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  • Dia 19

    Varanasi. Cité des morts et des vivants.

    30 de outubro de 2022, Índia ⋅ ☀️ 26 °C

    Varanasi, pour les Indiens modernes, Bénarès du temps de l’Inde coloniale ou l’antique Kashi. Cette citée porte de nombreux noms, car elle à traversé les âges. Elle est l’une des villes les plus anciennement habitées du monde. La légende parle d’une construction datant de 3000 ans avant notre ère ; les scientifiques s’arrêtent plutôt sur le VIIème siècle avant notre ère ; les vaches déambulaient à Kashi avant même la naissance de Thalès.

    Quatrième fois que je me rend dans cette antique cité. Je ne saurait pas mieux la décrire autrement : je ne peux aller en Inde sans passer par Bénarès. Je ne peux faire découvrir l’Inde sans passer par Bénarès. Il règne ici une aura particulière et une tout aussi impressionnante vitalité.

    S’agissant d’une des plus anciennes villes de monde, bon courage à l’Inde pour la moderniser :
    Succession de rues labyrinthiques, de boyaux sinueux, la route entre la gare et les bords du Gange semble d’un autre temps, il n’est pas rare de suivre un cortège funéraire dont le corps, richement parré de rubans dorés, de guirlandes de fleurs, suit la direction de l’un des ghâts de crémation.

    Lors de mes trois visites à Varanasi, je pensais sincèrement en avoir fait le tour photographiquement. Je me suis trompé ; Car Gael et moi devons affronter une Varanasi à peine remise de la mousson annuelle…habituellement terminée à la mi-septembre, le climat change, après le Désert aux courges sauvages, voila qu’ici la ville a les pieds dans le Gange, les ghâts sont inondés par le fleuve sacré dont le niveau a atteint un point jamais vu il y a encore deux semaines.
    Les abords des ghâts sont recouverts de couches de boue dont l’épaisseur est telle que je pourrait facilement m’y enfoncer jusqu’aux genous par endroits.

    Indescriptible sensation que de voir mon terrain de jeu Indien favori si inaccessible.
    Quel plaisir pourtant de déambuler sur les ghâts du nord au sud, de Manikarnika Ghât, le plus grand Ghât de Crémation d’Inde, vers l’Assi Ghât, l’un des ghâts emprunté par les prêtres tous les soirs au coucher du soleil pour rendre hommage au Gange et au dieu Shiva. Emprunter cet amoncellement d’escaliers allambiqués semblant se jeter dans le Gange, plusieurs fois par jour, observer, capturer ces innombrables instants de vie : La population se beignant, se brossant les dents, nettoyant son linge, se nettoyant tout simplement ou jouant parmis les corps sur les buchers est sans conteste l’un des sentiments les plus étranges que l’on puisse vivre. Nul dégoût, nulle peine, nulle crainte, mais une entière sérénité.

    J’avais conseillé à Gael de se préparer à ce moment tout particulier des bûchers. Pour le vivre au mieux, il faut dépersonnifier la mort. Il ne faut pouvoir la regarder en face, aussi crue soit-elle.

    J’en reviens à notre Kashi 2022, pour cette fois, du fait du Gange particulièrement élevé, inutile d’espérer emprunter cet itinéraire à pieds au premier jour, nous n’avons pas d’autre choix que de circuler du nord au sud par les boyaux ; d’interminables labyrinthes d’environs deux à trois mètres de large et dont les bâtiments se succèdent sans aucune interruption et s’élèvent facilement sur trois étages. Ces ruelles où quatres personnes ne pourraient pas se tenir par les bras côte-à-côte sont pourtant continuellement empruntées par une foule ininterrompue de badots, de vaches, de macaques, de chiens, de motos, de tout ce qui peut se déplacer en fait, la vie grouille.
    C’est la première fois que je me suis senti aussi oppressé ici, frustré également de ne pas pouvoir faire découvrir à Gael la ville comme je l’apprécie tant.

    Je t’informais Lecteur que cette ville deux fois et demi millénaire était « in-mordernisable » ?

