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  • Day 6

    J6 - Bursa

    April 23, 2022 in Turkey ⋅ 🌙 15 °C

    Je profite de notre traversée de 2h entre Istanbul et Bursa pour m'avancer dans mes comptes rendus, ça sera toujours ça de gagné ce soir quand on en aura plein les pattes.

    Rien de bien remarquable ce matin. On s'est levés très tôt, trop tôt certains diront (moi, en l'occurrence) mais Mérignac ayant décidé de ne pas être en retard (on avait quand même un bateau à prendre), je n'allais pas le contrecarrer.
    Nous hellons prestement un taxi qui nous déleste d'une cinquantaine de livres pour nous amener à l'embarcadère de Yenikapi, roulant comme un malade et à deux doigts de renverser un cycliste à l'arrivée. Comme tout bon Turc au volant, il s'arrête juste là où il veut sans prêter attention aux voitures derrière lui qui le klaxonnent à peine a-t'il lâché son frein à main.
    Le Turc est sympa, mais faut pas trop le chauffer quand même. Le nôtre tourne instantanément la tête vers l'autre conducteur et lui lance un regard noir, meurtrier, immobile, figeant le temps l'espace de quelques secondes.
    Puis le monde reprend sa course, il nous décharge les valises, on paye et le voilà reparti vers d'autres aventures, comme nous d'ailleurs. Pfiou. J'était à deux doigts de m'excuser profusément pour l'autre conducteur...

    Le terminal n'est pas bien grand mais tout est très bien organisé. On a le temps de prendre un petit café avec une pâtisserie histoire d'avoir quelque chose à vomir dans un moment, puis nous embarquons.

    Et là, à la seconde où j'écris ces lignes, nous sommes en train de voguer en Turquie, sur la mer de Marmara, vers la ville de Bursa.
    La vie est belle.

    Nous en profitons pour réviser notre turc basique. Pas simple, les changements phonétiques. En turc, en plus, il faut rouler les R et prononcer les H.
    - Bonjour : merhaba
    - Merci : teşekkür ederim 'téchékur édérim"
    - oui : evet
    - non : hayır (un peu comme "ailleurs")
    - 1: bir
    - 2: iki
    - j'ai faim : acıktım ("adjeukteum")
    Le basique, quoi.

    UN AUTRE TOURISME

    Nous avons été surpris les premiers jours de croiser autant de personnes avec le nez cassé. Des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes, tous se baladent comme si de rien n'était avec de gros pansements et les yeux gonflés, bleuis, la zone tuméfiée. Ma parole, ils se battent tous ou quoi?

    Puis après les nez, ce sont les crânes. Bon nombres d'hommes de tout âge aussi ont soit la tête bandée en couronne, soit le crâne à vif, piqué de centaines de points rouges. Mais mon Dieu mais que font-ils de leur temps libre, ces gens-là!?

    Evidemment, nous comprenons que tous ces gens sont en Turquie non seulement pour le tourisme, mais c'est en fait du tourisme médical : la Turquie est apparemment à la pointe des rhinoplasties ainsi que de l'implantation capillaire. Ils viennent tous se refaire un nez, un scalp, probablement à moindre coût, la livre turque ayant perdu le double de sa valeur depuis à peine un an! Cela me laisse songeur...(non, non, lecteur inquiet, ne te fais point de cheveux blancs : point de chirurgie, la tondeuse restera ma meilleure amie).

    Et pour conclure le chapitre sur le tourisme, comment ne pas mentionner les incroyables hordes de touristes russes! Ils sont absolument partout, et ça baragouine à tout va, ça s'apostrophe, ça se helle, sans aucune vergogne! On leur dit qu'ils sont en guerre et qu'ils emmerdent tout le monde ou bien?
    Bon ça me permettra de "tester" mon russe scolaire et d'interloquer une vendeuse qui ne comprend pas pourquoi je lui réponds en russe que je ne comprends pas ce qu'elle me demande en russe.

    BURSA ?

    Nous accostons vers 11h45 mais ne sommes pas arrivés à Bursa. La ville se trouve à une quinzaine de kilomètres de la côte, mais j'ai trouvé l'info du siècle pour nous aujourd'hui : il y a un tramway qui relie l'embarcadère à la ville. C'est ce que nous nous mettons à chercher à l'arrivée, entre les rabatteurs de taxi, les rabatteurs de bus et d'autres rabatteurs dont on ne sait pas trop ce qu'ils rabattent mais tant qu'ils le font, ils'en contentent, et ma foi nous aussi.

