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  • Day 355

    Lac de Van, le marqueur d'un tournant 💛

    March 3 in Turkey ⋅ ☁️ 3 °C

    Direction : l’iconique lac de Van ! 🔥

    De nombreux kilomètres nous séparent de notre destination. Nous cheminons donc tranquillement, et dénichons un spot sur un plateau herbeux parcouru par des troupeaux de moutons dominant un lac.

    👉HEUREUSES RENCONTRES

    Nous y resterons deux nuits, tant nous apprécions le carde bucolique et paisible de l’endroit. C’est ici que nous faisons la rencontre de deux cousins k*rdes, leurs enfants et deux de leurs amis, venus profitez d’un moment convivial de pique-nique tous ensemble. La sublime voix de l’un d’eux, chantant a capella pour ses proches, a attisé notre curiosité.

    D’une générosité rare (pas tant en Turquie !), il nous propose de déjeuner avec eux, leur grand wok de viande cuisiné à l’indienne cuisant sur un feu de bois improvisé. Nous annonçons notre végétarisme sous les rires amusés de cette joyeuse bande d’hommes et finissons tout de même par nous asseoir auprès d’eux. Non loin de leurs deux voitures, une grande natte recouvre le sol. Assis en cercle sur celle-ci, autour de leur plat maintenant cuit, ils dégustent le met avec leurs doigts en grappillant des morceaux à l’aide de grandes galettes de pain.

    Nous partageons un verre de coca à leurs côtés (ce sont les premières personnes que nous rencontrons qui ne boivent pas de çay !) et mangeons pipas et friandises en discutant. L’un des cousins parle anglais, le reste du groupe se trouve donc suspendu à ses lèvres, le traducteur ne fonctionnant malheureusement pas en raison du manque de réseau.

    Comme souvent, lorsque l’on rencontre de nouvelles personnes ici et que nous dévoilons notre nationalité, nous savons que dans les minutes qui suivront, Mbappé va être évoqué ! Cette fois-ci ne fera pas figure d’exception ! 😂

    Ils partagent avec nous quelques réflexions inhérentes à leur origine k*rde. Minoritaires dans le pays (bien que majoritaires dans certains districts de l’est), sans état à eux, ils nous expliquent se sentir dépréciés et non reconnus par les turc·que·s ayant une culture et un courant religieux foncièrement différents.

    L’un d’eux n'est, par exemple, pas marié (chose plutôt rare ici, à 38 ans). Il nous confie être tombé amoureux d’une turque lorsqu’il était étudiant. Malheureusement, la famille de sa petite amie n'a jamais accepté qu'elle se marie avec un k*rde.

    Nos convictions religieuses attisent beaucoup leur curiosité. La religion semble être un sujet prépondérant. Notre athéisme détonne, et choque presque, étant persuadés que nous étions chrétien·ne·s. Ils tentent de nous transmettre leur philosophie, nous faire chausser, l’espace de quelques minutes, leurs lunettes pour regarder la vie à leur manière. C’est un exercice intéressant qui révèle un faussé culturel si vaste entre nous. Ce que nous retiendrons, et qu’ils n’ont cessé de marteler, c’est que cette vie n'est pas la plus importante, la prochaine après la mort l'est davantage ; c'est pourquoi ils ne ressentent pas de peur et qu'ils sont si "relax". Une manière de penser qui permet d'appréhender la vie différemment, avec un regard bien éloigné du nôtre.

    Après déjà plusieurs minutes de discussion, une sensation de gêne me gagne. Je me rends finalement compte que je suis la seule femme de cette assemblée d’hommes. Culturellement, il n'est pas d'usage, chez eux, de partager ce genre de moment avec les femmes de leur entourage, c’est pourquoi aucune d’elles n’est présente aujourd’hui. Une distinction claire est cependant faite entre les femmes kurdes et les non-kurdes, touristes (comme moi), dont la présence à cet instant n’est pas un problème.

