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  • Day 212

    Huayna Potosi - Summit 6088m

    June 16, 2018 in Bolivia ⋅ 12 °C

    Après nuit blanche tourmentée par le défit du lendemain et un mal persistant à l’omoplate, c’est à 00h que le réveil sonne. ça y est c’est le moment tant attendu, je n’aurais pas pu rêver réaliser une telle expérience un jour. Avoir la chance de gravir un sommet à une telle altitude par une voie découverte par un français c’est juste magique. Je prépare minutieusement mon sac en veillant à ne rien oublier et surtout apporter le stricte nécessaire. Ce type d’exercice n’est jamais simple car la haute montagne est imprévisible, il ne faut donc pas négliger le matériel mais en même temps un excès de poids peut entraîner l’abandon. Après un rapide déjeuner c’est l’heure du départ. Nous partons avec nos crampons aux pieds, encordés en ligne sous une nuit étoilée. Nous sommes peu nombreux (environ 10) mais le sillon de nos lampes frontales dans la nuit rend l’expérience assez surréaliste. Nous marchons donc à rythme cadencé, mon guide (le responsable de l’agence) n’est pas très agréable. Aucune complicité entre nous avant le départ, même pas d’encouragement, bref je fais abstraction de cela. Après quelques minutes nous apercevons la Paz au loin. Les lumières de la capitale scintillent de 1000 feux, c’est magique de voir un tel contraste à si peu de distance. Une mégalopole de 2,5millions d’habitants d’une part et ici à 25km, une nature vierge et préservée de toute civilisation. Nous poursuivons l’ascension jusqu’à nous séparer du reste du groupe, nous bifurquons à gauche pour emprunter la fameuse voie découverte par un français. Un chemin vierge de tout passage, parsemé de crevasses et de monticules de glace, le tout clôturé par un couloir de poudreuse avec un mur de 300mètres de haut à 70 degrés. Nous poursuivons donc notre chemin dans le noir à la seule expérience et au seul instinct d’Irineo mon guide. Nous nous arrêtons à plusieurs reprises pour emprunter le meilleur itinéraire, il a beaucoup neigé ces derniers temps, le sol est donc couvert, sans une grande connaissance du site, une erreur est vite arrivée. Nous nous arrêtons pour donner notre position au camp de base via la radio envoyée par Irineo. Croyez le ou non, il ne sait pas s’en servir, nous sommes donc seuls, coupés du monde. Heureusement je ne suis pas de nature anxieuse car nous n’avons pas de réseau et il fait nuit noire. Nous reprenons donc notre chemin jusqu’à arriver au pied du mur en question. Un petit ravin recouvert d’une couche de neige importante fait bloc pour y accéder, mais pas le choix c’est le seul accès possible et nous n’avons pas envie de renoncer, après plusieurs essais Irineo finit malgré tout par se frayer un chemin. Celui-ci me donne des instructions, il va disposer des barres d’aluminium dans la neige pour sécuriser notre ascension. Ces barres sont reliées à la corde fixée par des mousquetons. Il va donc en positionner deux, une au point de départ pour nous sécuriser et une autre 60 mètres plus haut. Nous enchaînons donc comme ça plusieurs sessions où nous nous relayons, lui grimpe et positionne le matériel, puis il m’assure pour que je grimpe à mon tour et récupère le matériel. Il faudra bien 5 à 6 sessions intensives où l’on se hisse à la seule force ne nos pieds et nos bras, c’est épuisant mais quelle sensation d’être dans le noir sans repère sur une pente abrupte avec de la neige à profusion. Savoir que l’on est vulnérable, que potentiellement à tout moment une avalanche peut se déclencher ou que l’un de nous peut tomber, rend l’expérience unique. Ici la moindre erreur se paie cash, c’est pourquoi je suis constamment concentré notamment quand je sors le téléphone pour filmer. Après un moment, les premières lueurs du jour font leurs apparitions, je commence donc à distinguer l’environnement dans lequel nous évoluons. Ce moment est tout simplement magique, nous sommes au dessus des nuages, des couleurs rosâtres reflètent sur la neige, j’aperçois le vide sous mes pieds et l’immensité des montagnes au loin. Dans un premier temps je peine à distinguer le sommet, la pente est tellement abrupte qu’il est difficile d’apercevoir la crête. Je resterai là des heures à observer la beauté de ce monde, la richesse de cette nature à l’état sauvage, cette infini de montagnes majestueuses à perte de vue. Encore quelques coups de piolet et c’est la consécration. Après 6heures d’ascension intense me voilà arrivé sur cette fine crête friable, balancé entre deux pentes aussi belles que mortelles. Une sensation d’invincibilité me gagne, c’est magique d’avoir le sentiment d’être sur le toit du monde. Mon premier réflexe sera d’observer les deux versants avant de sortir fièrement mon drapeau de la France. Quoi de mieux qu’un français au sommet, pour une voie découverte par la personne de cette même nationalité. Cette symbolique me rend fier, j’ai l’impression d’avoir gravi l’Everest c’est tout simplement fabuleux. Après quelques photos et vidéos il est temps pour nous de poursuivre notre chemin. Je n’avais pas conscience de cela mais le point pour redescendre se trouve à l’opposé, nous devons donc longer toute les crêtes avant d’entamer la descente. Le chemin est long et périlleux, le froid et le vent se font sentir, la neige s’est transformée en glace et je commence à être épuisé. Exténué je perds le contrôle et dévale 10 mètres de pente avant de me rattraper dans un sursaut de vie grâce à mes piolets (grosse frayeur). Je continue à avancer malgré la fatigue, le froid me gagne et j’ai une douleur atroce à la main droite, mes doigts sont congelés, le guide m’aidera à les bouger et les réchauffer. Heureusement la vue vaut toutes « les douleurs du monde », je m’accroche et avance pas à pas, j’ai les jambes et les bras en souffrance, chaque mètre est un combat. J’arrive tout de même à prendre plaisir, j’essaie de graver ces images à jamais dans ma tête car cette occasion ne se représentera peut être jamais. Après une heure sur les crêtes nous arrivons au point culminant à 6088 mètres, panorama à 360 degrés c’est magique. Après un court instant nous entamons la descente, je n’ai plus d’énergie, je me laisse glisser sur la pente mais le guide me demande de me relever. Je serre donc les dents car mon genou gauche me lance à chaque pas. Je sens que je n’ai plus les mêmes réflexes, mon équilibre n’est plus aussi assuré que durant la montée. J’en prends encore plein les yeux, de nombreuses crevasses nous entourent et la vue est sublime. Après 9h passées à travers toutes les émotions, en voyant le camp de base je craque. Trop de sentiments me gagnent, je pense à plein de choses, certaines moroses d’autre plus joyeuses, bref c’est pour ce type de moment que j’ai tout plaqué, que la vie est belle !Read more