J186 - Enrique y Lesbia
Nov 25–27 in Panama ⋅ ☁️ 28 °C
Nous arrivons dans le nouveau mouillage, deux îles entourent la zone. Nous apercevons la coque noire du bateau de Nick, un Hawaïen que nous avons rencontré à plusieurs reprises lors de notre voyage. Nous recommençons à croiser de plus en plus de personnes rencontrées sur l’eau, c’est agréable. On lui fait un grand salut de la main, chaleureusement renvoyé !
La journée touche à sa fin ; nous allons directement à bord de Blue Moana pour faire… de la pâte à crêpes ! Eh oui, aujourd’hui c’est notre dernière soirée ensemble car demain ils repartent récupérer un ami suisse qui arrive pour deux semaines. Nous ne savons pas si nous les recroiserons rapidement, alors pour célébrer ça, quoi de mieux qu’une soirée crêpes ? Ils ont de la farine de sarrasin (denrée rare par ici !), je vais donc donner un petit cours de pâte à crêpes bretonnes à Wanda. Crêpes de froment et de sarrasin : il y en aura pour tous les goûts 😋
Yasmine et Joanne nous demandent ensuite de choisir un modèle de bracelet ; elles en tressent à bord, très bien équipées en fils cirés. On se régale de toutes ces bonnes choses pour le dîner. Même si l’on sait qu’on les reverra sûrement bientôt, ça fait bizarre de se dire que c’est le dernier repas ensemble pour un moment. On commençait à s’habituer !
Le lendemain, nous enfilons nos masques pour une session snorkeling. Nous arrivons sur un superbe tombant où de nombreux coraux, gorgones et poissons bougent au rythme des courants, souvent assez forts dans la zone à cause des remontées et des passes étroites entre les îles. Notre nage nous amène jusqu’à l’île d’Akuadargana. Des cocotiers, une petite maison au toit de palmes, un filet de beach-volley (il y en a presque un sur chaque île) et des petits chiens qui jappent en nous voyant. Un monsieur sort de la case ; nous allons le saluer. Il se présente : Enrique. Il parle bien espagnol et est très aimable. Sa femme Lesbia ne tarde pas à se joindre à nous. Elle a un grand sourire. Ils doivent avoir plus de 70 ans et nous expliquent qu’ici, c’est leur île. Ils y vivent simplement et semblent avoir eu une vie bien remplie : ils ont eu 10 enfants ! Au cours de la discussion, nous sommes rejoints par la famille Blue Moana qui était également en sortie snorkeling.
Lesbia nous explique qu’elle vient du Rio Azúcar, plus proche de la côte. Ils ont eu accès à l’éducation plus tôt que dans les petites îles éloignées où, d’ailleurs, certains chefs de village n’en voulaient pas. Cela leur a permis d’apprendre correctement l’espagnol. Enrique nous dit qu’il peut nous transmettre le numéro d’une barque qui livre des fruits et légumes, car nous commençons à être à court. Nous sommes en maillot : nous reviendrons le voir à sec pour récupérer le numéro.
Nous les remercions et continuons le tour de l’île avec nos amis. L’île est jolie, toujours remplie de sable et de cocotiers, et entourée de récifs. Enrique nous a expliqué que « Akuadargana » signifie « roche profonde » car il y a beaucoup de récifs. Nous avons aussi appris que « dub » signifie « île », ce qui rend plus compréhensibles les nombreux noms contenant ces lettres : Miriadub, Miriatiadub… Nous commençons à avoir un petit lexique pour exprimer quelques bases en kuna, mais ce n’est pas évident, c’est très différent de l’espagnol.
De retour à bord, les Blue Moana préparent leur bateau pour repartir de Chichime. Nous pensons rester encore un peu pour une plongée et nous verrons ensuite si nous repartons le soir. Avant d’aller leur dire un dernier au revoir, nous passons saluer Nick, qui avait pris quelques photos de notre dernière session de surf et qui voulait nous les partager. Nous sommes accueillis à bord de son magnifique bateau, un Morgan (constructeur américain), un bateau avec des varangues en acier très solides. Il a sa chienne Lola à bord, qui nous accueille très bien. Lui aussi a des problèmes de moteur en ce moment et, en plus, il est malade : il a la goutte, ce qui l’handicape beaucoup. On compatit : pas toujours simple la vie de navigateur ! On lui souhaite bon courage et on lui dit de ne pas hésiter s’il a besoin d’aide.
