• 2400 km de stop, objectif Bariloche

    March 5, 2023 in Argentina ⋅ ☀️ 19 °C

    Ça y est, après un mois de trek en Patagonie on en a fini avec la rando pour quelques temps et notre nouvel objectif c'est d'aller retrouver Guillaume à San Carlos de Bariloche en Argentine. À l'heure qu'il est on est à Puerto Natales presque à la pointe sud du Chili alors Bariloche c'est pas la porte à côté : on en a pour plusieurs jours de route.
    Torres del Paine c'était génial mais aussi super éprouvant physiquement donc on est un peu sur les rotules, d'autant plus avec toute la fatigue accumulée pendant ce mois de folie. Du coup on décide de s'accorder une petite grasse matinée puis d'aller manger des hamburgers dans un petit restaurant de la ville : un vrai plaisir qui change de notre riz thon tomate traditionnel.
    En début d'après-midi, on marche jusqu'à la sortie de la ville pour faire du stop et commencer la longue route qui nous attend. Deux possibilités s'offrent à nous : prendre la ruta 40 qui est directe mais que beaucoup de gens nous ont déconseillée car elle est peu fréquentée. Ou bien faire un long détour pour rejoindre la côte Est où passe la majorité des gens et des camions. On est arrivés par la ruta 40 alors on décide de tenter par l'Est. Il commence à pleuvoir et le vent semble ne jamais se calmer dans cette partie du monde, heureusement, une voiture s'arrête rapidement et la conductrice, une jeune guide du parc de Torres Del Paine nous fait passer la frontière Argentine (30 km).
    On continue de tendre le pouce et un couple de Chiliens venus faire leurs courses en Argentine pour profiter des bas prix dans le pays nous emmènent jusqu'à la ville suivante : Veintiocho de Noviembre, oui oui c'est bien le nom d'une ville (20 km). Pour l'instant on avance plutôt bien et malgré le mauvais temps qui nous mine un peu le moral on reste focus sur notre objectif : rejoindre la côte Est. Pendant qu'on marche sur le bord de la route, une famille qui roule dans l'autre sens s'arrête et nous explique que la route vers laquelle on se dirige a beau être la route principale vers l'est, elle n'est presque pas fréquentée à cause de sa mauvaise qualité. Ils nous proposent de nous déposer à un endroit plus adapté pour faire du stop, on accepte volontiers bien qu'un peu déçus de devoir rallonger encore notre trajet.
    S'en est suivie l'heure et demie d'attente la plus compliquée depuis le début du voyage : une route quasiment déserte, un vent de chacal, pas plus de 3 degrés et bien sûr de la pluie, beaucoup trop de pluie. À ce moment là, trempés et grelottants, on a presque failli perdre espoir. C'est alors que Félix, un grand-père argentin nous a sauvé la mise et nous a emmené pour deux heures de route jusqu'à Esperanza (150km). C'était vraiment un chouette trajet, Félix était quelqu'un de touchant : il nous a parlé de la misère dans laquelle beaucoup d'argentins et argentines vivent aujourd'hui et du fait qu'ici l'exploitation des ressources de la terre ne profite presque jamais aux populations locales. Il nous a aussi offert du maté bien chaud et, transits de froid comme on l'était, on l'a dégusté avec presque une larme à l'oeil.
    Arrivés à Esperanza on a essayé de continuer notre route mais le soir tombant, on a rapidement laissé tomber et on s'est mis en quête d'un lieu où passer la nuit. Esperanza c'est pas vraiment la ville idéale pour passer ses vacances et globalement à part une station essence et du sable, on n'y trouve pas grand chose et certainement pas un camping. On avait vu que la gendarmerie possédait un jardin et acceptait que les voyageurs y plantent leur tente. Mais pas de chance, quelqu'un nous avait devancé. Juste à côté on repère une ambulance et on réalise que le bâtiment voisin est celui des secours. On tente notre chance et les ambulanciers adorables acceptent de nous laisser camper dans leur jardin à condition qu'on lève les voiles avant l'arrivée de leur chef le lendemain à 9h. Petit bonus et pas des moindres : l'homme de garde pour la nuit nous offre des raviolis que nous sommes ravis d'accepter. Cette journée a été quelque peu éprouvante et on est contents qu'elle se termine sur une note si positive. On se couche tôt, fatigués, rassasiés et enfin secs.
    Deuxième jour de stop, on se lève pleins d'énergie, motivés comme jamais et à 8h30 on commence à tendre le pouce. 4 heures. On a attendu 4 longues heures avant qu'une voiture ne s'arrête, certes il ne pleuvait pas mais nos nerfs ont été mis à rude épreuve. Notre conducteur nous dépose une heure plus tard à Rio Gallegos (100 km). Nous voilà enfin sur la côte Est !
