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  • Day 5

    J5 - De l'autre côté de la Corne d'Or

    April 22, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 15 °C

    Réveil à 8h au lieu de 7h30, parce que pourquoi pas... on n'est pas à une demi-heure près, surtout que le temps nous joue encore un tour minable: ciel couvert et atmosphère voilée alors qu'on devait avoir grand beau temps. Nos photos ne seront de toute façon pas ouf, donc autant faire du rab de sommeil.

    TRAMWAY

    La première blague de la journée: acheter un ticket de tramway. Ça te paraît simple, hein, lecteur moqueur, mais je te défie d'utiliser une borne automatique... en turc.
    Mais d'abord, il nous faut du cash, bébé, parce que les machines ne prennent pas les cartes apparemment. Soit. Il y a une chariotte de distributeurs mobiles en bordure de l'immense place entre nos deux mosquées. D'expérience, je sais qu'il faut trouver quelle banque locale est en partenariat avec la nôtre pour voir nos commissions de change et de retrait s'évaporer. On s'est pris un 6,5% le premier soir. C'est pas énorme, mais c'est le principe!

    Ce n'est qu'au bout du 3e distributeur (le premier était élevé, le 2e, plus de cash...) que nous trouvons le 0% de com. On retire et nous voilà partis à l'arrêt de tram.
    Non.
    D'abord, il nous faut l'appoint. Le Routard nous a prévenus que les machines ne rendaient pas la monnaie. Le ticket unique est à 15 livres, nous n'avons que des billets de 50. Et de toute façon, nous découvrirons que les machines n'acceptent pas de billets plus haut que 20!

    On fait le tour des commerçants pour casser un billet. Evidemment, c'est la croix et la banière, ils veulent garder leur menue monnaie. Encore une épreuve Pékin Express... je me sens investi de cette mission, et d'un coup, elle se retrouve chronométrée comme par magie! Je commence à accélérer le pas, prends le billet de 50 des mains de Mérignac et me jette sur le premier vendeur qui me gifle sèchement pour me calmer sur l'instant.

    Bon, il ne m'a as vraiment giflé, tu l'auras compris, mais son refus me ramène sur terre.
    Je redonne le billet à Olive, tout penaud, et le laisse finir sa transaction plus tard. Nous finissons par trouver un rabatteur sympa qui nous fait un 2x20 + 10. Le top serait d'avoir des 5 pour faire l'appoint maintenant.
    La mission se poursuit avec un dernier commerçant qui nous échange un 10 contre deux billets de 5.

    Nous voilà enfin devant la machine.
    Nous restons interdits devant l'écran, essayant de comprendre a) comment cela fonctionne, b) pourquoi ce n'est pas traduit, au moins en anglais, et c) pourquoi on n'irait pas à pied, finalement?
    Au bout d'un moment, on découvre le petit drapeau tricolore qui nous ouvre la Voie de la Compréhension. Olivier sur une machine, moi sur une autre, on achète nos tickets. Enfin, Mérignac achète le sien. Moi, mon billet de 5 ne passe pas, quelle que soit la position dans laquelle je l'insère...

    Nous terminerons la mission en agressant un vendeur ambulant de simits, ces petits pains en forme de couronne et parsemés de graines de sésame si savoureux que les gens en mangent à toute heure, mais plus souvent le matin car ils sont frais. Le type ne comprend rien, nous lui braquons sa caisse pour échanger mon billet pourri de 5 livres turques contre 5 pièces clinquantes et nous achetons le dernier ticket à coups de pièces insérées avec délicatesse car en plus d'être revêche, la machine est espiègle et n'en accepte qu'une sur deux lorsqu'on les lui envoie un peu trop violemment.

    Nous descendons au mauvais arrêt, ce qui a pour effet de faire un peu monter la tension car sur le schéma du tram (fort mal expliqué au demeurant) Mérignac a pris la ligne de métro pour la ligne de tram, quand Galgon savait de quoi il parlait (pour une fois!).
    Nous arrivons enfin en face du pont qui enjambe la Corne d'Or.

