• Olivier Roche

Népal - Annapurna Tour

Bon, 5 jours de trek sur 12, hein, on s'enflamme pas non plus! Læs mere
  • Start på rejsen
    18. oktober 2025

    J-1. Mise en bouche.

    18. oktober, Frankrig ⋅ ⛅ 23 °C

    C'est un voyage qui commence à être cher avant même de commencer : On découvre hier soir en voulant s'enregistrer en ligne qu'il nous faut un visa à Delhi, juste pour pouvoir récupérer nos bagages et les enregistrer sur le prochain vol. 4 jours de délai incompressible, c'est mort, on décolle demain soir.
    Ça c'était hier soir, 23h. Après moults appels à Air India et le voyagiste, il faut se rendre à l'évidence : le vol aller ne sera pas comme on l'a imaginé.
    Après une nuit... incertaine, tout le monde se convoque en audioconférence whatsapp dès 8h ce matin en cellule de crise : que fait-on?
    Soit on perd le voyage, soit on rachète un vol aller, soit on reprogramme l'aller sans savoir vraiment quand on aura le visa.
    On chiale un bon coup et on se décide à trouver un nouveau vol aller sans enregistrement à mi-chemin. Ça nous coûte 1 putain de rein.
    Chacun.
    Tout à l'air confirmé maintenant, on a même pu s'enregistrer et imprimer les pass.
    On est en route vers la gare. Ça commence...
    Læs mere

  • J0. Paris

    19. oktober, Frankrig ⋅ ☁️ 11 °C

    Chassez le naturel, il revient au galop : je me rends compte que je suis reparti dans des récits fleuves de nos aventures. Evidemment tout n'est pas intéressant pour toi, lecteur, mais cela me sert de mémoire.

    Allez, vous en voulez encore ?
    Parce que hier matin, on n'était qu'au début en fait.
    13h : Hervé et Nath viennent me chercher à la maison pour qu'on file sur Mérignac.
    14h : nous sommes à Mérignac et essayons d'acheter des visas pour le vol retour. La machine indienne étant ce qu'elle est, le site bug toutes les 4 minutes et nous ne pouvons pas arriver à finaliser une transaction avant l'heure de devoir partir à la gare.
    Étrangement, le bus est à l'heure.
    Le train, même, et à l'heure. Je gifle machinalement un passager, incrédule. Comment se fait-il que tout se passe pour le mieux, pour l'instant ? Ce n'est pas normal. Il faut que quelque chose déraille, et je ne parle pas du train.
    C'est sans compter sur notre mauvaise étoile, notre chat noir : on réalise avec une larme au coin de l'oeil qu'il va falloir prévenir Air India que nous ne prenons pas le vol aller mais que vous ne voulons nous assurer d'avoir le vol retour, et ça c'est une autre paire de manches, car après quelques recherches, nous nous rendons compte que rien n'est automatique, et rien n'est logique dans le monde des compagnies aériennes.

    Effectivement, si nous ne nous présentons pas au départ, le vol est totalement annulé, retour y compris. Nouveau stress, c'est tellement plus habituel!

    Dans le train, nous n'arrivons à joindre ni le voyagiste ni la compagnie aérienne pour cause de mauvaise réception donc nous sommes obligés d'attendre d'arriver à Paris.
    19h : arrivée à Montparnasse.
    19h : fermeture du service client du voyagiste.
    Nous finissons par trainer nos guêtres dans un coin reculé de la gare Montparnasse pour nous poser et nous mettre au calme afin d'aviser la marche à suivre pour le reste de la journée et du voyage.
    Nouveau plan d'attaque : appeler le service client international de Air India pour leur demander de conserver le vol retour. La sentence est rapide : non, le vol retour ne sera pas être conservé. Ils ne peuvent rien faire car nous ressortons d'Inde et donc ce n'est plus de leurs compétences, apparemment.

    Tout autour de ma tête le plafond de la gare Montparnasse commence à virevolter et onduler. Olivier est au téléphone avec son frère, Hervé commence à prendre la teinte du siège sur lequel il est assis, muet d'horreur, Nathalie fait une crise de panique et se jette contre une fenêtre.
    À 20h, la situation est claire : on est dans la merde. On a maintenant un vol aller mais nous n'avons plus de vol retour, cela sera très probablement comique dans quelques années mais à ce moment, on a juste envie de chialer.

    Phase 2 : il nous faut maintenant annuler le vol complet pour ne pas se retrouver dans une situation de "non présentation": ce sont les gens qui ne se présentent pas au comptoir, qui n'embarquent pas et qui retardent les avions. Puis germe en nous l'idée que peut-être si nous exposons le problème, nous pourrons être remboursés au moins partiellement. On y va cash, on dit tout ce qui se passe à l'agent que j'ai au téléphone. "Pas de souci, nous dit-elle, vous serez remboursés moins quelques frais de pénalité". Nous allons récupérer environ 70 % du vol. Ouf, c'est déjà ça. Franchement, on n'y croyait plus.

    Phase 3 : annuler maintenant le vol aller que nous avons acheté ce matin, pour pouvoir par la suite acheter un vol aller-retour qui ne passera pas par l'Inde, et qui sera très probablement moins cher qu'acheter un retour simple, pour compléter notre aller simple.
    Tout en bas du mail de confirmation, une ligne écrite en verte accroche mon regard : « ce vol est annulable sans aucun frais si annulé avant 23h59 heure locale le jour de l'achat ».
    Ouh punaise!
    Ça serait-il que dans notre diarrhée de décisions plus merdiques les unes que les autres, un éclair de soleil viendrait illuminer notre soirée!?
    On appelle.
    Il est à peu près 21h30. Le type au bout du téléphone semble sincère, sympa, à l'écoute et comprendre notre désarroi. Il me met en attente en me disant qu'il travaille au dossier et qu'il va essayer de contacter la compagnie.
    20 minutes d'attente au téléphone. Je n'en peux plus de la musique d'attente andalouse. Putain de guitare.
    Au bout de 20 minutes, il revient en me remerciant profusément d'avoir attendu si longtemps et me dit que comme nous nous nous sommes déjà enregistrés, il n'a pas la main pour annuler ce voyage, il faut donc que je me désenregistre personnellement sur le site de Qatar Airways. C'est nouveau, ça vient de sortir !
    Retour sur le site, on trouve finalement la petite touche qui va bien, et on se désenregistre.
    Lui m'a remis sur attente toujours en train de « traiter mon dossier » et je passe de nouveau 20 minutes assis amorphe sur un fauteuil de la gare Montparnasse. Mes trois compères sont également avachis sur leur siège, au bout de leur vie.
    Le monsieur revient au téléphone, il change de ton : il m'explique qu'il a été obligé de supprimer les billets pour chacun des passagers, en suivant la procédure automatique, et que le débit de l'achat, encore en attente de validation sur mon compte, ne serait finalement pas validé, et donc que la ligne disparaîtra de mes comptes. Il parle très doucement, en détachant chaque syllabe comme s'il ne voulait pas être entendu. C'est bizarre, on a l'impression qu'il vient de bidouiller dans son système et de nous faire une fleur. L'avenir nous le dira...

    Nous allons donc partir dans l'idée que le premier vol est remboursé à 70 %, dans l'idée que le second vol est remboursé intégralement, et donc nous décidons après moultes conversations molles, fatiguées, dépitées, d'acheter un nouveau vol aller-retour pour le Népal la veille du décollage. Un truc de dingue. On n'a jamais fait ça.

    Nous finissons par trouver notre bonheur vers 23h30 assis à une table du McDo pourri de la gare Montparnasse, nos gros sacs entassés dans un coin. Il faut savoir qu'au McDo de la gare Montparnasse, samedi soir, à presque minuit, il y a plein de gens assis aux tables mais personne ne consomme. Une vraie cour des miracles.

    Au final, nous achetons un billet presque deux fois plus cher que le billet original. Mais c'est soit ça, soit nous rentrons la queue entre les jambes, avec le risque assez élevé de perdre également les réservations que nous avons faites au Népal notamment les vols entre Pokhara et Katmandou, et ce voyage, cela fait 3 ans qu'on voulait le faire, notamment pour le trek. On n'est pas à la rue non plus, donc e basta!!
    On en rira. Qu'est-ce qu'on en ira.

    Puis c'est le retour à l'appartement des parents d'Olivier, à Rueil. Nous mettons 1h30 à alterner métro, bus et marche avec 25 kg de bagages sur le dos. Nath et Hervé sont plus malins (ils ont la possibilité de l'être, aussi): ils décident d'aller dormir à l'appartement de leur fille à une demi-heure de métro de la gare, non sans nous avoir proposé gentiment de dormir dans la cave de l'appartement qui possède un lit sans matelas. Bande d'enfoirés.

    Ah oui, du coup, nous ne décollons plus à 12h10, plus à 22h40... mais à 17h20! Et on passe par le Qatar. Eux, ils sont gentils au moins, ils nous font pas d'embrouille avec des visas!
    Læs mere

  • J1. Voilà!

    20. oktober, Nepal ⋅ ☀️ 25 °C

    Cohue monstre pour récupérer les sacs... on est encore en train d'attendre... mais ça y est : on est à Katmandou ! 😊

  • J1. Katmandou

    20. oktober, Nepal ⋅ 🌙 19 °C

    Bon ben on est claquasse de sa mère, aujourd'hui.

    Un sketch monumental au moment de sortir de l'aéroport et trouver notre taxi, envoyé par l'hôtel. Evidemment, personne en vue. Des dizaines de guides, chauffeurs et autres meneurs de meutes touristiques se tiennent à la sortie avec leurs panneaux où sont inscrits les noms des passagers clients. On cherche de l'Allemand, aujourd'hui, mais point d'Olivier Roche. Appel à l'hôtel, "Ah bon, il est pas là?"
    Donc, il nous en commande 2, qui nous seront offerts du coup, merci Monsieur, et on n'a plus qu'à attendre.
    On attend.
    Et on attend.
    Et on voit arriver un type avec une feuille écrite à mon nom... il était vraiment là alors... gêné, il nous appelle 2 taxis qui finissent par nous déposer à un hôtel flambant neuf.

    Les chambres sont très bien, grandes et propres.
    On décide de prendre notre déjeuner ici. Après une grosse demi-heure d'attente qui nous laisse supposer que rien n'est prêt en avance, et donc ultra frais. On commande des momos, ces sortes de raviolis typiquement népalais à manger avec une sauce un peu piquante. Tiens, y'en a des cuits à la vapeur. C'est les originaux, inévitables, on a 2 bleus à former!
    Tiens, y'en a des frits, ça peut être bon aussi...
    Oh et un chowmein, ce plat de nouilles chinoises frites avec morceaux d'omelette, petits pois, chou, poulet, oignons.... que des bonnes choses, te dis-je, lecteur incrédule. Les plats qui arrivent une demi-heure plus tard sont gigantesques. On se fait littéralement péter le bide. Sacrilège ultime: on laisse des momos. Oui.

    On s'accorde une petite sieste de 30 minutes parce que je te rappelle que nous n'avons pas fermé l'œil de la nuit entre ces 2 vols depuis Paris. Ça commence à piquer.

    Puis on fait une première visite de Durbar Square, la version népalaise de la cité interdite chinoise : un complexe de temples qui constituait le palais royal et où seule la famille royale et la cour vivaient. Bon c'est du basique, hein, on n'est pas là pour l'exactitude historique.
    Retrait dans un ATM, parce qu'on l'a oublié, il faut payer 1000 roupies (6€) pour pénétrer sur zone. Et attention messieurs-dames, c'est que du visuel : pas de barrière, pas de checkpoint, on vous court juste après pour vous demander de payer. À la népalaise.

    On découvre la maison de la Kumari, cette déesse vivante honorée dans plusieurs villes népalaises. Cette gamine est choisie selon des critères plutôt... étranges (avoir une ombre dorée, une voix grave comme celle d'un moineau - punaise on n'a manifestement pas les mêmes piafs!), et ne redescend de son piédestal qu'une fois la première menstruation attestée. Bref. On n'est pas sur la même culture.

    Puis on se perd dans les rues du centre de Katmandou, où depuis hier et jusqu'à mercredi on célèbre la fête de Tihar, un peu la Fête des Lumières népalaise, où l'on honore la déesse Laxmi. L'équivalent indien est Diwali. A l'entrée des commerces, des maisons, ils dessinent aux stylos à poudre de couleur des sortes de mandalas éclairés de petites bougies, c'est très joli. Ils sont tous assis par terre à dessiner avec précaution leurs arabesques. Mise à part que ces mandalas colorés sont souvent accompagnés par une trainée marronasse qui part du centre du magasin et s'étire jusqu'aux motifs en poudre comme si quelqu'un avait été pris d'une diarrhée bien vénère et s'était traîné jusqu'à l'entrée pour y faire un caca de volutes colorées et harmonieuses. C'est gênant, quand même, sans comprendre le pourquoi du comment culturel, ça gâche un peu la magie...

    Partout, les rues et les bâtiments du centre sont décorés de rampes de lumières multicolores, la population vit, marche, court, klaxonne et pétarade au rythme d'une circulation frénétique sur des routes sans panneaux de signalisation ni feux tricolores.
    A ce moment-là, on sent bien que Nath et Hervé sont en mode éponge, ils regardent tout, sentent tout, observent tout. Le spectacle est tout autour de nous.

    Nous retrouvons un taxi sans peine que nous marchandons pour nous ramener à l'hôtel après avoir parcouru le méandre de petites rues du centre-ville de Katmandou.

    La soirée ne s'arrête malheureusement pas là. J'ai l'ingéniosité de proposer à tout le monde, avant de remonter en chambre, de nous poser dans la salle de restaurant pour boire un coup, tellement nous avons chaud et nous sommes desséchés de poussière et de pollution. Nous passons commande auprès de la demoiselle qui se trouve derrière le comptoir, elle écrit notre commande sur son carnet de commande, puis nous montons au rooftop où elle nous propose de nous apporter les boissons lorsqu'elles seront prêtes.
    Au bout de 20 minutes, toujours rien. Olivier et Nathalie repartent quatre étages plus bas et là, surprise, elle n'a pas l'air de savoir de quoi ils parlent. Ils lui rappellent la commande et celle-ci arrive finalement, apportée par deux serveurs à peine sortis de l'adolescente.
    Ma parole, mais ce resto est tenu par des stagiaires de troisième ou quoi!? On n'est pas loin d'être les seuls clients, ils foutent rien de la journée et trouvent le moyen de ne pas y arriver correctement!!
    1 des bières est éventée, un cidre est à température ambiante et le coca n'est pas light parce qu'ils n'en ont plus.
    On passe immédiatement commande pour le dîner, on sait que cela va prendre une heure.
    Ah? Une demi-heure, nous informe la demoiselle? Soit. Nous nous attendons à 1 heure. Et nous gagnons.
    Ce soir c'est Thali, poulet ou mouton. Un plat indien combinant une viande en sauce, des légumes cuits dans une autre sauce, quelques légumes crus coupés en rondelles, et d'autres productions dont nous n'avons aucune idée.
    Les 3 zozos que j'ai avec moi se tordent, que dis-je, se convulsent de douleurs après les premières bouchées : le plat est à l'évidence bien trop épicé pour eux! C'te bande de voyageurs du dimanche. J'essuie discrètement la goutte que j'ai au nez. Parce que oui, ça picote un peu hein. Et je poursuis mon repas comme si de rien n'était.

    La soirée se termine sans dessert. On est de toute façon trop fatigués pour faire autre chose que se coucher rapidement.
    Læs mere

  • J2. Bhaktapur

    21. oktober, Nepal ⋅ 🌙 18 °C

    Ce matin, réveil à 7h, il faut qu'on parte plutôt rapidement pour aller visiter deux villages qui sont au sud de Katmandou.

    C'était sans compter l'inertie népalaise ! Le temps de faire nos sacs, de descendre, de payer la note, de commander des taxis, et de les attendre, nous prenons la route finalement vers 9h30.

    On visite 2 villages au sud de Katmandou : Kokhana et Bungmati.

    Deux vieilles cités Newar, du nom d'un de peuples historiques du Népal, reconnaissables à leurs maisons en briques rouges et aux entourages de fenêtres en bois sculpté.
    Ici, la vie a un autre rythme : beaucoup moins frénétique que Katmandou, les voitures ne roulent pas à Kokhana, ou du moins pas partout. Les larges trottoirs du centre sont très largement investis par les tas de riz que les femmes étalent sur des bâches en plastique pour le faire sécher au soleil. L'outil qu'elles utilisent, quand elles en le font pas directement pieds nus, trace des sillons réguliers dans les grains encore coincés dans leurs enveloppes. C'est beau, c'est typique, un moment hors du temps, on adore.
    Puis on enchaîne avec le second village, Bungmati, plus grand, un peu plus animé. Les ruelles du centre sont tout aussi étroites et sinueuses. Les chiens errants nous regardent passer quand ils ne sont pas affalés sur la route, en plein sommeil. On croise une tisseuse de laine, au travail dans son échoppe, assise à même le sol, un sculpteur sur bois de camphrier, qui nous donne des chutes et éclate de rire lorsque nous les sentons et ouvrons des yeux de gamins à Noël, encore et toujours des étendeuses de riz (oui, je décide de les appeler ainsi), dont une mamie qui se contortionne à quatre pattes pour étaler son stock, en plein soleil... Les gens semblent vivre dans de minuscules maisons, dans lesquelles ils pénètrent par de petites portes. De la rue, tout a l'air sombre et obstrué à l'intérieur, plus des abris de stockage que des habitations, cela me fait m'imaginer que je me promène en plein Moyen-âge moderne.
    C'est ça, ici c'est un peu le Moyen-âge : on jette des liquides dans la rue depuis son étage, et quand ça atterrit sur une touriste, comme Nathalie, on lui sourit d'en haut. Des gens déambulent, sans but. Dans les villes, peu de réglementation : presque pas de feux comme on a dit, on se déplace au klaxon, on crache par terre, on marche en plein milieu d'une avenue à double-sens, comme un zombie... Un autre monde, mais tellement passionnant à découvrir!

    11h30, on a terminé les courtes visites, on reprend notre taxi qui nous attend sagement et nous ramène à l'hôtel où l'on a pu laisser nos gros sacs. On décide de déjeuner de nouveau là, mais plus léger que la veille : on ne prendra pas deux plats chacun, juste un. La raison s'est emparé de nous...
    Puis un nouveau taxi vient prendre le petit groupe et sa cargaison de sacs qu'il cherche à entasser à grands coups de poings dans son coffre avant qu'Olive prenne un peu les choses en main et calme le jeu en aidant à organiser tout ça.