    Le deuxième cousin, chiquement vêtu, est fier de défiler sous nos yeux portant un pantalon qu'ils fabriquent en famille, dans une entreprise qu'il a créée ! Les pantalons sont vendus au Moyen Orient, mais aussi un peu en Allemagne et en France.

    Tout le petit groupe s’interroge sur notre présence dans leur région. Ils apprennent avec surprise la facilité avec laquelle nous pouvons circuler à l’aide de nos passeports français, alors qu’eux ne peuvent pas sortir du territoire sans visa coûteux. Nous apprenons que le salaire moyen du coin s’élève à 500 €.

    Un moment de flottement apparaît lorsque nous nous apercevons qu’ils n’ont pas l'air de prendre en compte notre relation de couple, parlant de moi à Paul comme d’une « amie ». La question épineuse du mariage ressurgit et les incompréhensions avec elle ! De ce quiproquo culturel naît un moment mémorable de sourires, rires et joie, lorsqu’ils décident de nous faire la démonstration des danses kurdes auxquelles nous pourrions avoir droit lors de notre cérémonie de mariage ! 😂

    Le duo improbable de cousins enchaîne les danses traditionnelles kurdes au son des enceintes de leur voiture. Se tenant par la main ou  le petit doigt, ils décrivent des cercles autour de nous, roulant frénétiquement des épaules au rythme de la musique effrénée et des pas de danse. C’est maintenant notre tour, pour une petite initiation ! Spoiler alert : c’est beaucoup plus complexe que ça en a l’air ! 😅

    Toute la petite troupe nous quitte en annonçant, tout naturellement, que, dorénavant, nous avons une famille sur qui nous pouvons compter ici. Nous nous donnons rendez-vous au même endroit dans un an en riant ! Paul reçoit une chaleureuse poignée de main suivie d’une accolade d’épaule. Quant à moi, avec plus de distance, mais autant de chaleur, les cousins se présentent face à moi, une main sur le cœur et l’autre levée dans ma direction ; nous appelant « sœur » et « frère » en kurde. 💛

    C’est également tout naturellement qu’ils laissent leurs déchets derrière eux, que nous nous empressons de ramasser avant qu’ils ne s’envolent. Notre comportement génère à nouveau le rire, les cousins déclarant que nous, « occidentaux·ales », étions plus « éduqué·e·s » qu’eux.

    Même en pleine nature, impossible de les quitter sans qu’ils proposent de nous offrir ce qu’ils ont ! Dans ce cas présent, ils nous proposent les restes de leur festin (légumes, oignons, grandes galettes de pain, jerricans d’eau...).

    Notre dernière nuit sous le son strident des hurlements de hyènes achevée, nous reprenons la route.

    👉LAC DE VAN

    Barrages militaires, blindés, postes de « jandarma » telles d’immenses forteresses imprenables aux imposants barbelés et aux miradors sont devenus monnaie courante.

    Un changement radical de saison s’opère aux abords du lac de Van ; nous empêchant d’atteindre Nemrut krater dont les voies d’accès se trouvent bloquées par la neige.

    L’immensité du lac nous absorbe. Nous engloutit. Sans moyen de cartographie, j’aurais été persuadée qu’il s’agissait de la mer ! Trompée par son horizon infiniment bleutée. 🌊

    Nous embarquons sur un petit bateau nous menant sur l'île d'Akdamar où se niche une église arménienne parmi une colonie bruyante de mouettes.

    Plus grand lac de Turquie, le lac de Van se situe sur un plateau à 1700 m d'altitude. Ce lac salé encaissé entre de hautes montagnes enneigées, des plateaux et des volcans endormis dessine un paysage enchanteur. Aux côtés des lacs de Sevan et d'Ourmia, ils formaient les « mers d'Arménie » à l'époque du royaume d'Arménie. Aujourd'hui, il s’agit d’un lieu de vacances estivales couru des turc·que·s avec ses nombreuses plages.

