• J4. Pokhara

    October 23 in Nepal ⋅ 🌙 12 °C

    C'est un peu la journée du Grand N'imp aujourd'hui, il est 22h15 et nous finissons juste de nous préparer pour le trek de demain.

    Ce matin, je me lève la tête en vrac : je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Aux quelques moustiques qui ont réussi à passer au travers des fenêtres moustiquaires, on peut rajouter dans le désordre : la chaleur, l'Irish Coffee du repas, les pétards, ou l'infâme karaoké où des touristes alcoolisés vomissent du Britney Spears dans la rue juste en face de notre hôtel, il manquerait plus qu'ils nous chantent le Connemara à 4' du !
    Ce sont finalement les chiens qui auront raison de mon sommeil : un en particulier qui n'a pas cessé d'aboyer sur le même rythme absolument toute la nuit sans s'arrêter. On s'est juré avec Hervé de réveiller tous les clebs qu'on verrait dormir dans les environs, aujourd'hui. On dort pas les uns sans les autres. Vieux proverbe népalais.

    Donc une nuit bien pourrie. Pour Nath, pas mieux. Les 2 autres garçons s'en sortent mieux, même si Olivier dira le contraire.
    Nous avalons rapidement le petit déjeuner de l'hôtel, très oubliable, et prenons un taxi un peu fou fou pour nous conduire à Pumdikot, le sommet d'une des collines qui font face à Pokhara, de l'autre côté du lac Phewa, et sur laquelle trône une imposante statue de Shiva, tout en muscles et regard autoritaire, la peau aussi bleue qu'un Avatar de Cameron.
    On en profite pour avoir une première vue des montagnes environnantes, notamment le Machapuchare, qui culmine à 6900 m et des brouettes, majestueux, titanesque devant la microscopique tour d'observation du poste de Sarangkot, 6000 m en contrebas. 6000 mètres. 6 kilomètres. Étourdissant.

    Il est près de 10h du matin et le soleil cogne déjà bien fort, autour de Shiva, sur notre colline. Les quelques visiteurs visitent, mais on sent bien que beaucoup s'attardent surtout dans les endroits ombragés.
    Un petit Ganesh, le dieu à tête d'éléphant, minuscule devant le Destructeur, semble assis sur un minuscule fauteuil roulant placé sur des rails circulaires et fait lentement le tour de Shiva. C'est d'un goût... particulier.

    L'art religieux bouddhiste et hindouiste m'épatera toujours. Ici un mini-Ganesh sur roulettes, là un taureau (celui de Shiva) qui montre ses baloches à qui veut les toucher pour la bonne fortune, à Bhaktapur des animaux en érection ou qui copulent, gravés avec expertise sur un temple...
    Les représentations des dieux et déesses du panthéon hindouiste relèvent toujours, partout et depuis longtemps tous les défis de la kitsch attitude, et avec brio! Je ne compte plus les nombreux tableaux LED "irradiants" de Bouddha ou Shiva accrochés un peu partout dans les temples en Inde ou au Népal. Plus ça pique les yeux, plus ils dévotent. C'est fou quand même !
    Il faut de la couleur, des yeux de biche asiatique, un visage énigmatique style Joconde (pour Bouddha), des couleurs, encore et toujours, si possible vives et en mouvement, ou du moins en illusion de mouvement, et le tour est joué! Un vrai rêve humide d'ophtalmo, les temples hindouistes !

    Alors attention, lecteur outré, je ne me gausse point. Loin de moi cette idée! Je respecte éminemment ces deux religions, mais mon sens "graphique", dirons-nous, ou artistique, est extrêmement susceptible et froissable par moments. Et je sais que quand je voyage en Asie, il se met automatiquement en boule dès le départ. Parce que vraiment, j'te jure, lecteur, y'a des cours d'art plastique qui se perdent dans les temples, à quelques fuseaux horaires de chez nous!

    Mais je digresse.

    Nous suivons ensuite Hervé avec son compte Strava qui nous dirige dans la pampa népalaise, sur des chemins certes marqués mais qui semblent peu utilisés, vers le sommet de la colline suivante où se dresse cette fois la fameuse Pagode de la Paix Mondiale. Je ne m'étends pas sur la description de ce bâtiment, nous l'avons déjà fait il y a 2 ans et demi, c'est à voir, c'est particulier, c'est joli, mais pas forcément incontournable. Mais ce n'est que mon humble avis.
    D'ailleurs, le temps qu'Olive, Hervé et Nathalie fassent le tour du bâtiment et prennent des photos, je me mets à l'ombre sur l'un des côtés et m'endors presque complètement pendant un cours instant.
    Il commence vraiment à faire chaud, très chaud. Nous remettons les chaussures (car autour du stupa on doit rester pieds déchaussés) et attaquons la dernière partie de cette sortie matinale : la descente de la colline vers la rive du lac.

    D'abord une portion de route, puis nous bifurquons sur un chemin constitué de marches de pierres et nous descendons le long de cette colline, sous les arbres frais, au son de-- punaise mais c'est quoi, depuis tout à l'heure, cette alarme stridente qui résonne partout dans la campagne? D'abord, on a cru à un moteur, une pompe à eau qu'un paysan utiliserait pour vider une citerne, un puits?
    Puis en suivant la ligne sinueuse de pierres, nous passons près d'un pylône électrique et ici le bruit est encore plus fort et strident. Nul doute qu'il s'agit du courant électrique qui passe dans le câble au-dessus de nos têtes, mais c'est quand même étrange car un tel bruit ne peut pas être créé par un courant électrique passant dans ce cable, trop fin.
    Nan. Pas de l'électricité...
    D'ailleurs, il y a de petits à-coups qui, malgré un rythme plutôt régulier, nous font penser qu'il ne s'agit peut-être pas d'un mécanisme.
    Une bestiole ? Mais non.
    Mais si, on dirait bien !