    Nous arrivons finalement à Bhaktapur vers 15h. Bhaktapur, nous, on connaît. On est quasi chez nous! On paye le droit d'entrée, cité médiévale classée Patrimoine de l'Humanité oblige, et on file découvrir notre nouvel hôtel pour ce soir. Moins class, sauf le bâtiment qui est magnifique, et les chambres gigantesques.
    La journée se termine par une visite en long et en large de la cité, je leur ai vendu une sorte de Saint-Emilion népalais, mais en fait, c'est quand même bien plus grand! Ici se trouve le 3e complexe royal de la région de Katmandou, avec son ancienne place du palais, encore une "Durbar Square". Magnifique, toute en briques rouges, les temples aux coins pointus et aux statues majestueuses, dont le Natyapola, avec ses 5 toits empilés les uns sur les autres. Puis après l'esplanade royale ou Népalais et touristes vadrouillent, on se perd dans de nouvelles ruelles encombrées de petits commerces, de chiens faisant leur vie, de gamins qui jouent, qui courent, et des femmes en saris de toutes les couleurs.
    Un dîner bien sympathique dans un restaurant un peu trendy. Je redécouvre le "beaten rice", ce riz battu qui donne des grains écrasés, puis séchés. C'est pas le plus goûteux mais le croquant est sympa en accompagnement. On ose même une bouteille de vin rouge local. Aucun commentaire, on passe. Le serveur en a renversé un peu sur la nappe, elle n'a pas été trouée. On espère que nos estomacs seront aussi résistants...
    Puis une folie : on a vu à l'entrée qu'ils proposent de l'Irish coffee. Mais oui!! Après le dessert local, le juju dau, le "roi des yaourts", on veut cet Irish Coffee. Mais c'est encore une fois sans compter sur le système népalais : "désolé, on n'a plus... de café." !!!

    Mais le final, c'est l'après. On en est au 3e jour de Tihar, la fête des Lumières népalaise, et ici à Bhaktapur, c'est la pure folie : sur la place où se dresse le Natyapola (le temple aux 5 étages), une foule jouasse s'est compactée, laissant à peine circuler les véhicules qui tentent de se frayer un chemin. Ça discute, ça regarde, ça rit... Et ça balance des pétards. Hervé voit juste : chez nous, une fête nationale est accompagnée de feux d'artifice, bien menés, bien encadrés. Ici, c'est tout le contraire : Apporte tes pétards et organise ton propre feu d'artifice pour la foule en délire !
    Tous les étages du Natyapola sont investis par des spectateurs qui s'esclaffent au moindre pétard qui part dans la foule. Les déflagrations nous entourent, elles viennent de partout, sans aucune annonce. Les gamins en balancent en l'air après les avoir allumés, hilares, d'autres jettent des roues de feu au sol qui tournoient comme des folles, rebondissent sur les pavés irréguliers et finissent par se crasher dans les badauds... Tout le monde fait des aaahh et des oooohh devant une fusée colorée, un pétard mamouth qui éclate juste derrière nous, tous se bousculent brusquement en un mouvement de foule incontrôlable lorsqu'une fusée s'élève dans leur direction ou rebondit sur le sol. Bref, une folle célébration que j'ai du mal à quitter... l'atmosphère est inoubliable. Imaginer que cette foule, dont la moyenne d'âge ne dépasse pas les 30 ans, était dans les rues il y a un mois, cette Gen Z mettait le feu aux Parlement, lynchait les ministres corrompus jusqu'au milieu de la Bagmati, la rivière d'immondices qui coule à Katmandou, et finissait par élire une nouvelle Première Ministre de 82 ans... sur Discord... Tout est si fou.
    Læs mere

  • J3. Bhaktapur-Pokhara

    22. oktober, Nepal ⋅ ☀️ 24 °C

    Nuit pourrie, j'ai envie de dire comme d'habitude, parce qu'on se souvient que la dernière fois il y a 2 ans et demi, on avait été dérangés par des chiens qui aboyaient continuellement toute la nuit. Il faut dire que les chiens sont partout ici. Encore plus qu'à Katmandou.
    Hier soir en rentrant de la fête, 3 ou 4 clebs se répondaient à côté de l'hôtel, dont deux semblaient perchés dans un arbre !
    Juste avant de me coucher, je jette un œil par la fenêtre : j'en compte pas moins de 13 dans la rue devant l'entrée de l'hôtel en train d'aboyer, se gratter, s'organiser en meute bruyante bien déterminés à faire chier les humains alentours.
    Ici, point de race : que des bâtards. Le seul de race qu'on a vu ce soir était attaché au bout d'une laisse, retenu par son maître, et ultra vénère d'être dans cette situation alors que les autres se baladaient libres comme l'air dans les rues.
    Je me lève néanmoins à 6h45, m'habille rapidement, chope mon appareil photo et pars explorer les rues de la cité qui se réveille. Le marché quotidien est en train de s'installer sur le trottoir un peu partout. Non. Il est déjà en train de battre son plein : ici, si tu produis quelque chose que tu peux vendre, viens t'asseoir sur le trottoir, pose ta production sur un morceau de plastique et attends le client. Pêle-mêle je vois des étalages de viande, de couronnes de fleurs, de petits fruits qui ressemblent à des olives mais qui n'en sont pas, de poissons séchés de toutes tailles et de larges feuilles comme des feuilles de catalpa sur lesquelles ils disposent plusieurs petits ingrédients de couleur et que les gens mangent. On m'en propose, je refuse poliment car les feuilles ont été plongées dans un seau d'eau pour les nettoyer, et l'eau ici est mon ennemie. Je ne veux pas revenir avec un protozoaire comme lors de mon dernier voyage en Inde, merci.
    Le boucher, ici, ne s'embarrasse pas de considérations hygiéniques. Les morceaux de viande et les carcasses sont disposés sur une table en bois qui sert de billot. Point de glace ni de ventilation, lecteur coi, et encore moins de filet anti-mouche (de toute façon, on n'en a pas vu pas l'ombre d'une). Je le vois découper de grosses pièces à l'aide d'un couteau qui ressemble à un cimeterre, puis il s'arrête, essuie la lame sur son pantalon, se décale un peu, s'accroupit puis aiguise sa lame sur le bord du trottoir avant de reprendre sa carcasse et de continuer à la découper pépouse. J'en ai des sueurs froides.
    La ville est éveillée, les gens sont déjà au travail, font leur marché, tout le monde discute, sourit, me regarde, curieux et reprend ses activités.
    Un petit bout de chou d'à peine 2/3 ans se promène en titubant sur la plateforme de ciment au centre de la place où hier soir les gens faisaient exploser des pétards. Il essaie manifestement de courir après les pigeons qui sont posés là et qui mangent des graines qu'on leur distribue. Puis il s'arrête, les regarde, s'accroupit et commence à les imiter en mangeant du bout des doigts le maïs, avant que son père n'arrive en courant pour l'enlever de là.
    Je m'imprègne de cette atmosphère, un peu nostalgique déjà, car je sais que je ne reviendrai pas ici de sitôt.

    La nuit fut pourrie, donc, mais pas pour tout le monde : lorsqu'on retrouve Nath et Hervé ce matin au petit-déjeuner, ils sont radieux ! Dormi comme deux bébés ! Non mais j'te jure, y en a qui mériteraient une tourista express, juste pour l'équité !
    Non, je plaisante, je ne leur souhaite pas, d'abord parce qu'ils liront ce compte-rendu et qu'il ne faudrait pas qu'on termine ce séjour en se foutant sur la gueule, mais surtout parce que si quelqu'un doit en avoir une, ça sera probablement moi le premier, avec ma flore intestinale de personne âgée...

    Bref, nous prenons le petit-déjeuner sur le rooftop de l'hôtel d'où nous avons une vue panoramique de la vieille ville avec en arrière-plan quelques pics himalayens sur lesquels le soleil se lève ! Sublime moment.

    Ce matin, nous nous laissons porter par le flux des touristes et des locaux dans les rues de Bhaktapur et faisons quelques emplettes. Comme d'habitude Olivier nous fait rater quelques marchandages de bon aloi, tellement il veut acheter ses souvenirs, tellement ils ne sont pas chers pour nous, tellement les vendeurs veulent nous arnaquer.
    Évidemment que nous ne sommes pas à quelques euros près. Évidemment qu'ils sont pauvres et ont besoin de cet argent. Mais évidemment, par principe, je refuse d'être considéré comme une vache à lait et me bats juste un petit peu pour leur montrer que nous ne sommes pas dupes!
    Et puis ils adorent ça, c'est un sport! Ce matin encore, une vieille vendeuse de mèches à bougie m'a violemment mordu au tibia parce que je ne voulais pas marchander, me crachant un "soi digne, parbleu!" en dialecte newari.
    Aussi, ne me juge pas trop vite, lecteur intraitable. Je suis contraint. Voilà ma croix.

    À midi nous revenons au restaurant d'hier soir, le Vajra, où nous choisissons un plat local servi en formule pour 4 que nous décidons de manger à trois, parce que pourquoi pas. Ce plat est censé être un peu épicé et il est servi avec un bol de yaourt local. Pour faire bonne mesure, nous commandons d'autres grands bols de yaourt pour le dessert. Il est tellement savoureux (sauf pour Loulou qui "ne l'aime pas"... mais qui finit son bol nonobstant.)

    Puis vient 14h, l'heure de quitter Bhaktapur pour de bon. Un dernier coup d'œil à ces temples, à cette place, à cette atmosphère et je tourne le dos. Nous trouvons un taxi qui nous ramène à l'aéroport domestique de Katmandou à une quinzaine de kilomètres d'où je suis en train d'écrire ses premières lignes de la journée, en attendant que notre prochain vol décolle à 17h15 pour Pokhara.

    On passe crème au niveau de la sécurité, toutes nos bouteilles d'eau pleines rigolent dans la machine, personne ne nous dit rien. Le Népalais est de naturel confiant... ou laxiste, au choix.

    On décolle bientôt. Un peu tendu, je suis...
    Læs mere

  • J3. Pokhara.

    22. oktober, Nepal ⋅ 🌙 18 °C

    Voilà, si j'écris ces lignes, c'est parce que nous sommes toujours vivants et donc bien arrivés. Petit stress post-traumatique d'un crash d'avion qui est intervenu deux semaines avant notre premier voyage à Pokhara sur le même vol... Ça laisse des traces.
    Fun fact : une fois l'avion posé, le pilote nous demande de ne pas bouger de nos sièges ni d'enlever les ceintures de sécurité avant son signal car l'équilibre de l'appareil doit être stabilisé avant que les gens n'en sortent. Je ne veux même pas commencer à comprendre ce que ça veut dire. Nous nous exécutons docilement, les fesses serrées.

    Nous sommes accueillis avec des écharpes colorées et une photo de groupe par l'équipe de l'hôtel à la sortie du hall d'arrivée. Rajendra, notre hôte, nous a dit sur WhatsApp qu'il venait nous chercher sans plus de précision. Il est effectivement là avec un employé et un chauffeur de taxi et nous entassons les sacs comme nous pouvons dans la petite voiture. Tous rentrent dans le coffre sauf un qui fera la route derrière nous sur un scooter. Hervé en a des sueurs froides.

    Petit trajet d'une vingtaine de minutes sans encombre jusqu'à l'hôtel malgré la circulation et un blocage de route que notre chauffeur ignore royalement. Nous descendons du taxi, déchargeons nos sacs, et il nous demande 1000 roupies. OKLM.
    L'offre de pick-up à l'aéroport semblait gratuite, mais ne l'était foutrement pas. Il ne nous ont même pas laissé la possibilité de marchander. C'est de la triche! Je suis colère et frustration!

    Nous prenons possession de nos chambres, Hervé et Nathalie obtenant par hasard celle qui a un petit dégât des eaux et qui sent l'humidité. Pas de chance ! Mais ils ont un désodorisant électrique, cela devrait leur convenir, s'ils n'étaient pas si pointilleux.
    Et bien non, lecteur outré, ils demanderont à changer de chambre. Vois l'audace !

    Puis nous partons à la (re)découverte de Pokhara et de son front de lac qui n'a pas vraiment changé depuis 2 ans et demi. Ambiance toujours baba cool, plutôt touristique, assez zen. Les petits brûlots sur le bord du lac se partagent l'espace avec les barbecues au charbon proposant de cuire des brochettes et des poissons (relativement) frais ainsi qu'avec les restaurants un peu plus typiques ou class.

    Nous jetons notre dévolu sur un restaurant plutôt moderne, mais là encore ce n'est qu'une illusion : le serveur qui semble être aussi le patron n'est en fait qu'un autre stagiaire de 3e déguisé. Il nous préparera des Irish Coffee, marqués à la carte, en nous avouant que ce sont des expériences, car il n'a pas l'habitude d'en faire. Il arrive dès le début en nous montrant deux formats de verre différents et nous demande quel est celui qui se prête le mieux à la préparation!
    Et bien sûr il n'a pas de crème fraîche ou de crème chantilly donc il nous propose de la glace à la vanille à la place. Cela fera l'affaire. Ce sera un Nepalese coffee. Et finalement, il ne sera pas si mauvais que ça.
    Mais pour l'heure nous n'en sommes qu'à l'apéritif et voilà ce gros chien noir tout mouillé qui vient se caler sous notre table en se frottant bien contre les jambes de tout le monde. Il pue la mort de sa race, et tombe rapidement amoureux des jambes de Nathalie, en jupe-short, qui blêmit instantanément, les narines retroussées d'horreur. On essaie de le chasser, on lui parle toutes les langues, mais rien n'y fait, il se couche en rond à ses pieds.
    Les patrons voient la scène, et essaient de le déloger à leur tour en se montrant plus ou moins autoritaires mais le chien n'en a rien à battre, il reste là.
    Et bien, tu sais quoi, lecteur ébahi ? On nous suggère de changer de table !
    OK, soit.
    Nous changeons d'allée et nous installons à la table d'à côté. On transfère nos assiettes, nos verres, nos bières et on s'asseoit. Et au bout de quelques instants, voilà-t-y pas que le clebs en mal de contact se lève nonchalamant, traverse l'allée et tente de nouveau de s'incruster sous notre table.
    Là, le boss arrive avec une canne une bouteille d'eau. Il parle de manière plus autoritaire et le chien finit par céder et s'en aller. Non mais c'te blague. Heureusement que les plats commandés sont bons.

    Mais cela ne nous empêche pas de devoir aller aux toilettes et là, c'est le drame ! Évidemment, c'est moi qui en fais les frais le premier : là aussi, il y a eu une petite inondation, et dans un souci de confort pour la clientèle, de grosses pierres ont été disposées pour former un gué de manière à ce que les gens ne mettent pas les pieds dans l'eau jusqu'aux toilettes. Douce attention...
    Niveau d'hygiène tout relatif à l'intérieur, le chiffon posé sur un crochet au mur me fait de l'oeil, et semble bouger tout seul. La couleur est incertaine. Une goutte de sueur perle à la base de ma nuque et coule le long de mon dos. L'effroi s'empare de mon être. Tout devient noir et blanc. Les murs se rétrécissent soudain, je suis irrésistiblement poussé à me laver les mains, et voilà : maintenant mes mains sont mouillées. Je l'entends alors me murmurer "viens, viens me toucher... viens t'essuyer les mains, n'aie pas peur!"
    Je pars en courant à cloche-pied sur le gué et remonte à la salle de restaurant, pantelant, le coeur au bout des lèvres.
    Après avoir partagé cette expérience avec mes compères, Hervé se sent l'âme d'explorateur et part vider sa vessie à son tour et accessoirement prendre des photos... il y verra même une grenouille! Nathalie, incrédule, s'y rendra également quelques instants plus tard, quand même accompagnée par Olivier, juste au cas où. Un moment grandiose, s'il en est.
    Nathalie, qui commandera un virgin mojito, et, en le voyant arriver, se souviendra qu'elle ne veut pas en boire car elle a peur qu'il y ait de la glace, sans parler de cette feuille de menthe qui a probablement été lavée consciencieusement sous l'eau du robinet. Que d'aventures!

    On digère finalement en faisant une petite promenade le long du lac pour découvrir les alentours, notamment Disneyland Pokhara dont la grande roue tourne à une vitesse ridiculement folle. Et c'est le retour à l'hôtel où nous discutons avec Rajendra des derniers préparatifs pour le trek de vendredi.
    Hervé et Nathalie obtiennent finalement la chambre du rooftop, les veinards, et ne sentireront pas la moisissure demain. C'est déjà ça.

    Un dernier pour la route, lecteur insatiable ? Notre guide pour le trek de vendredi s'appelle... Balaram. C'est idiot, mais ça me fait rire.
    À vous Cognac Geay, à vous les studios.
    Læs mere

  • J4. Pokhara

    23. oktober, Nepal ⋅ 🌙 12 °C

    C'est un peu la journée du Grand N'imp aujourd'hui, il est 22h15 et nous finissons juste de nous préparer pour le trek de demain.

    Ce matin, je me lève la tête en vrac : je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Aux quelques moustiques qui ont réussi à passer au travers des fenêtres moustiquaires, on peut rajouter dans le désordre : la chaleur, l'Irish Coffee du repas, les pétards, ou l'infâme karaoké où des touristes alcoolisés vomissent du Britney Spears dans la rue juste en face de notre hôtel, il manquerait plus qu'ils nous chantent le Connemara à 4' du !
    Ce sont finalement les chiens qui auront raison de mon sommeil : un en particulier qui n'a pas cessé d'aboyer sur le même rythme absolument toute la nuit sans s'arrêter. On s'est juré avec Hervé de réveiller tous les clebs qu'on verrait dormir dans les environs, aujourd'hui. On dort pas les uns sans les autres. Vieux proverbe népalais.

    Donc une nuit bien pourrie. Pour Nath, pas mieux. Les 2 autres garçons s'en sortent mieux, même si Olivier dira le contraire.
    Nous avalons rapidement le petit déjeuner de l'hôtel, très oubliable, et prenons un taxi un peu fou fou pour nous conduire à Pumdikot, le sommet d'une des collines qui font face à Pokhara, de l'autre côté du lac Phewa, et sur laquelle trône une imposante statue de Shiva, tout en muscles et regard autoritaire, la peau aussi bleue qu'un Avatar de Cameron.
    On en profite pour avoir une première vue des montagnes environnantes, notamment le Machapuchare, qui culmine à 6900 m et des brouettes, majestueux, titanesque devant la microscopique tour d'observation du poste de Sarangkot, 6000 m en contrebas. 6000 mètres. 6 kilomètres. Étourdissant.