    GALATA

    Nous traversons cet estuaire en observant la myriade de pêcheurs au coude à coude sur la rembarde, lignes en tension, bac à eau derrière eux pour y jeter les petits poissons qu'ils attrapent et qui finissent, au bout d'un moment, par flotter à la surface, le ventre en l'air. On ne sait pas s'ils les mangeront, et cela restera un mystère sanitaire.

    On rencontre un photographe turc sympa avec qui on tape la causette un moment lorsqu'il voit nos appareils. On parle boutique, puis échange de cartes, d'instagrams, je le filme, il nous filme et ce soir je reçois un message qu'on se retrouve dans une story qu'il a postée sur son compte. Rencontre sympa.

    Puis nous sommes dans le quartier de Kadiköy. Ce n'est plus Istanbul la Vieille, mais la moderne. Enfin, elle n'a de moderne que parce qu'elle s'est développée sur l'autre rive, bien après son aînée. Sinon, c'est plutôt vieillot, sale, mal aménagé. Foutrac. C'est ça,
    la municipalité stambouliote semble foutraque. Cela ressemble par certains aspects à l'Inde, mais sans la saleté et les animaux. Cela reste néanmoins très bordélique par endroits.

    La Tour Galata se trouve sur une colline, donc ce ne sont que des rues très pentues que nous arpentons, et nos sacs semblent peser une tonne, alors que quelqu'un a manifestement monté la température du chauffage, où que nous allions.

    La Tour est ceinte de ces mêmes petites ruelles biscornues qui font le charme de la ville. Elle se dresse de mémoire à près de 70m de haut, toute ronde avec un toit pointu, elle est très moyen-âgeuse, et pour cause, elle date du 8e siècle et on apprend incidemment que le père de jean-Jacques Rousseau, notre philosophe, a vécu ici en tant qu'horloger du palais. Ca, c'est une info de machine à café où je ne m'y connais pas!

    Elle est très bien aménagée, avec des expositions et même un simulateur de vol à chacun de ses 7 étages. Le simulateur, c'est parce qu'un type s'est élancé de son sommet au 16e siècle et a réussi à voler avec des ailes faites maison (à la De Vinci) et se poser dans un champ voisin, devenant instantanément un star locale auprès de ses congénères, tu m'étonnes!

    La vue est magnifique depuis le sommet, nous y restons un certain temps à nous imprégner des sons de la ville qui montent jusqu'à nous: ce groupe d'écoliers déguisés qui défilent et chantent en choeur dans cette rue, en-dessous, en agitant leurs drapeaux turcs, où ces gens qui se font servir à la terrasse de ce café, alors que les taxis jaunes stambouliotes se faufilent à la queue leu leu dans ce labyrinthe de ruelles. Vraiment syma.

    DÉJEUNER

    L'heure hypra-importante, parce qu'on n'a pas déjeuné, ce matin. Bon, moi, je suis habitué mais Olive moins. Et finalement, cela fait du bien, après tout ce qu'on s'ingurgite depuis lundi.
    On trouve notre recommandation du jour au détour d'une rue tordue : un café/brasserie un peu branchouille où on s'asseoit... à côté d'un autre couple de Frenchies qui ont le Routard également. Mais comment te dire, lecteur interloqué, comment j'en ai marre parfois, d'être un mouton...

    La recommandation valait le coup, on découvre un nouveau dessert à tomber de saveurs et de légèreté (le même commandé ce soir ailleurs sera moins léger, de moindre qualité): le katmer. En gros, une pâte de pistache (ils mettent de la pistache absolument partout ici) dans une sac de pâte filo ou de feuille de brick pliée à la manière d'un vague samoussa. Le tout frit, évidemment. Une tuerie intergalactique, lecteur.

    ÇA CHAUFFE

    Nous passons par le quartier de Beyoğlu mais nous le trouvons sans grand intérêt. Peut-être n'avons-nous pas vu les bons spots, mais l'heure tourne et nos pieds et dos chauffent.

    Mérignac se traîne aujourd'hui, fatigue accumulée depuis ces derniers jours, et moi aussi, je me sens arriver au bout de ma vie, que je porte justement sur mon dos, comme chaque jour. Mon sac photo pèse 10kg. Et c'est la version voyage.
    Je n'arrive pas à me résoudre à modifier mon équipement, ni à renoncer à quoi que ce soit. J'ai plein d'artifices quand même qui me permettent d'alléger la charge sur les épaules, mais je finis toujours par porter le même poids, réparti ou non. Et aujourd'hui, je le sens particulièrement bien.