    Je me suis trompé, c’est sans compter sur le gouvernement de l’Uttar-Pradesh. Au plus prêt de Manikarnika, se trouve l’un des temples les plus sacrés d’Inde, le temple d’Or de Shiva. Ce dernier était initialement noyé dans la ville sinueuse, dans les boyaux. Mais le gouvernement a décidé de passer un coup de balais là dedans et a tout simplement détruit l’équivalent d’un terrain de foot d’habitations autour du temple pour construire un énorme complexe bétonné à la place. Quantité d’habitants ont été expropriés sans détours. Varanasi se modernise, se bétonnise. Quelle vision étourdissante, un tel pan de l’histoire, le charme de la ville, effacé de la carte urbaine. Et constater le nombre de gardes et de policiers rôdant autour de la zone termine de me navrer.
    Mais bon, que faire ? Nous décidons avec Gael de ne pas trainer du côté de cet endroit surfait, je pensais visiter avec lui pour la première fois ce temple mythique (où les photographies sont très strictement prohibées), je me suis ravisé.
    Nous emprunterons les boyaux alors depuis notre guesthouse « Ganpati » jusqu’au « Aum Café » de l’Assi Ghât, plusieurs fois par jours.

    Comme tu le constates, Lecteur, voila ma description d’un retour mi-figue, mi raisain. Nos trois jours sur Varanasi sont-ils pour autant à l’image de notre arrivée depuis la gare ? Que nenni.

    Une journée, une simple journée où il m’a fallu réapprendre à apprecier la ville. Puis enfin : l’éclate totale. Une nouvelle Kashi nous a ouvert ses portes. La Kashi cachée des ruelles et des labyrinthes, que j’ai finalement si peu parcourus les dernières fois. Un Diwali de la déambulation photographique : de nouvelles scènes de vie à chaque pas et puis entre chaque centaines de mètres ; une sortie sur les quelques marches de ghâts encore praticables, avec tout autant de nouvelles vues sur le Gange et la Ville.
    Traverser par les boyaux empruntés par les convois funéraires hindouistes, continuer au détour du quartier musulman ; croiser foules d’échoppes, de monde vaquant à sa vie.
    Et bordel seulement trois jours. La frustration avec Gael est énorme.

    Au matin du troisième jour, nous prenons le bateau aux aurores (bateau âprement négocié : on nous expliquait que du fait de la boue proche de la surface, les bateliers ne pouvaient plus ramer et devaient utiliser des coquilles de noix à moteur plus couteux, raison invoquée pour justifier des prix délirants et un magnifique argument pour les démonter « je paye la force des bras, je ne vois pas comment tenir un gouvernail et attendre est plus cher que ramer sur deux kilomètres » l’argument a fait mouche et le prix a alors été divisé par quatre.)

    Nous constatons lors de notre traversée, que les gars se sont relayés jours et nuits pour tenter de « nettoyer » la couche de boue et de sédiments (et de crasse, et de morceaux biologiquement indéfinis pouvant traîner de-ci de-là dans cette glaise grise), nous avons ainsi pu lors de notre ultime retour pédestre, emprunter pratiquement l’intégralité des ghâts.

    La foule s’amassait aux abords, les femmes portant leurs plus beaux saris, cette cohue emportant avec elle des offrandes au Gange : des noix de coco, des bananes, des roses d’inde, des victuailles déposées sur de petites nattes de palme. Des cannes à sucre sont plantées de toute leur hauteur dans la boue, la foule éclaire le sol a ses pieds lampe a beurre de terre cuite. Des milliers de petites flammes scintillent le long du fleuve. Les tambours battent la chamade, les jeunes filles dansent.
    Gael et moi sommes transportés par l’energie de la ville.

    Définitivement : nous reviendrons à Varanasi, nous réemprunterons les ruelles de Kashi et les Ghâts de Bénarès. Cette ville qui ne m’a jamais déçu.

    Lecteur hâte toi en cas de voyage à visiter cette ville merveilleuse (et dégueulasse nonobstant), ma dernière visite remonte à quatre toutes petites années. Le temps passe vite et pour cette ville cela se compte en sacs de béton.

    Nous nous serons éclatés dans tous les cas et cette ville est peut-être l’une des favorites de Gael. Nous partageons le même top trois jusque là. Encore une fois, nous sommes au diapason. Varnasi, Bénarès, Kashi, une pastèque gorgée de sucre, un délice de vitalité , dans cette ville ou vie et mort se jouent sur une même partition.

    Nous aurions tellement troqué un des trois jours de Pushkar contre un de plus ici.
    La frustration est là, mais je m’efforce de garder un regard positif, ce Diwali-Anniversaire aàPushkar était extraordinaire.

    Ce soir nous devons prendre le train pour Kolkata. En première classe s’il vous plait.

    🚨 Spoiler alerte 🚨 : Cela n’arrivera pas.
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