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  • Day 329

    Konya, la pieuse

    February 6 in Turkey ⋅ ☀️ 15 °C

    On quitte le lac, son troupeau de chèvres, nos copines les vaches & ses énormes chiens errants, à la recherche d’un marché alimentaire pour faire le plein de fruits & légumes. Cette activité passagère, sur la route nous menant à Konya, s’étire finalement dans le temps ; au gré des multiples sollicitations des locaux·ales toujours aussi accueillant·e·s et curieux·euses à notre égard ! À peine nos premiers pas foulés sur la place principale, un homme plutôt âgé nous aborde avec toujours ces mêmes interrogations : que faites-vous ici ? d’où venez-vous ? où allez-vous ensuite ? Une fois les réponses obtenues (via traducteur interposé), il nous prend pour des fous·olles à nous diriger vers l’est et le grand froid. En quelques phrases et rires échangés, il n’en faut pas davantage pour être convié·e·s chez lui, à Izmir !

    Les prix fluctuent d’un stand à l’autre. Nous commençons à déceler lorsque le·la commerçant·e abuse un peu de notre statut d’étranger·e ! Nous faisons également la rencontre d’un afghan souhaitant à tout prix savoir si nous étions marié·e·s et si nous avions des enfants et d’un couple turc ayant vécu en France, ne cessant de répéter « Paris » et « Concorde » ! De retour au van stationné le long du trottoir, Paulo entre par la porte latérale, dépose comme à son habitude ses chaussures sous le van, pousse la porte pour davantage d’intimité vis-à-vis des passant·e·s, et s’attèle au rangement des produits frais. Quand le moment de reprendre la route est venu, les chaussures ont disparu ! N’y croyant pas, nous fouillons des yeux les environs, à la recherche d’une mauvaise blague. Rien. Les chaussures sont bel et bien introuvables ! Nous prenons du recul sur la situation plutôt rapidement et, au vu de la teneur du vol, espérons qu’elles soient entre les mains d’une personne en ayant davantage besoin que nous. Restent les semelles orthopédiques de Paulo dont le manque va cruellement se faire sentir ; et qui nous est impossible de remplacer... Comme une malchance n’arrive jamais seule, nous sommes interpellé·e·s par des policiers en sortant de la ville. Ne comprenant rien au permis de conduire français, il nous laisse repartir après avoir tous jeté un coup d’œil amusé au papier rose.

    Konya, nous voilà ! Motivée par la possibilité d’assister à une cérémonie bien particulière, notre venue au sein de la ville dite la plus pieuse du pays (environ 3000 mosquée !)  ne faisait aucun doute. Malheureusement, n’ayant pas anticipé suffisamment nos recherches, nous trouvons porte close au centre culturel Mevlâna... Les derviches tourneurs, ces hommes en robes blanches tournoyant sur eux-même tels des toupies, entrant en transe et tentant ainsi de se rapprocher de dieu, ne dansent que le week-end...

    La déception passée, nous partons à la découverte de la ville & ses particularités, toujours en bonne compagnie avec le petit groupe de français·e·s rejoint il y a maintenant une semaine. Une sorte de cloître à colonnades monumentales à la pierre immaculée attire notre attention sur le chemin menant au centre de Konya. Sur fond de musique solennelle, nous pénétrons au sein d’un jardin intérieur, décoré de plaques commémoratives énumérant les noms des soldats tombés au combat pour l’indépendance de la Turquie. Au bout de l’esplanade, un petit musée nous accueille gratuitement et présente une reconstitution miniature de la vie sous l'occupation ottomane et de l'organisation de la révolution. 

    Faute de découverte du cérémonial des disciples de Mevlâna (« notre maître » en turc), nous décidons de faire la visite du musée éponyme. Le sanctuaire est ouvert à toustes, fidèles & curieux·ses. De petites salles, autrefois chambres du couvent des membres de l’ordre mevlevi, donnent à voir aux visiteureuses vêtements officiels, livres sacrés joliment calligraphiés, instruments de musique servant à accompagner la pratique de la fameuse danse sama... La petite cour réchauffée par les timides rayons du soleil est paisible. Nous nous approchons maintenant du haut dôme de faïence turquoise. Une porte de cuir à franges nous conduit au cœur du lieu saint, somptueuses lampes orientales et calligraphies en langue arabe aux murs et plafonds, gardien du mausolée de Rûmî (ou Mevlâna), maître spirituel soufi. Les tombeaux du chef sacré des derviches tourneurs et des membres de sa famille sont un lieu de recueillement important pour les musulman·ne·s. Devant nous, une femme à genoux, les mains vers le ciel, prie. 

