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  • Day 9

    J-9: Les taxis, nos amis

    April 26, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 14 °C

    Voilà, la journée des dernières fois est entamée. Nous sommes réveillés vers 8h et faisons nos sacs dans un silence monacal. Après une inspection complète des moindres recoins de la chambre (nous sommes spécialistes pour oublier à peu près tout ce qui est oubliable, de préférence dans un endroit où nous ne reviendrons pas), nous quittons l'Ipekyolu Hotel en quête de nouvelles aventures et à défaut, d'un taxi.

    Le premier taxi que nous trouvons baisse sa fenêtre et je lui demande à aller à la station de métro Omangazi. Il me baragouine quelque chose, fait des signes de la main... et se barre.
    Je crois comprendre qu'il est dans le mauvais sens et qu'il va faire demi-tour. On ne le reverra jamais.

    Le deuxième, un papi turc dans son véhicule jaune poussin, nous parle en début de course, et nous acquiescons en ouvrant grand les yeux et faisant des hochements de tête entendus lorsqu'il mentionne certains des endroits touristiques de sa ville. On s'esclaffe au moment où il le fait après avoir dit quelque chose d'apparemment comique sans avoir la moindre idée de ce qu'il nous a raconté tout du long. Puis la conversation s'éteint, nécessairement interrompue par la barrière de la langue, et il nous dépose à la station demandée.

    BUS... OU PAS.

    Nous avons un peu plus d'une heure d'avance. C'est du jamais vu. On se laisse donc le temps de se tromper, se perdre, oublier des sacs en chemin, même.
    Nous cocherons deux cases sur trois avant midi.

    Le métro à Bursa est d'une simplicité enfantine : une longue ligne droite d'une vingtaine de kilomètres (à vu de plan), qui se subdivise en différentes branches à 5 ou 6 stations des terminus. Evidemment, nous prenons la bonne direction, vers Emek, mais le mauvais terminus. Je m'en rends compte avant la bifurcation, c'est déjà ça. On descend donc au bon moment pour reprendre la bonne ligne quelques minutes après.

    Une fois arrivés à Emek, nous devons trouver le bus qui nous conduira au terminal des "feribot", à une douzaine de kilomètres d'ici. Seulement, nous n'avons aucune idée de l'emplacement des arrêts, ni même des horaires. On y va au talent.

    Les Turcs sont sympa, dès qu'ils te voient tourner et virer avec un GPS ou un plan dans la main, ils savent se rendre utiles. On nous indique le bon arrêt. Et heureusement car aucune information, plan, horaire ni même direction générale ne sont affichés.

    Le bus arrive une vingtaine de minutes plus tard. Mérignac s'avance avec sa valise près de la porte avant et demande au chauffeur s'il va dans la bonne direction puis monte. Je comprends que c'est OK, donc je grimpe avec mes affaires par les portes centrales et en tournant machinalement la tête, je vois qu'il a juste laissé son sac à dos sur le banc de l'abribus. J'ose à peine imaginer l'effroi si on avait laissé le sac là. C'est pas comme s'il avait été vacciné après avoir oublié son sac photo dans un pub un soir au fin fond de l'Ecosse...

    On est large en horaire, mais peut-être pas au point de courir après un sac à dos qui aurait très probablement disparu, rapporté quelque part par une personne consciencieuse ou volé. Olive ne semble pas s'en émouvoir outre mesure. Il m'étonnera toujours.

    Nous retrouvons notre "feribot terminal" dans l'état où nous l'avons laissé 3 jours plus tôt. Nous prenons nos aises, nous connaissons les lieux. Olive va faire valider les billets tandis que je fais le garde-valise, puis nous allons au bar-boutique du coin boire un thé, et finalement faire un déjeuner light et pas franchement bon avant de prendre le ferry à midi, pour 1h45 de traversée de la Mer de Marmara, destination Istanbul.

    Je commence à rédiger cet ultime rapport, pendant que Mérignac... corrige des copies.
    Il a apporté du travail. Je m'abstiens de tout commentaire, mais je prends une photo, sait-on jamais, elle pourrait servir dans un avenir proche.

    HALLUCINATION

    Ouais, on a halluciné, et pas à cause de la chicha.
    On sort du ferry en suivant le flot de passagers, puis on sort du terminal et on se retrouve sur le trottoir avec une armée de taxis à nos ordres. Que l'on croit.