    On ne la verra jamais, mais au bruit, on dirait qu'il s'agissait d'une cigale, mais alors d'une GROSSE cigale, une cigale-mammouth on pourrait dire.
    Une cigalmouth, en quelques sortes.
    Hallucinantes, ces... quoi? Stridulations? Grincements? On se tord dans tous les sens autour de l'arbre d'où viennent ces bruits, mais rien n'y fait, on ne voit rien.
    Il s'avère que tout au long du parcours, en plus des quelques singes que nous observons de loin, nous allons entendre ces bruits tantôt aigus, tantôt plus graves, mais tout le temps extrêmement forts comme s'ils provenaient d'animaux surdimensionnés. Nous sommes peut-être sur l'île de docteur Moreau...

    Nous arrivons finalement au bas de la colline, au niveau de la petite cahutte de location de barques qui vont nous permettre de retraverser le lac vers la ville.
    Un moment paisible, calme et rafraîchissant.
    On débarque une petite vingtaine de minutes plus tard de l'autre côté, et nous avons toute la longueur du front de lac à parcourir pour retrouver notre chambre d'hôtel.
    Mais avant ça, les estomacs crient famine, car nous avons parcouru un peu plus de 6 km ce matin et le petit déj était plutôt light. Je regarde machinalement mon téléphone : Parbleu il est 14h45 !
    C'est donc pour ça que nous avions si faim !
    On se dirige vers le restaurant que je leur ai survendu depuis 2 ans dans lequel nous avions mangé, lors du dernier voyage, les meilleurs pancakes chocolat-banane du monde de l'éternité de l'univers.

    Fermé.

    Put*, soufflé-je, ému aux larmes. J'en rêvais tant. Je décoche un grand coup de pied dans un chien qui passe par là, il va prendre pour tous les autres, et même les suivants, et nous nous résolvons à pénétrer sur la terrasse d'un boui-boui infâme non loin, alors que nous réalisons que quasiment tous les restaurants de cette zone sont fermés à cause de cette fête des lumières népalaise, Tihar, dont c'est l'apogée aujourd'hui, avec la célébration des frères et des soeurs.
    On s'asseoit, on regarde la nappe, les cartes de menu, tout est collant, sale et taché.
    On se relève et on s'en va.
    On finira dans un restaurant bio qui fait ses propres produits et nous mangerons assez, et assez bien, pour décider que vu l'heure, et vu ce qu'on s'enfonce depuis samedi dernier sans aucune retenue ni aucune objection (ou quelques-unes plutôt molles de nos bonnes consciences) ce sera le dernier repas de la journée.
    Bon bien sûr, Olive repartira ce soir acheter des bananes.
    Bon bien sûr, j'en mangerai une aussi.
    Je suis persuadé que là-haut dans leur chambre de rooftop, les deux Porchérois auront taquiné le paquet de biscuits épeautre - romarin - foie de morue qu'ils essayent de nous refourguer depuis le départ du voyage. Mais cela ne nous regarde pas.

    À moitié inconscients de félicité à la sortie du restaurant, la tripe bien pleine, nous empêchons Olivier de retourner à la chambre pour aller faire une sieste qui serait meurtrière pour la fin de la journée.
    Nous repartons plutôt à l'autre bout du lac faire un peu de shopping, notamment dans un magasin de bols chantants, qu'Olivier veut acheter pour son frère. Comme c'est un cadeau, et comme son frère peut potentiellement lire ce compte-rendu, nous ne dévoilerons aucun prix, mais sache, lecteur curieux, que Loulou a réussi à acheter son bol pour presque la moitié de ce qu'on voulait lui vendre au début.
    Alors, oui, j'ai un peu aidé. J'ai essayé autant que possible de tirer une larme au vendeur inflexible, en lui racontant qu'Olivier voulait faire plaisir à sa petite sœur qui aimerait venir au Népal mais qui n'en avait pas les moyens, et ce bol ÉTAIT le Népal pour elle. (Vibration de menton, déglutition difficile). Il fallait absolument qu'il l'achétasse. (Soupir).
    Il me regarde un instant, je le regarde, il me regarde, les yeux fixes, les lèvres serrées, puis lâche un "ouech frère, tu m'as éclaté au sol avec ta reuss!" et balance sa main en geste d'abandon pour signaler la fin du combat.
    Il est à terre. Victoire par KO émotionnel.
    Et Loulou a son bol.

    Quelques centaines de roupies plus tard dans d'autres échoppes, nous finissons par arriver à l'hôtel et c'est encore de finances que nous allons discuter.
    Il faut maintenant payer le reste du trek avant le départ demain matin. Après moults calculs et moultes conversations en anglais, en français, en roupies, en euros et même en dollars, nous réglons notre dû et remontons en chambre, chacun pour préparer ses sacs pour demain. Car c'est demain le grand départ : ze trek.

    Ah oui, et aussi : non, rassure-toi lecteur inquiet, je n'ai donné de coup de pied à aucun chien, aujourd'hui.
    C'était une boutade.
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