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  • Day 3

    J3 - Sophie et le Top

    April 20, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 10 °C

    Alors là, les amis, quelle journée!

    Les nuages se sont gentiment dissipés hier soir lorsque nous rentrions du restaurant, et ce matin, le ciel est d'un bleu limpide... et ça change absolument tout!

    Le moral remonte, les déconvenues touristiques de la veille ne sont plus que de nouveaux prétextes pour re-visiter la ville une prochaine fois, nous prenons un petit déjeuner plus light que hier (enfin, dans mon cas) et nous voilà partis pour une grande journée de visites.

    CLIC-CLAC

    D'abord, on rattrape les clichés perdus de la veille : on n'a (presque) rien photographié en extérieur, aucun bâtiment, la lumière étant ultra moche, avec ce temps pluvieux. Donc aujourd'hui, à peine arrivés entre Sophie et la Mosquée Bleue, nous nous plaçons en position d'attaque : deux équipes, une heure de rendez-vous que personne ne respectera (seul le moins en retard aura le privilège de pourrir l'autre) et nous voilà partis en mode photo-sniper.

    Oui, lecteur imperturbable, je sais, tu n'es probablement pas un technicien de la photo, un malade du cliché ou un timbré du pola, mais nous, c'est notre came!

    Nous passons trois quarts d'heure à shooter tout ce qui bouge ou pas : les bâtiments évidemment, mais aussi les chiens errants (qui sont gros, plutôt du type labrador que bâtard maigrelet, et nombreux, au moins autant que les chats, mais ici tous taggés par les services municipaux, et très dociles) les chiens, donc, qui se prélassent sur les bancs de la place, au soleil, à se faire caresser par les touristes.

    Le soleil a un pouvoir de transformation phénoménal. La lumière matinale vient doucement caresser les dômes des mosquées, réchauffer les murs et les colorer de mille teintes d'ocre, tandis qu'elle illumine les coupoles de plombs et sature les couleurs. Nous nous abîmons dans une orgie photographique, cela fait deux ans que nous n'avons pas pu nous livrer à notre activité favorite en terre étrangère. Que du bonheur.

    SAINTE-SOPHIE

    Nous nous retrouvons à notre point de rendez-vous et c'est la Fête à la Mauvaise Foi, chacun arguant de sa présence à l'heure et au bon endroit, même si personne ne s'est vu (et pour cause). Puis après reconnaissance commune de notre lamentable situation, nous nous réconcilions instantanément et prenons la direction de la Sainte-Sophie (bon, en fait, la reconnaissance commune nous prend les 3 minutes de trajet nécessaire pour rejoindre Sophie, du coup, nous y sommes déjà.)

    Allez, 3 lignes sur cette mosquée-qui n'en-était-pas-une-au-début, c'est une histoire incroyable.

    Elle naît basilique, construite en moins de 6 années et inaugurée en 537 dans le but de dépasser en splendeur le temple de Salomon à Jérusalem (apparemment, pari réussi). Plus de 10 000 ouvriers furent employés en partie pour élever la coupole gigantesque de 32 mètres de diamètre à une hauteur de 56 mètres... qui s'effondra deux ans après, provoquant une nouvelle étude de la structure et l'ajout de renforts latéraux massifs.

    Pour Sophie, rien de trop beau.Les matériaux les plus nobles et chers furent utilisés: marbre, granit rouge, or, argent, ivoire... on prétendit que l'empereur Justinien avait reçu d'un ange le plan de l'édifice et l'argent nécessaire à sa construction... et nous qui avons honte de nos justifications bancales!

    Pourtant, elle n'a jamais été dédiée à une sainte Sophie. Car son vrai nom turc, c'est l'Ayasofya, ou Sainte Sagesse. Le traducteur devait avoir une ou deux amphores de pinard dans le nez au moment de faire son boulot.

    Quelques heures seulement après la chute de Constantinople en 1453, (le Pape se fait renvoyer dans les cordes par les Ottomans), le Sultan Mehmet II transforme la basilique en mosquée, par une simple prière.
    Nouvelles dépenses de ouf pour re-décorer, transformer, améliorer, convertir... Sophie reste musulmane jusqu'en 1934, lorsque le président Ataturk qui veut moderniser, occidentaliser et laïciser la Turquie la transforme en musée...
    ... jusqu'en 2020 où Erdogan la re-convertit en mosquée, suite à un petit déficit de popularité au sein des siens.
    Voilà. Dingue, non?

    UNE GIFLE

    Celle-là, je veux bien l'avoir tous les jours du reste de ma vie! C'est une véritable gifle qu'on se prend en pénétrant dans la mosquée. Déjà, la taille est titanesque. C'est bien beau, une "coupole de 32m de diamètre à 56m de haut" mais quand tu es dessous, lecteur incrédule, je peux te dire que ça calme; Ca détend automatiquement les muscles des mâchoires, de sorte que chaque touriste faisant un pas sur l'épaisse moquette verte de l'édifice entre la bouche bée, le souffe court, l'oeil hagard l'air hautement cultivé.

    Je suis juste sans voix. Les lustres circulaires pendent de la coupole à des chaînes d'une cinquantaine de mètres, ils sont tous allumés et semblent flotter à 2 mètres au-dessus du sol. C'est féérique.