    Il faut nous rendre à l'évidence : Bursa n'est pas Istanbul. Ici, il fait beau et chaud, surtout. On est à 26°C, pas un nuage, on dirait l'été. Mais un été sans tramway. Pas l'ombre d'un. Que des taxis et des bus. Nous optons pour le bus. Nous prenons la file d'attente pour le guichet.
    Ah. On nous dit que ce n'est pas la file d'attente pour le bus. La file d'attente pour le bus? Elle est là-bas. Nous nous faisons préciser un tantinet cette information, là-bas étant toujours plus loin que là où on se trouve... la file? là-bas!

    Bon, OK on n'en tirera pas plus. Mérignac va demander à une commerçante qui lui pointe l'épicerie d'à-côté, et effectivement, c'est tellement intuitif d'aller acheter son ticket de bus dans l'épicerie du coin...
    On nous vent la Bursakart, la carte des transports de la ville, à recharger en argent dès qu'elle est vide.

    Un vieux monsieur fort aimable nous prend en charge de loin, comme je lui ai expliqué où nous voulions aller en lui demandant comment le faire. En fait, c'est tellement intuitif aussi : bateau, puis bus, puis métro et enfin taxi. E-vi-dem-ment!! Mais comment diable n'y avons-nous pas pensé avant!? Et tout ça sans aucune explication ni aucun panneau sur place bien entendu.
    Bref, le monsieur m'explique par gestes car il ne parle rien d'autre que le turc comment faire, puis comme il va sensiblement dans la même direction, je le vois qui nous surveille de loin, de temps en temps, voir si on ne fait pas de bêtises.

    Nous finissons par descendre à la bonne station, trouvons un taxi qui nous dépose enfin, ENFIN, à notre Ipekiolu Hotel, dans le centre historique de Bursa.

    BURSA

    Bursa est moche lorsqu'on arrive. Une ville banale, avec ses rues, ses grandes artères, sa pollution, et en état assez moyen en ce qui concerne la voirie, notamment les trottoirs. Je ne vivrai pas à Bursa. Je n'y achèterai pas une maison pour y aller en vacances. Tout juste nous y venons pour voir deux, trois trucs et peut-être serons-nous surpris, mais pour l'heure, Bursa, c'est pas la joie.

    L'hôtel en revanche, est assez class avec une pointe de vieillerie kitsch pas déplaisante. Nous avons droit aux sols de marbre et parquet, un long couloir de bois avec des lustres en globes de verre décorés d'arabesques métalliques. Le bâtiment à étage forme un U, c'est une ancienne demeure de style ottoman - nous sommes dans le centre historique, te dis-je ! La cour semble un peu nue avec uniquement ses tables et sièges pour le petit déjeuner visiblement. La chambre est du même modèle, nous sommes agréablement surpris.

    ARE YOU ? YOU ARE?...

    Depuis deux jours, et notre insoluble mystère de l'inconnu de 5h18, nous trouvons petit à petit des pièces qui nous permettent de reconstituer ce puzzle qui occupe notre esprit. De sorte que je peux probablement offrir une première (et unique) explication sans inquiéter personne (si tant est que quelqu'âme pût l'être. Inquiétée.)

    Souviens-toi plutôt, lecteur précédemment frustré mais pas rancunier, jeudi matin, 5h18, quelqu'un nous réveille en frappant à la porte de la chambre.
    J'ouvre. Derrière la porte, le concierge de nuit se tient à quelques mètres et là nous basculons dans la 4e dimension.

    "Excuse me but... are you gay?"
    La question me met une grande claque derrière la nuque. Il est 5 du, l'autre s'est manifestement réveillé et en tout cas nous a réveillés pour nous poser cette question!?
    Je le fais répéter.
    "Are you gay? because errr... you are together and errr... you have one room..."
    Mais je t'en pose des questions, Gaston? Je suis atterré. Et bien mal inspiré (je n'ai la plupart du temps absolument pas de répartie, ou un vraiment très mauvais timing), je lui réponds mal à l'aise que non, on est juste en voyage. Dans l'histoire des répliques merdiques, je pense qu'on peut m'attribuer le Galgon de bronze de la plus vaseuse.

