• J184 - A la rencontre des Kuna

    23–24 nov., Panamá ⋅ ☁️ 28 °C

    Ce dimanche, nous avons changé de mouillage : nous sommes à présent à Miriatiadub. Le vent s’est un peu levé et ça bouge un peu plus, mais cela reste superbe. Nous avons pu sortir le génois pour cette navigation : ça fait plaisir, car jusqu’à présent le vent n’était pas suffisant pour sortir les voiles.

    Notre moteur reste capricieux, mais nous arrivons à nous débrouiller pour le démarrer : nous dévissons la vis de purge au-dessus du filtre à gasoil, on purge l’air, on referme et on démarre. Cela nous permet d’attendre pour régler le problème temporairement, le temps de nous rendre sur le continent.

    Nous nous rendons sur l’île de Miriatiadub avec notre kayak gonflable. On l’utilise pas mal depuis que nous sommes aux San Blas : c’est pratique et moins bruyant que l’annexe ! Nous faisons rapidement le tour de la petite île et arrivons près des traditionnelles petites cases qui parsèment de temps en temps les îlots.

    Nous avons lu sur NoForeignland (l’application phare des plaisanciers qui regroupe toutes les bonnes astuces) qu’une famille y vendait des molas, ces tissus traditionnels, colorés et cousus à la main, souvent utilisés par les femmes Kuna pour orner leurs vêtements.

    En nous approchant, une femme et un homme nous accueillent. L’homme vient à notre rencontre et se présente : « Me llamo Prado o Prada ! ». En effet, ici, nous avons rencontré plusieurs hommes efféminés dans leur attitude et leur démarche. Prado/a a des traits fins et, malgré des vêtements mixtes, il est féminin dans sa manière d’être. À « Kuna Yala » (qui signifie « San Blas » en kuna), ces hommes/femmes ont un statut reconnu et sont respectés dans leur personnalité : c’est chouette à voir. Certaines cultures devraient en prendre de la graine !

    Prado/a nous présente son travail avec son amie Christina. Cette dame doit bien avoir près de 70 ans : elle porte les traditionnels bracelets de perles orangées qui lui couvrent l’intégralité des mollets, un anneau doré dans le nez et les cheveux courts. Prado/a nous explique que les femmes mariées doivent se couper les cheveux et s’orner de bijoux : cela indique leur passage au statut de femmes.

    Il y a de la diversité dans leurs créations : des casquettes ornées de molas, des tabliers, des t-shirts, des molas seuls… Rapidement, notre équipe de Blue Moana arrive. Nous passons un bon moment ; on achète quelques molas (on commence à en avoir pas mal : nous ne dépensons pas beaucoup ici, mais toujours pour les molas !!).

    Nous sommes ravis de pouvoir échanger simplement avec des Kuna : jusqu’à présent, nous n’avions pas eu beaucoup d’échanges de ce type. En les quittant, nous achetons cinq cocos fraîches pour ce soir.

    En repartant de l’île, nous tombons sur cinq pêcheurs qui rentrent de leur pêche, les harpons sur l’épaule. Depuis leur longue barge en bois équipée d’un moteur, ils nous expliquent qu’ils n’ont rien pêché : la mer est mauvaise aujourd’hui. Ils sont ici pour dix jours ; ils viennent pêcher puis repartent sur leur île, plus proche du continent. Ils parlent bien espagnol car ils ont vécu au Panama.
    On se retrouve ensuite avec nos amis pour dîner à bord de Blue Moana et déguster le pagre pêché par Malo. Comme d’habitude, l’ambiance est très sympa : chacun ramène de quoi bien manger — salade, légumes au four, poisson et tarte au citron concoctée par Yasmine 😋

    Le lendemain, les discussions avec Prado/a la veille m’ont bien fait réfléchir et, en en parlant avec Malo, nous nous disons que ce serait sympa d’interviewer des gens tout au long de notre voyage sur leur vie et leur rapport à la mer. Nous souhaitons faire une exposition photo en rentrant en Guadeloupe, avec mes photos et celles de Malo, dans le cadre de l’association, et nous aimerions apporter des témoignages de personnes rencontrées lors de nos vag’abondages.
    Je me décide donc à aller interviewer Prado/a. Je rejoins Malo, déjà sur l’île, et nous nous rendons dans les petites habitations. J’explique notre projet à Prado/a et il accepte d’être interrogé.

    Entre-temps, Wanda et Joanne arrivent : elles viennent donner des lunettes-loupe que Wanda n’utilise plus à Christina, qui lui avait demandé la veille si elle en avait. C’est pour mieux coudre les molas : en effet, c’est un travail de fourmi, toutes ces petites coutures à la main.

    Progressivement, nous nous installons tous les quatre avec Christina et Prado/a, et nous échangeons. C’est agréable : ce ne sont plus des échanges commerciaux, mais de véritables échanges humains. Christina nous montre comment coudre ; Wanda se prête à l’exercice !

    J’interroge Prado/a, mais il me dit qu’il ne parle pas espagnol : peut-il répondre en kuna ? Bien sûr. Nous ne savons pas encore comment nous exploiterons les audios, mais nous distinguons des mots et comprenons le message qu’il nous fait passer. Je le prends en portrait : il semble fier.

    Il vit ici à l’année sur sa petite île, sans rien. Sa famille lui apporte de temps en temps quelques provisions ; sinon, il y a des cocos, des papayes et des guineos (les bananes plantains) sur l’île. Bien sûr du poisson aussi. Mais tout reste très sommaire : le matin, lui et Christina sont venus nous voir à bord pour déposer leur téléphone, qui avait besoin d’être rechargé. En effet, le petit panneau solaire de Prado/a ne recharge pas bien avec le ciel gris de ces derniers jours. Mais ils ne se plaignent pas.

    On leur demande le rôle du Congreso (l’autorité locale) : nous comprenons qu’ils n’en attendent rien — « des corrompus », nous disent-ils.
    Nous repartons en se serrant dans les bras ; avec Malo, nous leur offrons deux cyanotypes et un peu de café, qu’ils n’avaient plus. « Nouè ti ! » (= merci, en kuna).

    Avant de changer de mouillage, nous partons avec Malo explorer en annexe les îles environnantes. Nous découvrons une superbe mangrove, un peu préservée de la pollution plastique de la zone. Les racines-échasses des palétuviers, les pélicans qui plongent la tête la première pour tenter d’attraper un poisson composent un décor magnifique.

    De retour à bord, nous préparons Noam, lançons un appel VHF au Blue Moana et mettons les voiles vers les îles de Waisaladup et Arcuakargana. C’est parti : on déroule le génois et nous parcourons les quelques milles qui nous séparent de l’île ⛵️
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