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  • Day 115

    Jour de repos : La perrière - Emimieux

    September 6, 2022 in France ⋅ ⛅ 24 °C

    Distance : 545 km
    Dénivelé : 5 730 m D+
    Temps de déplacement : 20h35
    Tracé GPS : https://strava.app.link/bxko0yh5etb

    Depuis le fin fond de la Norvège, une idée me trottait dans la tête, à savoir finir ce périple sur une grosse étape reliant la Normandie au monts du Forez.

    J'ai laissé Armand quelques jours auparavant avec de l'émotion pour aller rejoindre ma famille en Normandie et travailler 4 jours avec mon frère dans la restauration. Les plans étaient à l'origine de partir le lundi matin, mais après ces 4 jours intense, il est plus prudent de prendre un jour pour se reposer et faire tous les préparatifs.

    Je choisis donc de prendre le départ le mardi matin avec un objectif encore plus ambitieux que le forez : l'Ardèche. En effet, une bande de potes se retrouvent une semaine la bas et je veux leur rendre visite. Cela rajoute une centaine de kilomètres, ce qui fait un modeste 645 km et 6 400 m de D+.

    Je prends le départ avec mon cousin Gaetan, qui prévoit de faire 100 km avec moi puis demi tour pour se faire une journée à 200.
    On roule tranquillement dans les collines du Perche en parlant de tout et de rien, puis très vite on arrive à 75 km. C'est le début de l'hypo pour Gaetan, il faut dire qu'on a pas beaucoup mangé ce matin. C'est donc une sage idée de s'arrêter. Il m'invite au restaurant afin qu'on se fasse un dernier repas avant de se quitter.
    On trouve le spot parfait pour faire le plein d'énergie, un restaurant routier. Ensuite, il est temps de se séparer, encore un pincement au coeur les 5 premières minutes mais pour me réconforter je me dis qu'il me reste plus que 550 km tout seul.

    Le temps est plutôt bon pour rouler, je prends des petites routes, c'est donc agréable et je ne vois pas le temps passer. Un arrêt éclair pour faire le plein d'eau et boire 3L (il fait bien lourd), puis je continue à 32 km/h à traverser la beauce.
    100 km après la première pause, il est temps d'en faire une nouvelle, d'autant plus que le temps vire à l'orage. Stratégie gagnante puisque 2 min après m'être arrêté à Romorantin, un gros orage survient...
    Je refais un plein d'énergie puis repars sur la route mouillée direction Vierzon, puis Bourges. J'aimerai continuer après Bourges mais impossible de trouver un magasin ouvert après 20h avant le Puy, 300 km plus loin. J'arrive donc à 20h pétante à Bourges pour faire mes provisions pour la nuit puis je continue 30 km en faisant le pari de trouver quelque chose à manger pour le soir dans les villages que je traverse.
    Pari réussi puisque je trouve un kebab juste avant sa fermeture. Je me fais aussi rendre par la nuit qui tombe sérieusement dès 20h30.

    J'en suis à 270 km et j'avais envisagé une sieste à ce stade là pour que la nuit paraisse moi longue. C'était sans compter sur le red bull offert par le gérant du kebab qui me met chaud patate. Je me dis que autant continuer de rouler tant que j'ai la forme.
    Je repars à 22h20 pour affronter la nuit et on va pas se le cacher, c'est ce qui me fait le plus peur (encore plus que la solitude).
    Une nouvelle fois, je suis agréablement surpris, puisque les kilomètres s'enchainent et le temps passe vite. Au bout de 2h je m'arrête manger 2 cookies qu'il me reste et je refais le plein d'eau. J'ai un premier signe de fatigue qui arrive mais rien d'inquiétant, le panneau "Auvergne Rhone Alpes" me remet dans le bain.
    Ce changement de région signe aussi un changement de parcours avec des enchainements de montées/descentes. Les jambes vont toujours bien et la lassitude n'intervient pas.
    Je m'étais dit que je pourrais me remémorer toutes les étapes de ce périple si jamais c'est dur pendant la nuit, mais même pas besoin, je me perds dans mes pensées. C'est assez sympa d'être au milieu de la France seul sur les routes de campagne.

    À 3h du matin je me fais une nouvelle pause pour manger du taboulé et je m'attends à ce que la période 4h du matin jusqu'à 6h soit difficile.
    C'est le cas en repartant avec la fatigue qui me tombe sévèrement dessus. Au passage, je croise les premières voitures à 4h du matin en prenant un axe plus important quelques kilomètres.
    Pour la suite, c'est l'enfer au niveau de mon cerveau qui veut absolument dormir, je passe donc plusieurs heures à lutter. Je peux pas m'arrêter dehors car on est dans le massif centrale et il fait trop froid. Je tente d'ouvrir une église sans trop d'espoir, elle est fermée. En faisant un plein d'eau je me mets un peu d'eau froide sur la tête, mais rien à faire...
    Impossible de penser à autre chose, je loupe presque toutes les intersections et la musique ne me procure plus aucun effet. J'essaye d'utiliser mon joker des souvenirs du voyage, mais en 30 min j'arriverai seulement à la 3eme étape tellement mon cerveau est à 2 à l'heure et ne veut penser à rien d'autre que dormir. Il faut donc être patient et continuer cette lutte. Je serais victime d'une mini hallucination en voyant une forme au milieu de la route me foncer dessus alors qu'il n'y a rien. Je me rends aussi compte que la puissance de mon phare a bien diminuée. Je prends donc une frontale supplémentaire pour finir la nuit.

