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  • Day 290

    Spicy India

    April 19, 2022 in India ⋅ ☀️ 29 °C

    L'Inde... C'est un pays qui nous manque avant même de l'avoir quitté, mais dont on voulait sortir avant même d'y avoir posé un pied. Un pays qui nous a fait rire et pleurer, un pays dans lequel on a été malade mais dans lequel on a dansé ! L'Inde..il paraît qu'on adore où qu'on déteste... Cette phrase nous aura été maintes fois répétée et pourtant, selon nous, elle ne pourrait être plus éronée. Car l'Inde, c'est LE pays par excellence qu'on a adoré ET destesté à la fois. Un pays empli de paradoxes qui, indéniablement, nous a offert le plus grand choque culturel de ce voyage.

    Le 06 avril, à 4h30 du matin, sur le tarmac de l'aéroport, les festivités commencent. La première étape est de réassambler nos bécanes, et cela s'avère plus facile à dire qu'à faire. On y passe des heures... Les moustiques et les curieux s'entassent autour de nous, la chaleur monte, nous sommes complètement déshydratés et n'avons eu qu'une heure de sommeil. L'insère sur la fourche avant de Gasp s'est pliée durant le transport et, du coup, on ne sait plus remonter sa roue...bref, ce n'est pas exactement la joie. Ne semblant pas conscient de notre humeur, un fan de vélo s'obstine à me mettre sous le nez des vidéos de lui à bicyclette. Heureusement, au bout de 5 bonnes minutes, il finit par comprendre que ce n'est pas le moment et s'intéresse à notre problème. En 30 secondes, il devient notre sauveur. Un petit appel walkie talkie et bam, un de ses potes débarque avec une pince et des bouteilles d'eau! Le rêve ! Grâce à lui, nous voilà partis... Premier ressenti, en 5 mots : "**** , nous sommes en Inde!" J'ai bien les boules et pourtant, je ne peux m'empêcher de sourire ! Tout semble différent ici. Dans les rues, vaches, poulets, motos, vélos, tuktuk et voitures cohabitent gaiement au grès des klaxons. Il y a pleins d'échopes de street food ( des vrais, littéralement sur la route), et tellement de couleurs. Ici, le concept de "ça jure" n'existe pas. Le mauve se marie avec l'orange, le vert et le rose! C'est tellement vivant et animé. 5 km plus tard, on croise nos premiers éléphants ! Il va falloir apprendre à ne plus s'étonner de rien ...
    Nous pédalons jusque chez Raju, un hôte WarmShower incroyable qui nous accueille pour quelques jours. Quelle belle rencontre! Allez savoir pourquoi, il parle un français impeccable. Amoureux de son pays, il s'emploie à nous en donner un merveilleux aperçu. Cricket avec les copains, pèlerinage jusqu'à un temple hindous (officiellement, pour servir de gardes du corps à sa maman contre les léopards), visite d'Ambjer et de Jaipur et, surtout... Il nous emmène au cinéma, voir "RRR", la dernière perle Bollywoodienne! Cette expérience peut paraître anodine mais, détrompez-vous: le cinéma en Inde, c'est tout une aventure! Quelle ambiance dans salle... On crie,on applaudit, on hue, on encourage. Le film est en hindi mais, malgré ça, on arrive à comprendre l'histoire et, au bout de 3 heures de film, quand les Indiens cassent la figure aux colons Anglais, entre la musique, la scénographie et les cris de victoire dans la salle, même nous, on se sent Indiens et fiers de l'être.

    Au bout de ces 3 jours, on remonte en selle, impatient de découvrir la suite. On passe par une espèce de jungle, puis on découvre les champs... A midi, on mange entouré de 20 curieux. Tout chez nous les intrigue ( notre réchaud, nos cyclistes, nos coupes de cheveux, notre filtre à eau,...)et cette curiosité est réciproque. On s'interroge notamment sur le fait que plusieurs d'entre eux aient l'ongle du petit doigt très long. La raison ? Pour se nettoyer l'oreille évidemment (démo à l'appui)! .On parle avec les mains et le regard, mais on comprendra assez vite que le langage corporel n'est pas le même ici. Par exemple, pour dire "non" avec la main, les gens font le signe qu'on utilise pour dire "comme-ci, comme-ca". Imaginez ma surprise lorsque je leur ai demandé s'ils étaient mariés!