    Il est près de 10h du matin et le soleil cogne déjà bien fort, autour de Shiva, sur notre colline. Les quelques visiteurs visitent, mais on sent bien que beaucoup s'attardent surtout dans les endroits ombragés.
    Un petit Ganesh, le dieu à tête d'éléphant, minuscule devant le Destructeur, semble assis sur un minuscule fauteuil roulant placé sur des rails circulaires et fait lentement le tour de Shiva. C'est d'un goût... particulier.

    L'art religieux bouddhiste et hindouiste m'épatera toujours. Ici un mini-Ganesh sur roulettes, là un taureau (celui de Shiva) qui montre ses baloches à qui veut les toucher pour la bonne fortune, à Bhaktapur des animaux en érection ou qui copulent, gravés avec expertise sur un temple...
    Les représentations des dieux et déesses du panthéon hindouiste relèvent toujours, partout et depuis longtemps tous les défis de la kitsch attitude, et avec brio! Je ne compte plus les nombreux tableaux LED "irradiants" de Bouddha ou Shiva accrochés un peu partout dans les temples en Inde ou au Népal. Plus ça pique les yeux, plus ils dévotent. C'est fou quand même !
    Il faut de la couleur, des yeux de biche asiatique, un visage énigmatique style Joconde (pour Bouddha), des couleurs, encore et toujours, si possible vives et en mouvement, ou du moins en illusion de mouvement, et le tour est joué! Un vrai rêve humide d'ophtalmo, les temples hindouistes !

    Alors attention, lecteur outré, je ne me gausse point. Loin de moi cette idée! Je respecte éminemment ces deux religions, mais mon sens "graphique", dirons-nous, ou artistique, est extrêmement susceptible et froissable par moments. Et je sais que quand je voyage en Asie, il se met automatiquement en boule dès le départ. Parce que vraiment, j'te jure, lecteur, y'a des cours d'art plastique qui se perdent dans les temples, à quelques fuseaux horaires de chez nous!

    Mais je digresse.

    Nous suivons ensuite Hervé avec son compte Strava qui nous dirige dans la pampa népalaise, sur des chemins certes marqués mais qui semblent peu utilisés, vers le sommet de la colline suivante où se dresse cette fois la fameuse Pagode de la Paix Mondiale. Je ne m'étends pas sur la description de ce bâtiment, nous l'avons déjà fait il y a 2 ans et demi, c'est à voir, c'est particulier, c'est joli, mais pas forcément incontournable. Mais ce n'est que mon humble avis.
    D'ailleurs, le temps qu'Olive, Hervé et Nathalie fassent le tour du bâtiment et prennent des photos, je me mets à l'ombre sur l'un des côtés et m'endors presque complètement pendant un cours instant.
    Il commence vraiment à faire chaud, très chaud. Nous remettons les chaussures (car autour du stupa on doit rester pieds déchaussés) et attaquons la dernière partie de cette sortie matinale : la descente de la colline vers la rive du lac.

    D'abord une portion de route, puis nous bifurquons sur un chemin constitué de marches de pierres et nous descendons le long de cette colline, sous les arbres frais, au son de-- punaise mais c'est quoi, depuis tout à l'heure, cette alarme stridente qui résonne partout dans la campagne? D'abord, on a cru à un moteur, une pompe à eau qu'un paysan utiliserait pour vider une citerne, un puits?
    Puis en suivant la ligne sinueuse de pierres, nous passons près d'un pylône électrique et ici le bruit est encore plus fort et strident. Nul doute qu'il s'agit du courant électrique qui passe dans le câble au-dessus de nos têtes, mais c'est quand même étrange car un tel bruit ne peut pas être créé par un courant électrique passant dans ce cable, trop fin.
    Nan. Pas de l'électricité...
    D'ailleurs, il y a de petits à-coups qui, malgré un rythme plutôt régulier, nous font penser qu'il ne s'agit peut-être pas d'un mécanisme.
    Une bestiole ? Mais non.
    Mais si, on dirait bien !

    On ne la verra jamais, mais au bruit, on dirait qu'il s'agissait d'une cigale, mais alors d'une GROSSE cigale, une cigale-mammouth on pourrait dire.
    Une cigalmouth, en quelques sortes.
    Hallucinantes, ces... quoi? Stridulations? Grincements? On se tord dans tous les sens autour de l'arbre d'où viennent ces bruits, mais rien n'y fait, on ne voit rien.
    Il s'avère que tout au long du parcours, en plus des quelques singes que nous observons de loin, nous allons entendre ces bruits tantôt aigus, tantôt plus graves, mais tout le temps extrêmement forts comme s'ils provenaient d'animaux surdimensionnés. Nous sommes peut-être sur l'île de docteur Moreau...

    Nous arrivons finalement au bas de la colline, au niveau de la petite cahutte de location de barques qui vont nous permettre de retraverser le lac vers la ville.
    Un moment paisible, calme et rafraîchissant.
    On débarque une petite vingtaine de minutes plus tard de l'autre côté, et nous avons toute la longueur du front de lac à parcourir pour retrouver notre chambre d'hôtel.
    Mais avant ça, les estomacs crient famine, car nous avons parcouru un peu plus de 6 km ce matin et le petit déj était plutôt light. Je regarde machinalement mon téléphone : Parbleu il est 14h45 !
    C'est donc pour ça que nous avions si faim !
    On se dirige vers le restaurant que je leur ai survendu depuis 2 ans dans lequel nous avions mangé, lors du dernier voyage, les meilleurs pancakes chocolat-banane du monde de l'éternité de l'univers.

    Fermé.

    Put*, soufflé-je, ému aux larmes. J'en rêvais tant. Je décoche un grand coup de pied dans un chien qui passe par là, il va prendre pour tous les autres, et même les suivants, et nous nous résolvons à pénétrer sur la terrasse d'un boui-boui infâme non loin, alors que nous réalisons que quasiment tous les restaurants de cette zone sont fermés à cause de cette fête des lumières népalaise, Tihar, dont c'est l'apogée aujourd'hui, avec la célébration des frères et des soeurs.
    On s'asseoit, on regarde la nappe, les cartes de menu, tout est collant, sale et taché.
    On se relève et on s'en va.
    On finira dans un restaurant bio qui fait ses propres produits et nous mangerons assez, et assez bien, pour décider que vu l'heure, et vu ce qu'on s'enfonce depuis samedi dernier sans aucune retenue ni aucune objection (ou quelques-unes plutôt molles de nos bonnes consciences) ce sera le dernier repas de la journée.
    Bon bien sûr, Olive repartira ce soir acheter des bananes.
    Bon bien sûr, j'en mangerai une aussi.
    Je suis persuadé que là-haut dans leur chambre de rooftop, les deux Porchérois auront taquiné le paquet de biscuits épeautre - romarin - foie de morue qu'ils essayent de nous refourguer depuis le départ du voyage. Mais cela ne nous regarde pas.

    À moitié inconscients de félicité à la sortie du restaurant, la tripe bien pleine, nous empêchons Olivier de retourner à la chambre pour aller faire une sieste qui serait meurtrière pour la fin de la journée.
    Nous repartons plutôt à l'autre bout du lac faire un peu de shopping, notamment dans un magasin de bols chantants, qu'Olivier veut acheter pour son frère. Comme c'est un cadeau, et comme son frère peut potentiellement lire ce compte-rendu, nous ne dévoilerons aucun prix, mais sache, lecteur curieux, que Loulou a réussi à acheter son bol pour presque la moitié de ce qu'on voulait lui vendre au début.
    Alors, oui, j'ai un peu aidé. J'ai essayé autant que possible de tirer une larme au vendeur inflexible, en lui racontant qu'Olivier voulait faire plaisir à sa petite sœur qui aimerait venir au Népal mais qui n'en avait pas les moyens, et ce bol ÉTAIT le Népal pour elle. (Vibration de menton, déglutition difficile). Il fallait absolument qu'il l'achétasse. (Soupir).
    Il me regarde un instant, je le regarde, il me regarde, les yeux fixes, les lèvres serrées, puis lâche un "ouech frère, tu m'as éclaté au sol avec ta reuss!" et balance sa main en geste d'abandon pour signaler la fin du combat.
    Il est à terre. Victoire par KO émotionnel.
    Et Loulou a son bol.

    Quelques centaines de roupies plus tard dans d'autres échoppes, nous finissons par arriver à l'hôtel et c'est encore de finances que nous allons discuter.
    Il faut maintenant payer le reste du trek avant le départ demain matin. Après moults calculs et moultes conversations en anglais, en français, en roupies, en euros et même en dollars, nous réglons notre dû et remontons en chambre, chacun pour préparer ses sacs pour demain. Car c'est demain le grand départ : ze trek.

    Ah oui, et aussi : non, rassure-toi lecteur inquiet, je n'ai donné de coup de pied à aucun chien, aujourd'hui.
    C'était une boutade.
    Læs mere

  • J5. Pittam Deurali

    24. oktober, Nepal ⋅ 🌙 14 °C

    Debout vers 7h ce matin, la nuit a été bonne, enfin ! Les chiens du quartier ont compris à qui ils avaient à faire et nous ont laissés relativement tranquilles.
    Après le même petit déjeuner insipide, nous fermons les sacs et les descendons au rez-de-chaussée avant d'embarquer dans un gros Jeep direction Kante, le point de départ de notre trek.
    Au passage, on prend Bala notre porteur. Ça va être simple, il s'appelle comme notre guide, Balaram. On lui dit que nous aussi partageons le même prénom, Olivier, et cela suffit à faire connaissance. Hervé propose donc de se faire appeler également Olivier pour faciliter la tâche à tout le monde.
    Et c'est dans un grand éclat de rire convenu avec une chaleureuse tape dans le dos et que nous devenons une grande famille pour les 5 prochains jours. Nous sommes des frères, tous des frères, et puis des soeurs aussi, face à l'immensité de glace qui s'impose à nous, et pas un, non, pas un seul d'entre nous ne restera au bord du chemin, nous nous battrons jusqu'au dernier et nous vaincrons, dans le sang, dans la rage et l'abnégation : nous vaincrons.

    Punaise, chui chaud patate, sur ce trek. Je vais essayer de redescendre d'un cran la charge émotionnelle.

    Nous attaquons la randonnée du jour par un chemin de pierre qui doit nous mener à l'Australian Camp. C'est le point de départ de nombreux treks ici, pour le Mardi Himal (oui c'est une montagne), ou le célèbre ABC (Annapurna Base Camp). On croise d'autres groupes de Népalais qui nous apprennent quelques mots dans leur langue (malheureusement déjà oubliés), on goûte à des graines de poivre qui sèchent sur un plastique à terre, et on découvre qu'il s'agit de poivre du timut. On fait des photos avec des inconnus, on socialise, on évite les crottes de buffle et de chèvre, ça grimpe bien quand même, la mise en jambes est plutôt active, les joues rosissent !

    On résoud également la mystérieuse énigme de cet insecte qui fait un bruit de courant électrique strident. Ce matin dans la jeep, en allant au point de départ, nous en parlons au guide et à son cousin le porteur. Ils nous disent qu'il s'agit de fourmis.
    On le regarde, interdits. Confond-t'il les mots en anglais? Ce n'est pas possible! Des fourmis?... des fourmismouth, alors! Mais comment font-elles..?
    Plus tard, on découvrira le véritable coupable : des cigales. Et même pas des mouths, pour le coup. Déçus, nous sommes. Mais quand même, quelle vigueur!

    Tout ce petit monde parvient petit à petit à la destination finale du jour, Pittam Deurali. Chaque nom de lieu que nous traversons correspond en fait à des regroupements d'hôtels et de lodges qu'ici on appelle les tea houses dans lesquels les randonneurs se retrouvent le soir pour passer la nuit. Beaucoup de tea houses sont conçues sur le même principe : un baraquement avec les chambres, une grande pelouse sur laquelle on peut planter les tentes si on n'a pas de réservation et qui généralement finit en bordure de précipice avec une vue imbattable sur la vallée aux alentours et les montagnes en arrière-plan.
    Quelques drapeaux du Népal plantés ici et là, des couleurs vives aux bâtiments, souvent une balançoire népalaise faite de 4 solides troncs de bambou joints au sommet et le dépaysement est total !

    Les montagnes... On n'en peut plus de s'exclamer, de s'extasier devant cette vue incroyable. Le Machapuchare, celui qui culmine à 6900 m, est face à nous, son sommet à double pointe qui lui vaut le nom de Fishtail, queue de poisson en anglais, s'élève au-dessus des nuages, comme sorti d'un film de Miyazaki. C'est une montagne sacrée, interdite d'ascension, prétendument la demeure de Shiva. Rien que ça, ça calme (au moins autant que les pieds de Marie-jeanne qui poussent un peu partout ici!)
    À côté, le sommet de l'Annapurna Sud, un peu plus écrasé, est caché par les nuages mais là aussi parfois se laisse entre-apercevoir comme s'il flottait, imposant le silence de notre côté. Il y a un mot pour ça en anglais: awe. Ça impressionne, ça impose le respect, ça fait pas peur mais quand même. Ça calme un ours, quoi.
    On en prend plein les yeux.

    Je pensais qu'on mangerait sur le pouce le midi, un peu comme on fait entre nous en randonnée, mais ici, non. On s'arrête dans un resto sur le chemin et on a un vrai repas. En fait les 3 repas sont inclus dans la prestation, et Bala le guide nous explique qu'on peut choisir un plat par repas. Le reste est à nos frais.
    On se met bien, donc, sans se rendre trop lourd. Bon, sauf un de nous quatre, je ne dirai pas son nom, qui prend un dessert.

    On arrive finalement vers 16h30 à notre étape finale du jour, nous nous voyons attribuer une chambre, et on nous conseille fortement d'aller prendre une douche chaude tant que c'est possible avant que les gros groupes n'arrivent.
    La douche est un pipi tiède bienvenu, sauf pour Hervé, pour qui c'est un pipi froid désagréable.
    À 18h30, on va passer commande pour le diner car la petite cuisine doit s'organiser avec tout ce monde.. Le grand réfectoire est un bâtiment à part chauffé à bloc par un gros poêle central. Après la chute de température consécutive au coucher du soleil, cette chaleur enveloppante est un vrai bonheur, pour moi en tout cas.
    Un bonheur n'arrivant jamais seul, une meute d'une grosse vingtaine de Coréens ont débarqué dans la salle. Finis la tranquillité et le calme, on se retrouve dans un parc d'attraction.

    ---

    21h. On sort du réfectoire. Le repas était à tomber : on a mangé une "potée du sherpa". Poulet, légumes divers dans un bouillon épicé divin. Dans cette salle chauffée au poêle, à la nuit tombée, avec un 8 - 10° dehors, c'est le repas idéal.
    On discute un moment avec Bala One, le guide, il nous montre des photos de sa famille, ses enfants, nous parle de sa caste (il est hindou), c'est très intéressant. J'apprends que ce que je prenais pour des ethnies sont plutôt comme de grandes lignées, qui portent donc un nom unique : les Newari (Bhaktapur et le grand Kathmandu), les Gurung (là où nous nous trouvons)... on parle des mariages forcés, qui diminuent en pourcentage même si les familles ont encore leur mot à dire, de sa grande famille, de notre premier contact, Ramesh, son cousin, qui est en fait en train de poursuivre ses études d'ingénieur au Canada. Une soirée enrichissante.

    Là, on ne va pas tarder à se coucher car demain, c'est levé à 6h pour voir le lever du soleil. On est t r o p b i e n, ici!
    Læs mere

  • J6. Landruk

    25. oktober, Nepal ⋅ 🌙 14 °C

    J'ai pris la peine de mettre le réveil à 5h45 pour ce matin, hier soir en me couchant. Le lever du soleil est prévu à 6h15, mais me connaissant et connaissant Olive, je pense qu'une demi-heure n'est pas du luxe pour nous réveiller complètement et nous préparer à temps.
    Peine inutile, nous sommes réveillés vers 4h tous les deux sans pouvoir nous rendormir avant l'heure prévue. La nuit a été fraîche mais pas froide, les couvertures étaient assez épaisses, et on a plutôt bien dormi, juste pas assez.

    On se lève, on s'habille et on ouvre la porte devant un spectacle magique. Quiconque s'est déjà réveillé dans le but unique de voir le lever du soleil saura de quoi je parle : la lumière est encore timide, aux tons bleus, mais on peut déjà clairement distinguer tout le relief.
    La vallée face à nous est recouverte d'une brume translucide. Le monde se réveille sous nos yeux : partout de petits points de lumière témoignent des activités matinales des habitants alentours.
    On s'avance dans le jardin, puis on se retourne, et là, c'est le spectacle : les montagnes himalayennes se dressent face à nous, encore bleutées mais clairement visibles et sans un nuage.
    L'Annapurna Sud est en train de se parer d'un blanc immaculé, tout comme le Machapuchare, en forme de queue de poisson. La hauteur de ces Titans ne cesse de m'impressionner.
    Hervé ronchonne dans mon dos : " Putain, faut leur dire d'arrêter avec leurs décors de cinéma, on n'y croit pas une seconde!"
    C'est vrai qu'on se croirait dans un film, au risque de me répéter. À moins de les rencontrer pour de vrai, on a du mal à imaginer l'impression de puissance dégagée par ces masses, immobiles et silencieuses, telles d'anciens dieux pétrifiés qui nous surveilleraient depuis le commencement du temps.

    Nous restons une bonne demi-heure à observer la nature se réveiller. La lumière se fait plus franche, plus jaune, et nous sommes partout à la fois, un œil sur les montagnes, l'autre dans le viseur à shooter en mode mitraillette.
    Puis c'est la récompense d'un réveil si matinal, le sommet de la pointe la plus haute de l'Annapurna Sud (7219m), qui semble être la plus proche de nous, reçoit soudainement le premier rayon de soleil, qui s'agrandit lentement sur toute la surface visible.
    Puis c'est autour du Machapuchare (6993m) de se réveiller, suivi par les autres sommets que nous apercevons sans pouvoir encore bien les identifier.
    Le spectacle est indescriptible, un moment suspendu dans le temps. Silencieusement, comme un mantra, je me répète : " je suis au Népal, devant l'Annapurna, je suis au Népal, devant l'Annapurna..." c'est bête, mais ça m'aide à vivre le moment présent encore plus intensément, pour m'en souvenir plus tard... lorsque les circonstances m'y contraindront.