    Une première bosse de 250 m de D+ signe l'entrée dans les monts du forez. Je redescends au levée du jour, c'est magnifique et ça redonne le sourire. Je devais retrouver ma soeur Alice au Puy mais je me rends compte que je n'y serais pas du tout à 9h. Je lui propose de se voir sur la route vu qu'elle fait le même trajet que moi en sens inverse mais en voiture. Mais ce n'est pas vraiment sur la route où je me trouve, ça sera donc compliqué.
    Ça m'enlève une motivation supplémentaire au petit matin et même si les jambes sont toujours bien, je commence à envisager de prendre un train au Puy vu la fin de nuit que je viens de vivre.
    Ce qui est surprenant c'est que le temps n'est pas passé au ralenti pendant cette lutte contre la fatigue. Mais ces 4h ont été largement plus compliquées que les 18 précédentes.

    J'enchaîne directement avec la première grosse difficulté du jour au 450 ème km : 650 m de D+ pour monter sur les plateaux du forez. J'ai un bon coup de fatigue en commençant à monter mais j'arrive à forcer un peu sur les jambes pour contrer ça, chose que je n'arrivais pas à la fin de la nuit. Au bout de 5 km, je m'aperçois que je suis sur le gros plateau depuis le début, ce qui me fait comprendre que j'étais encore en manque de lucidité.

    Le jour continue de se lever et c'est toujours beau. Ça me redonne le sourire mais la montée me parait bien trop longue pour 650 m de dénivelé, ça me met un petit coup au moral et me renforce dans l'idée que ça va être interminable d'aller jusqu'en Ardèche puisqu'il y a encore 3 montées comme celle-ci.
    Je pensais arriver en début d'après-midi mais quand je fais mes calculs maintenant, je réalise que ça sera en début de soirée et ça fait encore beaucoup d'heures à passer seul sur le vélo. D'autant plus que je ne suis pas à l'abri d'un autre coup de fatigue qui m'obligerait à m'arrêter et arriver encore plus tard.

    Sur les plateaux, je rejoins des villages que je connais, que j'ai déjà traversés avec mon pote Léonard, les premières fois qu'on partait en vélo pour aller voir de la famille. J'avais pas regardé cette partie du parcours en détail mais je vais redescendre sur Arlanc, qui est une ville à 40 km de la maison et dont je connais la route par coeur pour rentrer. Je me dis donc que plutôt que de prendre un train au Puy, je peux rentrer par mes routes favorites directement à la maison. La décision est prise à 90% mais je me refuse de dire que c'est définitif, je ferais une pause à Arlanc pour aviser.

    La pause permettra de valider ce choix, je prends du café histoire d'assurer le coup et repars en informant les copains que je ne viendrais pas en Ardèche. Pas de déception, je reste content comme tout, c'est presque une plus belle arrivée que de finir la bas.
    Et puis ne l'oublions pas, il reste un peu de route, à commencer par la côte de Medeyrolles, 450 m de D+ avec des pentes à 10%, des replats et des pétards à 15%.
    Ensuite, enchainement de bosses entre 50 et 200 m de D+ puis vient les 20 derniers kilomètres que je connais par coeur. Je me permets de faire les dernières petites bosses à fond, avec des jambes qui sont toujours là.

    J'arrive à 12h30 à la maison, sonne de manière abusive pour créer la surprise puis papa Dominique arrive surpris en me demandant d'où je viens. Je lui explique les péripéties.
    On se partage un repas ensemble puis je m'autorise une petite sieste quand je vois que mes yeux sont à 3/4 fermés.

    Cette étape signe la fin de ce périple. Il m'a manqué un camarade tel que Arminas pour aller jusqu'en Ardèche, mais quelle fierté d'avoir pu rejoindre la maison depuis la Normandie.
    Le plus grande fierté reste d'avoir abouti ce tour d'Europe et fait autant de kilomètres en presque 4 mois tout en profitant un maximum, faisant des rencontres toutes plus intéressantes les unes que les autres.

    Merci Arminas de m'avoir accompagné et supporter de A à Z.
    Merci à Simon, Paulo, Valou et Gaetano de s'être joint en cours de route pour ces dernières semaines riches en émotion.
    Et surtout merci à tous ceux qui ne nous liront probablement jamais, ces gens qui nous ont tendus la main, accueillis ou simplement apporter de l'aide dans tous les pays avec une gentillesse incroyable.
    Après coup, cela confirme ce que je pensais, c'est bel et bien les rencontres qui me font le plus vibrer dans un voyage. En comptabilisant le nombre de personnes rencontrées depuis le mois de mai, je vous laisse imaginer à quel point j'ai pu vibrer depuis 4 mois !

    Ciao, bonne nuit !
    Olivier
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