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  • Day 390

    Nostalgie d'une beauté menacée

    April 7 in Albania ⋅ ☀️ 23 °C

    👉De retour sur la Riviera albanaise

    Nous roulons pour la seconde fois du voyage le long de l'unique route sillonnant la côte albanaise. On prend plaisir à y reconnaître une source dans la montagne où l'on a remplit notre jerrican, un point de vue où l'on s'est arrêté•e•s prendre une photo, une plage où l'on s'est baigné•e•s... Tout semble s'être figé depuis notre départ, à la différence près que l'endroit est aujourd'hui désert, ou presque, alors qu'en juin dernier les routes animées voyaient passer des dizaines de voitures de vacancier•ère•s. Les panoramas incroyables nous amènent probablement à la même réflexion qu'il y a quelques mois, cette route côtière sinueuse n'a rien a envier à sa cousine amalfitaine en Italie !

    Arrivé•e•s sur une plage fréquentée lors de notre première venue, nos repères s'effritent, frappés par la marque du changement. Le goudron a remplacé la terre battue. Restaurants et campings sortent de terre. Le sol nu bordant le sable attend patiemment que le gazon vert pousse (comment va-t-il bien échapper au jaunissement sous la fournaise cet été !?).

    Confronter nos souvenirs des premiers instants vécus ici et notre regard qui a évolué depuis 9 mois sur les routes se révèle passionnant. J'avais, par exemple, en tête un chaos que je ne discerne plus. Après ces mois passés au cœur du sud-est de l'Europe et en Turquie, mon curseur de ce qui relève de l'inhabituel semble avoir bougé.

    Difficile de trouver un spot sur cette côte abrupte, entre minces plages encaissées surpeuplées de bâtiments et montagnes ; même hors saison. Une piste nous mène a une décharge à ciel ouvert ! On y trouve des monticules de matériaux de construction : gravats, parpaings, vis... Une fois l'horreur traversée, un cadeau insoupçonné : une vue incroyable sur la mer ionienne, deux îlots se dessinant en fond et, en contrebas, la plage de Dhërmi. Nous y admirons le soleil fondre lentement dans la mer.

    👉Gjipe canyon & beach

    Le lendemain, nous partons randonner. Difficile de dénicher l'accès au sentier grimpant sur les collines du canyon de Gjipe... Nous évoluons au sein d'une jungle de branchages et tentons de nous frayer un chemin à travers les ronces, le maquis, les fleurs, les toiles d'araignées et les abeilles ! Plus loin, nous stoppons net notre élan à la vue d'un énorme cochon sauvage se dirigeant vers nous ! Impressionné•e•s par sa carrure, on ne fait pas les fier•e•s et on lui laisse volontiers la priorité... Au son de nos pas, une dizaine de porcelets filent se cacher dans la végétation, à la file indienne, leurs pattes courtes freinant leur allure de manière amusante.

    La montagne verte ouvre ses portes pour s'offrir à la mer formant un fabuleux canyon. Une plage esseulée établit le lien entre roche et eau, entre continent et mer ionienne. Nous filons nous baigner dans ce cadre incroyable !

    Le chemin du retour se déroule sans encombre. Nous repassons au niveau de ce qui semble être un bar estival où tables et chaises en bois invitent au pique nique avec vue sur la plage. Contrairement à l'aller, un homme et son pick up y sont présents.

    L'homme nous invite à admirer la vue et guette notre extase. Nous apprenons interloqué•e•s que, dans quelques temps, cette vue et ce sentier ne seront plus libres d'accès ! Jany se trouve être le propriétaire des terres reliant Dhërmi et Gjipe beach et souhaite monétiser cet espace, afin d'en faire la vue instagrammable des environs. Pour l'instant, il n'en est qu'aux prémices, il a fait parvenir l'eau jusqu'au sommet, bientôt l'électricité et, plus tard, une route gravillonnée pour les véhicules. Seul•e•s les randonneureuses ne suffiront pas pour le "business", nous explique-t-il. Pour l'heure, il demeure discret dans son entreprise, de peur que les "voleureuses" ne s'emparent de son projet.

    Cet homme est un albanais d'origine greque résidant aux États-Unis depuis les années 90, années de la fin du régime communisme dans son pays. Les voleureuses dont il parle sont les promoteureuses immobilier étranger•e•s possédant dorénavant près de la moitié de Dhërmi, ville où il est né. Celleux même qui ont financé les rénovations des façades blanches de la vieille ville a flanc de colline. Depuis les États-Unis et sur place durant la saison estivale, il pilote l'hôtel et le beach bar qu'il possède ici.

    Personnage étonnant, il finit par nous inviter à dormir sur son domaine "for free" ; mais nous déclinons son offre, préférant un endroit plus nature et moins bétonné.

    👉Dhërmi beach

    De retour sur la plage en contrebas, les pelleteuses et les marteaux piqueur couvrent le bruit des mouettes et des vagues. Les engins saignent la montagne, grapillant ainsi quelques mètres carré de sol pour installer de nouveaux complexes hôteliers et espaces de restauration touristique.

    La nostalgie m'envahit déjà à l'idée de découvrir le devenir de ce pays, joyau naturel brut, dans quelques années. Stationné•e•s devant le frêle panneau "public beach" marquant le dernier quart de la plage encore accessible aux êtres humain•e•s croyant en la notion de nature comme bien commun à protéger, nous filons reprendre la route.

    De retour sur notre spot avec vue, le soleil nous attendant pour un nouveau spectacle, nous profitons d'une douche dehors face à l'infini bleuté.
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