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  • Day 106

    Au coeur des ténèbres ? 👹

    June 28, 2022 in Ecuador ⋅ ⛅ 28 °C

    [Emma - Suite péripéties crise sociale Équatorienne. Désolée pour la longueur, j’avais envie de détails, mais le souvenir vaut le détour]

    On part aujourd’hui à moitié pleines d’espoirs et à moitié pleines de dérisions face à ce plan sans queue ni tête. Nous optons pour la route la moins touristique, c ce qui signifie aussi moins de villes pour dormir. On ne sait pas si on doit s’attendre à de la violence ou à une folle ambiance, mais ce qu’on sait, c’est qu’on aimerait dormir à Tena ce soir.

    On passe la ligne de départ à 10h30, au lieu de 9h30. On est en plein de la philosophie du groupe. Qu’est ce qu’une heure de retard dans cinq mois de voyage après tout. On débute par un premier fiasco puisque nos deux plans taxis pour rejoindre le premier barrage ne daignent répondre à nos appels. (Que ceux qui pensent qu’on aurait pu anticiper se taisent à jamais 🤡)

    Bref, c’est parti pour l’échauffement du jour. Ça monte un genoux par ci, un genoux par la, sans oublier les montagnes de sacs à dos sur nous. Vous avez l’image ? On arrive tant bien que mal au premier barrage après 50 minutes de marche. Il y a beaucoup plus de monde que les fois précédentes et les indigènes semblent beaucoup plus virulents. Un jeune masqué nous menace de sa lance et nous dit qu’on ne passera pas. Il faut dire qu’on est pas aidées par le nombre de personne qui veulent passer : voitures et fourgonnettes en tout genre.

    Heureusement notre bonne étoile est avec nous. La première étape fut largement négligée par l’équipe, cependant nous avons eu la sainteté d’esprit d’anticiper la deuxième.
    [La veille au soir, devinez où nous fûmes ? sur les bancs du paro pardi. Nous avons beaucoup discuter avec les plus jeunes manifestants. Ils nous ont expliqué leur cause et décrit de quoi étaient fait leurs lances : un peu du bois le plus dur de l’Amazonie agrémenté de quelques pelures de singes et hop le tour est joué. On a tenté de leur apprendre quelque chants révolutionnaires français mais il faut dire que notre répertoire n’était pas fameux. Alors on a vite arrêté. L’ambiance était quand même un peu pensante, certains n’avaient pas l’air très content de notre présence, d’autres dormaient sur des matelas pour les plus chanceux et sous des camions pour d’autres. Des femmes préparaient le repas pour tout ce beau monde. Ça faisait déjà six jours que ça durait.]
    Tout ça pour dire qu’un des indigènes nous a reconnues le lendemain matin. Il s’avère que c’était le chef du barrage et que par chance il a nous autorisé un laissé passer parcequ’on les avait aidé la vieille. Mais le barrage était tellement gros que ceux du fond n’avaient pas entendus là décision. Lances pointées sur nous, cinq indigènes maquillés courent et commencent à chanter. On nous laisse finalement passer grâce à l’intervention de nos amis. Un monsieur avec les yeux très rouges de fatigue nous dit que nous, on ne souffre pas dans notre pays. Je me dis que notre urgence d’avion n’est pas grand chose face à leur situation. A ce moment là je passe la gorge serrée entre les militants.

    Un civile s’étant improvisé taxi, nous amène jusqu’au prochain paro. Vous connaissez le dicton il en faut peu pour être dangereux ? Ils étaient dix mais pourtant personne ne pouvait passer. Des deux sportifs du dimanche à vélo jusqu’à la famille d’une vingtaine de personnes en deuil, il n’y avait rien à faire. « Ça fait six jours que je suis ici et toi tu fais du vélo ? Rentre chez toi » ,« Les morts sont morts, on est ici pour aider les vivants ». Vous l’aurez compris, aucune excuse n’est valable. Après quelques minutes passées avec eux, (et quelques cannes à sucres léguées) ces grands gaillard(e)s s’adoucissent. L’un nous parle de son travail d’ingénieur et l’une nous fait chanter des chansons « romantiques » en français. Alors on leur a un peu fait voir la vie en rose et on peut dire un grand merci à cette bonne vieille Edith Piaf pour ce deuxième passage.