    Nous restons donc une grosse demi-heure à shooter nos photos aux quatre coins du camp, tantôt sur la plateforme près des réserves d'eau de pluie, tantôt à l'autre bout du bâtiment principal. Mais l'état de grâce ne dure pas longtemps : le nuage de brume dans la vallée s'est élevé et a commencé à étirer des bras vaporeux qui s'enroulent autour du camp, montant toujours plus haut et finissant par cacher complètement les pics ensoleillés.
    Comme le petit-déjeuner ne sera servi qu'à 8h, nous décidons d'aller nous recoucher pour une petite heure. Évidemment, c'est peine perdue : impossible de retrouver le sommeil après tant d'émotions, nous ressortons finalement pour passer du temps dehors, il ne fait déjà plus si frais.

    Ce matin, Bala One nous a prévu une mini sortie avant le départ du camp. C'est impromptu, et on se dit qu'il cherche à combler la journée avec une autre activité car l'étape d'aujourd'hui est peut-être plus courte que les autres. Mais avant ça, c'est le petit-déjeuner. Bien sûr, on a déjà jeté un œil sur la carte hier soir ! On sait qu'on prendra le "heavy breakfast": œuf en omelette, frit ou dur, un pain tibétain qui ressemble énormément à une grosse merveille plus légère et moins grasse, des pommes de terre et des poivrons cuisinés, un petit bol de muesli avec du lait de yak ou du porridge, un morceau de fromage de yak (en fait plus une pelure de croûte qu'autre chose) et un jus de fruit chimique. Le mélange de légumes est très bon tout comme le pain tibétain... Le lait de yak, par contre... Comment dire ? On sent bien qu'il y a une bête sauvage derrière. C'est très particulier.

    La première randonnée de ce matin nous fait parcourir un flanc de montagne couvert d'une forêt aux allures de jungle : des touffes de bambou ici et là, des lianes un peu partout et surtout les stridulations omniprésentes de cette cigalemouth népalaise, entêtante, mêlés aux cris et hululements exotiques d'oiseaux invisibles.
    Le chemin est pavé de dalles parfois moussues et humides et je suis le premier à glisser et exécuter une pirouette acrobatique dont je ne me croyais pas capable. Par chance, seul mon honneur a souffert.
    Au bout d'une montée plutôt longue et pentue où l'on tire tous la langue, nous parvenons au "Lovely Hill Camp". Là encore, la vue est magnifique. Une balançoire géante se dresse au bord du précipice, et j'y prends rapidement place. Après quelques poussées énergiques de Bala dans mon dos, l'impression qu'on va s'envoler dans les airs est intense. On y passe un bon moment avant qu'il n'ait la bonne idée de vouloir nous faire chanter un chant traditionnel. En népalais évidemment et filmé de surcroît. Autant te dire, lecteur perspicace, que c'est une monumentale catastrophe. Nous n'irons pas à Broadway demain. Mais c'est un moment très sympa.

    Retour au camp de départ, pendant lequel Bala à la deuxième bonne idée de la journée : nous faire apprendre par cœur quelques mots de népalais et la succession des pics montagneux que nous observons, avec leurs altitudes respectives, en nous les faisant répéter comme un enseignant à ses élèves. Et ça marche, je m'en souviens encore! (j'ai l'air surpris, mais c'est ce que je fais également avec les miens.)

    De retour au camp, nous faisons une pause "masala tea" que Nath et Hervé ne connaissaient pas. Notre guide et son cousin semblent un petit peu blasés du temps que nous prenons à siroter notre thé. Il s'agirait quand même pas d'oublier qu'on est en vacances !

    Nous partons pour l'étape du jour : nous devons nous rendre dans le petit village de Landruk, à un peu moins de 3 heures de marche. Nous parcourons de nouveau des forêts-jungles plus ou moins denses qui ne me donneraient pas du tout envie d'y passer la nuit. Non, non et non : définitivement beaucoup trop de bruits et de cris étranges à mon goût, merci Madame.

    L'itinéraire est assez emprunté. Nous suivons souvent des groupes où nous en croisons d'autres, et c'est à chaque fois une litanie de "Namaste!" qui explose de part et d'autre. Je vais finir par devenir asocial à ce rythme-là. J'essaye déjà de rester sur mes deux jambes et ne pas glisser ou pire : me re-fouler la cheville (la dernière fois, c'était en juin et ça m'a valu un arrachement des ligaments), tout en tenant mon appareil photo. Je ne peux décemment pas apprendre une nouvelle langue dans cette situation.

    Olive, lui, parfait son accent népalais à chaque nouvelle rencontre : " Namaste, subha bihani! Daniebad!"* Il est au top du bilinguisme dans sa plus pure expression! Trop fort!
    * Bonjour, bonne journée! Merci!

    Nous arrivons à notre point de restauration vers 14h et découvrons que le camp ou le village où nous nous trouvons, et les lodges dans lesquels nous nous arrêtons ont tous la même carte de menu. On va pas batailler, c'est tout le temps la même chose. Les seules nouveautés sont sur la dernière page qui présente les repas spéciaux préparés par chaque établissement. Hier soir c'était notre fameuse Potée du Sherpa. À midi mes yeux s'arrêtent sur un Chicken Sizzler Quelque Chose, et tel un chien d'arrêt je me fige et décide que je ne mangerai que ça et rien d'autre. C'est malheureusement le plat le plus cher de la carte, mais comme les repas sont "compris dans la prestation" ben on va pas se priver! En même temps on est sur du plat à 6 €, alors bon voilà quoi...

    Bala One nous fait comprendre gentiment qu'il aimerait bien qu'on accélère le repas, et que si on commande tous la même chose les plats seront servis plus rapidement, alors qu'en général ils prennent au moins une demi-heure avant d'arriver. On le regarde, on se regarde, et chacun commande un plat différent, non pas par esprit de contradiction, mais juste parce que nous avons envie de tester de nouvelles combinaisons. Bon, Olive et moi nous testerons ensemble car nous choisissons le Chicken Sizzler.
    Qui n'arrive pas plus tard que les autres plats, par contre beaucoup plus vite entre la cuisine et notre table car les plats sont lourds et servis sur une planche de bois et dans un plat en fonte qui sort manifestement du feu, car la dame qui nous les porte se pointe en courant, le visage grimaçant, les plats à bout de bras crépitant de sauce graisseuse. Elle constelle au passage le dessus de mon sac photo et le pantalon d'Olivier d'une myriade de petits points de graisse bouillante avant de les déposer dans une grâce et une souffrance toutes contenues, et finalement un grand sourire. Mais nous oublions tout dès lors que nous goûtons à ce plat mêlant frites, poulet et sauce tomate / légumes locale. Peut-être pas une tuerie, mais une belle tentative d'assassinat en tout cas.

    On leur demande quand même s'ils veulent que nous allions plus vite et ils nous sourient et nous assurent que nous pouvons prendre notre temps, il ne nous reste qu'une heure de marche pour arriver à Landruk. Ok, Roger, pas de problème, on prend donc notre temps pour terminer!

    On croise parfois des enfants qui nous demandent du chocolat. Mais là, alors que nous approchons de Landruk, nous passons devant un champ où un vieil homme monte une sorte de grosse meule de tiges de riz. La rizière est belle, la lumière magnifique et on en profite pour faire quelques clichés, y compris de sa probable femme qui coupe les pousses de riz avec une serpette non loin. Quelques instants plus tard, la voilà-t'y pas qui lâche riz et serpette et arrive en petite foulée vers nous, sur la route.
    Le visage buriné, elle commence à nous parler d'une voix douce, elle répète toujours la même chose, jusqu'à ce que Bala One arrive, parle avec elle et nous explique qu'elle demande de la nourriture. J'ouvre mon sac, attend l'autorisation du guide et lui demande de lui expliquer que je n'ai qu'un sachet d'amandes. Il me fait signe que c'est OK, mais juste un, à l'attention de Nathalie qui veut donner le sien aussi. Il ne s'agirait pas d'encourager la mendicité. La mamie me regarde et me remercie avec un grand sourire édenté... un peu consterné, je suis. Les amandes ne vont pas lui faire de mal, pas plus que la pomme que rajoute Olive qui vient tout juste de se joindre à nous. Cette pauvre mamie fera l'objet d'un petit délire rétrospectif ce soir...

    Le soleil est sur le point de se coucher lorsque nous arrivons. La luminosité baisse, la fraîcheur s'installe et nous devons encore descendre au pied de ce village bâti sur un coteau escarpé. Un vrai village, pas uniquement un regroupement de lodges ou de tea houses mais un village avec des habitants qui y habitent toute l'année, dans leur maison. On dit que les voyages forment la jeunesse... mais ils permettent aussi de relativiser. Follement.
    Ces gens vivent dans une pauvreté crasse. Évidemment, pas d'isolation au mur, des toits de tôle ou de pierre souvent rafistolés, des maisons plus que sommaires, des jardins qui ressemblent parfois plus à des déchetteries qu'autre chose. Le maïs sèche sur les poutres de l'entrée, de vieilles guirlandes de fleurs séchées volent au vent, et les gens nous regardent passer, sans animosité, mais le regard fermé, comme éteint, plongés dans une activité basique comme égrainer un épi de maïs autour d'une nuée de poules agitées ou transporter d'énormes fagots d'herbe sèche dans des ballots maintenus par une bande de tissu sur le front. Des hommes et des femmes sans âge, et de tout petits enfants qui jouent dans la cour de leur maison à taper sur des casseroles, la tête enfoncée dans un gros bonnet de laine.
    Nous passons devant la maison d'un homme handicapé qui a accroché à sa barrière une photo de lui-même avec un texte expliquant qu'il est tombé d'un arbre en travaillant et qu'il a besoin d'argent pour subvenir à ses besoins. Le texte est placé à côté d'une urne en PVC transparent dans laquelle se trouvent des billets. Lorsqu'on relève la tête, on le voit assis sur son fauteuil dans l'entrée de sa maison, les jambes atrophiées. Dur, dur.

    Nous arrivons quelques minutes plus tard au lodge dans lequel nous allons passer la nuit. Une douche chaude à 200 roupies plus tard, nous passons commande pour notre repas qui sera servi à 19h30.
    Au moment où j'écris ces lignes il est 19h30. Je rends donc l'antenne et te retrouve un peu plus tard, lecteur fidèle.

    -----

    Même carte que d'habitude, mais pas le même chef. Les plats sont moins bons ce soir. Tant pis, on se rattrapera demain.
    Nous avons une conversation digestive avec les deux Bala au sujet de la vie au Népal, des émeutes du mois dernier et de la situation du pays, puis nous perdons subitement Nathalie alors que nous nous disons au revoir sur le pas de la porte de notre chambre alors qu'il n'est que 20h43. "Mais putain, il est trop tôt, quand même ! Qu'est-ce qu'on va faire ? Qu'est-ce que je vais faire ? Je vais me coucher là, comme ça, dans mon lit, en attendant que le sommeil arrive!?"
    Puis elle se met à trembler, ses yeux se révulsent, et avant même qu'elle puisse s'attaquer à nous dans je ne sais trop quelle intention, Hervé lui fait une clé de bras et la colle au sol le temps qu'elle se calme. Elle continue de baver profusément sur la dalle froide quelques instants, éructant des grognements bestiaux glaçants, encore agitée de soubresauts nerveux, puis s'apaise une fois qu'elle goûte au morceau de chapati qui traînait sur le banc juste à côté. Hervé prend alors le chiffon des toilettes, lui essuie tendrement le visage et va cueillir quelques feuilles de beuh qu'il lui frotte sur les gencives avant de la charger sur son épaule et s'engouffrer dans sa chambre dans un claquement de porte.
    Læs mere

  • J7. Jhinu Danda

    26. oktober, Nepal ⋅ 🌙 12 °C

    Tous les matins, c'est le même rituel : je me connecte à mon appli bancaire et je vérifie si les 4 vols que nous avons achetés en catastrophe samedi dernier ont été débités de mon compte ou pas. Lorsque nous avons voulu les annuler le soir même en gare de Montparnasse, l'agent au téléphone m'avait bien assuré qu'il l'avait fait et que le débit ne serait pas validé. Techniquement, il avait "invalidé" les billets. Et depuis une semaine, le montant restait grisé, en attente de débit, mais toujours visible. Comme un couperet prêt à tomber à tout moment.
    Et ce matin, victoire ! Le montant a disparu ! Soulagés, nous sommes !

    Ça tombe bien, nous avons encore un petit déjeuner royal. Non seulement nous sommes assis à une table face aux montagnes ensoleillées, l'Annapurna Sud et le Himchuli nous observent...
    Dans nos assiettes, encore un "heavy breakfast". Avec une modification, cette fois : nous avons échangé le thé simple par un thé masala, évidemment. Dans cet établissement, les pains tibétains sont encore meilleurs que ceux du précédent, c'est un délice. Et nous avons également une vraie tranche de fromage de yak. Bref, la journée commence sous les meilleurs hospices.

    Comme nous ne partons que vers 9h30-10h, Olive et moi prenons les appareils photos et remontons dans le village en essayant de faire deux équipes, comme d'habitude, lui d'un côté et moi de l'autre. Cela nous évite d'avoir les mêmes photos à chaque fois. Mais ici il n'y a pas pléthore de chemins, c'est le moins qu'on puisse dire : un seul escalier qui monte au sommet du village ou en tout cas vers la partie haute et donc nous nous suivons plus ou moins pendant une demi-heure avant de redescendre gentiment vers notre lodge ou le guide, le porteur, Hervé et Nath nous attendent.
    "Ah, ça y est, les frères Kodak sont là!", analyse froidement Hervé.
    Oui, oui, c'est vrai, Olivier est arrivé avant moi, moi juste après, nous sommes TRÈS légèrement en retard, c'est tellement imperceptible que personne d'autre ne s'en était rendu compte avant qu'il n'en parle. C'est juste dégueulasse de faire ça. C'est pas grave, son karma se chargera de rectifier la situation dans quelques heures lorsqu'il fera une glissade sans bobo sur une pierre humide. Son gros sac à dos amortira une partie du choc. Il ne devait pas vraiment penser ce qu'il disait.

    Au programme aujourd'hui : descente dans la vallée avant de remonter sur le versant opposé pour rejoindre le petit village de Jhinu Danda. Environ 3 heures de marche programmée. Puis dans l'après-midi, nous allons tremper nos fesses musclées dans des sources d'eau chaude non loin du lodge.

    Le trek de ce matin restera parmi les plus marquants pour moi. Déjà au départ, l'Annapurna est magnifique, baigné de soleil. Les montagnes au-devant semblent avoir poussé de part et d'autre formant ainsi un écrin en avant-plan.
    Puis nous descendons vers la rivière et la longeons, entre route forestière et chemin sinueux. Les cigalemouths stridulent ou plutôt s'électrisent, les oiseaux crient et piaillent, la forêt est vivante et nous le fait savoir.
    Sur notre gauche, un torrent aux eaux turquoise coule avec fracas en contrebas, charriant dans son lit des éboulis de pierres ocres. Nous sommes pris entre deux univers sonores d'une intensité folle qui nous pressent de part et d'autre toujours plus en avant.
    Nous passons plusieurs ponts métalliques plus ou moins longs qui enjambent cette rivière, certains construits à côté de ceux qu'ils remplacent, en bois vermoulu et qui ressemblent plus à ce qu'on s'attendrait à voir dans un Indiana Jones. Aucun souci de sécurité ici, la traversée est safe et sympa.
    Et nous voilà finalement de l'autre côté pour de bon à recommencer à grimper en suivant un chemin étroit et escarpé qui serpente lentement en haut d'une colline. Là, se trouve de nouveau un restaurant étape pour les trekkers. Nous sommes à New Bridge. Un "nouveau pont" se trouve effectivement sur cette zone mais nous n'y sommes pas encore passés.
    Pour l'heure nous posons les sacs à la terrasse et nous asseyons pour profiter du moment. Comme partout ailleurs, les bâtiments sont peints de couleur vive, souvent bleu ciel, jaune ou rouge.

    À toi de travailler maintenant, lecteur un peu trop passif : imagine la scène.
    En arrière-plan, le ciel bleu. Pur. Puis le sommet de l'Annapurna, blanc immaculé. Un nuage s'attarde devant. Baisse un peu les yeux, juste un peu, devant le Titan, des montagnes de moindre hauteur, et devant elles, deux versants opposés, dégradé marron-vert, se rejoignent au centre de la scène, encadrant ce spectacle.
    Au premier plan, la terrasse du resto, un chien endormi sur le sol, au soleil.
    Sur la droite, une corde à linge est tendue le long d'un muret, sur laquelle sèchent des vêtements rouges. Le rouge est la couleur emblématique du Népal, aussi beaucoup de gens le portent sur leurs vêtements. Sous le linge, un buisson de soucis ou d'oeillets d'Inde, orange.
    Et nous, nous sommes assis à une table de salon de jardin, en train de siroter notre masala tea.

    Voilà, cher lecteur, tu viens de te retrouver au Népal avec nous. Si tu veux te rendre compte du travail d'imagination que tu viens de faire, va voir les photos qui accompagnent cette publication, tu en trouveras deux qui correspondent.
    Je n'arrive pas à me l'expliquer, mais ce moment précis me procure soudain une émotion vive, palpable, qui m'étreint. Je voudrais pouvoir figer cet instant, cet instant où tout semble parfait : en voyage entre amis, une vue inoubliable, il fait beau, tout va bien. Un petit moment de bonheur.

