• La Paz 2

    2024年6月25日, ボリビア ⋅ ☀️ 16 °C

    La Paz devient rapidement un gros coup de coeur!

    La Paz est un mélange de toutes sortes de choses et d'époques. Il y a d'abord les quartiers centraux, aux rues étroites, aux vendeurs ambulants habillés de manière traditionnelle, les maisons historiques coloniales avec une petite touche pittoresque de décrépi, le téléphérique ultra moderne offrant une excellente vue sur plein de quartiers différents.

    Le quartier historique est assez touristique, ce qui signifie que nous pouvons y trouver de bons cafés et restaurants, tandis que Socopachi un peu plus loin est plus moderne, avec encore des cafés et restaurants. Notre hôte Marcelo, amateur de café, nous fait plein de recommandations que nous nous empressons d'essayer : Café Retrato, Café Typica, Café Sultana etc.

    Lors d'un tour guidé, nous apprenons des choses surprenantes... le tour commence devant la prison San Pedro, sur la place éponyme (aussi appelé Plaza Sucre). Apparemment, dans la fin des années 90, il était possible de faire une visite guidée touristique de la prison et même d'y passer la nuit, sans compter la possibilité de consommer voire de repartir avec de la cocaïne... Ces tours étaient donnés par un anglais incarcéré pour trafic de cocaïne qui y avait trouvé un moyen de se faire un revenu, et d'obtenir de la compagnie pendant son emprisonnement. La prison est également connue pour des pratiques qui surprennent les occidentaux : les détenus doivent acheter (ou louer) leurs propres cellules de prison, lesquelles peuvent ressembler à de véritables studios ou appartements bien meublés et fournis, ils peuvent y opérer des commerces, magasins, restaurants, services divers. D'ailleurs, ces services bénéficient aux détenus, puisque les services de restauration ou autre de la prison son tellement sommaires qu'ils ne peuvent pas répondre aux besoins de base des détenus. Certains prisonniers vivent en prison avec leurs femmes et enfants, lesquels peuvent entrer et sortir à leur guise pour aller travailler ou à l'école. Bien que ce ne soit pas un endroit idéal pour eux, évidemment, les familles n'ont souvent pas les moyens de payer un hébergement à l'extérieur en plus de payer à l'intérieur et de devoir soutenir financièrement les détenus. Une campagne avait été menée à la fin des années 90 pour interdire les enfants dans la prison, mais ce sont les mères qui ont dénoncé la campagne, soutenant que si les enfants ne pouvaient résider avec leurs parents dans la prison, ils seraient envoyés dans des orphelinats ou centres où l'État n'aurait clairement pas les moyens financiers de s'occuper d'eux, sans compter qu'ils seraient séparés de leurs familles. La prison abrite également des laboratoires de transformation de cocaïne, la Bolivie étant apparemment l'un des plus gros producteurs de cette drogue... Je vous invite à lire le livre conseillé par notre guide : Marching Powder de Rusty Young, qui relate l'histoire de cet anglais emprisonné, lequel se permet de révéler des pratiques ayant cours dans la prison, qui, dénoncées par des détenus boliviens ne seraient sans doute pas crues.