    Re-traversée du pont de Kadiköy pour revenir sur Eminönü, le quartier du bazar égyptien, que nous traversons également pour rejoindre l'autre bazar, le Grand, cette fois, car nous avons des achats de dernière minute.

    En chemin, nous tombons nez à nez (ou presque) avec un derviche tourneur, ces religieux-danseurs traditionnels musulmans avec leur grande robe blanche qui se mettent en transe en tournant sur eux-mêmes sur de très longues périodes (10 à 30 minutes quand même!), leur robe aux ourlets lestés s'ouvrant en corolle et donnant l'impression qu'ils lévitent. Un beau moment de poésie, même entouré d'une foule de badauds sur une place passante, à côté d'une voie rapide et bruyante.

    Les sectes et confréries religieuses furent interdites en Turquie lorsque le président Atatürk voulut moderniser son pays, dans les années 20. Mais depuis, ils sont tolérés, probablement parce qu'ils représentent tellement une partie du patrimoine culturel du pays. Ils sont censés communier avec le divin par cette transe dans laquelle ils entrent au moyen de la danse, une main paume en l'air pour recevoir la parole divine, l'autre tournée vers le bas pour la transmettre aux croyants. Enfin, la tête est penchée sur l'épaule droite, ce qui maintient la circulation du sang centrifugé dans la partie supérieure du cerveau.

    On passe sur le Grand Bazar. Son accès est plus qu'éreintant, on dirait que tous les Stambouliotes (j'adore ce mot) et les touristes se sont jurés de se rencontrer ici aujourd'hui, par quelque miracle télépathique totalement hors de note contrôle.
    Les allées, les ruelles sont juste pleines à craquer, on peut à peine avancer sans bousculer quelqu'un, se faire tirer en arrière, pousser en avant ou le contraire, voire les deux en même temps, tout en se maîtrisant pour ne pas arracher trois carotides/minute avec les dents. C'est juste le dos en compote qui me retient, en fait.

    LA CITERNE

    Prochaine étape: la citerne de Théodose.
    Outre le fait que ce charmant empereur byzantin (donc grec) avait un nom particulièrement étrange, qui nous l'a fait renommer Théodore systématiquement dès que nous parlions de lui (ou Thé/eau-de-rose, la fibre poétique de Mérignac a encore frappé), c'est sous son règne que fut construite cette citerne, dont la visite comblera en partie l'immense déception de ne pouvoir découvrir la star des citernes stambouliotes (voire mondiales): la citerne-basilique, fermée pour rénovation, je te le rappelle, lecteur distrait.

    Cette cathédrale souterraine a tout de même 1600 ans, plus d'un millénaire et demi! On y parvient par un escalier qui s'enfonce dans l'obscurité de ladite citerne, qui s'illumine doucement au top départ de la visite pour nous laisser nous ébaubir devant cette (petite) forêt de colonnes antiques à chapiteaux soutenant des voutes et des coupoles en briques. Saisissant.
    Le "spectacle immersif de mapping 3D", tu sais, lecteur, la nouvelle mode de faire des projections sur les monuments, ce spectacle de 10 minutes l'est beaucoup moins, saisissant. Heureusement que le café frappé que nous avons dégusté au bar (le "Kitap", véridique !) au-dessus de la citerne en attendant notre tour de visite m'avait tapissé l'estomac de douceur sucrée, je n'étais donc pas ronchon. Ou du moins, moins que d'habitude.

    LE POULET DE L'OMBRE

    Oui, l'un de nous deux a encore frappé.
    Non, je ne te laisserai pas dire, lecteur moralisateur, que je me moque encore et toujours de Mérignac. D'ailleurs, si tu en es venu à cette conclusion, c'est que tu as inconsciemment identifié le responsable sans que j'en rajoute. Tu es donc tout aussi fautif que moi, si tu m'accuses!
    Mais point de ces sornettes entre nous. Il m'a fait rire, même si cela va rajouter 10 lignes à ce rapport bien trop long déjà.

