• J10. Katmandou

    29 oktober, Nepal ⋅ ☁️ 18 °C

    Quel bêta suis-je ! Comment ai-je pu douter une seule seconde que rédiger le dernier post ne ferait pas s'activer les contrôleurs aériens de Katmandou pour désengorger le ciel et nous permettre de décoller plus rapidement?
    L'annonce est faite à 15h30. On embarque en suivant, on n'y croyait plus. Il faut encore patienter une demi-heure dans l'avion en attendant le décollage (pour un vol... de 25 minutes), puis encore une dizaine de minutes à faire des ronds au-dessus de Katmandou parce qu'apparemment ça se bouscule en dessous.
    Cela nous permet d'admirer la chaîne de l'Himalaya comme nous la voyons rarement, sauf peut-être sur grand écran. Le spectacle est juste une folie visuelle. Le soleil baigne les sommets dans une lumière déjà orange, quelques nuages translucides laissent passer le bleu du ciel, et les Titans se dressent fièrement au-dessus d'une épaisse mer de nuages, semblant sortis de nulle part. Ça vaudrait presque quelque 4h de retard... mais cela ne va pas résoudre nos "problèmes" de planning.
    Oui, je sais, je t'outre, lecteur sensible, en me plaignant de nos soucis de retard d'avion pendant notre voyage au Népal. Sache que nous sommes néanmoins conscients de la chance que nous avons de découvrir ou re-découvrir ce magnifique pays, et nous n'allons pas laisser ces miettes d'ennuis nous ruiner la fin du séjour. Non, nous sommes au-dessus de cela.

    Nonobstant. Ça fait quand même un peu ch**, hein. Perdre une demi-journée, là, comme ça...

    Mais on relativise!

    Mais bon...

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    On arrive enfin à Katmandou vers 18h. La nuit est tombée. Bien sûr, nous devons contacter l'hôtel pour qu'ils nous envoient un taxi et bien sûr, la connexion wifi de l'aéroport n'est accessible que pour les locaux, avec un numéro népalais. On a fait nos radasses en début de séjour et on a décidé de ne pas acheter de carte SIM locale. Cela nous aurait permis d'être connectés H24 : trop f*a*c*i*l*e ! Non, nous, il nous faut du rugueux, du relief, de l'incertitude ! Nous, c'est pieds nus sur le gravier, pas en chaussons-moumoute, enfin, tu vois ce que je veux dire, lecteur perspicace.
    On prend donc nos cliques et nos claques et on sort du terminal en quête d'un taxi. Qui en fait nous trouve en premier : le type vient directement à notre rencontre, demande où l'on va. Je lui donne l'adresse de notre hôtel, le Kusum, qui se trouve à moins de 5 minutes en voiture.
    Et lui demande combien.
    1000 roupies.
    1000 roupies, c'est ce qu'on a payé ce matin pour aller de l'hôtel de Pokhara à l'aéroport : 25 minutes de route dans les bouchons, avec un van. 1000 roupies, c'est 2 plats de momos, soit 20 momos, ces raviolis épicés typiques du Népal. 1000 roupies, c'est 4 Himalayas ou 4 Bharasinghe de 650 ml (oui, les binouses sont aussi hautes que l'Everest, ici), ou encore 4 gros pancakes au chocolat au RestPoint de Pokhara. Alors, comment lui dire, à ce Dick Turpin de grands chemins, cet Arsène Lupin dodelineur qu'il va devoir allumer quelques bâtons d'encens à Bodnath avant d'oser espérer nous arnaquer de manière aussi évidente...
    A peine m'a-t'il annoncé son prix que je le regarde volontairement avec dédain et colère en lui demandant si c'est une blague. Je sais où se situe notre hôtel, et la course ne peut pas coûter plus de 500 roupies, et encore, on est ultra-larges. 600 grand max, mais vraiment sous la torture. Il me répond que c'est le prix standard en me suivant - nous sommes toujours en train de descendre la rampe d'accès au terminal.
    Je lui réponds que "la semaine dernière, on a payé 500 roupies" (même technique de marchandage qu'au premier voyage, même si j'avais menti à cette époque, puisque c'était notre première fois), et il voudrait qu'on paye le double? Il baisse instantanément à 800. Nous sommes arrivés au bas de la rampe. Je lui fais un signe de la main pour qu'il s'écarte de moi, je vais demander à quelqu'un d'autre, mais il me suit. Un second chauffeur s'approche, et m'annonce 800 roupies. Non, non, pas moyen, c'est 500 roupies, tant pis, je vais trouver un autre chauffeur. Je me détourne.
    D'autres s'approchent, s'agglutinent, discutent entre eux. Puis le mur s'effondre : l'un d'eux s'approche de moi et me lance : "Five hundred!" Il leur casse la baraque en un quart de seconde, et n'est pas peu fier. Ils se parlent, on ne comprend rien, on imagine que le chauffeur floué formule quelques affirmations plutôt imagées au sujet de la mère de notre nouveau taxi. On comprend juste que quelques instants plus tard, nous sommes assis dans le van et nous roulons vers l'hôtel, pour 500 roupies.

