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- Kongsi
- Hari 9
- Ahad, 26 Oktober 2025 10:03 PTG
- 🌙 12 °C
- Altitud: 1,715 m
NepalChhomrong28°24’35” N 83°49’27” E
J7. Jhinu Danda
26 Oktober, Nepal ⋅ 🌙 12 °C
Tous les matins, c'est le même rituel : je me connecte à mon appli bancaire et je vérifie si les 4 vols que nous avons achetés en catastrophe samedi dernier ont été débités de mon compte ou pas. Lorsque nous avons voulu les annuler le soir même en gare de Montparnasse, l'agent au téléphone m'avait bien assuré qu'il l'avait fait et que le débit ne serait pas validé. Techniquement, il avait "invalidé" les billets. Et depuis une semaine, le montant restait grisé, en attente de débit, mais toujours visible. Comme un couperet prêt à tomber à tout moment.
Et ce matin, victoire ! Le montant a disparu ! Soulagés, nous sommes !
Ça tombe bien, nous avons encore un petit déjeuner royal. Non seulement nous sommes assis à une table face aux montagnes ensoleillées, l'Annapurna Sud et le Himchuli nous observent...
Dans nos assiettes, encore un "heavy breakfast". Avec une modification, cette fois : nous avons échangé le thé simple par un thé masala, évidemment. Dans cet établissement, les pains tibétains sont encore meilleurs que ceux du précédent, c'est un délice. Et nous avons également une vraie tranche de fromage de yak. Bref, la journée commence sous les meilleurs hospices.
Comme nous ne partons que vers 9h30-10h, Olive et moi prenons les appareils photos et remontons dans le village en essayant de faire deux équipes, comme d'habitude, lui d'un côté et moi de l'autre. Cela nous évite d'avoir les mêmes photos à chaque fois. Mais ici il n'y a pas pléthore de chemins, c'est le moins qu'on puisse dire : un seul escalier qui monte au sommet du village ou en tout cas vers la partie haute et donc nous nous suivons plus ou moins pendant une demi-heure avant de redescendre gentiment vers notre lodge ou le guide, le porteur, Hervé et Nath nous attendent.
"Ah, ça y est, les frères Kodak sont là!", analyse froidement Hervé.
Oui, oui, c'est vrai, Olivier est arrivé avant moi, moi juste après, nous sommes TRÈS légèrement en retard, c'est tellement imperceptible que personne d'autre ne s'en était rendu compte avant qu'il n'en parle. C'est juste dégueulasse de faire ça. C'est pas grave, son karma se chargera de rectifier la situation dans quelques heures lorsqu'il fera une glissade sans bobo sur une pierre humide. Son gros sac à dos amortira une partie du choc. Il ne devait pas vraiment penser ce qu'il disait.
Au programme aujourd'hui : descente dans la vallée avant de remonter sur le versant opposé pour rejoindre le petit village de Jhinu Danda. Environ 3 heures de marche programmée. Puis dans l'après-midi, nous allons tremper nos fesses musclées dans des sources d'eau chaude non loin du lodge.
Le trek de ce matin restera parmi les plus marquants pour moi. Déjà au départ, l'Annapurna est magnifique, baigné de soleil. Les montagnes au-devant semblent avoir poussé de part et d'autre formant ainsi un écrin en avant-plan.
Puis nous descendons vers la rivière et la longeons, entre route forestière et chemin sinueux. Les cigalemouths stridulent ou plutôt s'électrisent, les oiseaux crient et piaillent, la forêt est vivante et nous le fait savoir.
Sur notre gauche, un torrent aux eaux turquoise coule avec fracas en contrebas, charriant dans son lit des éboulis de pierres ocres. Nous sommes pris entre deux univers sonores d'une intensité folle qui nous pressent de part et d'autre toujours plus en avant.
Nous passons plusieurs ponts métalliques plus ou moins longs qui enjambent cette rivière, certains construits à côté de ceux qu'ils remplacent, en bois vermoulu et qui ressemblent plus à ce qu'on s'attendrait à voir dans un Indiana Jones. Aucun souci de sécurité ici, la traversée est safe et sympa.
Et nous voilà finalement de l'autre côté pour de bon à recommencer à grimper en suivant un chemin étroit et escarpé qui serpente lentement en haut d'une colline. Là, se trouve de nouveau un restaurant étape pour les trekkers. Nous sommes à New Bridge. Un "nouveau pont" se trouve effectivement sur cette zone mais nous n'y sommes pas encore passés.
Pour l'heure nous posons les sacs à la terrasse et nous asseyons pour profiter du moment. Comme partout ailleurs, les bâtiments sont peints de couleur vive, souvent bleu ciel, jaune ou rouge.
À toi de travailler maintenant, lecteur un peu trop passif : imagine la scène.
En arrière-plan, le ciel bleu. Pur. Puis le sommet de l'Annapurna, blanc immaculé. Un nuage s'attarde devant. Baisse un peu les yeux, juste un peu, devant le Titan, des montagnes de moindre hauteur, et devant elles, deux versants opposés, dégradé marron-vert, se rejoignent au centre de la scène, encadrant ce spectacle.