    Après cette pause bien sympathique, on reprend la route. Cependant, il fait terriblement chaud (ressenti jusqu' à 48 degrés). Je n'arrête pas de boire mais l'eau chaude ne me rafraîchit pas et j'ai constamment une sensation de soif. De plus, l'air est très pollué et j'ai l'impression de ne jamais savoir pleinement respirer . Très vite, ça ne va pas. La route est belle est pourtant, le cœur et le moral n'y sont pas. Dans ce contexte un peu tendu, l'une de nos rares disputes éclate avec Gasp. Nos caractères non-explosifs font que, même lorsqu'il y a des tensions entre nous, on ne monte jamais en décibel mais, cette fois, c'est l'exception qui confirme la règle. Complément à bout, on se crie dessus comme des poissonniers. C'est dans ces circonstances particulières qu'on a rencontré Prima. Appuyé sur sa moto à l'ombre d'un arbre, il semble nous attendre. Il nous fait signe de nous arrêter. Je n'ai pas la patience, mais on fait un effort. "Photo, photo", ok, on sourit. Il ne voit pas mes larmes sous mes lunettes solaires, très bien... Après le shooting, il nous invite pour un thé chez lui, 7 km plus loin. On a tous les deux besoin de se changer les idées, et la magie des rencontres est un excellent moyen de faire ça. On accepte donc, sans savoir alors ce qui nous y attendait...
    Arrivés chez lui, c'est incroyable. Il vit dans une grande ferme en carré avec plusieurs familles. Cuisine extérieur sur feu, vie en communauté, lit tressé, on se sent en plein camp scout. Tout le monde est au petit soin pour nous. On visite la ferme et ils nous font goûter à tout (ail et oignon cru y passent aussi). Nos hôtes ne parlent qu'un anglais très limité, on se débrouille avec quelques mots et des gestes. Assez vite, on nous demande si on aime danser. Oui? La proposition tombe alors: notre cousine se marie ici, la fête commence ce soir, restez avec nous! Et voilà comment on se retrouve embarqué pour 48h de mariage indien!
    Quelle expérience... La cérémonie n'a rien à voir avec nos mariages européens. Les mariés n'y participent que très peu, la fête est avant tout pour les familles. Nous étions du côté de la famille de la mariée et la première soirée ainsi que la première journée se sont déroulées uniquement avec les invités de ce côté-là. La mariée était dans la maison la plupart du temps et ne prenait pas part aux festivités (mais elle était toujours bien entourée et je pense que plusieurs rituels ont eu lieu à l'intérieur... On n'a pas toujours tout compris à ce qui se passait). Les invités côté marié ne sont arrivés que le lendemain à 19h, et nous avons été mandaté pour les accueillir. Notre tâche ? distribuer des roses (Gasp aux hommes, moi aux femmes) en disant "RamRamSa", pour souhaiter la bienvenue. Enfin, le marié débarque avec un bavoir de billets et prend place sur un scène, face aux invités. Sa belle ne le rejoindra que vers 23 heures. Pendant ce temps là, on fait l'animation. Nous ne sommes pas très à l'aise et les gens sont tellement heureux de nous rencontrer qu'on a un peu l'impression de voler la vedette. Nous sommes constamment encerclés. On nous fait danser (de manière un peu forcée et sans toujours être partant pour nous accompagner), on nous habille en tenue traditionnelle, on nous apporte de la nourriture toutes les 5 minutes, on nous photographie sous tout les angles... le fait que nous ayons des mariages d'amour et non arrangés fascine et les questions qui en découlent sont déroutantes: puisque tu as pu choisir, pourquoi as-tu choisi Gaspard? Qu'as-tu ressenti la première fois que tu l'as vu? 15 paires d'yeux inconnus te fixent et attendent ta réponse... un petit challenge pour moi qui suis pudique sur mes sentiments! On s'endort exténué mais tellement reconnaissant d'avoir pu vivre cette expérience extraordinaire !
