on entre et qu'on demande si on peut... manger. Euh c'est un resto, non? Ils ont des expressions faciales qui donnent des envies de mandales des fois. On a vraiment l'impression de passer pour des extraterrestres.

    On nous fait asseoir dans une petite cour sympa. Pas de menu, c'est plat unique, local : l'iskender döner. En fait, on est venu pour en manger un. Et celui qu'on nous apporte en 5 minutes est une tuerie intergalactique, encore une.

    Dans une assiette, disposons des lamelles de döner kebab sur un lit de pide (le pain turc), ajoutons sur un côté quelques cuillérées de fromage frais, des tranches de tomate fraîches, des piments grillés, et agrémentons d'une sauce tomate à tomber... et l'ingrédient final arrive dans un instant.
    Le döner kebab est le fameux mouton cuit à la broche qu'on a en tête lorsqu'on parle de kébab en France. Döner veut dire "tournant" et kebab (ou kebap) signifie "grillé".

    Celui qu'on est venu manger ce soir est l'iskender döner, le döner d'(e Monsieur) Iskender, parce que c'est ce monsieur qui a eu l'idée de faire griller un agneau en mode vertical pour le découper méthodiquement en lamelles avant de le servir. C'était il y a un gros siècle. C'est devenu mondial depuis.

    L'ingrédient ultime arrive devant nos yeux ébahis et de manière totalement inattendue : le serveur se pointe avec une petite poêle en cuivre au manche très long qu'il incline au-dessus de mon assiette et d'où coule au bas mot un demi-litre de beurre fondu! Ouh putain, va falloir remonter la barre kilométrique dès ce soir!!
    Olive a droit au même traitement, halluciné et comptant déjà combien d'abdos il va devoir faire pour n'en éliminer ne serait-ce que le souvenir. Nous nous lamentons deux secondes, puis attaquons cette petite merveille.

    Puis comme on en a l'habitude maintenant, nous nous faisons jeter à peine notre assiette finie (ils sont en planque derrière nos chaises, ils débarrassent à peine la dernière bouchée avalée). Pas de dessert. Ni proposé, ni compris (Olivier fait la demande, l'autre lui répond que la table est réservée). On paye et nous voilà déjà dehors, un peu interloqués d'être traités de la sorte.

    Ce n'est pas la première fois qu'on sent que note statut de touriste nous soumet à une différence de considération, et pas vers le mieux. On nous parque souvent dans un coin, peu ou pas de propositions faites, c'est étrange. Ils acceptent bien nos livres néanmoins...

    DESSERT

    Mérignac n'a pas dit son dernier mot. Il veut un dessert. Qu'à cela ne tienne : on en cherche un dans la rue, mais rien n'est attirant, aussi, nous revenons au resto de hier soir, demandons une table et là encore, le serveur nous apporte une pauvre carte en plastique avec deux menus burgers imposés.
    Déjà, on veut pas manger ta merde, on veut juste des desserts. Et après on veut la VRAIE carte. Qu'il nous apporte en suivant.

    Nos deux desserts finalement pas top engloutis à grands renforts de thé, nous quittons les lieux et retournons à la chambre.

    Le temps de changer les horaires de ferry de mercredi (nous voulons repartir plus tôt, dès le matin, pour profiter d'Istanbul une dernière fois plutôt que de rester ici une journée de plus), et voilà, on assiste au résultat tellement passionnant de l'élection présidentielle.

    Dernier événement débile de la soirée, mai qui nous a bien fait une dizaine de minutes: je veux me refaire un thé et je branche la bouilloire que j'ai demandée hier soir. Elle avait déjà fuit dans la nuit, on s'en est rendu compte ce matin au réveil. Et là, elle a continué mais je n'y prête pas attention. Je la branche...
    ... et provoque une interruption d'électricité instantanée et généralisée de tout l'étage. Court-circuit. Je pense que nous sommes les seuls dans cette aile, car personne ne bronche. On repère le disjoncteur dans la chambre : il est au plafond.
    Pas de souci, voilà Galgon perché sur les épaules de Mérignac, dans le noir avec un portable en mode loupiotte à la main. Le pauvre Mérignac chancelle de faiblesse (Galgon pèse son poids de kebab) et de rire. Je remets le disjoncteur en position ON, mais il faudra quand même l'intervention du concierge pour réactiver celui du couloir!

    On peut appeler cela une bonne fin de soirée. Sur ce, Guy Lux, je rends l'antenne, à vous Cognac-Jay, à vous les studios.
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