    Les thés engloutis, nous reprenons le chemin. Encore un pont suspendu, puis une partie à découvert, et nous poursuivons notre ascension vers Jhinu Danda.
    Il est près de 13h.
    Notre chemin fait un virage et soudain, il nous apparaît : le fameux "new bridge", ce nouveau pont qui enjambe la vallée et survole le mince filet d'eau vive qui sert de rivière, à une hauteur folle. Sa longueur aussi est folle : 287 mètres d'un bout à l'autre. Les deux combinées me font arrêter ma progression et rester bouche bée. Punaise ! Quel pont !
    Olive est derrière, il ne l'a pas encore vu. Et c'est à ce moment que tout bascule : je comprends que tout ce que nous vivons depuis près d'une semaine n'est pas réel. Nous sommes en fait dans un caisson high-tech, des aiguilles dans les bras et des électrodes sur la tête, et nous évoluons juste dans un monde digital que nous avons composé à notre gré. Nous avons payé une société pour nous concevoir un voyage de groupe virtuel.
    Et pour nous satisfaire, pour nous injecter toujours plus de dopamine dans le système, la Matrice nous envoie à ce moment précis une caravane d'ânes chargés de gros sacs qui marchent lentement à la queue leu leu sur ce pont suspendu. Des hommes tout aussi chargés les précèdent et les suivent en avançant péniblement sous le poids de leurs ballots qu'ils transportent à la force du cou.
    C'en est trop. Ce n'est juste pas possible! Déjà, plus tôt, à l'arrêt intermédiaire, cette charge émotionnelle subitement ingérable aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Nous n'étions pas dans le monde réel.
    Dans le monde réel, il aurait plu. Je me serais déjà re-tordu la cheville, ou l'un de nous aurait déjà subi les affres de la tourista. Où nous ne serions finalement jamais allés plus loin que la gare Montparnasse.
    Je suis Néo. Je sais tout.

    Olive arrive pile-poil à ce moment, je l'interpelle et lui dis de regarder droit devant lui. Ses yeux s'agrandissent instantanément et sa mâchoire se décroche. "oh putain, c'est pas possible ! C'est un film ! Ils viennent juste d'envoyer les ânes !"
    C'est ça, on est connectés, c'est à peine croyable. Tous les engrenages se mettent en marche pour nous offrir le plus beau des spectacles. Les techniciens sont cachés derrière chaque arbre, chaque bâtiment, et gèrent absolument tout : lumière, température, émotions, évènements... Nous ne sommes pas dans la Matrice, mais dans Truman Show!

    C'est fou, mais c'est top ! Après une bonne centaine de photos, nous parvenons au pied du pont et retrouvons le groupe. La traversée prend quelques minutes, je profite de chaque pas. Je ne peux néanmoins m'attarder trop car je suis suivi par un homme tirant son âne qui me fait gentiment signe d'avancer car on ne pourra pas se doubler.

    Puis c'est l'arrivée à Jhinu Danda après une ultime et interminable volée de marches pentues. On croise au passage un homme qui court en sens inverse derrière son âne en liberté, au galop.

    Le lodge de ce soir semble très occupé : une trentaine de jeunes trekkers népalais sont là à déjeuner. Nous nous asseyons à une table un peu à l'écart, le temps de commander notre repas.
    Je fais un break sur les repas népalais car ici la carte ne me plaît qu'à moitié. Va pour une pizza, tiens ! Mes compagnons de voyage choisissent leurs plats, et Olivier décide de prendre un dessert : un rice pudding, c'est-à-dire un riz au lait. Parce que, tu comprends, lecteur interloqué, il a "la sagesse de préférer prendre un dessert le midi plutôt que le soir, ce qui serait plus lourd à digérer". C'est évident !
    Nous célébrons chaque jour de ce voyage en accord avec notre statut de voyageurs (et notre tranche d'âge, aussi) : la nourriture prend une énorme place, et nous voulons tout tester et tout goûter.
    Personnellement, je me gave. Je suis d'une faiblesse à toute épreuve, surtout face à la nourriture asiatique. Je suis inflexible : écoute-moi te promettre qu'au prochain repas je mangerai plus light parce que ça fait une semaine que je mange trop. Tu verras qu'au prochain repas, j'aurais toujours une bonne raison de ne tenir aucune de mes promesses et je finirai avec une assiette de beignets de banane. Des petits beignets dorés qui ressemblent à s'y méprendre à de petits poussins rôtis, comme ceux de ce soir. Frais préparés, ils croustillent sous la dent et libère une onctueuse banane cuite. Une folie, ce plat!
    Et voilà, je parle de bouffe et je digresse.

    Nous sommes en fait un peu jaloux de Nathalie et Hervé qui sont la droiture même, en termes de nourriture. Le soir, pour eux, c'est une soupe ou un ramen, deux morceaux de pommes accompagnés de quelques grains de grenade et hop! au lit. Ils doivent quand même bien avoir des défauts ces gens-là ! C'est pénible à la longue.
    Mais nous avons une parade : nous commandons des desserts, et poussons délicatement l'assiette au centre de la table en leur proposant gentiment de nous aider à terminer. Par charité plus que par gourmandise j'imagine, ils acceptent et piochent dans notre diabolique nourriture. Ce qui doit renforcer leur détermination pour le repas suivant, et du coup nous faire culpabiliser davantage. Nous sommes dans un cercle vicieux qu'il faut rompre.
    Bon, le 3 novembre, tu ne seras pas avec moi, lecteur incrédule, mais je peux te promettre qu'en face du mot droiture dans le dictionnaire, il n'y aura plus la photo des Vergnaud/Saudou, mais la mienne !

    Quoi qu'il en soit, Olivier ne peut pas m'aider : ce soir, malgré sa détermination, il s'est commandé un apple pie (comme hier soir, d'ailleurs). Ou plutôt, comme dirait Hervé, il s'est "enfoncé" un apple pie. La class même, cette expression!
    Par contre, moi, j'arrête les beignets de banane. Plus, ça serait trop.

    Nous sortons de table vers 14h30, prenons les maillots, les serviettes dans de petits sacs et repartons en marche vers les sources chaudes pour cette fin d'après-midi. Nous ne faisons que descendre un long escalier, ce qui nous laisse craindre que le retour sera bien plus laborieux.
    Après avoir payé notre dû de 200 roupies par personne, nous attaquons la descente vers le lit de la rivière à côté de laquelle deux bassins carrés accueillent déjà une dizaine de personnes dans une eau frôlant les 40 degrés. On se change rapidement, qui dans une cabine, qui dehors derrière un muret de pierres, et plouf ! tous dans l'eau pour une grosse heure. Détente totale. Nous discutons avec le groupe de Français retraités qui font un trek de 20 jours et que nous avions déjà croisés en descendant de la pagode à Pokhara.
    Les gens vont et viennent, touristes comme Népalais, les eaux chaudes naturelles de Jhinu Danda offrent un agréable moment de répit à tous.

    La remontée n'est pas aussi difficile que nous le craignions. Il est presque 18h. Bala le guide nous interpelle, nous demande de faire notre choix pour le repas de ce soir, qui sera servi à 19h pétantes.
    Pour moi, ce sera un ramen. Enfin quelque chose de plus léger. Mais mon cerveau n'a pas dit son dernier mot : il me sussure inlassablement que si le ramen ressemble à celui de Nathalie hier, cela ne sera pas assez. Pour faire bonne mesure, je commande donc un plat de beignets de banane. Et Olivier son apple pie.
    Non, lecteur sévère, ne nous juge pas. C'est un combat de chaque instant que nous perdons systématiquement. C'est dur à vivre, mais nous nous battons !

    Avant de repartir à la chambre je regarde machinalement la pendule de la salle. 19h50. Nath s'enfonce les ongles dans la peau pour ne pas repartir en crise, et je fais de même. C'est tôt, là, quand même ! Mais au moins cela me donne le temps de rédiger ce compte rendu sans me coucher trop tard.
    Olive fait remplir sa bouteille plastique d'eau filtrée, car ici nous ne pouvons pas acheter de bouteilles. Pour limiter le problème de la pollution plastique, les établissements alentours ne fournissent plus de bouteilles d'eau mais offrent simplement de remplir nos propres contenants. Un bon début.

    Demain, départ à 8h car nous allons marcher à découvert et le soleil va rapidement chauffer. Bala préfère que nous arrivions tôt à Gandruk, que l'on pourra visiter l'après-midi.

    Il est 21h25.
    Bonne fin de journée à toi, lecteur assidu.
    Læs mere

  • J8. Gandruk

    27. oktober, Nepal ⋅ ☁️ 14 °C

    Bon, c'est pas pour dire, mais ça sent quand même un peu la fin. Au moins du trek.
    À quoi je le vois ? Et bien, déjà parce que je sais combien de jours il reste, puis aussi tous les matins on prend nos petites gélules de Lactibiane qui protègent notre flore intestinale des bactéries et autres organismes plus ou moins exotiques, et je vois bien que ma plaquette se vide petit à petit.
    Demain, c'est le dernier jour de trek et nous serons rentrés en début d'après-midi à Pokhara.

    Ce soir, nous sommes à Gandruk, la localité la plus importante que nous avons traversée depuis le début. Nous sommes debout depuis 6h30, petit déjeuner une demi-heure plus tard, et nous avons pris la route vers 8h15.

    Comme nous l'avait indiqué Bala hier, le chemin aujourd'hui est à découvert. Nous marchons la plupart du temps sur une grande piste rocailleuse à flanc de colline, croisant au passage des 4x4 aussi colorés que poussiéreux qui conduisent les trekkers, népalais pour la plupart, à leur point de départ pour le circuit de l'ABC (Annapurna Base Camp).

    Les bambous poussent en touffes en lisière de forêt, abritant toujours une myriade d'insectes bruyants et d'oiseaux chanteurs. Parfois, nous marchons en groupe tous les 6, mais sans un mot, chacun perdu dans ses pensées. D'autres fois, le groupe s'étale sur quelques dizaines de mètres, ou des binômes se forment le temps d'une conversation.
    Ce matin, comme déjà plusieurs fois auparavant, Bala le guide progresse en sifflant un vieil air traditionnel népalais. Le lieu, la situation, tout concourt à rendre le moment magique, alors que nous progressons tous silencieusement autour de lui.

    Puis nous quittons la piste rocailleuse pour attaquer une nouvelle partie de grimpette en montagne en suivant un nouveau chemin de marches en pierres.
    Le Népal, c'est le royaume des marches. Du moins en montagne. Pas un hameau, pas un village traversé sans être contraint de prendre des volées de marches toutes plus escarpées les unes que les autres dans les mollets. La pierre ressemble souvent à de l'ardoise, parfois s'effrite, d'autres fois bascule sous notre poids.

    En arrivant à Gandruk à midi, nous n'y coupons pas : Gandruk est un village accroché à la montagne. Pour y parvenir, nous prenons une centaine de mètres de dénivelé positif sur très peu de distance. Les jambes chauffent, les joues rougissent et les gourdes se vident. On l'entend moins siffler, le Bala. Son cousin, par contre, court comme un cabri. Il ne semble pas affecté par les efforts à fournir. Ma parole, il est coupé d'elf ou bien?
    Je rappelle que Bala Two, le porteur, s'occupe de notre sac à Olive et moi, comme nous portons déjà nos sacs photo sur le dos. Et ce matin, il est en moyenne à une cinquantaine de mètres de nous, tout le temps. Juste avant d'arriver à Gandruk, il a tellement d'avance qu'il pose notre sac, redescend à notre niveau et propose à Hervé de prendre le sien pour le monter à sa place.
    Il est vraiment gentil, Bala Two, toujours très serviable et très souriant. Accessoirement, je trouve qu'il a des faux airs de Bigflow (de Bigflow et Oli). Mais cela n'engage que moi.

    Son cousin, notre guide, nous laisse vivre notre trek comme on veut, tout en dirigeant de loin les opérations.
    Ils sont tous les deux attachés à notre bien-être, en partie aussi, il ne faut pas l'oublier, parce que de notre bien-être dépend le tip final qu'ils recevront. D'ailleurs, à cet effet, on se demande avec Olive dans quelle mesure il se sentent obligés de répondre à toutes nos questions, un peu comme Chat GPT qui est programmé pour fournir une réponse systématiquement, quitte à ce que ce soit une grosse connerie.
    Tiens, par exemple, l'histoire des fourmis. Il nous ont expliqué par A + B que c'était bien des fourmis qui faisaient le bruit intense qu'on entendait dans la forêt, alors qu'il s'agissait de cigales (-mouth).
    Ce matin encore, en descendant de Jhinu Danda, pour reprendre le pont suspendu, on croise des lianes le long d'une barrière avec un fruit qui en pend : manifestement une courgette ronde. Et bien non ! Ils nous diront qu'il s'agit d'une citrouille ! On ne bataille pas, et on passe notre chemin, d'un regard entendu.
    Les conversations avec Bala le guide sont parfois déroutantes. Et qui c'est qui s'y colle, encore une fois? C'est Bibi.
    Je ne sais pas pourquoi, mais je dois avoir une tête qui attire tous les comportements... suspicieux, voire déviants, dirons-nous.
    Il y a deux ans et demi, rappelle-toi, lecteur fidèle, le tailleur qui se trouvait dans l'impasse de notre hôtel à Pokhara me proposait de la beuh, alors que je venais de pénétrer dans son magasin pour regarder les vêtements qu'il avait à vendre.
    Même chose sur le front de lac, ou plusieurs fois, des mecs un peu chelou m'avaient proposé d'acheter de l'herbe.
    Eh bien, Bala doit se sentir de plus en plus à l'aise avec moi car il a attaqué dur ce matin : nous passons devant un champ ou des chèvres sont en train de brouter paisiblement sous l'oeil d'un homme âgé et d'un ado. Bala se rapproche de moi et pointe son doigt en direction générale du troupeau en me chuchotant : "See? One man, for all... fuck..." il me regarde par en-dessous, l’œil lascif, comme si on se comprenait à demi-mots!
    Euh... Non, non et re-non, on ne se comprend pas à demi-mots! Et je ne veux surtout pas qu'on se comprenne à demi-mots! Mais qu'est-ce qu'il me dit? ( tu vois? Un homme, pour toutes... baise...) j'ai bien compris? Allô, Josiane? Il y a quelqu'un? Le monsieur me parle, aidez-moi!
    Je lui retourne un "Ouat!?" interloqué, mais il n'a pas bougé d'un iota, son œil frise la concupiscence, ouh qu'il est sale! Au moins autant que ce mot!
    Puis il répète : "one man... all female..." accompagné d'un petit hochement de tête entendu.
    Mais je veux pas qu'il m'associe à ça. Non non non ! Ce pauvre fermier n'a rien demandé! Il me suggère... qu'il a un attachement particulier à ses chèvres ? Mais pourquoi diable?

    Non.
    Car il vient de pointer de nouveau, et cette fois-ci dans une autre direction que celle de l'homme, un peu décalée. Et je comprends instantanément que par "man" il voulait probablement dire "male" et me pointait le bouc du doigt.
    Non mais n'importe quoi! Punaise, achète-toi un dictionnaire, mec!
    Lorsque je le raconte à Nathalie quelques instants plus tard, elle est hilare.
    Plus tard dans la journée, alors que nous visitons Gandruk, un chien errant vient me tapoter la cuisse du bout du museau. Je le caresse et rapidement, il s'attache un peu trop, notamment à ma cuisse. Le genre de truc qui n'arrive qu'à moi. Tout le monde rigole, ah ah ah keskonspoil et Bala le porteur m'aide à me séparer du chien amoureux. Celui-ci s'en va sur le terrain vague devant nous retrouver d'autres congénères, et quelques instants après, l'un d'eux essaye de grimper sur un autre.
    Bala se rapproche de moi et me lance encore le même regard coquinou-salou.
    "October... dog mount..." (octobre... les chiens se montent...). Encore ce sourire entendu qui m'emporte dans sa confidence contre ma volonté. Et son regard lubrique ferme la porte derrière et jette la clé.
    Mais NON je-ne-veux-pas-de-ça!! Pourquoi moi ?
    Hier soir, aussi, alors qu'on regagne nos chambres après le repas, il me regarde, rigole, et me touche le ventre comme pour me faire des chatouilles : "you don't eat!! Look, you must eat!!" et tout en parlant il ouvre son blouson et me montre sa bulle. Il n'est pas très grand, mais il a une belle cave à bière, et il en est fier!
    Je lui mets à mon tour la main sur le ventre en lui demandant s'il attend un bébé. Chui pas sûr que le Népalais ait le même humour... il rigole, néanmoins.

    Donc, nous arrivons à Gandruk. Un village très étalé sur le flanc de la montagne divisé grossièrement entre le vieux village et la partie plus touristique où l'on ne trouve que des lodges et des hôtels.
    Un million de marches plus tard, dans un entrelac de ruelles aussi étroites que sinueuses, nous parvenons à notre lodge de ce soir : le Breeze Guesthouse. Attribution des chambres, prise de commande et déjeuner s'ensuivent.
    La digestion est difficile aujourd'hui, aussi nous prenons une demi-heure pour nous poser chacun dans nos chambres, sauf Olivier qui préfère continuer de parcourir le village avec son appareil. Genre, il se repère, il peut partir tout seul, il retrouvera son chemin. C'te blague. Le village est tout simplement un labyrinthe de ruelles à étages. Très peu de signalisation, aucune rue plate, que des marches, partout, montantes, descendantes, fatigantes, épuisantes, exténuantes.
    Et pourtant, dans moins de deux heures, c'est moi qui me perdrai pour revenir au lodge. Lui rentrera la fleur au fusil. À l'heure, même. Il m'énerve parfois...

    Après une sieste bien méritée, nous partons avec les deux Bala à la découverte du village, et notamment du vieux village. Ce matin en arrivant, nous sommes passés par le petit monastère bouddhiste de Gandruk et avons fait la rencontre fortuite d'une jeune française en pleine méditation au moment où nous entrons dans la salle. En nous entendant parler Français, elle s'approche de nous et nous fait une brève présentation de tous les symboles et statues de divinités bouddhistes que nous avons sous les yeux. Super intéressante et très sympa. Son père n'est pas un moine bouddhiste (on doit être pour cela à l'isolement pendant trois ans, 3 mois et 3 jours) mais en a reçu tous les enseignements et a rendu possible la construction du plus grand monastère de France près de Clermont-Ferrand. Elle sait donc un petit peu de quoi elle parle!

    Punaise, j'ai encore digressé. Mais toi aussi, lecteur complaisant, tu ne dis rien! Comment veux-tu qu'on s'en sorte?