Puis nous partons dire au revoir à nos amis suisses. De belles accolades, et nous les remercions d’avoir croisé notre route. Nous espérons les revoir très vite.
Alors qu’ils lèvent l’ancre, Malo aperçoit un autre bateau qui arrive. Nous suivons une page Instagram (Le Vent en Poupe) depuis quelque temps, celle d’un couple de jeunes Marseillais partis un peu avant nous et ayant fait un parcours similaire. Nous ne les avons jamais rencontrés, mais Malo leur avait déjà demandé quelques conseils en ligne. Le bateau leur ressemble : c’est sûrement eux. Nous allons donc les saluer à leur bord : Noémie et Jules.
Nous sommes reçus avec un grand sourire : “Si ça vous dit, on se retrouve dans une heure pour faire le tour de l’autre île à pied ?” Parfait. On se décide donc à passer une nuit de plus ici.
Nous nous retrouvons sur la petite île du mouillage où nous entamons notre balade. C’est rigolo : ils ont exactement nos âges. Noémie a 29 ans et Jules 27, et je retrouve pas mal de points communs dans nos façons d’être. Ils sont partis de Marseille en novembre 2024. Ils avaient pour but de faire le tour complet du globe mais, pour plusieurs raisons (temps, finances, technique…), ils font comme nous : le tour de la mer des Caraïbes et une transat aller-retour.
On discute en marchant, quand une petite fille de 5 ans vient nous accoster. Elle nous demande si elle peut marcher avec nous. Elle est adorable, une vraie petite clown. Sa mère nous demande si cela ne nous dérange pas. Ils habitent une petite maison qui semble aussi faire restaurant. Nous acceptons bien sûr. La petite nous montre le chemin de l’île comme une cheffe. Elle nous montre des plantes et nous fait bien rire. Elle me prend par la main pour m’indiquer ce qui l’intéresse, c’est adorable.
Sur le chemin, on observe de nombreux palmiers sans tête. Jules nous dit qu’il a lu que beaucoup de palmiers de cette île avaient été foudroyés. En levant les yeux, on en voit en effet un grand nombre. Dans les San Blas, les orages sont fréquents et parfois violents. On en entend souvent, et certains tombent très près : c’est impressionnant.
Quand nous terminons le tour, nous nous arrêtons dans le petit “bar” pour boire une eau de coco pour Noémie et moi, et une bière pour Jules et Malo. Les cocos sont coupés devant nous ; une paille dans le trou, et c’est parti. On discute en admirant un superbe coucher de soleil, le plus beau depuis longtemps ☀️
Le lendemain, nous nous retrouvons tous les quatre à bord de leur bateau Zoan pour aller faire une plongée. Ils ont un bloc à bord mais ne l’ont jamais utilisé car ils n’ont pas de compresseur pour le regonfler et doivent pouvoir le garder en cas d’urgence (ancre bloquée, coque abîmée…). Ils ne savent pas vraiment plonger : nous leur avons donc proposé la veille de leur montrer et de faire une plongée ensemble.
Nous montons à bord de leur beau voilier, un Oceanis de 42 pieds. C’est un prêt familial : il appartient à l’oncle de Jules. Ça leur permet d’avoir un très beau bateau qu’ils n’auraient pas pu s’offrir avec leur budget. Malo vérifie leur matériel : il est grippé. Il le répare avec Jules, une bonne chose de faite. Finalement, pour une question de pratique, nous faisons seulement du snorkeling, car nous pensons changer de mouillage assez tôt pour aller à Coco Bandera où la plongée semble plus sympa.
On prend nos masques et tubas et partons explorer les fonds. Puis nous retournons faire un petit tour sur l’île d’Akuadargana où nous sommes encore une fois chaleureusement accueillis par Enrique et Lesbia. Lesbia est en train de fumer du poisson à la fibre de coco : des coques séchées brûlent dans une casserole au sol, une grille au-dessus sur laquelle reposent les poissons. Ils nous expliquent que cela leur permet de conserver le poisson jusqu’à un an ! Il faut simplement les refumer chaque jour.
Enrique nous donne, comme promis, le numéro pour commander des fruits et légumes. Au fil de la discussion, Lesbia nous demande si nous avons déjà goûté du bon riz coco. Elle nous invite à venir en manger. C’est parti ! Nous retournons d’abord préparer les bateaux pour être prêts après le repas. Puis Jules et Noémie viennent nous chercher avec leur annexe et nous allons sur l’île.