Au premier plan, la terrasse du resto, un chien endormi sur le sol, au soleil.
Sur la droite, une corde à linge est tendue le long d'un muret, sur laquelle sèchent des vêtements rouges. Le rouge est la couleur emblématique du Népal, aussi beaucoup de gens le portent sur leurs vêtements. Sous le linge, un buisson de soucis ou d'oeillets d'Inde, orange.
Et nous, nous sommes assis à une table de salon de jardin, en train de siroter notre masala tea.
Voilà, cher lecteur, tu viens de te retrouver au Népal avec nous. Si tu veux te rendre compte du travail d'imagination que tu viens de faire, va voir les photos qui accompagnent cette publication, tu en trouveras deux qui correspondent.
Je n'arrive pas à me l'expliquer, mais ce moment précis me procure soudain une émotion vive, palpable, qui m'étreint. Je voudrais pouvoir figer cet instant, cet instant où tout semble parfait : en voyage entre amis, une vue inoubliable, il fait beau, tout va bien. Un petit moment de bonheur.
Les thés engloutis, nous reprenons le chemin. Encore un pont suspendu, puis une partie à découvert, et nous poursuivons notre ascension vers Jhinu Danda.
Il est près de 13h.
Notre chemin fait un virage et soudain, il nous apparaît : le fameux "new bridge", ce nouveau pont qui enjambe la vallée et survole le mince filet d'eau vive qui sert de rivière, à une hauteur folle. Sa longueur aussi est folle : 287 mètres d'un bout à l'autre. Les deux combinées me font arrêter ma progression et rester bouche bée. Punaise ! Quel pont !
Olive est derrière, il ne l'a pas encore vu. Et c'est à ce moment que tout bascule : je comprends que tout ce que nous vivons depuis près d'une semaine n'est pas réel. Nous sommes en fait dans un caisson high-tech, des aiguilles dans les bras et des électrodes sur la tête, et nous évoluons juste dans un monde digital que nous avons composé à notre gré. Nous avons payé une société pour nous concevoir un voyage de groupe virtuel.
Et pour nous satisfaire, pour nous injecter toujours plus de dopamine dans le système, la Matrice nous envoie à ce moment précis une caravane d'ânes chargés de gros sacs qui marchent lentement à la queue leu leu sur ce pont suspendu. Des hommes tout aussi chargés les précèdent et les suivent en avançant péniblement sous le poids de leurs ballots qu'ils transportent à la force du cou.
C'en est trop. Ce n'est juste pas possible! Déjà, plus tôt, à l'arrêt intermédiaire, cette charge émotionnelle subitement ingérable aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Nous n'étions pas dans le monde réel.
Dans le monde réel, il aurait plu. Je me serais déjà re-tordu la cheville, ou l'un de nous aurait déjà subi les affres de la tourista. Où nous ne serions finalement jamais allés plus loin que la gare Montparnasse.
Je suis Néo. Je sais tout.
Olive arrive pile-poil à ce moment, je l'interpelle et lui dis de regarder droit devant lui. Ses yeux s'agrandissent instantanément et sa mâchoire se décroche. "oh putain, c'est pas possible ! C'est un film ! Ils viennent juste d'envoyer les ânes !"
C'est ça, on est connectés, c'est à peine croyable. Tous les engrenages se mettent en marche pour nous offrir le plus beau des spectacles. Les techniciens sont cachés derrière chaque arbre, chaque bâtiment, et gèrent absolument tout : lumière, température, émotions, évènements... Nous ne sommes pas dans la Matrice, mais dans Truman Show!
C'est fou, mais c'est top ! Après une bonne centaine de photos, nous parvenons au pied du pont et retrouvons le groupe. La traversée prend quelques minutes, je profite de chaque pas. Je ne peux néanmoins m'attarder trop car je suis suivi par un homme tirant son âne qui me fait gentiment signe d'avancer car on ne pourra pas se doubler.
Puis c'est l'arrivée à Jhinu Danda après une ultime et interminable volée de marches pentues. On croise au passage un homme qui court en sens inverse derrière son âne en liberté, au galop.
Le lodge de ce soir semble très occupé : une trentaine de jeunes trekkers népalais sont là à déjeuner. Nous nous asseyons à une table un peu à l'écart, le temps de commander notre repas.
Je fais un break sur les repas népalais car ici la carte ne me plaît qu'à moitié. Va pour une pizza, tiens ! Mes compagnons de voyage choisissent leurs plats, et Olivier décide de prendre un dessert : un rice pudding, c'est-à-dire un riz au lait. Parce que, tu comprends, lecteur interloqué, il a "la sagesse de préférer prendre un dessert le midi plutôt que le soir, ce qui serait plus lourd à digérer". C'est évident !
Nous célébrons chaque jour de ce voyage en accord avec notre statut de voyageurs (et notre tranche d'âge, aussi) : la nourriture prend une énorme place, et nous voulons tout tester et tout goûter.