    Cet après-midi, Bala veut nous amener au musée culturel Gurung. Les Gurungs sont l'ethnie locale.
    Tout est gurung ici : les vêtements, le pain, les maisons. Mais pour avoir fait le Musée de la Montagne à Pokhara il y a deux ans et demi, qui semble avoir été conçu par une tripotée de stagiaires 3e, avec des alpinistes-mannequins en plastique et des façades de montagnes en papier mâché, nous préférons passer la visite de ce musée, parce que je pense qu'on aurait encore eu droit à quelque chose de grandiose. On refuse donc poliment et on poursuit notre visite du village, cette fois en mode éclaté.
    Nous remontons un temps sur les hauteurs, mais il n'y a vraiment pas grand chose à voir donc je préfère faire sécession et redescendre dans le vieux village.
    Olive m'y retrouve rapidement et nous faisons un bout de chemin ensemble, croisant notamment celui de jeunes enfants qui sont en train de jouer et qui finissent par s'exciter d'être pris en photo par Olive. Cela commence par un petit qui prend vite la confiance et son appareil en même temps, jusqu'à un autre qui finit par se faire photographier en posant les deux majeurs bien droits.
    Puis nos chemins se séparent de nouveau, et là c'est le drame. Contre ma volonté, je finis par me perdre dans ce dédale de ruelles. Il ne me faudra pas moins de 30 minutes pour retrouver l'hôtel dans lequel je me réfugierai en larmes, tremblant de peur, à la nuit tombée, poursuivi par une meute de chiens errants enragés mangeurs-d'homme.
    Mais non, lecteur facétieux, ce n'est qu'une boutade, bien sûr. Mais je me suis vraiment perdu et j'arrive quasiment à la nuit. Bala le porteur me regarde, inquiet, et me demande : "Oliver?Where?" (Olivier? Où ?)...
    ... et le sujet d'inquiétude fait son apparition dans l'entrée de l'établissement, comme si de rien n'était. Moi, je suis chancelant, transpirant, défaillant.

    Il me faut une douche. Il NOUS faut une douche. On a mis 3h à arriver ici ce matin et on a parcouru le village de long en large, de haut en bas et on a transpiré comme des gorets.
    Une bonne douche chaude. Le nirvana.

    Ben ça sera pas aujourd'hui, Henri! Après moultes manipulations des robinets de la douche, rien n'y fait : pas d'eau chaude. Pas mieux pour Nath et Hervé.
    Après enquête, il s'avère que le système de chauffe-eau ne fonctionne qu'au solaire et bien évidemment, aujourd'hui, le ciel était couvert. Et probablement pas mal de clients avant nous ont utilisé les maigres réserves d'électricité. La mort dans l'âme, je me mets en tenue d'Adam et m'inflige 10 minutes de torture, ponctuées de petits gémissements tellement l'eau est froide sa mère! Ma récompense pour tant de souffrances? Le moment où Olivier passe à la douche à son tour... et produit une nouvelle série de petits couinements haletés que je me fais violence de ne pas enregistrer mais que je savoure au plus profond de mon être. Oui, c'est moche de se délecter de la souffrance des autres. Mais peu me chaut!, comme aurait dit Mamie Christiane.

    L'heure du dîner arrive, et c'est encore un grand moment. Nathalie et moi avons commandé une pizza, Hervé un plat de nouilles frites agrémentées de poulet et de légumes et Olivier une soupe de nouilles. Les mots me manquent pour décrire son visage lorsqu'il voit arriver nos pizzas, puis son bol de soupe. Quiconque le connait un peu saura que cet instant pourrait devenir un des reliefs du voyage!
    Nos pizzas ressemblent plus à des quiches, mais qu'importe, nous ne sommes pas en Italie et elles sont délicieuses.
    Loulou, quant à lui, se consolera avec un pancake chocolat - banane.

    Pour se mettre bien, et fêter cette dernière soirée de trek, nous décidons de commander une bouteille de vin rouge local écrite dans le menu. On aurait dû flairer le loup, parce que soyons honnête, le vin rouge de Gandruk n'est pas totalement connu (et encore moins reconnu) à l'international.
    Lorsque que la bouteille arrive, déjà, le liquide à l'intérieur est blanc. Suspicion. Nous l'ouvrons et une forte odeur de gnôle nous brûle les narines et nous attaque les cils. Vu nos têtes, Bala le guide juge bon d'expliquer que ce "vin" est distillé dans le village.
    Euh... distillé?
    C'est bel et bien une bouteille de gnôle qu'on nous a porté ! L'odeur en atteste. On a vu hier ou avant-hier un alambic fait maison, on va goûter le produit bien involontairement. En fait, il a moins le goût de ce à quoi il sent. Nous goûtons donc à de l'alcool de millet, qui est cultivé en quantité ici avec le riz.
    Bien moins fort que de la gnôle de chez nous, c'est quand même assez imbuvable.
    Le groupe de Français qui mangent derrière nous nous interpellent, curieux, et viennent nous en prendre une tasse, pour goûter. Et rire, en nous voyant avec notre bouteille sur les bras.

    Pour finir la soirée en beauté, notre guide vient discuter avec nous, nous parle de sa famille, de sa vie, il nous dit qu'il est chanteur et qu'il a une chaîne Youtube ! Nous allons de surprises en surprises ! Et deux minutes plus tard, il a dégainé le portable et nous sommes plongés dans le clip vidéo d'une chanson écrite et interprétée par lui... d'une quinzaine de minutes, dans la plus pure tradition indo-népalaise, avec couleurs saturées, chorégraphies de groupe et duo homme femme. 2 millions de vues, quand même !
    Une belle manière de terminer la soirée.

    Non, nous ne regarderons pas les 15 minutes, il l'interrompt avant... Mais nous avons l'adresse du lien, si tu y tiens...
    Læs mere

  • J9. Retour à Pokhara

    28. oktober, Nepal ⋅ ☁️ 18 °C

    Et voilà, cela ne pouvait pas durer. Je me réveille vers 3h du matin et j'entends la pluie crépiter sur le sol et le toit. Je pense qu'aujourd'hui les équipes de cinéma qui sont en charge de rendre notre voyage inoubliable sont en grève.
    La pluie n'a cessé de tomber toute la nuit et ce matin en nous réveillant, aucune amélioration visible à l'horizon. Le ciel est très bas, désespérément bouché, nous comprenons que la descente vers le point de pick-up ne sera pas des plus agréables.
    Le souci est que lorsque j'ai fait mon sac avant de partir, la météo ne prévoyait aucun jour de pluie. Aussi j'ai laissé le K-way et le sursac à la maison. J'entame donc la journée par un petit moment de déprime. La question est la suivante : comment vais-je parcourir les 10 km que nous avons à faire ce matin en sweater et dans quel état arriverai-je? Le sac que porte Bala Two ne sera pas étanche non plus, toutes les affaires seront mouillées. Non, ce n'est pas possible. Il nous faut un plan B, car après discussion nous sommes à peu près tous dans le même cas.
    Mais c'est sans compter sur la résilience de Bala One qui part en quête de ponchos en plastique dans le village pendant que nous finissons de préparer nos affaires.
    Il revient un moment plus tard avec tout le matériel nécessaire ainsi que de grandes bâches en plastique pour protéger nos sacs. Evidemment, le prix ne semble pas très raisonnable, mais cela va tellement faciliter le retour et alléger le moral !

    Nous voici donc partis, déguisés en M&M's avec nos ponchos de couleur. Tu parles d'une équipée ! Au moins on ne risquera pas se perdre.

    Nous avons un parcours de 10 km à faire aujourd'hui, pour rejoindre la ville de Biretanthi, où nous serons pris en charge par un 4x4 qui nous ramènera à Pokhara.
    La pluie tombe toujours, peut-être moins intense, mais tout aussi pénétrante et désagréable. Nous partons au-dessus d'une couche de nuages et les photos que nous pouvons faire ne sont néanmoins pas trop mauvaises. Des strates blanches se désagrègent au contact du relief, le soulignant d'une manière très graphique. Puis plus bas, les villages, les arbres et les hommes disparaissent dans un grand tout cotonneux et impénétrable. Mais globalement, comme le dit le vieux proverbe népalais : Sans soleil, c'est pas pareil !

    La progression est plus qu'éreintante : encore et toujours ces volées de marches qui n'en finissent pas et qui néanmoins concentrent toute notre attention, par nécessité. Elles ne sont ni stables, ni planes, et très glissantes.
    Hervé ouvre la marche des presque-chutes, avec un rattrapage in extremis sur les mains. Nous étions en train de discuter, il se déconcentre un instant et la gravité fait le reste.
    J'enchaîne rapidement avec un double axel salto arrière, suivi d'un mawashigeri crawlé, avec triple lutz pointé. Je ne sais pas comment je m'y prends, mais j'atterris sur mes pieds sans me blesser ni tomber. La glissade a semblé une éternité pour moi : le pied qui part en avant, entraînant le reste du corps, puis la deuxième jambe arrive en soutien je me dis « ça y est, je suis stable ». Cette phrase à peine formulée dans mon esprit, mon corps est reparti en déséquilibre et j'exécute un 360 degrés sous le regard interdit d'Hervé. Je finis par me rattraper je ne sais comment et me redresser, les jambes tremblantes et le cœur battant la chamade. Hervé n'a pas bougé d'un cheveu, il reste bouche bée. Presque admiratif. Puis je gagne immédiatement le surnom de Candeloro.

    Nous descendrons ainsi 5 km en deux heures et demi de concentration relativement intense. La pluie n'arrête pas de tomber, l'air est saturé d'humidité et nos ponchos en plastique font monter nos températures internes jusqu'à la transpiration. On est mouillés à l'intérieur comme à l'extérieur, mais il faut continuer.
    Au bout de 5 km nous arrivons finalement à une petite cahute sur le bord de la route qui fait office de restaurant et dans laquelle nous nous installons pour déjeuner.
    Décision est prise par Bala One d'appeler le 4x4 pour qu'il vienne nous chercher ici, de sorte que nous n'aurons pas les 5 derniers kilomètres à marcher. Ç'aurait été sur la route, de toute façon, donc peu d'intérêt.

    En cours de route nous déposons Bala Two, notre porteur, et ce sont les premiers au-revoirs. Ce n'est pas déchirant, ce n'est pas larmoyant, juste émouvant. Un type sympa, ce Balaram, qui passera son examen de guide l'année prochaine. On se sentirait presque en famille.
    Puis nous repartons et arrivons finalement à l'hôtel, nous nous sommes accueillis à bras ouverts par Krishna, le patron, avec un grand sourire. Nous faisons un cours débrief du séjour avec Bala One à l'étage, lui donnons son tip comme nous l'avons fait à Bala le porteur une heure plus tôt. Nous le reverrons demain de toute façon, puisqu'il a sa boutique juste à côté de l'hôtel.
    La mentalité ici est différente de celle en Inde. Les deux Bala ont pris les billets que nous leur tendions et les ont fourrés dans leurs poches sans regarder combien nous leur avions donné, en nous gratifiant de larges sourires et remerciements.
    Lorsque nous étions en Inde il y a quelques années, notre guide chauffeur avait immédiatement compté les billets sous nos yeux, et nous avais reproché de ne pas lui donner assez. Cela avait grandement contribué à ternir le souvenir de ce voyage.

    Après ouverture des sacs de trek qui commencent sérieusement à sentir le yak du Mustang, nous partons déambuler dans notre rue parallèle au front de lac en attendant l'heure de dîner, et après un passage à l'ATM, nous décidons de faire chialer les roupies. Nathalie nous fait nous arrêter à toutes les boutiques de bijoux, et nous en achetons assez je crois pour en ouvrir une de notre côté, à grands renforts de marchandage et autres plaisanteries avec les commerçants.
    La petite boutique de la mamie tibétaine que nous avions rencontrée au précédent voyage, et qui nous avait chopé un taxi au passage pour nous envoyer en visite dans un monastère tibétain non loin de Pokhara, est toujours ouverte. Ce n'est plus elle qui est derrière le comptoir ou plutôt assise par terre à côté, mais un homme âgé, tout aussi tibétain qu'elle, apparemment.
    Nous commençons à faire nos emplettes, et je me dirige vers lui, en lui demandant s'il parle anglais. Il me répond que oui et je lui raconte alors notre rencontre avec cette dame. Et je lui demande si c'est quelqu'un de sa famille, si elle va bien. Je n'ai pas de réponse à la première question, je ne suis pas sûr qu'il ait tout compris.
    "Is she ok?" il hoche la tête à l'affirmative, sourit, puis se retourne pour me montrer des bracelets à acheter. Je n'ai pas de connexion à ce moment-là, mais nous reviendrons demain matin pour lui montrer la photo que nous avions prise avec elle juste avant de sauter dans le taxi.
    Lorsque nous quittons la boutique, néanmoins, il me demande mon nom, le pays d'où je viens, et attrape ma main pour la poser sur sa joue en prononçant quelque chose que je ne comprends pas, puis la relâche et me fait le remerciement népalais, mains jointes, en me souriant un namaste sincère. Fiou, que d'émotions.

    Au moins autant qu'à la boutique suivante, tenue également par une jeune réfugiée tibétaine (il y a une communauté importante dans la région), à qui nous nous présentons comme des Français qui aimerions avoir une "remise française" (aahh l'humour français!) en lui déposant tous les bracelets que nous voulons acheter sur son comptoir. Elle sourit, nous raconte que pendant ces études elle a eu une sponsor française qui a payé une partie de son éducation, et sait que les Français sont sympathiques mais elle ne peut pas faire de plus grosse remise que celle qu'elle nous consent déjà.
    On la fera craquer quand même de 100 roupies de plus. Je te le répète, lecteur choqué, ce n'est pas pour la somme, c'est juste pour le sport, et elle m'a l'air d'une athlète accomplie!
    Devant cette victoire éclatante, Nathalie se sent pousser des ailes. Elle pose d'un geste ferme ses propres bracelets sur le comptoir, l'os de yak et le shaligram sonnent sur le verre trempé, et annonce : "Bonjour, nous sommes français aussi!"
    Belle tentative, petite fleur, tu auras au moins fait rire la vendeuse (et nous).

    Mais dis donc, ça serait-y pas l'Happy Hour, quelque part dans le monde ? Ben si justement, et ça tombe bien, c'est à Pokhara!
    Nous retournons au resto auquel nous avons dîner il y a quelques jours de cela, avec les toilettes inondées et leur passage à gué, pour bénéficier de cette grande bière "Himalayan" et de son panier de pop-corn.
    Le patron est tout aussi lymphatique qu'avant, mais après quelques instants nous reconnaît et avec un grand sourire nous fait nous installer. Sans être docteur, je peux t'assurer, cher lecteur, qu'il n'a pas d'ulcère gastrique : le type est si mou, si dégingandé quand il se déplace qu'on dirait qu'il est manipulé par des fils invisibles, tel une marionnette. Il est affublé d'une sorte de manchon de tête, ouvert aux deux extrémités, décoré de gros flocons de Noël.
    Nous décidons finalement de manger sur place alors que je prévoyais secrètement de manger à mon resto fétiche d'il y a 2 ans, pour retrouver ces pancakes au chocolat si mémorables. Tant pis, nous irons pour le dessert.
    Le fait marquant de cette soirée au restaurant sera sans nul doute le plat d'Hervé, au centre duquel trône une grosse louchasse d'une sorte de purée brunâtre de millet qui ressemble fortement, mais alors très fortement, à une grosse bouse de buffle. On sait les reconnaître, on a passé cinq jours à éviter de marcher dedans !

    Puis c'est l'heure du dessert. Mais il faut d'abord payer. C'est encore le même gag que la dernière fois : le resto n'a pas de terminal de paiement par carte, donc les règlements se font à deux boutiques de là dans une supérette. Nous suivons alors notre marionnette de patron qui se balade nonchalamment sur le trottoir les mains dans le dos tenant la note, son chapeau de Père Noël vissé sur la tête et nous à la queue leu leu derrière lui. Un gag, te dis-je. Il a passé la soirée à discuter de table en table, à aller, venir, toujours au même rythme, sans rien faire de productif. Il a même trouvé le temps d'oublier nos bouteilles. Et juste au moment où il s'assoit pour manger à une table, une assiette fumante devant lui, sa femme lui demande de lâcher sa boulette de riz pour nous conduire dans la supérette afin d'effectuer le paiement. La vie est une sale traînée, quand même, parfois.

    Et nous voilà arrivés quelques instants plus tard au RestPoint Restaurant. Rien ne semble avoir changé, peut-être la disposition des tables, et sans même prendre la peine de lire la carte complètement, nous commandons 4 pancakes au chocolat.
    Ils arrivent un bon gros quart d'heure après, recouverts d'une crème chocolat moyennement authentique, dirons-nous, et l'orgie commence. Ah la la, lecteur, cher lecteur, si tu savais la puissance évocatrice d'un pancake au chocolat népalais, bien grillé sur l'extérieur, fondant au centre (et néanmoins bien cuit) et nappé du meilleur chocolat chimique produit en ce bas monde ! J'ai deux ans de moins, c'est un orgasme gustatif !
    Toutefois, si jamais tu rencontres Olivier, surtout ne lui parle pas de ce pancake. Il te dira qu'il était bon mais sans plus, et que le chocolat n'avait pas goût de chocolat, et que c'était juste un sirop. Tu lui rétorqueras alors, empathique que tu es, le regard contrit, qu'il a dû en laisser une bonne partie, malheureusement, ce à quoi il répondra qu'évidemment que non, parce que quand même, il était bon !

    La soirée arrive à son terme, le couple Vergnaud/Saudou repart en chambre pour se reposer, tandis que nous allons faire un dernier tour sur le front de lac. Nous nous remémorons ce que nous avons vécu ici il y a 2 ans tout en nous baladant.
    Et en silence, presque sécrètement, au cas où je reviendrai pas de sitôt, je m'imprègne des lumières, de l'animation, de la musique, des odeurs et de l'ambiance de Pokhara, au Népal. 🥲
    Læs mere

  • J10. Départ de Pokhara

    29. oktober, Nepal ⋅ ☁️ 25 °C

    Et voilà, dernière matinée à Pokhara. Après le même petit déjeuner insipide, nous faisons nos sacs et nous partons pour une nouvelle session d'achat de souvenirs aux alentours de l'hôtel en attendant que le taxi vienne nous chercher à 10h.
    Le tailleur me fait de l'œil, depuis le premier voyage. Non, lecteur aux idées mal placées, pas ce genre d'œil. Il fabrique ses propres vêtements, et certaines chemises sont ma foi fort sympathiques. Sans vraiment chercher à acheter quelque chose, je me dirige à l'intérieur de la boutique et commence à essayer un vêtement. Trop grand, trop long, trop large. " I can fix for you in 10 minutes! My clothes I make!". Ils sont quand même trop forts, ces Népalais : Il dit qu'il peut me le raccourcir et l'arranger à ma taille en 10 minutes !
    Moui... mais non. Il est sympa mais il y a de grandes tâches décolorées dans le dos. Je ressortirai finalement 10 minutes plus tard avec l'aide de Nathalie comme conseillère vestimentaire avec un autre modèle et une chemise tout deux réalisés en chanvre. J'ai plus qu'à me laisser pousser les dread et le tableau sera complet... Et quant à la question que tu te poses, lecteur curieux, je te dirai peut-être un jour si ça gratte ou pas.
    Malheureusement, le petit magasin de souvenirs tibétain est fermé, et je ne peux donc pas retrouver le commerçant pour lui montrer la photo que nous avions prise lors du dernier voyage. Tant pis.
    Par contre, nous n'avons pas oublié la boutique d'épices juste à côté. Il nous faut absolument du thé masala. Sur chaque mur, les étagères sont encombrées de bocaux de poudres de toutes sortes allant des plus basiques comme la cannelle ou la coriandre jusqu'aux fioles de gras de lait de yak qui a une odeur pestilentielle.
    Nous faisons nos affaires, prenant quelques centaines de grammes de thé masala, sans marchandage cette fois, car les prix sont corrects.