    Le premier type qui me saute dessus regarde l'adresse de notre hôtel, me vomit quelque chose en turc et part avec un geste de la main plus que désinvolte en se foutant ouvertement de nous! Et maintenant, regarde-le, lecteur outré, ce bouffon, là, qui en parle à son pote chauffeur et il rigole encore.

    Je reste zen et me dirige vers un second qui arrive. La voiture ralentit, le moteur ronronne, la vitre se baisse, j'ai l'impression d'être Pretty Woman mais au début du film, sur Hollywood Boulevard... je lui indique l'adresse, il prétend (parce que ça se voit qu'il n'a pas fait théâtre en 6e) ne pas savoir où c'est et prend quelqu'un d'autre.

    Non mais s'te plaît!! Le troisième sera plus cool dans la mesure où il accepte de nous y conduire, mais il ne lance pas le compteur car "trop de trafic" et nous propose un 80 livres pour faire 2km.
    Il est là le problème : l'hôtel est trop prêt, cela ne les intéresse pas de nous prendre. Mais il est quand même trop loin pour qu'on se tape la traversée de la voie rapide je ne sais comment, avec deux valises d'une vingtaine de kilos et des sacs à dos qu'il faut numéroter pour n'en perdre aucun!

    Nous partons et on lui lâche 50 livres au final, et c'est déjà bien trop.

    OLD PALMERA CITY HOTEL

    Nous sommes déposés dans une rue étroite face à un hôtel à l'entrée étroite, vitrine teintée. Nous pénétrons dans le lobby aménagé en mini-salon. Le réceptionniste qui est accessoirement le patron nous offre d'emblée un thé et procède à l'enregistrement. On commence à discuter avec lui. Au bout d'un moment on sait que l'hôtel est neuf, ou du moins tout juste rénové et que la chambre est au 5e et si on veut laisser nos grosses valises au rez-de-chaussée c'est bon pas de problème on les récupérera demain en partant et il espère que la chambre n'est pas trop petite il n'a pas réfléchi avec tous ces sacs c'est certains ça va être étroit mais sinon on peut monter tous nos sacs par l'ascenseur il est tout petit mais il peut contenir 140kg ça devrait aller et surtout si on a besoin on hésite pas il suffit de composer le 0 sur le téléphone de la chambre pour avoir la réception.

    Devant ce flot d'informations, nous essayons de mettre de l'ordre dans nos idées comme les portes se referment et qu'il reprend sa respiration. Je suis à moitié sur ma grosse valise rouge sans m'appuyer vraiment car Olivier à son pied coincé entre la paroi et les portes coulissantes. Je ne peux pas trop bouger, son coude est sur ma tête. Il a le dos calé contre mon mollet gauche et sa semelle me chatouille l'oreille. Bref, nous sommes serrés.

    La chambre est extrêmement petite, mais toute belle, neuve. La salle de bain est presque aussi grande. On visite rapidement les lieux lorsque quelqu'un toque à la porte.
    "Sorry again, really you can change room if you want, with all your bags..."
    Dis-donc, il a de la suite dans les idées!
    On lui assure que non, c'est gentil mais nous ne voulons pas changer de chambre, on va se débrouiller. Il repart et je jette un oeil à la chambre d'à-côté.

    Ah ouais.

    "On va pas le faire remonter, non, on reste ici! s'énerve Mérignac.
    - Non mais viens voir! Comment on va faire demain matin pour faire les sacs? C'est tendu ici quand même."

    Nous déménageons dans la chambre d'à-côté, la 103, 3 minutes plus tard. Et j'y suis actuellement. J'ai la place d'étendre mes jambes, je suis heureux.

    CITERNE ET BAZAR

    Nous faisons une dernière visite: une citerne, qui n'a pas les colonnes dans l'eau cette fois. Ce n'est toujours pas le standing et la beauté de celle qui est fermée, mais elle est plus grande que celle que nous avons visitée il y a quelques jours. Sympa et frais.

    Puis c'est retour au Grand Bazar puis au Bazar Egyptien pour effectuer nos derniers achats-souvenirs. On se rend compte que non seulement les prix sont au minimum doublés au Grand Bazar, voire plus souvent triplés, et d'autant plus chers qu'on se rapproche des points d'entrée ou de sortie.