Personnellement, je me gave. Je suis d'une faiblesse à toute épreuve, surtout face à la nourriture asiatique. Je suis inflexible : écoute-moi te promettre qu'au prochain repas je mangerai plus light parce que ça fait une semaine que je mange trop. Tu verras qu'au prochain repas, j'aurais toujours une bonne raison de ne tenir aucune de mes promesses et je finirai avec une assiette de beignets de banane. Des petits beignets dorés qui ressemblent à s'y méprendre à de petits poussins rôtis, comme ceux de ce soir. Frais préparés, ils croustillent sous la dent et libère une onctueuse banane cuite. Une folie, ce plat!
Et voilà, je parle de bouffe et je digresse.
Nous sommes en fait un peu jaloux de Nathalie et Hervé qui sont la droiture même, en termes de nourriture. Le soir, pour eux, c'est une soupe ou un ramen, deux morceaux de pommes accompagnés de quelques grains de grenade et hop! au lit. Ils doivent quand même bien avoir des défauts ces gens-là ! C'est pénible à la longue.
Mais nous avons une parade : nous commandons des desserts, et poussons délicatement l'assiette au centre de la table en leur proposant gentiment de nous aider à terminer. Par charité plus que par gourmandise j'imagine, ils acceptent et piochent dans notre diabolique nourriture. Ce qui doit renforcer leur détermination pour le repas suivant, et du coup nous faire culpabiliser davantage. Nous sommes dans un cercle vicieux qu'il faut rompre.
Bon, le 3 novembre, tu ne seras pas avec moi, lecteur incrédule, mais je peux te promettre qu'en face du mot droiture dans le dictionnaire, il n'y aura plus la photo des Vergnaud/Saudou, mais la mienne !
Quoi qu'il en soit, Olivier ne peut pas m'aider : ce soir, malgré sa détermination, il s'est commandé un apple pie (comme hier soir, d'ailleurs). Ou plutôt, comme dirait Hervé, il s'est "enfoncé" un apple pie. La class même, cette expression!
Par contre, moi, j'arrête les beignets de banane. Plus, ça serait trop.
Nous sortons de table vers 14h30, prenons les maillots, les serviettes dans de petits sacs et repartons en marche vers les sources chaudes pour cette fin d'après-midi. Nous ne faisons que descendre un long escalier, ce qui nous laisse craindre que le retour sera bien plus laborieux.
Après avoir payé notre dû de 200 roupies par personne, nous attaquons la descente vers le lit de la rivière à côté de laquelle deux bassins carrés accueillent déjà une dizaine de personnes dans une eau frôlant les 40 degrés. On se change rapidement, qui dans une cabine, qui dehors derrière un muret de pierres, et plouf ! tous dans l'eau pour une grosse heure. Détente totale. Nous discutons avec le groupe de Français retraités qui font un trek de 20 jours et que nous avions déjà croisés en descendant de la pagode à Pokhara.
Les gens vont et viennent, touristes comme Népalais, les eaux chaudes naturelles de Jhinu Danda offrent un agréable moment de répit à tous.
La remontée n'est pas aussi difficile que nous le craignions. Il est presque 18h. Bala le guide nous interpelle, nous demande de faire notre choix pour le repas de ce soir, qui sera servi à 19h pétantes.
Pour moi, ce sera un ramen. Enfin quelque chose de plus léger. Mais mon cerveau n'a pas dit son dernier mot : il me sussure inlassablement que si le ramen ressemble à celui de Nathalie hier, cela ne sera pas assez. Pour faire bonne mesure, je commande donc un plat de beignets de banane. Et Olivier son apple pie.
Non, lecteur sévère, ne nous juge pas. C'est un combat de chaque instant que nous perdons systématiquement. C'est dur à vivre, mais nous nous battons !
Avant de repartir à la chambre je regarde machinalement la pendule de la salle. 19h50. Nath s'enfonce les ongles dans la peau pour ne pas repartir en crise, et je fais de même. C'est tôt, là, quand même ! Mais au moins cela me donne le temps de rédiger ce compte rendu sans me coucher trop tard.
Olive fait remplir sa bouteille plastique d'eau filtrée, car ici nous ne pouvons pas acheter de bouteilles. Pour limiter le problème de la pollution plastique, les établissements alentours ne fournissent plus de bouteilles d'eau mais offrent simplement de remplir nos propres contenants. Un bon début.
Demain, départ à 8h car nous allons marcher à découvert et le soleil va rapidement chauffer. Bala préfère que nous arrivions tôt à Gandruk, que l'on pourra visiter l'après-midi.
Il est 21h25.
Bonne fin de journée à toi, lecteur assidu.Baca lagi


























PengembaraJ'aime la référence à Matrix. C'est trop parfait, ce que vous voyez, entendez, vivez.... mangez.... Un petit boulot en plus... Un tout petit film pour entendre les animaux et les bruits environnants. ..😉
Olivier RocheBonjour Evelyne, c'est prévu ! 😁
Je reconnais la votre discipline 😅 [Ld]