    Les touristes déambulent selon des parcours déterminés à l'entrée de la nef, mais tout mouvement est libre juste après qu'on a vérifié que personne n'avait gardé ses chaussures.

    La re-conversion en mosquée de 2020 ne semble pas du meilleur augure culturel en tout cas : notre Routard nous a prévenus que toute ancienne oeuvre représentant un symbole chrétien, et a fortiori des visages, était voilée, cachée, voire recouverte de motifs peints. Effectivement, nous voyons bien une vierge et son Jésus à moitié dissimulés derrière un voile blanc tendu à une dizaine de mètres au-dessus de l'imam qui est en train de prêcher. Les visages d'ange en mosaïques sur chacun des 4 piliers sont recouverts de nouvelles mosaïques abstraites, seul un reste visible. Mais on sent qu'il y a quand même une certaine "tolérance culturelle": le Jésus à l'entrée, dans le vestibule, nous accueille, à la vue de tous, le drap destiné à l'occulter totalement relâché à ses pieds.

    Nous y restons quasiment une heure, à photographier, regarder, lire le guide, écouter... A elle-seule, Sainte-Sophie vaut largement le déplacement à Istanbul. Je suis ravi et gonflé à bloc.

    TOPKAPEU

    Après un déjeuner insipide de boulettes de viande qu'Olivier voulait déjà goûter hier soir, nous enchaînons avec le Palais de Topkapi.

    Enfin, Topkapeu, devrais-je dire, car il s'écrit avec un "i" sans point, vois-tu, lecteur linguiste, et il y a deux "i" en turc, un avec un point, qui se prononce comme le nôtre, et un sans, qui se prononce entre le "i" et le "eu"; ce son, je pense le reconnaître de mes lointaines études de russe où ils ont le même. Il est pénible ce son. Il casse tout, il rend tout ridicule. Tiens, par exemple, le weekend prochain, nous allons visiter un charmant petit village nommé Cumalıkızık. Eh bien, visiter "Djoumalikizik" (ah oui, aussi: le "c" se prononce "dj" en turc!), ça donne envie, ça évoque plein de choses, alors que passer le weekend à Djoumaleukeuzeuk, excuse-moi, lecteur, mais autant se finir à la Suze dans un bar à Heume-l'Eglise.

    Bref, donc, Topkapeu. On ne va pas les contrarier, on n'est pas chez nous, quand même. Pour faire court, c'est le palais impérial des lignées de sultans entre le 14e et 19e siècles.
    C'est plutôt une ville-palais qu'un palais au sens que l'on s'imagine. Plusieurs pavillons de taille variable sont agencés autour de larges jardins calmes et reposants plantés - en ce mois d'avril - de massifs de tulipes rouges et jaunes où les chats errants font leur vie, se battent en feulant, font des crottes qu'ils enterrent juste après au pied des arbres ou se laissent caresser par les touristes, les quatre actions citées interventant dans un ordre aléatoire et pas des plus avenant parfois.

    La visite nous (me) parait longue, mais longue... les bâtiments sont magnifiques, oui, mais vides, voire vidés de tout. Tout me semble très épuré, aseptisé, peut-être pour rappeler les origines nomades de cette culture? Quoi qu'il en soit, oui, c'est quand même à découvrir, mais de toute façon, derrière Sophie... rien ne survit!

    HAREM

    Bon, si, le harem est incroyable : une ville dans la ville. Des hamams pour les eunuques, pour la mère du sultan, pour les courtisanes, chacun a son jardinet, sa salon, sa cour, les mini-pièces sont enchevêtrées dans un labyrinthe ahurissant.

    Nous ressortons à genoux, ou presque. On n'en peut plus de piétiner, revenir sur nos pas, c'est plus fatigant que de marcher autant qu'on l'a fait la veille.

    SOIRÉE

    Nous trouvons un resto indien, le Dubb, qui nous fait de l'oeil depuis le guide : ils ont apparemment un toit-terrasse avec vue sur la Sainte-Sophie et derrière, la mer. Essayons!

    Nous pénétrons dans l'établissement une demi-heure plus tard.
    "Vous avez une réservation?
    - Non.
    (Cela me paraît mal parti pour le toit-terrasse.)
    - Vous voulez être dehors ou dedans?
    - On peut aller en haut?
    - Oui, pas de problème."

    Cool! Le temps de monter ces QUATRE étages à pied dans un escalier aussi étroit que dans un château-fort, soufflant comme des boeufs après le labour et nous voilà dans une charmante petite salle avec des fenêtres pour murs et une vue imprenable sur la mosquée qui commence à s'illuminer pour la nuit. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, le serveur nous demande si nous désirons manger indien ou turc!
    Nous sommes les rois de l'indécision, c'est un euphémisme. Aussi, nous finissons quelques instants plus tard avec 2 cartes de menus chacun et nous lançons dans la découverte de nouveaux mets, alors que d'autres clients arrivent au bout de leur vie en haut des escaliers, soufflant comme des boeufs après le labour.
    (Pour info, pas de passe-plat : les serveurs prennent le même chemin pour servir et débarrasser!)

    Nous rentrons après quelques nouvelles photos mais de nuit cette fois. Tiens, c'est nouveau aussi, on nous annonce devant un restaurant que c'est "Chicha time. you want? You want?"
    Hier on était des Chinois, ce soir on fume. Tout change. Que serons-nous demain?
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