    Le matin du 3eme jour, la mariée quitte son domicile familial pour partir vivre dans la famille de son nouveau mari, quant à nous,on reprend la route. Nos coups de pédales ne durent pas longtemps, puisqu'une cinquantaine de kilomètres plus tard, nous sommes à nouveau invités dans une ferme. Cette fois, impossible d'utiliser le traducteur car la saisie vocale ne marche pas et que nos hôtes ne savent ni lire ni écrire. Gestes, regards, sourires. Comme la veille, des gens débarquent de partout. La ferme est assez similaire également, mais dans un environnement moins aisé. Nos hôtes paradent avec nous chez les voisins. Partout, les gens insistent pour qu'on s'asseye sur la seule chaise de disponible et se mettent par terre autour de nous, puis nous observent pendant de longues minutes. Cette situation est assez gênante mais semble les combler de joie. Certains vivent dans des maisons de 10 m2 faites de terre. Ils n'ont rien mais, étrangement, semblent ne manquer de rien. On parle avec le regard, c'est fou ce qu'il peut raconter.
    Cette journée se terminera par l'inévitable... En un an de voyage, il fallait bien qu'on tombe malade au moins une fois! Intoxication alimentaire ? Eau non potable ? Peu importe. Gaspard tombe le premier. Au petit matin, on décide quand même de reprendre la route. Nous sommes vraiment au milieu de nul part et probablement un peu Idiots. Je rejoins rapidement Gaps dans la team des mal en point. Vomissement, tourista, auquel vient s'ajouter insolation, maux de tête, fièvre... Les 48h qui ont suivis sont les pires de notre périple. On rajoute à ça la chaleur, le bruit des klaxons, le fait qu'on continue à rouler tout en étant incapable de s'alimenter... On finira échoué dans la benne poussièreuse d'un tracteur qui nous sauve littéralement pour les 20 derniers km qui nous séparent d'Agra (mon autre option était honnêtement de me rouler en boule sur le bord de la route et d'attendre...)
    A Agra, on passe 4 jours en compagnie de John, un adorable WarmShower dont la sœur vit en Belgique. L'occasion d'avoir de très chouettes moments d'échange à propos de ce qui nous fascine mutuellement dans le pays de l'autre. On passe 3 jours à se remettre sur pied et, le 4e jour, on part au lever du soleil pour visiter le mythique TajMahal! Merveilleux hasard, Benoît et Evelyne nous amis qui sont expats à l'autre bout de l'Inde sont justement en visite ici avec les parents de cette dernière. Quel plaisir de rencontrer leur petite fille, d'échanger sur leur vie ici et de tout simplement les retrouver. Ils nous offrent aussi un cadeau extraordinaire : ils nous emmènent passer la matinée dans un incroyable Palace hôtel. Après les péripéties des derniers jours, on hallucine complètement et on profite pleinement. Lorsque, au déjeuner, un petit monsieur me demande s'il souhaite qu'il chauffe mon pain au chocolat, mon cœur explose! Encore merci les amis !