    Ce soir, nous dînons dans la rue touristique que nous n'aimons pas, parce que nous ne voulons pas nous coucher trop tard. On doit faire les valises demain et partir pour Bursa, dernière étape de ce mini-voyage en terre ottomane.

    Nous nous en référons donc comme d'habitude à notre guide qui nous conseille d'aller au Shadow Kitchen, qu'on pourrait traduire au premier sens (étrange) de Cuisine de l'Ombre, mais qui fait probablement référence au Shadow Cabinet du pouvoir britannique, c'est à dire, l'Opposition, c'est à dire encore le clan politique opposé à celui du Premier Ministre. C'est comme ça qu'ils les appellent.
    Bref, Mérignac, soudainement pris d'une sorte de dyslexie anglo-turque du soir me le rebaptise le plus sérieusement du monde le Shadow Chicken... qui devient donc le Poulet de l'Ombre.
    Cela me fera une bonne dizaine de minutes où je suis hilare comme un collégien déneuronné.

    L'aventure ne s'arrête malheureusement pas là: les plats sont tentants, nous nous décidons rapidement. Manque de chance... le serveur fort aimable (qui avait des faux airs de Pierre Niney, alors que le barman de midi ressemblait clairement à Colin Farrell) Pierre, disais-je, ne pipe pas un mot d'anglais. Ou plutôt si, un peu, juste assez pour penser qu'il n'a rien compris et qu'il va se faire engueuler. Compliqué? Attend: TOUT, absolument tout ce que nous commandons est faux quand cela arrive sur la table. A part les apéros (bon, se tromper sur "Guinness" et "Coca" ça serait chaud quand même!)
    On lui commande une salade de légumes, il nous en apporte une autre. Les deux plats de roulés de poulet fourrés avec une sauce turque prennent l'apparence de nems tout plats. Et le verre de vin rouge que j'attends arrive en version blanche.
    On retourne le vin. Pas étonnant, dans sa bouche, "red" sonne comme "white", paye ta prononciation... je ne me moque par sentiment de supériorité, mais juste parce que c'est quand même très éloigné!

    On explique le souci des plats qui viennent d'arriver au rabatteur qui, lui, parle correctement, et comprend, surtout, correctement. Il explique lui-même les erreurs à notre serveur qui se fait gentiment engueuler, lorsqu'en prenant de nouveau le menu pour bien montrer ce que nous avons commandé, Olive se rend compte que notre plat qui fait partie des "plats cuisinés"... porte le même nom que le plat de ces nems totalement différents qu'on nous a portés, qui eux étaient classés dans les "entrées".
    Du coup, le serveur avait quand même bien compris pour les plats, c'est juste le chef qui a fait des conneries sur son menu en nommant deux plats du même nom (et encore avec des fautes de frappe). Le rabatteur s'excuse, mais on ne leur en veut pas, on est à Istanbul, en voyage!

    On termine le repas sur un thé à la grenade offert. Ils adorent la grenade ici. Il s'en vend partout, à chaque coin de rue, sous forme fraiche ou en jus acidulé, exquis. Tu trouveras si tu viens à Istanbul des sets de salière/poivrière en forme de grenade, des porte-clé grenade, mais aussi des pots-grenade, pour ton plus grand plaisir.

    Ah oui, un petit truc de voyage en Turquie probablement, à Istanbul en tout cas : le thé est souvent offert à la fin du repas au restaurant. Par contre, si tu le commandes, ben, tu le paieras! C'est des malins!

    Bon et comme j'ai fini presque en avance ce soir, voici deux informations insolites qui te feront briller dans le prochain dîner mondain:

    - la tulipe fut cultivée en Turquie bien avant qu'elle le soit aux Pays-Bas. On comprends de suite mieux pourquoi il y en a littéralement partout ici! D'ailleurs, son nom vient du turc "tülbent" en raison de sa forme qui rappelle celle d'un turban.

    - 1 mot sur 20 de turc moderne provient... du français! Et c'est vrai que parfois, j'ai vraiment fait la réflexion à Olive aujourd'hui, on a l'impression "réconfortante" qu'ils parlent français et assez déstabilisante au final de se rendre compte qu'on n'a rien compris!..
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