    Notre guide nous amène ensuite au fameux Marché des sorciers (Mercado de las brujas). On y trouve toutes sortes d'offrandes pour la Pachamama et autres divinités locales. Pour demander des faveurs, comme une nouvelle voiture, du succès en affaire, une promotion au travail etc, on y commande une table composée d'offrandes variées dont une représentation miniature de ce que l'on demande. Pour la construction de maison, c'est un foetus de lama qu'il faut acheter et enterrer lors d'une cérémonie, laquelle doit être conduite par un professionnel. Notre guide nous amène alors à un autre niveau... Il dit que pour la construction d'édifices plus grands, comme des tours au centre-ville, des tours à condo etc, un foetus de lama ne suffit pas, la pachamama réclame un plus grand sacrifice. La veille de l'inauguration de la construction, le chaman se rend dans les quartiers les plus sombres de la ville, trouve un homme très très marginalisé, vivant dans la rue, s'assure que celui-ci n'a ni famille ni amis qui se rendra compte de son absence, lui offre alcool, drogue, voire prostituée, l'amène à la fête d'inauguration du chantier, et quand l'homme est saoul mort, le place dans un trou, face contre terre, puis referme le trou avec sa victime vivante dedans... Nous avons vraiment du mal à y croire, mais cela paraît possible. Plus tard, nous demandons à nos hôtes Marcelo et Éliana si c'est vrai. Avant que nous ayons pu terminer notre phrase "on nous a dit que... pour la construction de bâitments...", les deux nous coupent en même temps : "C'est vrai.". Éliana poursuit même : il y a eu un chantier pour une entreprise colombienne, les propriétaires ont dit que ce n'était pas leur pratique et ont refusé que les travailleurs de la construction, boliviens, fassent de sacrifice. Résultat : pendant la construction, une partie du bâtiment s'est effondré, et il y a plusieurs morts parmi les travailleurs et passants, dont une femme enceinte. La Pachamama a ainsi réclamé son dû...

    Notre tour guidé terminait sur la Plaza Murillo, lieu central du gouvernement avec le palais présidentiel. Il nous a expliqué les différents présidents exécutés par le peuple ou l'armée, ainsi que l'histoire politique mouvementée du pays, incluant les récents développements dont le Président Arce, poulain (ou marionnette) de l'ancien présdent Evo Morales. Evo Morales, élu pour la première fois en 2006, était le premier président indigène du monde, suscitant l'espoir pour beaucoup de Boliviens. De fait, son premier mandat a été ponctué de plusieurs réformes en faveur du peuple. Mais, selon notre guide, Evo Morales s'est corrompu au fil de tant d'années au pouvoir. Au bout de 3 mandats, la Constitution l'empêche de continuer à gouverner. Il met donc au pouvoir Arce, dans l'optique de gouverner à travers lui. Arce cependant, s'autonomise et rompt avec Morales, déclenchant un conflit au sein de leur parti.

    Le lendemain, alors que Jérémie sirote un café et que je fais le tour des magasins pour acheter une polaire (il fait si froid!), j'entends dans tous les magasins où je vais la radio allumée parlant d'une présence militaire inhabituelle sur la Plaza Murillo... Quand je rejoins Jérémie, nous observons une tension inhabituelle dans les rues. Les vendeurs rangent leurs étals, ferment leurs boutiques, tous rivés sur la radio à écouter en direct ce qui se passe... La plaza Murillo étant à une quinzaine de minutes à pied, nous décidons d'aller voir ce qu'il en est. Les intersections entourant la place sont effectivement fermées par des barricades et gardées par les forces armées. Les médias parlent d'un coup d'état... Nous faisons plusieurs intersections pour avoir une meilleure vue. Des véhicules blindés sont visiblement stationnés sur la place, il n'est pas possible d'y pénétrer, et les gens regardent avec un mélange de curiosité et crainte. C'est relativement calme, personne n'ose aller sur la place défier les militaires. Et puis soudainement, il y a du mouvement! Les véhicules battent en retraite en quittent la place en passant par l'intersection où nous sommes. Les gens crient des insultes aux militaires lorsqu'ils passent. Puis le barrage cède et tout le monde se dirige vers la place, désertée par les militaires. Il y a des mouvements de joie, des cris et des chants de défense de la démocratie. Nous continuer à être là et observer. Le président sort sur son balcon et fait un discours, remerciant le peuple d'avoir soutenu la démocratie, dénonçant le coup d'état qui vient d'avoir lieu. Nous sommes assez abasourdis, mais quand même excités d'avoir été témoin d'un moment historique comme celui-là. De retour à la maison, Marcelo et Eliana haussent les épaules : ce n'est pas un coup d'état, c'était un spectacle orchestré par le président Arce lui-même pour remonter sa côte de popularité dans le contexte du conflit avec Evo Morales et en prévision des élections présidentielles de l'année prochaine. Le Général ayant organisé le coup d'état a d'ailleurs mentionné l'avoir fait sur la demande du président... Quelle histoire!
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