    Un garçon de notre âge s’entête à vouloir nous accompagner jusqu’au prochain paro. Il nous a aidé à négocier en assurant qu’on avait appuyé plus d’un barrage et qu’on avait participé à plus d’un jour de mission dans une finca en Amazonie. Il lui a fallut trois barrages pour comprendre qu’aucun mariage n’étais possible avec l’une d’entre nous. Aussitôt a-t-il compris aussitôt le filou est reparti.

    Nous voilà seules sur la route. Plus de motos pour nous escorter. Mais la chance continue de nous sourire puisqu’on croise le seul taxi à 100km à la ronde. Celui ci (dont on oubliera le prix) nous avance jusqu’au prochain paro ou on se fait littéralement raquetter par un papi fan de coca cola. S’en suit un pillage du gâteau qu’on avait concocté la veille. Semblant rassasiés et satisfait du gâteau, c’est une autre victoire pour l’équipe.

    On marche un peu plus d’une heure sans croiser personne. La route est magnifique. On est en pleine amazonie. Les lanières commencent à creuser mes hanches et mes clavicules. Mais personne ne se plaint car ce n’est pas le moment de se dégonfler, nous ne sommes qu’à mi chemin.

    On tombe à nouveau sur un très gros paro où d’immenses arbres ont été abattus sur la route. L’ambiance semble assez festive, c’est l’heure du repas et vas y que je me mets un poisson grillé sous la dent par ci, et vas y que je me mets une banane plantain sous la dent par la. C’est ambiance barbecue du dimanche à Ville-Franche sur Mer. Tous semblent très étonnés de notre présence, on nous ordonne très rapidement de poser nos sacs à terre pour se reposer. Un petit attroupement de personnes se fait autour de nous. Cependant certains ne parle que quelques peu espagnol. Le mix quechua-castellano ne fait pas bon ménage mais on comprend qu’ils veulent nous faire visiter la région. Tout le monde se démène pour nous, on nous apporte une assiette entière (poisson grillé d’Amazonie) et d’autres sont au téléphone avec toutes la région pour nous dégoter un taxi.

    On s’en va finalement en les remerciant infiniment. Un monsieur adorable en taxi nous avance de quelques kilomètres précieux. On croise quelques paro ou les militants nous demandent des photos. On sent qu’on est dans l’Amazonie non touristique et qu’ils sont très curieux de voir d’autres cultures. Ces personnes ont été très accueillantes avec nous malgré le fait qu’ils ne parlaient que très peu espagnol.

    Le dernier barrage qu’on croisera nous apprendra que demain, il est prévu que tous les indigènes se dirige vers Quito pour, je cite, « enflammer le Palais Royal ». Ils nous proposent de venir avec eux en bus, proposition que nous déclinerons avec regret mais raison.

    On arrive finalement à Tena où nous trouvons un super plan pour traverser les barrages du lendemain.

    Quelques restaurants et heures de dodo plus tard, le quatuor reprend la route, et aujourd’hui messieurs dames, on a pas opté pour le pingouin le plus lent de la banquise. Vitesse moyenne de 148km/h. Je peux vous dire qu’on a jamais avancé aussi vite. J’ai les mains en sueur. La doctrine du taxi : le dos-d’âne ça passe mieux avec de l’élan. On se fait escorter sur le barrage. Le service de la compagnie de taxi est plus qu’organisé. On traverse dès Climats très différent en taxi. Certains ponts sont à moitié détruits et le chauffeur ne manque pas de faire le signe de La Croix après chaque passages. Je suis triste de quitter l’Amazonie.

    Nous voilà arrivées en banlieue de Quito. Au bilan : a notre grande surprise le jour préféré du voyage d’Oriane et une mission réussie. Deux jours de marche/taxi pour parcourir 243km. Beaucoup d’echanges et une belle performance strava si on oublie le fait qu’en temps normal tout ce petit ramdam se fait en seulement 4h30 de voiture. Ma Renaud Twingo première génération prend une toute nouvelle place dans mon estime.
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