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  • Day 139

    Dernier jour

    January 8, 2023 in Malawi ⋅ 🌧 26 °C

    Ce voyage au Malawi m'a beaucoup touché. J'ai voyagé pendant 2 semaines et les 2 semaines étaient très différentes. Ma 2ème semaine, celle où j'ai voyagé seule, m'a permise de faire de nombreuses rencontres dont certaines qui m'ont bouleversée. Par le fait que je sois seule, j'étais inconsciemment plus ouverte aux rencontres. J'ai ainsi beaucoup échanger avec les vendeurs de souvenirs que je croisais tout les jours. Plus les jours passés, plus j'en apprenais sur leur vie, les difficultés quotidiennes et le système politique.
    Cap Maclear vivait principalement du tourisme et de la pêche. Depuis le Covid, il n'y a presque plus de touristes et depuis quelques années il y a de moins en moins de poissons et la pêche peut être pratiquée dangereusement. A Cap Maclear on peut voir de loin certaines villas de personnes du gouvernement qui sont corrompus et qui ne soutiennent pas les malawiens. Malawi, un pays petit en superficie mais avec une population assez dense, très accueillante qui essaie de s'en sortir.

    Selon sa manière de voyager et s'ouvrir, on peut vivre un même lieu de manière très différente. On peut également choisir de ne pas acheter de souvenirs et pour cela ignorer les vendeurs quand ils nous saluent. On peut choisir de passer l'après midi au bord de la piscine de la lodge plutôt que de se promener au marché. Par mes propres choix, je me suis retrouvée confrontée à une réalité dure que j'ai appréhendée avec mes sentiments et mes émotions. Inconsciemment j'ai porté un sentiment de culpabilité. Rencontrant des personnes pour lesquelles vendre permet de payer l'école à leurs enfants par exemple. Je me sentais coupable, car ces personnes dépendent des touristes et que je suis une des seules touristes. J'ai donc acheté et même un peu trop acheté.

    Le dernier jour, j'ai rencontré Eric qui m'a accompagné pendant une de mes promenades. En rentrant à ma lodge nous sommes passés devant sa maison. Il m'a présenté sa femme et ses enfants. Nous avons mangé ensemble puis Eric m'a présenté un jeu Bawo qu'il a fait lui même,. Je ne voulais pas acheter car je n'avais plus assez d'argent. Il m'a ainsi proposé de m'emmener le lendemain au bus et qu'on s'arrêterait au distributeur de billet pour que je puisse le payer. Je me sentais forcée de prendre ce jeu, ce jeu que j'aime beaucoup mais je ressentais comme une malhonnêté de sa part. J'ai appelé Kim. Kim qui a senti la pression à laquelle j'étais confrontée et malgré le prix assez haut m'a dit qu'on pouvait acheter le jeu ensemble. Bref je pars, je prends le jeu avec moi. Eric m'invite à dîner chez eux le soir. Je me sens prise au piège et finalement décline l'invitation pour sortir avec une autrichienne. Je n'ai aucune envie de revoir Eric le lendemain pour aller au bus mais j'ai maintenant son jeu et je lui dois de l'argent. Le lendemain tout se passe comme prévu. Je dois prendre 2 bus. Je monte dans le premier bus. Eric arrange pour moi le transport. Cela coûte 20 000 kwacha, je m'étonne car à l'aller j'avais payé 15 000 kwacha. Je me dit qu'au final je me fais arnaquer que de 5 euros donc ça va. Je pars. Au moment de changer de bus, j'apprends qu'Eric n'avait donné que 7000 kwacha et que je dois payer 6 000 kwacha. Sur le coup, je me sens dégoutée, Eric me dégoute énormément. Je l'appelle et il continue à baliverner, bref j'en peux plus.

    Le conducteur de bus me regarde et me dit «  Don't worry, Malawi is crazy ». Après coup, j'ai compris et j'ai réussi à pardonner Eric. Malawi va mal et beaucoup de malawiens vont mal. Une grande partie du système est corrompu et pour s'en sortir il faut de l'argent, tout tourne autour de l'argent. Pour Eric, au final, j'ai été une personne assez riche pour se permettre de voyager, vu que je papotais pas mal avec les vendeurs autour de ma lodge. J'ai plus ou moins compris que les vendeurs parlaient de moi entre eux, je pense qu'Eric savait déjà qui j'étais et que j'aimais bien jouer au Bawo. Eric a clairement abusé de ma situation en me volant mais d'un côté entre abuser quelqu'un qu'on ne reverra pas et permettre de nourrir sa famille et payer la scolarité de ses enfants ? Je n'excuse pas son comportement mais en connaissant la cause de son comportement, je peux comprendre un peu mieux et ne ressens plus cette haine. J'étais moi même prise dans un engrenage de culpabilité qui a bien passé son stratagème. Les questions qu'on peut se poser sont : comment réagir face à ces comportements ? J'ai observé que certains touris ou « blans africains » se défendaient par l'insulte, agressaient verbalement la personne en face qui essaye d'arnaquer. Mais qu'est ce que ça apporte de manquer de respect ? La personne garde souvent son calme, en donnant l'impression qu'elle a connu pire comme agressivité. Bref je n'ai pas de solution miracle. Je pense qu'il faut peut être essayer de voir la situation dans son ensemble afin de ne pas en faire quelque chose de personnel, où ce serait entièrement de notre faute. J'ai moi même appris quelque chose de cette expérience et je sais à quel point écouter ma petite voix qui sent quelque chose de malhonnête ou de malsain plutôt que d'agir sous pression est important.

    J'aimerais également vous rappeler qu'il s'agit d'une histoire avec une personne, 99% des malawiens rencontrés ont été accueillants, honnêtes et chaleureux. Essayer de ne pas généraliser mon histoire que j'ai d'ailleurs un peu simplifiée.
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