    Pour quitter Agra, on décide de tricher un peu et d'enchaîner avec un train de nuit. Acheter nos tickets est déjà une aventure à part entière, mais charger nos vélos dans le train, c'est encore une autre histoire! Je ne vais pas m'étendre dans les détails mais, on a fini par les abandonner dans un vieux bureau, après avoir noté quelques infos dans un grand registre papier. Au moment d'embarquer dans le train, nos vélos ne sont plus dans ce bureau mais... ne sont pas sur le quai non plus! Panique! On dispose de 30 secondes pour se décider. On choisit de faire confiance et on saute dans le train. Instantanément, je le regrette. Pas moyen de m'endormir. On a perdu le contrôle sur nos vélos et je déteste cette sensation . Le lendemain, lorsqu'on arrive à la gare, on se rend directement au bureau des bagages. Pas de vélos, revenez demain ! Nous sommes à Varanasi, dans une ville magnifique et chargée d'histoire, mais impossible de profiter. C'est sur, nous ne reverrons jamais nos vélos. Vers 16 heures, on repasse faire un tour à la gare. Incroyable, nos vélos nous attendent sagement. Ils viennent à l'instant de débarquer d'un autre train. On resigne quelques registres ... système archaïque mais indéniablement efficace. On est tellement heureux qu'on met la tournée de thé à tous les gars du bureau. Cela nous permet de passer un super chouette moment avec eux. Et puis, lorsqu'on ressort de la gare sur nos bolides, nos cœurs sont plus légers et on peut profiter de cette ville sensationnelle. Elle est située sur le bord du Gange, le plus sacré des fleuves hindous et beaucoup de pèlerins viennent s'y baigner. C'est aussi ici que beaucoup d'hindous viennent pour mourir. En effet, mourir à Varanasi permet d'éviter le cycle des réincarnations et d'accéder directement au Nirvana. Les crémations ont lieu le long du fleuve, l'ambiance est indescriptible.

    Déjà, la frontière népalaise pointe le bout de son nez. Plus que 4 jours de route. De belles rencontres, des milliers de selfies, deux invitations à manger, beaucoup de moment encerclés, une interview pour la presse locale et des klaxons qui rendent littéralement fous...bref, la routine.
    Nous passons une nuit avec Praphar , un WarmShower issu d'un milieu très aisé. Il nous permet de découvrir une autre facette de l'Inde. Il organise un soirée avec ses amis, et on apprécie vraiment de retrouver cette ambiance festive. On boit bravement de la Kingfisher (bière Indienne), tandis que tous les autres sont à... la Hoegarden blanche. Le lendemain, Praphar nous initie à la méditation, et nous partageons des discussions assez intenses avec lui. Il faut savoir que, chez lui, il y a 4 domestiques, dont une fille qui doit avoir quatorze ans. Nous étions assez mal à l'aise avec cette situation, et , spontanément, il a abordé le sujet avec nous, sans tabou. Il nous a expliqué que cette fille venait d'une famille très pauvre et que, à 8ans, elle faisait déjà plusieurs ménages et, évidemment, n'était pas scolarisée. La maman de notre hôte la alors prise sous son aile. Elle travaille pour eux mais ils assurent sa scolarité. Elle a emménagé la, est nourrie, blanchie, évolue dans un environnement confortable et sa famille reçoit une aide financière. Il ne s'agit pas ici de juger la situation. Rien n'est blanc ou noir. Mais ici, pour nous, rien n'a jamais été facile. Nous avons sans cesse été confronté à des situations déboussolantes, même dans les moments de repos.
    Encore quelques kilomètres... Poussière, chaleur et surtout.. klaxons! Je n'en peux plus. Mais cette magie, toujours. Alors que le soleil se couche, un père et son fils nous font des grands signes depuis le toit d'un hangar. Ils viennent à notre rencontre. C'est avec eux qu'on passera notre dernière nuit. Cela fait seulement 4 h qu'on est parti de chez Praghar et nous voilà plongés dans une toute autre réalité. Cette famille est clairement installée en squat dans deux pièces d'une ancienne usine. Encore une fois, ces gens n'ont rien, littéralement rien, si ce n'est un cœur immense et des sourires plus grands que leurs oreilles. Et ça fait tout ! Je pense qu'on n'oubliera jamais ce moment passer à compter les étoiles en leur compagnie. Peu de mots (pas d'Internet ni de langue commune), mais peu importe, on évolue dans des réalités tellement différentes qu'on n' aurait peut être pas su quoi se raconter. Et les regards et poignées de main suffisent à se dire l'essentiel.
    5h du matin, tout le monde est debout pour les aurevoirs. On commence à s'y habituer, mais quitter de belles rencontres s'accompagne toujours d'un petit pincement au cœur.
    55 kilomètres tout droit et nous serons au Népal, où les sommets du monde nous appellent...
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