    Cette fois on est sur un gros axe avec pas mal de passage, il fait froid et le vent souffle toujours fort mais au moins on est au sec et il y a même un petit abris de béton pour les autostoppeurs. On commençait à peine à faire chauffer de l'eau pour le riz quand un voiture s'arrête et sa conductrice nous propose de nous déposer à Fitz Roy (la ville et non la montagne) à plusieurs centaines de kilomètres au nord de là. On est trop heureux d'accepter et on passe donc 5 heures en compagnie de Laura, une gendarme d'une trentaine d'années. La route est belle et on croise beaucoup de guanacos. Depuis quelque temps on aime bien demander aux personnes avec qui on voyage si elles ont l'habitude de prendre des gens en stop, Laura nous répond que non et semble un peu mal à l'aise ce qui pique ma curiosité. Je lui demande alors ce qui l'a poussée à nous prendre, voici sa réponse : "Vous aviez l'air d'avoir froid et puis [coup d'œil gêné] avec tes cheveux longs je t'ai pris pour une fille et ça m'a décidé à m'arrêter." Ça nous a bien fait rire et par la même occasion j'ai eu la preuve que ne pas me couper les cheveux du voyage était une idée de génie. (600 km).
    Il n'est pas très tard quand elle nous dépose alors on espère pouvoir pousser encore une cinquantaine de kilomètres et passer la nuit à Commodo Rivadavia. Au bout d'une heure d'attente, quelque chose dont on rêvait depuis qu'on a commencé à voyager en stop se produit : un camion s'arrête à notre hauteur et nous propose de monter. C'est ainsi que nous avons fait la rencontre de Facundo qui faisait le chemin entre Ushuaia et Buenos-Aires et avec qui nous avons roulé toute la nuit en direction du Nord. Au total on a passé 18 heures avec lui et c'était une expérience inoubliable ! Voyager dans un camion c'est vraiment partager le quotidien de son conducteur, ça donne presque l'impression d'entrer chez lui. En plus Facundo était super sympa, il nous a raconté pleins d'anecdotes sur son métier et il connaissait la région par cœur. 13 heures de route, 5 heures de repos sur une aire d'autoroute, environ 15 litres de maté et surtout 850 km plus tard, nous voilà arrivés aux abords de Las Grutas. Facundo nous dépose un peu avant la ville au niveau d'une intersection avec une route qui mène directement à San Carlos de Bariloche. Il est alors 13h et après d'ultimes remerciements on se retrouve de nouveau tous les trois le pouce levé au bord du chemin. C'est fou ce que le climat peut changer entre le nord et le sud et la première chose qui nous frappe quand on descend du camion est la chaleur : il fait 30 dégrés et la zone est désertique sans le moindre coin d'ombre pour échapper au soleil, c'est pas franchement attrayant comme endroit pour faire du stop mais on n'a pas vraiment le choix et puis on touche presque au but ! Il y a peu de passage, la chaleur se fait de plus en plus écrasante au fur et à mesure que le temps passe et le niveau de nos gourdes diminue à vue d'oeil. Au bout de 2h30 nous vient une idée dont nous ne sommes pas peu fiers : agiter une gourde vide en même temps que nos pouces lorsqu'une voiture passe pour l'encourager à s'arrêter ne serait-ce que pour vérifier que nous ne sommes pas en train de mourir de soif. Une fois la voiture arrêtée il nous suffit d'user de notre charme naturel pour qu'elle accepte de nous emmener. Ça a marché du tonnerre : en une demie heure un couple qui allait dans l'autre sens nous a offert une bouteille de soda et peu de temps après une voiture s'arrête enfin à notre hauteur. Mieux encore, le conducteur va jusqu'à San Carlos de Bariloche, on a du mal à y croire mais on va réussir à atteindre notre destination ce soir ! C'est parti pour les dernières 6 heures de routes dans la campagne désertique, enfin il me semble que c'etait ça le paysage, je n'en suis pas sûr car j'ai dormi la très grande majorité du temps (650 km). On atteint Bariloche aux alentours de 23h, on se hâte de trouver un coin d'herbe pour poser la tente en bordure de la ville et on se couche ravis d'être arrivés et aussi complétement lessivés par ce petit périple. Au total on aura parcouru près de 2400 kilomètres en moins de 72 heures.
    Guillaume nous rejoint le surlendemain alors on profite de notre dernière journée à trois pour faire des courses, racheter des cartes SIM argentines, trouver un camping sympa et déguster une pizza de la victoire pour célébrer la belle page de ce voyage que nous sommes sur le point de tourner.
    Mardi 7 mars en fin d'après-midi, Guillaume arrive lui aussi à Bariloche et nous voilà enfin réunis tous les quatre, prêts pour de nouvelles aventures avec un équipage au complet.
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