    Après les derniers au-revoirs et dernières photos avec l'équipe de l'hôtel, un gros van vient nous chercher, traverse une partie de la ville dans une circulation chaotique habituelle et nous arrivons à l'aéroport où nous n'avons plus qu'à attendre lors du décollage.
    Læs mere

  • J10. On voudrait quitter Pokhara

    29. oktober, Nepal ⋅ ☁️ 25 °C

    Petit problème de mathématiques:
    Nous étions censés décoller à 11h35. Sachant que l'aéronautique népalaise n'est pas une science exacte, qu'il est 15h14 et que nous sommes toujours dans le hall de départ, qu'il y a encore 5 avions à décoller avant le nôtre, des avions prévus depuis 7h ce matin, que le wifi est indisponible, que l'hôtel attend que nous les contactions pour savoir quand ils doivent venir nous chercher, que nous avons ingurgité des trucs dégueulasses d'aéroport il y a près de deux heures, qu'on est tous au bout de notre vie, que tout ce bordel est dû à une chienlit météorologique entraînant une congestion du trafic aérien à Katmandou,

    - à quelle heure arriverons-nous ?
    - comment allons-nous faire pour faire insérer la visite de cet après-midi dans le planning de demain?

    Aucune idée.
    Du coup on compte les perles de nos bracelets.
    Læs mere

  • J10. Katmandou

    29. oktober, Nepal ⋅ ☁️ 18 °C

    Quel bêta suis-je ! Comment ai-je pu douter une seule seconde que rédiger le dernier post ne ferait pas s'activer les contrôleurs aériens de Katmandou pour désengorger le ciel et nous permettre de décoller plus rapidement?
    L'annonce est faite à 15h30. On embarque en suivant, on n'y croyait plus. Il faut encore patienter une demi-heure dans l'avion en attendant le décollage (pour un vol... de 25 minutes), puis encore une dizaine de minutes à faire des ronds au-dessus de Katmandou parce qu'apparemment ça se bouscule en dessous.
    Cela nous permet d'admirer la chaîne de l'Himalaya comme nous la voyons rarement, sauf peut-être sur grand écran. Le spectacle est juste une folie visuelle. Le soleil baigne les sommets dans une lumière déjà orange, quelques nuages translucides laissent passer le bleu du ciel, et les Titans se dressent fièrement au-dessus d'une épaisse mer de nuages, semblant sortis de nulle part. Ça vaudrait presque quelque 4h de retard... mais cela ne va pas résoudre nos "problèmes" de planning.
    Oui, je sais, je t'outre, lecteur sensible, en me plaignant de nos soucis de retard d'avion pendant notre voyage au Népal. Sache que nous sommes néanmoins conscients de la chance que nous avons de découvrir ou re-découvrir ce magnifique pays, et nous n'allons pas laisser ces miettes d'ennuis nous ruiner la fin du séjour. Non, nous sommes au-dessus de cela.

    Nonobstant. Ça fait quand même un peu ch**, hein. Perdre une demi-journée, là, comme ça...

    Mais on relativise!

    Mais bon...

    -----

    On arrive enfin à Katmandou vers 18h. La nuit est tombée. Bien sûr, nous devons contacter l'hôtel pour qu'ils nous envoient un taxi et bien sûr, la connexion wifi de l'aéroport n'est accessible que pour les locaux, avec un numéro népalais. On a fait nos radasses en début de séjour et on a décidé de ne pas acheter de carte SIM locale. Cela nous aurait permis d'être connectés H24 : trop f*a*c*i*l*e ! Non, nous, il nous faut du rugueux, du relief, de l'incertitude ! Nous, c'est pieds nus sur le gravier, pas en chaussons-moumoute, enfin, tu vois ce que je veux dire, lecteur perspicace.
    On prend donc nos cliques et nos claques et on sort du terminal en quête d'un taxi. Qui en fait nous trouve en premier : le type vient directement à notre rencontre, demande où l'on va. Je lui donne l'adresse de notre hôtel, le Kusum, qui se trouve à moins de 5 minutes en voiture.
    Et lui demande combien.
    1000 roupies.
    1000 roupies, c'est ce qu'on a payé ce matin pour aller de l'hôtel de Pokhara à l'aéroport : 25 minutes de route dans les bouchons, avec un van. 1000 roupies, c'est 2 plats de momos, soit 20 momos, ces raviolis épicés typiques du Népal. 1000 roupies, c'est 4 Himalayas ou 4 Bharasinghe de 650 ml (oui, les binouses sont aussi hautes que l'Everest, ici), ou encore 4 gros pancakes au chocolat au RestPoint de Pokhara. Alors, comment lui dire, à ce Dick Turpin de grands chemins, cet Arsène Lupin dodelineur qu'il va devoir allumer quelques bâtons d'encens à Bodnath avant d'oser espérer nous arnaquer de manière aussi évidente...
    A peine m'a-t'il annoncé son prix que je le regarde volontairement avec dédain et colère en lui demandant si c'est une blague. Je sais où se situe notre hôtel, et la course ne peut pas coûter plus de 500 roupies, et encore, on est ultra-larges. 600 grand max, mais vraiment sous la torture. Il me répond que c'est le prix standard en me suivant - nous sommes toujours en train de descendre la rampe d'accès au terminal.
    Je lui réponds que "la semaine dernière, on a payé 500 roupies" (même technique de marchandage qu'au premier voyage, même si j'avais menti à cette époque, puisque c'était notre première fois), et il voudrait qu'on paye le double? Il baisse instantanément à 800. Nous sommes arrivés au bas de la rampe. Je lui fais un signe de la main pour qu'il s'écarte de moi, je vais demander à quelqu'un d'autre, mais il me suit. Un second chauffeur s'approche, et m'annonce 800 roupies. Non, non, pas moyen, c'est 500 roupies, tant pis, je vais trouver un autre chauffeur. Je me détourne.
    D'autres s'approchent, s'agglutinent, discutent entre eux. Puis le mur s'effondre : l'un d'eux s'approche de moi et me lance : "Five hundred!" Il leur casse la baraque en un quart de seconde, et n'est pas peu fier. Ils se parlent, on ne comprend rien, on imagine que le chauffeur floué formule quelques affirmations plutôt imagées au sujet de la mère de notre nouveau taxi. On comprend juste que quelques instants plus tard, nous sommes assis dans le van et nous roulons vers l'hôtel, pour 500 roupies.

    On est accueillis avec de grands et beaux verres de jus de quelque chose que seul Olive ose boire. Aux innocents les mains pleines : il n'a jamais été malade.
    Nos chambres sont grandes, l'eau chaude est chaude (crois-moi, lecteur, ici c'est un luxe de pouvoir le dire et encore plus d'en profiter). Le bonheur.

    On redescend un moment après pour dîner. On nous colle un serveur qui sert... pas à grand-chose. Il ne comprend pas vraiment l'anglais, le parle encore plus mal. Evidemment, nous arrivons avec nos exigences occidentales, de ne pas servir tous les plats en même temps (on a choisi de se rincer à la soupe en entrée, ce soir), et d'apporter les boissons en premier. On veut que tout soit parfait, alors, oui, on est un peu chiants.
    Au final, nous sommes obligés de faire un reset avec un autre serveur qui se débrouille mieux. Les soupes arrivent un peu en décalé. Par contre, pour les plats, Olive mange bien après nous. Son chicken sizzler (tu te souviens, lecteur attentif, le plat qui crépite et que la serveuse avait du mal à porter pendant notre trek?) est plus long à cuisiner. On l'entend arriver depuis le fond de la salle et cette fois j'ai le temps de m'écarter.

    Nous mangeons finalement au son de bouches ouvertes et déglutitions des clients indiens (ou népalais) à côté. C'est un festival écoeurant. L'un d'eux pète carrément à table, tandis que dans le lobby près de la réception où un autre groupe est assis et se faire servir comme s'ils étaient des pachas (une caste supérieure? se demande-t-on, car on leur tartine les chapatis, et ce n'est pas une expression salace!), l'un des hommes rote plusieurs fois, moitié solide, moitié liquide, j'ai l'impression de littéralement entendre une tourista. je vais défaillir : vois-tu, lecteur circonspect, je suis misophone. Une définition? La voici :

    Misophonie, maladie. La misophonie est une aversion intense envers des sons ou bruits spécifiques. Contrairement à une simple gêne auditive, elle déclenche une réaction émotionnelle disproportionnée lors de l'exposition sonore, pouvant aller de l'irritation à la colère, voire à une profonde détresse.

    A cet instant, j'ai juste envie d'enfoncer mes pouces dans leurs yeux. Les bruits de bouche mouillés me donnent des instincts meurtriers. Je me sens plus Dexter que Landru, de surcroît : faut que ça saigne, je n'ai pas simplement envie de les dépecer OKLM devant mon fourneau. Faut que j'évacue cette tension, c'est violent.
    Je soupire, résigné, et essaye de prendre sur moi. Heureusement que l'ambiance sonore environnante m'aide à les ignorer avec plus ou moins de facilité. C'est ça l'Asie.

    Et moi qui me demandais si je pouvais descendre manger en claquettes/chaussettes, vu le standing du bâtiment et des chambres...
    Læs mere

  • J11. Katmandou, dernier jour

    30. oktober, Nepal ⋅ 🌧 17 °C

    "Bouge ta caisse mec! Tu vois bien que je peux pas passer!
    - mais je peux pas plus, je suis contre le mur!
    - hey, dis-lui d'avancer son tas de boue, je peux pas bouger, je vais racler le rétro!"

    "Euh... on va peut-être descendre et puis y aller à pied, non? C'est plus très loin.
    - tu parles, on peut même pas ouvrir les portes, c'est trop étroit!
    - putain, j'en peux plus, j'ai chaud, j'ai un truc qui me coule dans la chaussure!
    - ouais il fait chaud, on est serrés sa mère à l'arrière, je vais faire un malaise vagal!"

    Voilà, lecteur immergé. Tu viens de passer 30 secondes avec nous dans la voiture du dernier taxi, ce soir, en route vers l'hôtel. Il est 17h36. On rentre de Pashupatinath, le complexe/temple funéraire.
    La nuit est tombée, nous sommes trempés et entassés dans un petit taxi qui s'enfonce dans des ruelles de plus en plus étroites, les bas-fonds de Katmandou, à la recherche du Kusum Airport Hotel.
    Le chauffeur qui nous a pris nous a dit qu'il connaissait le lieu, mais il s'est trompé d'hôtel : il y a le Royal Kusum et le Kusum Airport.
    Il suit donc les instructions d'Olivier qui se trouve à la place du mort, avec une carte Google Maps hors ligne et qui le guide. Nous quittons les avenues encombrées pour des rues engorgées, entre les piétons, les motos, et les autres voitures qui klaxonnent à tout va pour se signaler.
    Le pare-brise et les vitres du véhicule sont couverts de buée, la température monte dans l'habitacle, l'esprit du chauffeur népalais s'échauffe un instant puis se calme aussi rapidement alors qu'il sort de son véhicule pour laisser la place à un habitant du quartier qui va se charger de manœuvrer sa voiture et la faire passer dans ce trou de souris, entre une autre voiture et le mur d'en face. On rabat le rétroviseur, le nouveau conducteur monte le moteur en sur-régime pour avoir plus de précision dans la manœuvre et avance par à-coups sous les yeux de notre chauffeur, puis parvient à faire passer la voiture sans toucher ni à droite ni à gauche.
    Nous sommes enfin déposés quelques minutes plus tard à notre hôtel, sains et saufs.

    La journée n'avait pas bien commencé de toute façon : déjà, au réveil, on entend la pluie battre le toit. Un rapide coup d'œil par la fenêtre nous indique que le ciel est ultra bouché et rien ne présage d'une éclaircie dans la journée, malgré nos applications météo qui nous assurent le contraire. La journée va donc être humide et morne malgré les visites.

    Au petit-déjeuner, on nous porte des verres d'eau chaude. Ce n'est pas la première fois que je vois ça dans un pays asiatique, ça m'a toujours surpris. Puis les différents plats arrivent au fur et à mesure. Nous sommes deux à avoir demandé un muffin. Il n'y en a pas. On a un demi faux-croissant à la place. Et puis un verre de jus de fruits "frais". Et puis un bol de fruits frais coupés.
    Dans l'idée, c'est bien. Mais nous avons développé une certaine phobie à la tourista depuis le début du séjour, phobie mesurée mais indispensable - crois-moi, lecteur incrédule, j'ai eu de multiples occasions de m'en apercevoir au cours de précédents voyages - aussi nous évitons tout ce qui peut être de près ou de loin en contact avec l'eau non minérale, c'est à dire les fruits non pelés, tout ce qui est cru, et même le couteau qui a coupé des fruits non pelés.
    Donc pour le jus de fruits, c'est non (mais Olivier se propose gentiment de boire celui d'Hervé, par pure compassion), et pour les fruits coupés, c'est non, pour trois d'entre nous.
    " ah ben si vous les voulez pas, je peux les prendre!" Olive vole à notre rescousse, une fois de plus. Lui n'a jamais été malade en voyage. Pour lui, la tourista n'est qu'une légende urbaine. Ça se voit que ce n'est pas lui qui a passé une bonne partie d'une nuit la tête dans la cuvette, dans un train indien, il y a quelques années !

    Il est près de 8h, tout est calme dans l'hôtel. En remontant dans les chambres nous préparer, Hervé est pris d'une soudaine toux extrêmement sonore et se met à déblatérer du yaourt franco-népalais du meilleur effet pour réveiller nos voisins qui ont fait un vacarme insupportable hier soir. Un vrai vaudeville, avec éclats de voix et portes qui claquent. On a cru qu'on partageait l'étage avec Labiche et Feydeau. Puis chacun rentre dans sa chambre et nous claquons la porte 3 ou 4 fois de suite, pour faire bonne mesure.

    Une fois dehors, la priorité est de trouver de quoi se protéger des gouttes. Nous alpagons un chauffeur de taxi qui accepte de nous amener à notre premier point de visite, le Monastère de Kopan. Il nous arrête en cours de route devant une boutique qui vend des parapluies.
    Nous aimerions le garder pour la journée, mais lorsque je lui demande, malgré son oui, il insiste pour que je le paye pour cette première course. Je comprends qu'il ne sera pas là lorsque nous reviendrons.

    Le monastère de Kopan est magnifique. Il doit l'être tellement plus par beau temps ! Mais le ciel est bas, gris et sombre, et cette pluie n'en finit pas. Nous faisons un rapide tour des jardins et des bâtiments, puis nous nous rendons dans la grande salle de prière où une quarantaine de jeunes moines sont assis sur d'épais tapis de sol et semblent en plein examen, ou du moins travail écrit. D'autres moines plus âgés, probablement les enseignants, marchent dans les rangées, les surveillant et parfois les aidant.
    Comme dans tous les monastères bouddhistes, à l'intérieur, du sol au plafond en passant par les colonnes, tout est multicolore avec une dominante de rouge. Des symboles bouddhiques et des portraits d'anciens lamas ornent les murs.
    Ici, au fond, un énorme Bouddha à la tête encerclée d'une auréole lumineuse surveille les humains avec bienveillance. Devant lui, deux portraits du Dalaï-lama actuel et d'un autre guide, découpés et en taille réelle, font face aux étudiants. L'effet est surprenant : si l'on n'y prête pas attention, on croirait vraiment qu'ils sont présents!
    Nous y passons une bonne grosse vingtaine de minutes à shooter des centaines de photos depuis l'entrée.

    Un désaccord mineur sur le choix du taxi, en raison du prix demandé, nous force à descendre à pied de la colline du monastère, sous une pluie légère mais persistante. Au risque de me répéter, encore et toujours, je trouve insupportable de me faire prendre pour une vache à lait systématiquement, d'autant plus que nous avons téléchargé une application de taxi qui nous informe de la vraie valeur des courses. Ok pour payer un prix touriste, mais pas 10 fois plus cher (véridique) comme ce qu'on nous a demandé à l'aéroport !
    Nous faisons une pause dans une boutique dont la petite vendeuse accepte de nous commander un taxi depuis son téléphone. Olive en a plein les bottes, ou plutôt les baskets, qu'il a choisies de mettre ce matin plutôt que ses chaussures de randonnée, comme nous pensions que la pluie s'arrêterait rapidement.

    Le taxi suivant nous conduit au stupa de Bodanath, le plus grand du monde asiatique, avec son imposante coupole blanche surmontée d'un toit doré et des yeux de Bouddha peints aux quatre points cardinaux. Nous évoluons dans un véhicule aux vitres qui semblent floutées, mais ce n'est qu'une illusion : c'est juste la buée. Jamais aucune ventilation dans leurs voitures, et les essuie-glaces sont commandés au coup par coup. Peut-être pour nous éviter de voir le danger quand ils conduisent, pensons-nous...

    Sans soleil, c'est vraiment pas pareil. Le stupa est aussi majestueux, mais sous la pluie, la magie n'opère pas, ou beaucoup moins en tout cas. Le sol est détrempé, comme les bâches des boutiques autour du monument. Les couleurs que l'on voit ne sont plus celles des drapeaux flottant dans l'air et libérant les prières qui sont inscrites dessus. Aujourd'hui, ils sont collés entre eux et alourdis de pluie. Non. Les seules couleurs que l'on voit sont celles des parapluies des quelques visiteurs et moines qui tournent inlassablement autour du stupa en activant les moulins à prière.

