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  • Day 96

    J96, km 1’968, St Arnaud

    January 18, 2023 in New Zealand ⋅ ☀️ 21 °C

    Les derniers jours nous ont vus traverser la magnifique région montagneuse des Richmond Ranges. Après avoir parcouru une île du Nord somme toute avec peu de relief, pour les suisses que nous sommes, on a enfin pu nous lancer dans un parcours en altitude, rocheux et sauvage, qui se rapproche des randonnées que l’on chérit tant dans nos « propres Alpes ». Pour notre plus grand bonheur!

    Nous avons donc quitté Pelorus Bridge le sac lourd de 8 jours de nourriture. L’approche de ces Richmond ranges, une des sections les plus difficiles de réputation de tout le TA, s’est faite en longeant la magnifique Pelorus River, une rivière vert-émeraude sauvage, et en marchant dans une belle forêt. Notre première nuit se fera sous tente à côté d’une hut (cabane) pleine. Le paradis que représente la rivière, dans laquelle on se lavera très brièvement, cachera un vrai enfer. On nous avait averti à plusieurs reprises sur l’île du Nord que les « sandflies » - ces moucherons qui piquent - étaient largement plus nombreux sur l’île du Sud. Comme, par endroit sur l’île du Nord, il y en avait déjà passablement, on s’était dit qu’ils exagéraient. Ils n’exagéraient pas.
    Des milliers de ces bêtes nous harcèleront en permanence, rendant toute activité hors de la hut ou de la tente impossible. Tout au plus on aura un léger répit près du feu en faisant volontairement de la fumée et en s’y immergeant en prenant notre souper. Toute zone de peau non couverte est sinon prise d’assaut. Nous aurons de même aussi eu beau entrer le plus rapidement dans la tente, 100-200 sandflies nous suivront. On passera 30 minutes à les exterminer à la main. Des milliers se colleront à la moustiquaire de la tente. Cet épisode peut paraître presque drôle, mais il nous a mis un petit coup au moral. La frustration est d’autant plus grande que les autres hikers semblent largement plus épargnés. Les quelques kiwis qu’on verra sont en short et t-shirt sans être autrement dérangés. On ignore si uniquement l’odeur de notre peau nous a condamné… On espère vraiment avoir vu le pire. Les jours suivants seront moins problématiques à ce niveau - moins de sandflies - mais ça reste un facteur à considérer dans le choix de nos emplacements pour la nuit : par exemple, si on peut, on évite les bords de rivières. Il y a bien quelques produits qui permettent d’éviter la plupart des piqûres, mais les plus efficaces sont si forts qu’ils dissolvent les matières plastiques - on risquerait en outre d’abîmer notre matériel technique… Le meilleur moyen est donc de se couvrir d’habits, et de rester en mouvement.
    La légende maori raconte que la côte du Fjordland (Ouest de l’île du Sud, réputée pour être la plus envahie de sandflies), créée par le dieu Tu-te-raki-whanoa, était tellement magnifique, que les habitants en restaient béats, et ne travaillaient plus. La déesse Hinenuitepo, énervée, créa ainsi les sandflies pour les obliger à rester en mouvement et à se mettre à l’ouvrage…

    Pour compenser on s’arrêtera dans de magnifiques huts en altitude. On y rencontrera en outre une famille allemande très sympathique, composée de 2 parents et leurs 3 fils adultes, dont 2 avec leurs copines. Ils font le Te Araroa tous ensemble, un joli projet commun!

    On profite, lors des multiples traversées de rivière que l’on effectue, de nous baigner / laver (sans savon!), ou simplement de nous rafraîchir, et de faire le plein d’eau. Le tout plutôt rapidement!

    Les 8 jours que nous aurons pris pour traverser les Richmond Ranges, auront été marqués par :
    - Les premiers vrais terrains alpins, en altitude, avec enfin (!) du rocher et des pierriers, et notamment de magnifiques roches de serpentinite et d’autres roches ultramafiques. De l’amiante était notamment exploitée dans le secteur.
    - Des chemins accidentés, où la progression est lente. On passera des journées fatigantes de pourtant seulement 20 km par jour en moyenne.
    - L’ascension de plusieurs sommets, notamment le Mt Rintoul, lors de journées où on fera jusqu’à 1’800 m de dénivelé positif- avec un sac encore assez lourd.
    - De belles forêts, paraissant désormais moins tropicales, transitant rapidement vers une sorte de garrigue aride remplie de manukas dans le secteur de Red Hills. Le côté aride / avec peu de végétation est dû à la charge importante en métaux lourds d’origine naturelle (lié au substrat rocheux) rendant le sol toxique pour la plupart des plantes.
    - Des rivières sauvages et limpides, s’écoulant dans des lits de gros rochers emportés lors de précédentes laves torrentielles, qu’on traversera à de multiples reprises. Je (Vincent) ferai notamment une belle glissade qui me fera plonger intégralement dans l’eau, en me contusionnant le genou au passage, et en manquant de peu de perdre un de mes bâtons emporté par le courant sur une quinzaine de mètres.
    - Une météo sans pluie, d’abord un peu nuageuse, puis ensoleillée et chaude.
    - Une forme physique au top pour nous deux, et une faim grandissante ; on aura perdu quelques kilos sur cette section!

    De manière générale, cette section aura également été marquée par un isolement total: les seules infrastructures humaines qu’on aura aperçues durant 8 jours sont les cabanes rudimentaires. Entre deux, rien, pas même une ligne électrique ni même de vue de bâtiments au loin. C’est ce qui a notamment rendu les 140 km de ce parcours si spéciaux et grandioses!

    Mise à part une nuit, lors de laquelle nous avons dormi dans la cabane, nous avons toujours dormi en dehors de celles-ci, c’est-à-dire dans notre tente. Sur un sol pas toujours optimal. Ce choix de dormir dans la tente est principalement motivé par notre préférence pour le calme (pas de ronflement) et pour éviter les odeurs des hikers et des chaussettes qui pendent partout (8 jours sans douche pour tout le monde…). Mais de toute façon, sur cette section, nous ne trouverons presque que des cabanes avec 4-8 lits, alors qu’en moyenne le nombre de randonneurs (y.c. hors TA) varie entre 10 et 20.
    Nous prenons cependant toujours la peine d’aller inscrire nos noms dans le livre des cabanes, qui permet de garder une trace de chacun en cas d’accident ou si quelqu’un devait se perdre. On apprendra après coup que trois hikers distincts ont récemment dû être évacués en hélicoptère depuis les Richmond, dont deux suite à une chute.
    Les cabanes ont également parfois des revues. On y apprendra dans un très sérieux manuel expliquant comment traiter les personnes atteintes d’hypothermie à différents degrés, qu’il ne faut pas pratiquer de massage cardiaque sur… « une personne décapitée », dont « le torse a été coupé en deux », ou « en cours de décomposition »!! Drôles de cas d’hypothermie…

    Nous sommes à présent à St Arnaud, un petit village touristique au bord d’un joli lac, où on passe un jour de repos. C’est également ici que nous avons récupéré un de nos colis envoyé depuis Wellington et rempli de provision pour les 6 prochains jours de marche.

    Voici les étapes réalisées depuis Pelorus Bridge :
    - km 1’849 Captain Creek hut
    - km 1’858 Rocks hut
    - km 1’878 Starveall hut
    - km 1’897 Mt Rintoul hut
    - km 1’912 Mid Wairoa hut
    - km 1’929 Hunters hut
    - km 1’947 Red Hills hut
    - km 1’968 St Arnaud
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