    Une minorité de turc·que·s vivent ici, la population étant actuellement majoritairement k*rde et, autrefois, armén*enne. « Van » signifie d’ailleurs « village » en arménien. Un drame atroce s’est joué dans cette région, décimant ce peuple dans le cadre de ce que l’on peut nommer maintenant : le génoc*de armén*en. À l'époque de l'empire ottoman, en 1915, débutent des déportations, famines et massacres de grande ampleur perpétrés envers la population armén*enne vivant en Turquie et en Arménie occidentale. 1 200 000 personnes périrent. Les déplacements et tueries planifiées depuis Constantinople étaient, par la suite, mis en place partout dans le pays. La reconnaissance de cet événement meurtrier historique à travers le monde est encore controversé, la Turquie niant la tenue d'un tel génoc*de organisé par l'état.

    Nous grimpons sur la colline d’où se dressent les vestiges de la forteresse de Van pour admirer la vue plongeante sur le lac, l’immensité urbaine embrumée par la pollution et la vieille ville détruite. Au passage, nous rencontrons deux sœurs belgo-turques ayant remarqué que nous parlions français, en voyage sur les traces de leurs origines.

    Petit coup de folie en cette fin de journée. L’envie de marquer une distance entre nous et le lourd couvercle pollué de la zone urbaine de Van. On entame 11 km de piste sous le soleil couchant ! Les chemins se révélant encore humides de la fine pluie de la veille, ça patine ! Une fois engagé·e·s, dans une course contre la montre avec le soleil, impossible de faire demi-tour. On serre les fesses et on avance ! 🥵😬

    Aux dernières lueurs du jour, nous atteignons enfin le bout. Une péninsule isolée du vacarme du monde. Un havre de paix. Un aimable fermier, un peu surpris par notre arrivée, nous ouvre son portail vers les rives du lac. Nous nous endormons au doux son du clapotis de l’eau.

    Le lendemain, nous retrouvons notre éleveur de la veille, promenant son troupeau de vaches qui, intriguées par Phoeni, l’encerclent rapidement, le sentent et le lèchent tour à tour. Posé à l’ombre d’un arbre en tailleur, le paisible fermier afghan, au merveilleux sourire édenté qui dit plus que des mots, se restaure.

    Le retour à la civilisation se révéla plutôt difficile ; notamment en raison d’un enlisement dans la boue ! Nous avons dû nous y reprendre à plusieurs fois, profitant de la pente pour nous extirper du terrain meuble et retenter l’ascension. Paulo active le mode tout terrain ; nous glissons dangereusement dans les crevasses, mais on garde le cap, et surtout l'élan (!) afin d’éviter de trop perdre le contrôle de la direction ! Le secret : garder un pneu en adhérence sur le bas-côté, en devers. Phoeni est dans un sale état, nous qui voulions un van bi-ton ; c’est chose faite ! La cuve d'eaux grises sous le van s'est même enfoncée entièrement dans la boue. 😱

    Dernier matin auprès du lac de Van. Une nouvelle visite matinale, il s’agit d’un « toc toc militaires » à la porte du van cette fois-ci. Après une vérification de nos papiers d’identité et un petit déjeuner, nous faisons nos adieux à cet endroit incroyable. La neige arrivant à grands pas, il est temps pour nous de quitter les lieux...

    Cela fait plusieurs jours déjà qu’un petit goût de nostalgie alourdit nos palais. Nous avons atteint le point le plus éloigné de notre périple. C’est un fait. Le voyage continue, mais chaque kilomètre nous rapprochera dorénavant un peu plus de notre pays. Une étrange sensation de vertige. 

    Les paysage entre aridité et neige défilent. De vastes étendues peuplées de moutons. Je crois reconnaître les steppes mongoles que je n’ai jamais vues. Ce lac infini représente un merveilleux clap de fin. 💛❤
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