En arrivant, Lesbia, Enrique et un ami nous attendent. Ça s’affaire encore un peu en cuisine. Nous demandons si nous pouvons entrer pour voir leur maison. Une seule pièce en bois ; sur le toit, une voile donnée par un plaisancier, recouverte de palmes de coco. Lesbia nous dit que les palmes de coco ne résistent pas très bien à la pluie, mais les palmes plus résistantes sont plus chères et ils n’en ont pas sur l’île. Un petit réchaud pour cuisiner, deux hamacs pour dormir, un vieux réfrigérateur non branché mais qui garde un peu le froid lorsque des glacières sont livrées. Pour se doucher et laver les vêtements, ils ont un puits d’eau douce. Pour boire, ils sont approvisionnés par des lanchas qui amènent de l’eau depuis la ville.
Le repas arrive : un bon riz fait avec de la coco fraîche et du poisson fumé ! Ils s’installent avec nous tous les trois ; on discute longuement. Je demande si je peux les interviewer : ils acceptent. J’accroche le micro sur le t-shirt d’Enrique et c’est parti. Il nous explique qu’il a travaillé longtemps dans la marine marchande : Montréal, Corée du Nord, Corée du Sud… La mer fait partie de sa vie. Ils ont vécu quelque temps sur le continent mais ils sont mieux ici, tranquilles, sur leur île.
On aborde aussi la pollution plastique, ce fléau qui arrive de partout, tous les jours. Ils n’ont aucun soutien pour s’en débarrasser. Ils nous parlent du Congreso qui, comme Prado nous l’avait dit, est corrompu et bloque le développement de projets...
Lesbia, toujours souriante, nous demande : « Si c’était vous les propriétaires de l’île, que feriez-vous ? »
La question est intéressante. Malo explique qu’il tenterait de lancer un projet collectif de collecte des déchets plastiques : acheter un broyeur, installer des panneaux solaires pour alimenter une imprimante 3D, construire des modules et meubles en plastique recyclé, et mettre tout l’archipel à contribution. Mais il faut des fonds. Jules indique que certaines organisations, dont la française Plastic Odyssey, ont déjà tenté d’agir ici mais ont été bloquées par des raisons politiques.
Moi, je dis que j’aimerais développer un potager, malgré le climat aride, essayer des aromates hors-sol, et pourquoi pas mettre en place un réseau d’entraide avec les plaisanciers.
On se regarde : nous avons des idées, des possibilités… mais nous sommes conscients que leur réalité est bien différente. Sans ressources financières et avec de gros blocages politiques, c’est compliqué.
On continue nos échanges, le cœur rempli. Nous les remercions. Lesbia nous dit qu’ils nous offrent le repas ; nous refusons, bien sûr, et payons 10 $ par personne. Noémie offre à Enrique un carnet, car le sien où il note ses commandes était très abîmé. Il ne dit pas grand-chose mais on comprend sa reconnaissance 🩵
Nous les embrassons une dernière fois et repartons à bord, enrichis de ce beau moment. Nous sommes tristes de les quitter.
Il est temps de relever l’ancre : cap sur Coco Bandera, situé au sud-est. Il y a un peu de vent, avec des rafales à 20 nœuds. Nous déroulons le génois, mettons la grand-voile avec deux ris car nous avons un vent au près. Le bateau gîte : ça nous fait plaisir, une jolie navigation. Nous sommes vite devancés par Noémie et Jules : leur bateau est bien plus rapide que le nôtre.
En fin de navigation, nous mettons un petit appui moteur car nous ne voulons pas arriver de nuit, toujours à cause des passes parfois délicates. Nous arrivons vers 17 h 30. Nous mouillons entre trois jolies îles de sable blanc. L’une d’elles est « l’île de Los Jefes » — l’île des chefs. C’est une petite île privée qui semble appartenir aux membres du Congreso. Après nos échanges avec Enrique et Lesbia, nous ne pouvons nous empêcher d’avoir un regard mitigé sur cet endroit.
Le soir, nous invitons Jules et Noémie à dîner à bord. Nous n’avons plus grand-chose car les lanchas qui livrent des produits frais ne sont pas venues depuis quelques jours : la mer est un peu formée et ce n’est pas simple pour elles de venir jusqu’ici. Mais nous arrivons tout de même à leur préparer un bon petit repas : une tarte à la courge, puis de l’ananas et une Fabienne (le gâteau favori de ma mamie !).
On passe une excellente soirée, que l’on termine avec un petit jeu.
Le temps file : nous sommes déjà à la fin du mois (26 novembre) !Read more