    Mon esprit fuse en même temps. Turquie + gay = pas cool. Que faut-il faire ? Affronter la vindicte populaire et la connerie humaine et rester fier ou faire profil bas pour ne pas se faire emmerder, voire pire.
    Parce que, oui, à cet instant, je pense un peu au pire. Je disais avant-hier que la situation pouvait potentiellement partir en vrille quelle que soit la direction qu'elle prenne.
    La pire de toutes est que si on dit oui, on peut se faire casser la gueule. Et on n'est pas venu ici pour souffrir, hein!? Après, on ne connaît pas le statut du traitement de la communauté ici, mais après quelques recherches avisées, il semblerait que les actes d'agression sont plus ou moins volontairement ignorés par les autorités.

    2e possibilité à haut potentiel de vrillage : il cherche du contact! Logiquement, les homos du pays doivent être super tendus du coup par rapport à cette situation. Cela ne doit pas être simple d'être gay ici. Et donc, s'il l'est, il nous voit dans une chambre, il tente sa chance avec les deux vieilles! Mais alors là, dans l'histoire des premiers pas, on lui décerne l'Istanbul d'or, à Isidor. Olive me demandera comment il était habillé. Je pense me souvenir qu"il était uniquement en caleçon, mais beaucoup moins sûr pour le haut. Torse nu ou pas? Pas fait attention sur le coup. Cela aurait pu être une indication, pour lui, quant à ses intentions.

    3e possibilité, probablement la bonne, car plusieurs indices pointent dans cette direction. Une précédente cliente a laissé un message sur Booking, furieuse qu'on lui ai refusé une chambre sous prétexte qu'elle ne portait pas le nom de son copain. Pas mariée, quoi.
    Alors, quoi de plus logique pour lui que de s'interroger si nous sommes en couple? Si oui, il va nous jeter dehors avant la fin du séjour, et ça dera galère.

    En prenant la chambre à 13h ici à Bursa, l'hôtesse d'accueil nous dit qu'on avait réservé une chambre avec un grand lit mais que c'est plus possible, elle n'a que 2 petits lits. On se regarde subrepticement avec Olive, disposant cette nouvelle pièce dans note puzzle mental. Peut-être est-ce parce qu'on est 2 hommes..? Je lui dis que tutti va bene pour nous et le plus logiquement du monde, on nous amène dans une chambre avec un grand lit...!
    Je n'exclue pas la mauvaise compréhension de ma part, mais je n'exclue pas non plus les événements totalement hors de toute logique qui nous arrivent parfois.
    Quoi qu'il en soit, on pense que là aussi, quand ils voient que c'est deux mecs qui réservent une seule chambre, ça doit tiquer un peu.

    Bref, voici donc le fin mot de l'histoire. Je me suis renié jusqu'au tréfonds de mes atomes mais ça va mieux, c'est passé. On a préféré ne pas en parler avant d'avoir quitté Istanbul et peut-être compris le pourquoi du comment. On ne saura jamais vraiment ce qui s'est passé dans sa tête à 5h du matin qui l'a poussé à nous réveiller pour nous poser cette question de but en blanc. Y'a quand même des gens chelous, non?

    CUMALIKIZIK

    Tu te souviens, lecteur attentif, de la prononciation? Djoumaleukeuzeuk, c'est ça.
    Ben nous y arrivons. Le temps de te raconter notre mystère de 5h18 et le taxi nous a amenés pile poil sur la place du village, à une quinzaine de kilomètres de notre hôtel.

    Même si la campagne n'est pas très remarquable en route, cela fait du bien de quitter une grande ville l'espace d'une journée. On respire de nouveau, même si la température est encore montée d'un ou deux degrés.

    L'arrivée au village nous arrache un "wouah!" d'excitation en pensant aux photos qu'on va pouvoir faire si tout le village ressemble à cette place.
    Un gros arbre est planté en plein milieu derrière deux stèles et quelques plots de circulation en ciment pour agrémenter le tout. Le sol est en terre battue, et tout autour sont disposés les étalages de vendeurs de tout et de rien, mais principalement de rien-à-touristes : vieilles feuilles poussiéreuses pour le thé (goût pneu ou gaz d'échappement certainement), des poupées de chiffon que même Stephen King n'oserait pas mettre dans ses romans tellement elles sont effrayantes et malaisantes (comme dirait ma fille) dans leur simplicité. On y vend aussi de l'artisanat : bibelot, broderie, crochet, les mamies locales sont assises sur des petits sièges en plastique et font salon tout en gardant un oeil sur leur camelote.

