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  • Day 5

    36 jours de confinement à Chachapoyas

    March 16, 2020 in Peru ⋅ 🌧 20 °C

    Nous sommes donc à Chachapoyas, une petite ville de 29000 habitants à 2335 m d’altitude dans le nord du Pérou.

    Nous avons pu admirer un canyon abrupt et imposant la veille.
    Dans les prochains jours nous prévoyons plusieurs autres excursions, notamment les sites archéologiques de Yalape et de Kuelap, une des cascades les plus hautes du monde, un site funéraire à flanc de falaise, un site préservant la loddigesie admirable (colibri en voie d’extinction)…
    En bref, un charmant programme nous tendait les bras en ce début de second pays de notre périple.

    L’Equateur et les Galapagos ont été des découvertes fabuleuses, nous n’en attendions pas moins de la suite de notre voyage qui devait alors durer encore plusieurs mois.
    C’est donc avec grand plaisir que nous mettons un réveil très matinal (associer les mots réveil et plaisir n’est valable que dans des conditions de voyages, ou presque) et que nous nous levons plein d’entrain ce lundi 16 mars. Le programme du jour, nous rendre au site archéologique peu fouillé de Yalape qui se trouve dans la montagne, puis revenir à Chachapoyas après 13km de marche. Malgré l’heure on est à la fois frais comme des gardons et chaud comme la braise. Les sacs sont sur le dos, les chaussures de rando sont aux pieds, le temps est au beau fixe. Nous sortons de notre chambre et nous nous dirigeons vers la sortie de l’hôtel d’un pas sur et décidé. Une petite halte pour remplir les bouteilles d’eau, le temps de remettre les bouchons… et le voyage s’arrête là.

    Bien sûr il y eu l’espoir de pouvoir continuer à tracer la route, que ce ne serait qu’une pause et que l’on pourrait continuer à découvrir et partager. Ce n’est qu’après plusieurs jours, plusieurs semaines, que nous réaliserons l’impossibilité de mener à bien un projet qui nous tenait tant à cœur et que cet instant en est le point final.
    Le voyage s’arrête donc là, au petit matin du 16 mars, lorsque Corentin nous rattrape pour nous prévenir que le confinement est annoncé et débute maintenant. Celui-ci est alors prévu pour deux semaines.

    A ce moment-là ça nous met un coup, mais seulement parce qu’on se dit que nous perdons deux semaines de notre périple à ne rien faire. Nous n’avions aussi pas l’habitude d’avoir deux jours « Off » de suite… à cette époque.

    L’hôtel ferme avec nous à l’intérieur, c’est-à-dire nous deux mais également deux autres couples de français, Anne Claire/Corentin et Lucie/Baptiste qui sont arrivés ce jour. Nous sommes donc 6 plus le couple de gérant.
    En précaution nous allons retirer de l’argent. Il faut croire que beaucoup de monde à eu ce réflexe car les files d’attente devant les banques sont très longues.

    Avec l’annonce du confinement, le Covid19 devient quelque chose de bien plus réel ce qui se ressent dans les réactions de la population, notamment à notre égard. En tant qu’européen venant de pays particulièrement touché, nous ressentons que les peurs et les craintes croissent fortement vis-à-vis de nous. Le Pérou a une économie qui repose à 50% sur le tourisme, mais en ces premiers temps de confinement nous sommes un peu comme des intrus qui ramène la maladie et qu’on préférerait savoir plus loin. Les regards sont insistants, les changements de trottoirs fréquent… Une petite fille sans masque s’est même recouverte la bouche avec sa main dès qu’elle nous a vus…
    C’est ici une réaction typiquement humaine que nous ne jugerons pas, car si on se veut un minimum honnête nous n’étions pas des plus rassurés lorsque nous avons pu croiser des asiatiques aux Galapagos. L’expérience d’être vu comme « pestiférés » en tant que français est rare. Sans évidement dire qu’elle est des plus appréciable elle est intéressante, amène à réflexion et élargie notre vision.

    A l’hôtel nous nous organisons. On nous a mis un petit coin cuisine (gazinière) et de la vaisselle à disposition. Nous préparons les repas du midi et les gérants nous proposent un menu le soir. Nous prévoyons des activités pour nous occuper ; Nous créons un escape game, nous faisons de la méditation, du coaching, apprenons à faire du pain, faisons des séances de sport, divers jeux de cartes… et l’apéro.

    Très rapidement il y eu un déploiement massif de policiers et de militaires dans toute la ville. Des mesures sont annoncées ; nous ne pouvons sortir que pour faire des courses alimentaire et seul, le port du masque est obligatoire, nous devons toujours avoir notre passeport sur nous car les contrôles sont fréquents. Des jours de sortie par genre (homme/femme) ont aussi été mis en place mais abandonnés par la suite. Un décret est passé pour dépénaliser les forces de l’ordre qui tabasseraient ou tueraient ceux qui ne respecteraient pas le confinement.

    Le confinement est repoussé de multiple fois. Le nombre de cas de coronavirus est au départ très localisé. Celui-ci, comme de partout, va en augmentant.

    Le 7 avril, après 23 jours de confinement en commun, c’est non sans douleur que nous voyons nos 4 amis prendre un bus de l’ambassade. L’objectif était pour eux de rejoindre Lima et tenter d’avoir un vol pour la France.
    Nous avons fait le choix de rester. Non pas que nous avions encore l’espoir de pouvoir continuer notre voyage, car cet espoir fût revu à la baisse au fur et à mesure que les jours passaient et que les informations nous parvenaient. Nous avons d’ailleurs appris que les hôtels, restaurants, tous les lieux publics seraient fermés pendant plusieurs mois après un éventuel déconfinement voir jusqu’à la fin de l’année. L’ambition de visiter les environs de Chachapoyas restait tout de même dans un coin de notre tête. Mais notre choix s’est fait avant tout en mettant en avant le facteur sécurité. La région de Lima était de très loin la plus touchée (celle de Chachapoyas commençait tout juste à l’être mais très faiblement), nous ne voulions pas partir sans être sûr d’avoir une place dans l’avion et de ne pas se retrouver bloquer dans la capitale, il nous aurait fallu traverser la France avec des moyens très limités à ce moment-là… Bref, nous ne restons plus qu’à deux dans l’hôtel et les seuls étrangers dans la ville avec deux australiens et un espagnol.

    Les jours passent, encore, le confinement se prolonge, toujours. Avec le temps les craintes des locaux à notre égard s’apaisent, les contrôlent d’identités dans la rue ne sont plus systématiques. Un peu comme si l’épidémie avait tout d’abord pointé du doigt nos différences, puis nous rassemblait peu à peu car nous nous retrouvions dans des conditions similaires. Les semaines qui défilent rassurent également sur le fait que nous ne sommes ni contaminés ni contagieux.

    Le voyage se veut aussi être un échappatoire au quotidien et à la routine. Nous y étions ici contraints et forcé. Si le temps était monotone et lisse, les pensées et sensations, elles, s’entrechoquaient. Il nous fallut gérer les doutes, l’attente, les appréhensions, les incertitudes… Si physiquement nous étions devenus larves, intérieurement les questionnements fusaient à la vitesse des ailes du colibri que nous observions chaque jour. Avions-nous fait le bon choix ? Quand et comment pourrions-nous repartir ?...

    L’ambassade publia un message stipulant que tous les vols en partance du Pérou prendraient fin le 22 avril et cela pour un minimum de 3 mois. Nous sommes alors de 13 avril. Les derniers vols sont à destination de Londres et Francfort. Et puis une autre annonce, celle qu’Air France affrétait un dernier vol Lima Paris, le 22…
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