    On fait encore le plein de bracelets. C'est insensé, c'est même indécent d'acheter autant de breloques. On n'aura jamais assez de bras pour les porter.
    Puis on s'arrête dans un restaurant japonais qui ne paye pas de mine, mais on se retrouve en rooftop avec une vue directe sur le stupa, c'est magnifique, même sous la pluie. La table n'est pas assez grande pour contenir tous les plats qu'on nous porte. Ce n'est pas que nous mangeons plus que de raison, mais nous commandons souvent des "sets" c'est-à-dire des menus complets avec de nombreux petits plats contenant chacun un aliment différent. Aujourd'hui, c'est teriyaki.
    On n'en peux plus, on a la panse pleine, et on oublie l'espace d'un moment cette pluie qui lessive tout autour de nous.

    Étape suivante : Pashupatinath, le complexe funéraire. Un incontournable pour qui visite Katmandou pour la première fois, avec ses ghats de crémation. Le lieu n'a pas trop changé depuis 2 ans, toujours sale, voire sordide, et néanmoins empreint d'une certaine religiosité, hérissé de ses multiples templions et stupas à moitié délabrés sur la partie haute, et bien sûr ses ghats de crémation le long de la rivière Bagmati, bien plus gonflée par les pluies de mousson que le mince filet d'eau putride qui coulait lors du dernier voyage.
    Avec cette pluie, on n'imagine pas une seconde que des crémations puissent avoir lieu aujourd'hui. Et pourtant...
    Un ghat, c'est une jetée de forme ronde ou octogonale sur laquelle on pose le bûcher et le corps à brûler. Lorsque la crémation est complète, on ne sait pas trop si les cendres et les restes sont poussés dans la rivière d'un coup de balai ou si tout est récupéré.
    Il y a 2 ans nous avons néanmoins vu des gens qui semblaient chercher des choses après les crémations au pied des ghats, dans les boues de la rivière asséchée, avec de longues perches.
    Aujourd'hui un ghat couvert, destiné à une famille plus aisée, semble-t-il, est utilisé sur la partie aval de la rivière, et un autre non couvert également, en amont, de l'autre côté du petit pont. Deux corps recouverts de draps et de couronnes de fleurs orange sont déposés au sol, en attente.
    Le lieu, la symbolique, la météo, tout concourt à rendre ce moment tristement mémorable pour Hervé et Nath. Et ça tombe bien, c'est l'anniversaire d'Hervé ! Mais les singes du temple n'en ont cure. C'est un féroce combat de race auquel nous assistons : les chiens contre les singes.
    Les chiens errants du temple se déplacent en meute pour courir après les singes, provoquant une panique agressive chez ces derniers. Eux qui passent déjà la moitié de leur temps à se chercher des poux, c'est le cas de le dire, ils ont là matière à s'enflammer. Leur survie en dépend.
    Près du petit pont qui enjambe la Bagmati, je suis en train de faire des photos de la crémation lorsque trois chiens déboulent en aboyant derrière moi, me bousculent et filent comme l'éclair à la poursuite de deux singes qui volent sur le muret de pierre le long de la rivière avant de se jeter sur un pylône et de grimper au plus haut. Les chiens restent impuissants autour du poteau, aboyant en vain, le regard vissé sur les singes.
    Olive est sur le pont en train de faire d'autres photos, Nath et Hervé un peu plus loin sur les escaliers. Tout va très vite : d'un saut élastique à faire pâlir les meilleurs athlètes du cirque Pinder, les deux singes se sont envolés du pylône pour atterrir hors de portée des chiens. Ceux-ci, comprenant que cette bataille est perdue, rebroussent chemin, me foncent dessus comme si j'étais transparent, m'évitent au dernier moment et reprennent le pont dans le sens inverse. Ils sont en train de se regrouper avec le reste de la meute.
    Olivier, inconscient du danger, continue son shooting. Un sentiment de panique se répand alors et grossit rapidement parmi les macaques. Les mères raflent leurs petits d'un geste rapide et les calent de nouveau sous leurs ventres tandis que les mâles essaient de faire barrière en hurlant, hystériques.
    Les chiens attaquent.
    Le front avance rapidement et les singes n'ont qu'une option : utiliser leur nombre en leur faveur.
    Une centaine de singes venant de toutes parts se regroupent soudainement de l'autre côté du pont, tentant de faire face à l'attaque des chiens mais rien n'y fait.
    L'air est électrique. Au loin, les nuages noirs s'amoncellent, zébrés d'éclairs. L'orage gronde. Et c'est le deuxième mouvement de panique chez les macaques : les forces s'inversent, ils doivent fuir. La nuée se rabat donc de notre côté du pont, en une vague ininterrompue qui crie et hurle en furie pour sauver sa peau.
    Je n'ai pas le temps d'attraper ma caméra pour filmer la scène, le flot de bêtes est impressionnant de rapidité. Une vague, une multitude qui se répand sur tous les supports possibles : murets, pylônes, câbles électriques, et avance à la vitesse de l'éclair comme un seul être en panique. Et Olivier se trouve en son centre.
    Je ne comprends pas de suite ce qui se passe, nous nous regardons, interdits, avec Nath et Hervé. Puis derrière les singes courent les chiens. Féroces, enragés, les babines luisantes de bave, à la poursuite de leurs proies, rendus fous par l'instinct de chasse.
    Après la première vague de singes, le pont subit la deuxième vague de chiens. Olivier, qui avait été pris de cours avec les singes, tente de s'extraire de ce corps mouvant mais ne peut lutter. Je le vois se faire renverser du pont et chuter la tête la première dans la Bagmati. L'horreur.
    Par chance, son appareil est resté intact, au sol.
    La nuée de singes, désormais hors d'atteinte, se disperse de nouveau un peu plus loin dans les escaliers, tandis que l'élan canin se rompt à mesure que chaque individu se désolidarise de la meute dans une poursuite veine de quelques singes perdus.
    Tout n'a duré que quelques dizaines de secondes mais le choc, la commotion sont indescriptibles parmi les spectateurs. Je m'effondre à terre, vomissant profusément. Nathalie est en crise de nouveau, fermement maintenue au sol par Hervé, un genou dans son dos, hurlant : "D'la beuh! Faut d'la beuh!"
    Je me relève et j'appelle Olivier. Introuvable. Les eaux sombres de la Bagmati sont impénétrables.
    "Olive? OLIVE? Vous avez vu Olivier? Mais enfin, il est bien quelque part !"
    On le retrouvera quelques instants plus tard sur les bords de la Bagmati, trempé, souillé, mais vivant, une vieille poche plastique sur la tête et une paille funéraire dans la bouche, qui lui aura permis de respirer sous l'eau.
    Nous sommes au final tous sains et saufs.

    Bon.
    Je dois t'avouer quelque chose, mais tu t'en doutes déjà, lecteur sagace.
    J'ai un tantinet augmenté la réalité. Je me suis laissé emporter, pour ce dernier rapport, et je m'en veux.
    Évidemment Olivier n'est pas tombé dans la Bagmati, Hervé a finalement trouvé de la beuh pour Nathalie, et je n'ai pas vomi profusément. Je vais très bien, merci.

    Je suis désolé, je viens encore de broder. C'est plus fort que moi.
    Nathalie n'a eu nul besoin de cannabis. C'est une personne calme et équilibrée qui n'a besoin que du bonheur d'être en vie pour être heureuse.

    Mais le combat entre chiens et singes a vraiment eu lieu et c'était vraiment très impressionnant. Je crois que je n'avais jamais vu autant de singes à la fois courir dans une seule et même direction, véritablement comme un seul être, un peu comme les nuées d'oiseaux dans le ciel.

    Il pleut toujours.
    On n'en peut plus, la pluie a eu raison de nous. Nous avons pu faire toutes les visites que nous avions prévues, c'est déjà ça.
    On fait quelques achats de dernière minute, oui, il en reste encore, et nous prenons un taxi. Ce taxi-même qui finit par se perdre dans les bas-fonds de Katmandou.

    Ce soir, pour fêter l'anniversaire d'Hervé, après tant d'émotions, ce sont eux qui nous invitent. On décide d'aller manger au restaurant de l'hôtel d'à-côté, l'herbe est toujours plus verte ailleurs.
    Le cadre est somptueux, tout en boiseries et en arabesques. Mais encore tenu par des stagiaires. On est dans le pays de Jean-Michel À-Peu-Près. Les serveurs, encore une fois, ont du mal à comprendre et à s'exprimer en anglais, de sorte que je tente de nous faire comprendre en utilisant Google trad en népalais. Et même là, je ne suis pas sûr du résultat car il fait une drôle de tête en lisant la traduction. Mais nous finissons par avoir ce que nous voulons au moment où nous le voulons.
    Nous terminons ce voyage par un repas convivial entre amis parmi des Népalais qui mangent leurs thali sets à pleines mains. Un peu écœurant, mais cela ne nous gâche définitivement pas le plaisir d'être ensemble et d'avoir vécu un périple inoubliable.
    Et la pluie tombe, encore et toujours...
    Læs mere

  • J12. Épilogue

    31. oktober, Frankrig ⋅ 🌙 14 °C

    Voilà, une fois de plus c'est fini. Malgré la cata météorologique des derniers jours, ce fut un voyage inoubliable, ponctué d'éclats de rire, de vues grandioses, de rencontres parfois improbables et de plats plus ou moins savoureux, mais toujours servis avec un grand sourire.
    Nous avons passé 11 jours dans un pays approximatif, le pays des Jean-Michel À-Peu-Près, où l'on n'est jamais vraiment certain d'obtenir ce que l'on commande au restaurant - les menus sont écrits dans un anglais également approximatif et souvent ils ne cuisinent pas ce qui est annoncé, et pas plus certain de l'heure d'arrivée d'un taxi ou de celle de décollage d'un avion, ou encore si la prochaine douche sera chaude ou froide...
    Comme je l'ai déjà dit, notre voyage a été régi par une certaine appréhension de tomber malade, et je peux dire avec fierté que nous avons passé haut la main l'examen "tourista". C'est quasiment une première pour moi !
    Évidemment ce fut au prix de quelques concessions : pas de jus de fruit, pas de fruits frais, pas même d'eau filtrée servie dans les hôtels, et pas de glaçons dans les boissons. Uniquement de l'eau minérale, même pour le brossage de dents.
    Mais ce n'est vraiment pas cher payé en comparaison de tout ce que nous avons vu, vécu, entendu et goûté.

    Un peu plus de 500 km parcourus à pied et en voiture dont une quarantaine en trek, quelques sueurs froides derrière des pare-brises embués, des achats de billets erratiques et un peu coûteux (on a nous-mêmes été très "stagiaires de 3e" sur ce coup-là !), des glissades inoffensives, des tentatives linguistiques plus qu'approximatives, un premier trek pour approcher timidement quelques Titans comme l'Annapurna Sud ou le Machapuchare, parmi les montagnes les plus hautes du monde, c'est ça aussi un voyage au Népal !

    Nous n'avons rencontré que des gens charmants, souriants, extrêmement serviables, même si les conditions générales ne permettaient pas un confort tel que celui qu'on connaît en France.
    La famille de Ramesh et Rajendra qui nous ont accueillis dans leur hôtel à Pokhara se sont montrés très chaleureux avec nous, tout comme les deux cousins Balaram, le guide et le porteur. Bien sûr, il y a toujours une arrière-pensée commerciale derrière chaque attention - le tourisme est la deuxième source de revenus pour le pays après l'agriculture - mais ils étaient sans nul doute sincères, jusque dans leurs messages après notre retour en France pour s'assurer que nous étions bien rentrés.
    À la fin du séjour chez eux, au retour du trek, j'avais l'impression de connaître le quartier par cœur et d'en être l'un des habitants. En sortant de l'hôtel, on passait devant la boutique de Bala qui nous saluait de loin. Certains commerçants commençaient à nous reconnaître, comme le restaurateur-marionnette, et je n'oublierai pas le vendeur tibétain et notre rencontre émouvante.
    Évidemment, mon avis est partial et subjectif. Pour moi, le Népal part avec un coefficient affectif très positif, malgré les conditions de vie, l'hygiène et les différences culturelles. Mais ce sont peut-être ces mêmes points de divergence qui font effectivement toute la différence.
    On a tellement de choses à apprendre d'eux, à commencer par la sérénité, le calme et la résilience. Je ne sais pas si je pourrais y vivre, mais en tout cas le Népal reste follement cher à mon cœur, pour une raison qui m'échappe totalement.

    Comme on en discutait avec Hervé, tout n'est qu'affaire de codes. Ce qui peut paraître effrayant et déroutant, voire handicapant pour des néophytes, c'est le manque de codes. Nous n'avons pas leurs codes culturels.
    À commencer par la communication : le petit décroché de tête sur le côté, un peu comme un dodelinement rapide, pour signifier un "oui" ou juste un "ok" peut-être surprenant au début.
    Les visages restent souvent impassibles sauf pour sourire (et encore, il faut aller le chercher bien loin). De plus, le Népalais n'aime pas dire "non". ll te le fera comprendre, mais rarement prononcera le mot. Nous avons demandé comment le dire dans la langue : le mot existe, mais ils font plutôt juste un "mm-mm" correct et très rapide.
    Nous cherchons encore à comprendre la signification de ces verres d'eau chaude servi en début de chaque repas, je ne parle même pas du code de la route.
    Tout ce qui touche au tourisme semble encore mal géré sous certains aspects, ce qui nous a souvent donné l'impression d'être face à des "stagiaires de 3e", ou des ados qui découvrent le fonctionnement du monde. Certains hôtels ont une apparence très class, mais les codes du service et de la restauration sont totalement différents. On dirait qu'ils essayent de faire bien mais ne vont pas au bout des choses, ou ne savent pas comment s'y prendre.
    Hier soir encore, au restaurant, les deux serveurs sont restés littéralement collés à notre table à peine les menus distribués, comme si nous allions commander de suite. L'un d'eux est rapidement parti mais l'autre est resté, nous mettant une sale pression. Impossible de se concentrer sur nos choix. On est pris d'une crise de fou rire... surtout qu'il nous fait simplement la lecture de certains plats sans rien ajouter. Et lorsque je veux le rendre utile en lui demandant de quoi se compose leur chicken sizzler... il me répond : "Sorry sir, can't explain".
    Là, on était au max de la négation...

    A défaut d'être un jeune pays, le Népal est un pays jeune. En témoignent les manifestations violentes et violemment réprimées de la Gen Z le mois dernier, contre la corruption gouvernementale. Nous sommes le 31 octobre 2025 et les Népalais espèrent une modification de leur Constitution dans 6 mois après les prochaines élections.
    Mais dans la vie quotidienne, dans la rue, dans les villes et encore plus dans les villages, c'est une sorte de Moyen-âge moderne que l'on explore en tant que touristes, où les ampoules basse-consommation blafardes éclairent souvent des intérieurs miséreux, faits de bois et de plastiques de récupération. Evidemment, il y a des maisons qui semblent appartenir à des familles aisées. Mais ailleurs, tout est sombre, sale et glauque. On fait la vaisselle dehors dans le caniveau, on cuisine au sol dans des marmites sans âge, sur un feu de bois improvisé. Des chiens pelés errent en meutes dans les rues. Dans la campagne, ce sont les vaches, les buffles, les poules et les chèvres. On jette des détritus depuis l'étage dans la rue, on crache partout, on jette absolument tout par terre. Les câbles électriques s'enroulent en pelotes gigantesques à des pylones inclinés, dignes du pire cauchemar d'un électricien occidental.
    On peut croiser en pleine montagne une mamie aussi ridée qu'une pomme cuite descendre pieds nus un coteau avec un gros fardeau de paille de riz dans le dos, les jambes arquées et habillée en guenilles jadis colorées, et entendre soudain son portable sonner dans un pli de sa robe. Comme si la modernité était arrivée trop vite et que personne n'avait su comment s'y adapter.
    Les jeunes sont sur TikTok et sont chaussés avec des Nike contrefaites alors que les plus anciens portent toujours le Dhaka Topi, la calotte traditionnelle népalaise, souvent décorée de motifs typiques vieillots et/ou religieux, dont cette fameuse swastika hindoue, droite, elle, qui fut ré-appropriée par Hitler avec pour seules modifications un quart de tour, la couleur noire et un disque blanc en fond.
    Nous en avons achetés deux, Hervé et moi, dans un moment d'égarement touristique à Bhaktapur, et nous savons très bien que nous ne les porterons jamais, sauf peut-être en déguisement, ou alors comme l'a aptement suggéré Nath, retournés et utilisés comme panière à pain pour un repas. Depuis, nous ne parlons plus que de nos panières à pain nazies. Une boutade à ne pas mettre entre toutes les oreilles...

    Si jamais tu vas au Népal, cher lecteur, attends-toi à être sacrément dépaysé. Attends-toi également à te faire gentiment plumer. Il faut toujours garder en tête que les prix pour nous, touristes, sont gonflés entre 5 et 10 fois, systématiquement, d'où mon obsession de l'arnaque, que je ne supporte pas. Il est évident que nous devons payer plus cher que les locaux, on en a largement les moyens, mais l'abus est flagrant et je n'ai pas le sentiment de les flouer lorsque je marchande, juste histoire de leur faire comprendre que nous sommes d'accord, mais pas dupes, et qu'il faut une limite acceptable de part et d'autre.

    Un dernier tip : nous utilisons l'application InDrive, le Uber local, disponible sur toutes les plateformes, pour commander des taxis. Les prix sont honnêtes, aucun souci. Après en avoir testé une autre qui ne servait à rien ici, il semblerait que ce soit celle-ci qui a pignon sur rue au Népal. Un des chauffeurs nous a entendus en parler dans sa voiture et a éclaté de rire en s'exclamant : "Aaah, InDrive!", comme s'il s'agissait du secret le mieux gardé du Népal : le Graal qui donne accès aux VRAIS tarifs des courses. On l'a installée hier soir seulement... elle servira pour le prochain voyage en Asie.

    Merci d'avoir supporté mes fautes de frappe, fréquentes malgré les nombreuses relectures, et mes délires. Merci pour les commentaires, et merci à Loulou, Nath et Hervé pour ce super voyage qui restera gravé dans nos mémoires...
    Namaste.
    Læs mere

  • Slut på rejsen
    1. november 2025