    Les touristes se photographient, prennent les bâtiments, les rues qui partent dans des angles improbables, toutes ces façades décrépies, peintes en vieux bleu, jaune pâle ou vert. Beaucoup de maisons, les plus vieilles, vu leur état, sont à encorbellement, c'est à dire que le premier étage dépasse du rez-de-chaussée et est soutenu par des poutres dont on se demande bien ce qui les soutient, elles...
    L'ambiance est détendue, des enfants rigolent pendant que les adultes papotent, c'est vraiment sympa.

    DEJEUNER

    Mais il est l'heure des photos, même si on n'a pas encore mangé. Il est 14h. Pour photographier des ruelles encaissées, coincées entre de hautes maisons, il vaut mieux les faire lorsque le soleil est au plus haut, donc aux alentours de midi pour que la lumière les illumine. Trop tôt ou trop tard, et la ruelle est plongée dans la pénombre et la photo est souvent nulle.

    Nous prenons donc plusieurs séries de photos, les rues environnantes grimpent et se tordent silencieusement autour des vieilles maisons, le village étant adossé à une colline. Elles grimpent . On adore. Au centre de la première, le caniveau pavé est ruisselant d'une eau brillante de lumière, tandis que certaines femmes toutes voilées et accoutrées de vêtements sombres sont assises devant leurs échoppes et regardent les gens passer ou discutent avec les enfants qui jouent là.

    Mais la photographie finit par n'avoir qu'une emprise toute relative sur nous lorsqu'il s'agit de manger, ce n'est pas une nouveauté.
    Nous choississons donc une boutique assez grande qui vend un peu de tout et n'importe quoi, un peu comme tout le monde ici et on voit qu'ils font aussi à manger.
    La jeune fille nous invite de la main à monter l'escalier, ce que nous faisons. On se dirige alors vers une salle à l'étage où des tables sont disposées. "No, no, no, not here!" nous fait-elle alors. Pas ici? Mais où, alors? elle tend la main en direction d'un endroit derrière nous. Tiens un autre escalier. On s'y engage.
    "No, no, no, not there!" fait-elle en souriant.
    Elle se foutrait pas de notre gueule aussi...?

    Elle nous installe dans une sorte de petit salon mezzanine très bas de plafond (même nous on se cogne aux poutres) où une multitude de coussins de toutes tailles sont disposés au sol, avec une table ronde. Nos yeux s'illuminent, ça va être royal! Des paşa!

    Bon, le repas n'est pas le meilleur du monde mais c'était quand même très agréable. Nous repartons une grosse demi-heure plus tard et basculons en mode photo-sniper : 2 équipes, temps pré-défini. Et c'est parti, chacun de notre côté.

    VISITE ET DEPART

    Le village de Cumalıkızık est apparemment classé au Patrimoine mondial, mais il serait temps de lui faire une petite beauté. L'architecture des habitations est belle mais la plupart sont dans un état de délabrement avancé, et on se demande comment ces (vieilles) personnes peuvent vivre dans de tels lieux.
    La fin d'après-midi approche, je me lance dans une exploration aérienne du village avec mon drone jusqu'à ce qu'un paysan vienne se garer sur le parking éloigné d'où j'opère et me dise que c'est interdit. Parce que lui doit connaître les règles en matière de vol de drone... de toute façon, j'avais fini mes prises de vue, donc je lui fais plaisir et je le fais rentrer au bercail (le drone, pas le pépé).

    La question du retour se pose maintenant. Il est 18h... et comment dire... Cumalıkızık n'est pas un gros, gros hub de taxis de ouf en fait.
    Pas l'ombre d'un. Celui qui nous a déposé en début d'après-midi nous a demandé s'il devait nous attendre ou pas. On l'a remercié gentiment (en turc, il a apprécié) mais nous l'avons congédié. Donc maintenant, selon mon expression favorite, on est Grosjean comme devant. Retour au point de départ, faut qu'on retrouve un transport.

    Et de l'eau. Nous n'avons pas bu depuis le repas, ça commence à grincer dans les rouages. On rentre dans une petite boutique tenue par des jeunes, prenons des bouteilles et demandons le prix.
    La demoiselle super souriante et sympa mais qui ne parle pas très bien anglais nous montre des deux mains 6 doigts levés...en nous annonçant fièrement "seven"!
    Pfff on contient un rire nerveux, la pauvre elle est sincère, elle veut se montrer commerçante.... son pote vendeur éclate de rire et la refait compter depuis 1 jusqu'à 10 en anglais et elle finit par comprendre et nous avoue qu'elle a toujours compté comme ça!
    On en profite pour lui demander comment retourner à Bursa. Elle nous montre plus qu'elle nous explique que là, sur la place, justement, il y a le mini-van blanc qui y part, faut le prendre!

