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  • Jour 87

    Potosi et sa mine

    16 mai 2023, Bolivie ⋅ ☀️ 15 °C

    Nous arrivons à Potosi en fin d'après midi, ville la plus haute du monde (selon un minimum d'habitants). En effet, elle est a 4100m et ça se ressent !
    Recherche d'un hostel avec tout le petit groupe et on part visiter la ville de nuit et trouver un resto. Bon on se laisse tenter par un restaurant (sans Annah qui est trop malade pour se joindre à nous) qui ressemble beaucoup à un gastro et on est sapé comme des baroudeurs mais bon ça reste des prix boliviens donc ça va. Aller hop au dodo, demain visite de la ville et de la mine !

    Après avoir traversé la place d'armes au look colonial, on se dirige vers le marché de Potosi. La ville est très colorée et les câbles électriques emmêlés créent un effet chaotique très charmant.

    On rentre donc dans le marché couvert et il y a vraiment de tout: des instruments de musiques à la nourriture en passant par les cassettes VHS (oui oui il y en a encore !) et les fœtus séchés de lamas (il paraît que ça donne chance). On se dit donc que c'est le bon moment d'acheter du bicarbonate de soude pour essayer de supprimer l'odeur de mort qui est incrusté dans nos chaussures depuis ces nombreux mois de marche ! Et on en trouve (spoiler ça n'aura pas marché pour tout le monde) !

    On monte ensuite sur la Torre de la Compañía de Jesús pour s'offrir un beau point de vue à 360° sur la ville qui est surplombée par la montagne Potosi (où la mine se trouve).

    On part donc pour la visite de la mine avec Willy un ancien mineur. Devant la mine se trouve les vestiaires des mineurs et on remarque des tâches noirs au dessus des portes. C'est en fait du sang de lamas qui sont sacrifiés pour porter chance. La mine est exploité 24h/24h par tranche de 8h. Les mineurs doivent acheter eux même leur équipement (tenue, pioche, casque, lampe et dynamite !) dans le marché minier appelé "Le Calvaire". Il y a différents jobs et la hiérarchie est définie par l'expérience dans la mine. Il y a ceux qui transportent les minerais hors de la mine en poussant le chariot quasi en courant en équilibre sur les rails. Puis vient le perforateur, le travail potentiellement le plus dur et le plus dangereux (espérance: 45 ans) car plus il descend bas dans la mine plus il fait chaud (jusqu'à 38°C à 160m de profondeur !!), Il forre dans la roche pour y placer des bâtons de dynamite et tout faire péter et découvrir plus de filons. Ils ont alors 3 minutes pour sortir en courant dans des couloirs d'1m60 avec plusieurs étages (je le rappelle on se trouve à plus de 4100m d'altitude) et je peux vous dire qu'entre les galeries étroites et l'atmosphère étouffante ils sont vraiment forts. Puis finalement on trouve le chef de groupe qui gère toute l'équipe.

    Ils n'ont pas de contrat de travail et le tout est géré par une "coopérative". Cette coopérative n'a rien de celles en France. Elles sont toutes corrompues et sont gérées par un certain nombre d'associés qui y rentrent soit par héritage soit par pot de vin. Concrètement quand une manif de mineurs a lieu (et il y en avait une quand nous sommes arrivés), le ministre passe un billet sous la table pour que les associés des collaboratives donnent des bières et organisent un tournoi de foot afin de calmer les manifestants. Puis les conditions ne changent pas et le cycle se répète.. Pas de contrat implique aussi une absence de lois encadrant la mort des mineurs (car il y en a beaucoup, une cinquantaine l'année dernière). Ainsi, lorsque cela arrive les associés donnent un peu d'argent en cash à la famille pour ne pas ébruiter l'affaire.

    Les mineurs sont très fiers d'être mineurs. C'est une histoire qui se transmet de père en fils. Il y a une culture machiste omniprésente. Les femmes ne travaillent pas dans la mine car cela porte malheur. D'ailleurs quand la femme d'un mineur travaille celui-ci recevra les brimades de ses camarades :
    c'est ton "mari" (on parle bien de sa femme) qui travaille !
    Les familles sont constituées de 6 enfants en moyenne et tout le monde parle Quechua dans la mine. Le délire masculiniste va encore plus loin jusqu'au fait de ne pas porter de gants pour toutes les activités minières car les mineurs ont des mains d'hommes forts.

    Parlons de la religion et la superstition présente au sein de la mine. Comme vous le savez, l'empire espagnol a envahi la région et a rendu en esclavage une partie des indigènes quechuas (et tuant aussi 8 millions d'individus au passage). Pour pousser les natifs à travailler ardemment dans la mine afin d'extraire l'or, l'Inquisition espagnol a justifié la plupart des accidents par la présence du Diable dans la mine, ce diable tuant les personnes paresseuses (péché capitale). Sauf que les indigènes avaient plus peur des espagnols que de ce supposé diable et ils restaient donc des jours durant dans la mine. Puis au bout d'un certain temps ils se sont dit que ce "diable" était peut être là pour les protéger et être un ami, un protecteur, un oncle. C'est ainsi qu'est né un certain nombre donations à base de feuilles de coca à l'époque (mais aujourd'hui ce sont aussi des cigarettes et de l'alcool a 96°C qui font parti des donations) à une statue d'un diable extrêmement bien membré symbole de fertilité. Ce diable appelé Georges est donc le tío (oncle et dérive du même mot en Quechua). On s'installera à ses côtés pour certaines explications. C'est là que Willy nous racontera la mort de son père, grand père et meilleur ami dans la mine. Trop d'émotions, nos yeux ne résisteront pas et les siens non plus.. Ce moment tragique est coupé par l'explosion, ou plutôt les 12 explosions de dynamites qu'on entendra dans la mine. La roche autour de nous vibre c'est un peu flippant mais apparemment on se trouve assez loin de l'explosion.

    Avant la visite, Willy nous avait fait acheter des gâteaux et des boissons à distribuer aux mineurs que l'on croise. C'est selon lui une bonne manière de les aider et ceux-ci sont d'ailleurs plutôt fier de voir des touristes s'intéresser à leur métier. Ça nous rassure pas mal sur l'aspect potentiellement voyeur du tour.

    Fin du tour, on en ressort muet. On mettra pas mal de temps a s'en remettre. Une expérience enrichissante et qui fait bien relativiser sur notre petite vie et notre consommation car bien évidemment la plupart des minerais extraits puis raffinés vont vers les pays développés..

    Sans transition, on passe visiter la Casa de la Monedad. Mais bon, entre ce que l'on vient de vivre et le fait que la guide expédie les explications, on restera sur notre fin.

    Le soir c'est repas dans un resto qui aurait été introuvable sans le savoir au préalable. Au menu, lamas et burritos !

    Demain on part vers la ville de Sucre.

    Flo
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