    On est accueillis avec de grands et beaux verres de jus de quelque chose que seul Olive ose boire. Aux innocents les mains pleines : il n'a jamais été malade.
    Nos chambres sont grandes, l'eau chaude est chaude (crois-moi, lecteur, ici c'est un luxe de pouvoir le dire et encore plus d'en profiter). Le bonheur.

    On redescend un moment après pour dîner. On nous colle un serveur qui sert... pas à grand-chose. Il ne comprend pas vraiment l'anglais, le parle encore plus mal. Evidemment, nous arrivons avec nos exigences occidentales, de ne pas servir tous les plats en même temps (on a choisi de se rincer à la soupe en entrée, ce soir), et d'apporter les boissons en premier. On veut que tout soit parfait, alors, oui, on est un peu chiants.
    Au final, nous sommes obligés de faire un reset avec un autre serveur qui se débrouille mieux. Les soupes arrivent un peu en décalé. Par contre, pour les plats, Olive mange bien après nous. Son chicken sizzler (tu te souviens, lecteur attentif, le plat qui crépite et que la serveuse avait du mal à porter pendant notre trek?) est plus long à cuisiner. On l'entend arriver depuis le fond de la salle et cette fois j'ai le temps de m'écarter.

    Nous mangeons finalement au son de bouches ouvertes et déglutitions des clients indiens (ou népalais) à côté. C'est un festival écoeurant. L'un d'eux pète carrément à table, tandis que dans le lobby près de la réception où un autre groupe est assis et se faire servir comme s'ils étaient des pachas (une caste supérieure? se demande-t-on, car on leur tartine les chapatis, et ce n'est pas une expression salace!), l'un des hommes rote plusieurs fois, moitié solide, moitié liquide, j'ai l'impression de littéralement entendre une tourista. je vais défaillir : vois-tu, lecteur circonspect, je suis misophone. Une définition? La voici :

    Misophonie, maladie. La misophonie est une aversion intense envers des sons ou bruits spécifiques. Contrairement à une simple gêne auditive, elle déclenche une réaction émotionnelle disproportionnée lors de l'exposition sonore, pouvant aller de l'irritation à la colère, voire à une profonde détresse.

    A cet instant, j'ai juste envie d'enfoncer mes pouces dans leurs yeux. Les bruits de bouche mouillés me donnent des instincts meurtriers. Je me sens plus Dexter que Landru, de surcroît : faut que ça saigne, je n'ai pas simplement envie de les dépecer OKLM devant mon fourneau. Faut que j'évacue cette tension, c'est violent.
    Je soupire, résigné, et essaye de prendre sur moi. Heureusement que l'ambiance sonore environnante m'aide à les ignorer avec plus ou moins de facilité. C'est ça l'Asie.

    Et moi qui me demandais si je pouvais descendre manger en claquettes/chaussettes, vu le standing du bâtiment et des chambres...
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