    Sortie en trombe de la boutique, je cours derrière le van qui est en train de partir, tape à la carrosserie et saute à l'intérieur. Le type est au téléphone mais me fait un signe affirmatif de la tête lorsque je lui demande "Bursa?"
    Sauvés. Nous venons de prendre un dolmuş ("dolmouche"), un mini-bus qui a un itinéraire global mais s'arrête un peu n'importe où sur sa route pour peu qu'on lui demande ou qu'on lui fasse signe depuis le trottoir. On monte, on fait passer l'argent de la course par les autres voyageurs si on est au fond. C'est très... collaboratif. On en avait pris un déjà mais qui ne portait pas le même nom au Cap, en Afrique du Sud. Toujours un grand moment lorsqu'on ne connaît pas les us et coutumes.

    SOIREE

    Nous ressortons dîner plus tard que la normale comme nous avons déjeuné tardivement. Nous sommes encore dans un quartier très, très vivant: l'hôtel est entouré de magasins d'électro-ménager et de meubles, de sorte qu'on ne découvre qu'il s'agit d'un hôtel que lorsque on y entre. Sinon, sur le trottoir et la zone piétonnière, c'est un déballage de lave-linges, sofas, lave-vaisselles et fauteuils bigarés qui fait plus penser à une brocante en plein air.

    Non loin, une rue étroite semble concentrer tous les restaurants populaires du coin. On l'a parcourue plus tôt: les panières de pain, les condimens et sauces étaient déjà disposés sur chaque table et plastifiés pour les potéger de la poussière. On en a souri.
    Mais maintenant, on comprend qu'ils attendaient le rush du samedi soir! Au moment où nous partons manger, les gens sont aglutinés à leurs tables par 4, par 6 ou plus, mangeant tous le même plat et buvant des bières ou des thés. C'est une cantine très bon enfant, joyeuse et rigolarde. Les serveurs ont une patience et une dextérité extrêmes de faire leur boulot avec autant de gens au mètre carré, c'est invraisemblable. Nous avons juste une cinquantaine de cm au centre de la rue pour passer entre des alignements de rangées de tables, et il faut s'y croiser avec des dizaines de personnes qui déambulent comme nous, dans les deux sens. A cela s'ajoutent des groupes de musiciens qui chantent et jouent à tue-tête alors que les clients les accompagnent et les touristes les filment... un véritable Capharnaüm, mais c'est super marrant.

    Nous, notre resto choisi nous jette : trop tard. TROP TARD? Samedi soir, 21h? Alors qu'à Istanbul, ils servent jusqu'à minuit, voire plus!
    Nous nous rabattons sur le voisin, qui ferme à 22h. Nous nous retrouvons propulsés sur la terrasse, assis près d'une fontaine qui glougloute et dans laquelle le serveur qui débarrasse les tables vide consciencieusement les bouteilles d'eau minérale. On nous colle un menu dans les mains, on revient chercher la commande 1 minute 45 après montre en main, on est servis 5 minutes plus tard. Il ne reste plus que nous sur la terrasse qui était pleine lorsque nous sommes arrivés. Incroyable.
    Nous finissons notre repas, payons et hop, on est jetés dehors de nouveau.

    Le retour à l'hôtel est plus lent, on traîne un peu... et on retraverse la rue de la cantine. Méconnaissable. Plus de tables, elles ont toutes été rangées. Un type passe un jet d'eau sur les pavés tandis que d'autres portent des entassements de chaisses brinquebalantes à l'intérieur. Tout est fini. Ils sont tous partis, en un claquement de doigts. Ils étaient pourtant des centaines ici, il y a encore 20 minutes.

    En arrivant à l'hôtel, on croit s'être retrouvé dans un film. Plus un lave-vaisselle, plus une chaise, plus un canapé. Tout a disparu également. C'était un décor, assurément. C'était des acteurs, les mangeurs, les musiciens, les serveurs, tous des comédiens, on s'est bien fait avoir, on n'a pas vu les caméras... hein?
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