    Les estomacs de la petite troupe se réveillent, il est temps d’initier les copaines au kahvalti, le petit déjeuner turc ! Sur la grande tablée, les plats fusent et les ventres se tendent dans la bonne humeur.

    Repu·e·s, nous partons faire le tour du bazar local, où les ruelles s’organisent en thématiques : salle de bain, bricolage, vêtement de soirée, bijoux, alimentaire... L’occasion également de craquer pour divers denrées et objets tels que du savon, des olives, du café, des figues, des noix de cajou, des cacahuètes, un chou-fleur, des épices ; mais aussi pour certain·e·s une scie à bois ou encore une lampe frontale. Au bazar, on trouve absolument tout !

    Nous gravissons l’unique petite colline de cette ville construite sur un plateau à l’heure de l’appel à la prière. La mosquée d’Alaaddin nous accueille en son sein. En contre-bas, nous flânons au Kültür Park, sans oublier de passer par la case pâtisseries au sirop & café. On y fait la rencontre d’un jeune franco turc vivant ici depuis 4 ans avec sa famille. Heureux de parler français, il nous fait la démonstration du « bonjour » à la turque en serrant la main de Guillaume et en collant sa tête contre la sienne à droite, puis à gauche. Il s’enquiert de connaître notre ressenti sur la population de son pays. Nous lui indiquons que nous trouvons les turc·que·s très accueillant·e·s et ouvert·e·s à la discussion. Abondant dans le sens de notre sentiment, il nous explique que si l’on nous invite à manger ou boire un çay, il est considéré comme impoli, presque insultant, de refuser la proposition. Il ne nous cache pas sa surprise de nous voir ici, ayant un avis plutôt négatif sur sa ville, ne la trouvant pas assez attractive à son goût. La conversation dérive ensuite sur une note de racisme interculturel, le jeune homme nous conseillant de nous méfier de la population « arabe » du quartier où nous sommes stationné·e·s depuis la veille.

    La journée s’achève par la grande place de la mosquée Selimiye, animée en ce début de soirée. Une association luttant pour le respect des droits des enfants a investit joyeusement l’espace. Un bénévole vient nous saluer avec un ballon de baudruche orange et insiste pour nous offrir des barbes à papa. À l’écoute du conseil de notre rencontre précédente, nous acceptons avec amusement ! On nous signifie qu’offrir de la nourriture et la partager dans l’espace public fait partie intégrante des fondement de l’islam. Sucreries et ballon à la main, nous finissons par scander (tant bien que mal !) le slogan de l’association que les membres du groupe nous ont appris devant leur banderole. Quelques jours plus tard, nous retrouvrons notre modeste prestation en vidéo sur instagram !

    De retour au van, on improvise un petit « apéro parking » dont seul·e·s nous avons le secret !

    Pour une immersion complète, Paulo & moi proposons aux copaines qui le souhaitent de finir le séjour à Konya par une session matinale de hammam turc. Le rituel du bain est toujours aussi délicieux, quoique un peu plus tonique pour les hommes ! Toutes relaxées par cette séance, Cécile & moi nous voyons offrir le çay dans la partie réservée aux femmes ; quand soudain, le téléphone de la masseuse sonne. Paniquée, elle s’adresse à nous à l’aide de geste en mimant une bague au doigt. Nous comprenons qu’elle souhaite nous indiquer que nos « maris » nous attendent. Nous rions et tentons de l’apaiser en lui expliquant que nous pouvons prendre le temps de boire le thé, que nous les rejoindrons dans quelques minutes et qu’il n’y a aucun souci à les faire patienter un peu !

    Ce midi, c’est pide au menu dans un petit boui-boui conseillé par le masseur du hammam des hommes. 😋
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