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  • Day 27

    Cap sur la capitale

    April 24, 2019 in Russia ⋅ ☀️ 16 °C

    Écrire sur Moscou 10 jours après l'avoir quitté est moins facile que je ne le pensais, son souvenir est moins riche en ma mémoire que celui de Saint Pétersbourg. Pourtant nous y sommes restés plus longtemps : 5 jours.

    Commençons par le début...

    Quand on débarque sur le quai d'une gare secondaire de Moscou, après une courte nuit dans le couchette venant de Saint Pétersbourg, on ne s'attend pas à un comité d'accueil en bon et du forme. Et pourtant, Max et Vassya sont au rendez-vous. Notre ami Fabrice a joué les entremetteurs quelques semaines auparavant via WhatsApp.

    Max: Have u been In Moscow before?
    Nana: No never it's our first time :)
    Max: I think we better meet you [on the platform]

    Et comme promis ils sont là, 2 personnages bien différents. Plus de 15 ans les sépare. Max, 37 ans, est le plus affable, il engage volontier la conversation et nous guide dans les couloirs du métro. Vassya, 21 ans, est plus réservé, lunaire même. On sent une grande fragilité dans ce jeune garçon qui se cache derrière son téléphone.

    Nos 2 nouveaux amis ont pensé à tout, arrivés devant les portiques, Max nous tend nos cartes de transports prépayées. On descend les interminables escalators pour nous enfoncer dans le métro moscovite. C'est un véritable musée, incomparable aux couloirs sales et étriqués dont nous a habitué Paris. Au plafond des lustres monumentaux, au sol des grands carreaux en marbre noir et blanc, sur les côtés des colonnes, des arches, des statues : ce n'est pas un moyen de transport, c'est un palais souterrain.

    Après un passage express chez Max pour y déposer nos affaires, on repart pour une balade matinale sur la ceinture boisée de Moscou, jusqu'à l'université de la capitale. Première confrontation avec l'architecture stalinienne, massive, démesurée, l'étoile rouge se dresse toujours au sommet du building central. D'ici on a une vue d'ensemble sur le centre, on repère déjà le Kremlin et autres lieux incontournables.

    C'est l'occasion de discuter d'avantage avec Max qui nous livre son point de vue sur le rapport des Russes avec leur histoire soviétique. Selon lui l'ère communiste a encore bonne presse au sein de la population. Certes le XXe congrès du Parti communiste et la déstalinisation menée par Kroutchev ont permis une certaine prise de conscience, mais la remise en question collective n'a pas eu lieu. Trop douloureux et culpabilisant, c'est plus facile de ne pas en parler. C'est pourquoi on ne s'étonnera pas, quelques jours plus tard, de croiser un sosie de Staline sur la place rouge prenant des photos avec les touristes. Pour un des dictateurs le plus meurtriers de l'histoire (plus de 20 millions de mort si l'on compte la famine qu'il a provoqué), c'est plutôt de mauvais goût.

    On retrouve cette histoire soviétique un peu plus tard à travers la collection permanente de la nouvelle galerie Tretyakov. Une importante collection d'art officiel du régime y est exposé. Les sujets sont récurrents : ouvriers œuvrant à la grandeur de la mère matrie, fermières souriantes à pleine dents, sportifs en plein effort, hommes et femmes prenant les armes pour défendre la révolution. Il y a même une nature morte: une table déborde de conserves et d'aliments produits en URSS, le peuple mange à sa faim. Un peu plus loin, une scène de famille, un enfant bien portant lit une lettre du front envoyée par son papa sous le regard bienveillant de sa maman et de ses proches, tout le monde sourit, il fait beau, les couleurs sont chaudes, le conflit n'est nulle part. A partir des années 80, comme une réaction épidermique à 60 ans de réalisme socialiste, les peintures deviennent plus sombres, les sourires s'effacent, la neige est plus présente. La pérestroika lève peu à peu le joug de l'art totalitaire soviétique.

    On explore la capitale, le Kremlin, des monastères, le parc Gorki pour entendre "the wind of change", le musée Pouchkine, des allées derrière les immeubles où se cachent des boutiques, des restaurants et des bars.

    Le samedi soir, sur les conseils des amis de Max et Vassya, on assiste à la soirée inaugurative d'un nouveau club underground : Le Mutabor. Dans la file à l'entrée, on nous promet un évènement historique, imaginez-vous qu'on fait partie des premiers à rentrer dans le successeur du Berghain ! En effet le lieu est prometteur, une usine désaffectée toute faite d'acier rouillé, dotée d'un grand hangar cernés par des enceintes Function 1 (?). Au sol des vitres permettent de danser au dessus d'anciennes machines et autres rouages disposés dans les sous-sols. L'ambiance y est résolument industrielle. Pour leur première, les organisateurs ont conçu un évènement à vocation plus artistique que festif. La programmation est exclusivement ambient et expérimentale. Dans la grande salle les lives se succèdent. Dehors des vidéos de forêt en noir et blanc défilent sur les murs, et 2 DJs bidouillent des sons angoissants sur leurs synthés modulaires.

    Seulement la soirée ne semble pas prendre auprès de la foule branchée qui se presse ici. Et pour cause, il n'y a pas d'alcool en vente, les promoteurs n'ont pas obtenu la licence à temps.
    Et puis ça manque cruellement de surprises pour un évènement aussi bien marketé. On espérait qu'il pousse le délire avant gardiste jusqu'au bout avec d'avantage de diversité, des installations artistiques, des performances, de la danse, une interactivité avec le public et pas seulement de la musique expérimentale. Vers 1 heure tout le monde à l'air de s'ennuyer sévère et on décide de rentrer. Pour les prochaines soirées on annonce Nicolas Lutz et Ricardo Villalobos. Qui sait ? Peut être qu'on a assisté aux prémices d'un futur club de classe internationale, mais on ne sera pas là pour le vérifier.

    Après 5 jours, on commence à en avoir assez des grandes villes et des voitures de luxe, alors on monte dans le train, un petit stop à Kazan et ce sera la nature, les montagnes, l'Altaï...
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