    Nous jetons notre dévolu sur une boutique (parmi le millier qui vend la même chose) de pâtisseries turques. Le type sent bien qu'on va acheter, il sort le grand tralala: il nous fait goûter absolument de tout. On passe par les épices à viande, les baklavas bien lourds de sucre et de gras, puis retour aux thés digestifs pour finir sur les Turkish delights et autres loukoums. Une apothéose de saveurs : grenade, rose, nougat, chocolat, pistache...

    On refait la même à l'Egyptien. Des trucs déco pour la maison, des épices, on repart alourdis de quelques kilos... de marchandise.

    DUBB²

    Et pour notre dernier dîner stambouliote, nous retournons au Dubb, le resto turco-indien avec sa vue imprenable sur Sainte-Sophie au 4e étage.
    Ce n'est pas que c'est le meilleur auquel nous ayons mangé mais le cadre est magnifique. Le dernier repas est un peu lourd, surtout qu'ils nous apportent tous les plats et les boissons quasiment en même temps, c'est pénible, ils n'ont aucun sens de la gastronomie, ces Turcs. Le serveur m'apporte le verre de vin avant mon coca. On a à peine fini le premier plat qu'il vient nous débarrasser et apporter la suite. Une honte.

    Nous rentrons à pied comme tous les soirs mais nous ne sommes pas logés aussi près du centre historique cette fois. Dernières photos de rue, notamment de Divanyolu Caddesi, l'avenue qui passe devant la mosquée, avec ses lignes de tram, ses vendeurs, ses lumières... Derniers instants passés à figer cette bulle d'espèce-temps dans nos mémoires.

    LE PÈRE NOEL ?

    Nous parvenons après une vingtaine de minutes à l'hôtel, en grande conversation sur la marche à suivre pour demain.
    Nous devons prendre un bus qui se trouve à 2 km de l'hôtel, et le patron nous a dit qu'il serait difficile de trouver un taxi ici, car les ils ne s'y aventurent pas, trop étroit. Donc, "it's good, 700 meters, you can walk!"

    Euh ouais, 700m à pied, no soucy, ma caille, mais à pied dans des rues au stype pavé-défoncé, avec deux valises et les sacs... j'ai plus l'âge pour ces conneries! Surtout qu'en arrivant, on regarde la distance: 700m? que dalle. 2km. Donc, là... pas possible.

    Nous sommes assis dans le lobby et on réfléchit à voix haute. De toute façon, il n'y a personne pour nous comprendre. La patron est là à sa réception et nous écoute. Il comprend le nom des arrêts de bus que nous mentionnons et s'imisce dans la conversation:
    "Beyazıt Meydan stop? closed. First stop from hotel : Aksaray metro!
    C'est justement le souci. Elle est à 2km.
    - C'est pas grave, on marchera un peu et on prendra un taxi.
    Il se renfrogne. Il réfléchit. Il évalue.
    - Bon, demain, vous partir à quelle heure?
    - 9h, lui réponds-je (que j'adore cette tournure).
    - Bien! J'ai mon ami que j'amène à l'aéroport demain. Vous aller à l'aéroport, moi aussi, aller à l'aéroport. Je vous emmène. Vous avez la chance!
    Il prend à témoin un type qui vient d'entrer, probablement une connaissance.
    - Ils arrivent auourd'hui, moi à la réception, ils ont chambre petite, et hop, c'est moi le patron, mon hôtel, je suis à la réception aujourd'hui, pas de problème, on change de chambre! Et là besoin d'aéroport, et moi aussi aller à l'aéroport, ils ont la chance! la Chance!!

    Je sens le loup. On lui demande combien. Car en version "correspondance sur Booking", le "service de transfert aéroport" était facturé 35 euros.
    "Gratuit, je vous amène, gratuit, tu payes pas, pas d'argent, j'ai un ami à l'aéroport, je vais chercher, je vous emmène, gratuit, t'as la chance aujourd'hui! je demande juste une faveur...

    Ah. Je le savais!

    ... vous donner meilleure note sur internet si je vous aide. le maximum, 100%! C'est pour la chance!"

    Bon ben si c'est le prix à payer, pas de souci, de toute façon, on a toujours l'habitude de noter les établissements et celui-ci avait toute notre appréciation, dès le départ.

    On ne peut s'empêcher de sourire. On se checke les poings, se serre la main, et c'est entendu : demain, rendez-vous à 9h dans le lobby et on part tous à l'aéroport, comme des potes.
    On verra bien.
    Et en même temps, j'ai envie d'y croire...
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