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  • Day 145

    J145, km 2’996, Invercargill

    March 8, 2023 in New Zealand ⋅ ⛅ 25 °C

    Nous serons partis de Te Anau en navette, afin de rejoindre le trail là où on l’avait laissé. La première journée sera marquée par de petites montagnes couvertes d’une alternance de jolies forêts, de marais et de champs de tussock, des herbes drues hautes (jusqu’à 1.8 m) en gerbes dans lesquelles on perdra le chemin à plusieurs reprises. Ces herbes seront souvent accompagnées de gorse (plantes à épines) et autre végétation basse de bush. Marc y déchirera son short, le forçant à une soirée couture. Ceci étant dit, les paysages étaient très beaux et à nouveau sauvages.
    Au milieu de nulle part, en lisière de forêt, on arrivera par surprise à 4 m d’un immense taureau esseulé se tenant immobile entre les arbres. On reculera et on le contournera au mieux. Heureusement, il restera impassible et nous laissera tranquilles. Plus de peur que de mal… À la cabane où, faut-il encore le préciser, on dormira sous tente, on se retrouvera avec 8 autres TA hikers, dont un couple très sympathique franco-suisse de Dietikon ayant étudié à l’EPFL et ayant déjà fait le PCT, avec qui on échangera nos impressions de la Nouvelle-Zélande et du trail.

    Après une nuit fraîche, on marchera une journée presque entière dans une belle forêt un peu accidentée. On gravira un petit sommet duquel on distinguera avec un peu d’imagination, entre les nuages, l’océan! En descendant au camp de Telford, on ressortira nos imperméables, ça faisait longtemps! C’est ensuite sous la pluie, et malgré celle-ci attaqués par des sandflies en même temps, qu’on montera notre tente. En cas de pluie, de sandflies, ou comme ici des deux en même temps, notre stratégie est simple et rodée: on monte la tente, on y balance nos sacs et nos corps mouillés, on se sèche et on enfile nos habits secs pour éviter le froid.
    J’aurai été ce matin assez fatigué, alors que le rhume de Marc peine à passer. C’est donc en petite forme qu’on a passé cette journée. Peut-être que le corps et l’esprit sentent la fin approcher!

    Le lendemain matin nous nous réveillons au sec, mais dans une ambiance plutôt froide. Dans ces conditions, enfiler nos shorts et t-shirt encore mouillés n’est pas l’étape la plus réjouissante. Tout comme commencer la journée par marcher dans des herbes hautes et détrempées. Mais c’est de bonne humeur, et avec Marc enfin soigné, qu’on attaque cette journée que l’on passera entièrement à traverser…la plus grande exploitation fermière de Nouvelle-Zélande, rien que ça: plus de 12’500 hectares (la surface de toute la commune de Val-de-Ruz) et 107’000 moutons et bœufs Angus….! Des panneaux ça et là nous avertissent que sortir du trail dans le reste du domaine est illégal et peut être puni d’une amende de 1’000 $ ou d’une peine de prison. On traversera ainsi, en suivant strictement le trail, passablement de vastes pâturages. Dans un de ceux-ci se trouve un taureau, qui restera heureusement assez distant.
    En fin de journée on arrive à une étape obligatoire - puisqu’aucun arrêt ou campement n’est permis ~30 km avant ou après - Birchwood station. Ici, une famille de paysans a mis à disposition pour une somme modique une petite baraque avec des lits et…une douche chaude! Étant arrivés sous la pluie qui a repris en fin de journée, on est plutôt heureux de cette surprise! Cerise sur le gâteau, le pub local organise une navette qui vient nous chercher et nous ramener, le rêve dun hiker! C’est ainsi qu’on se retrouve un samedi soir à Wairio, petit village rural, dans l’unique restaurant de la zone. Celui-ci, plein, accueille un concert de reprises de chansons version country. On pourrait se croire dans un « diner » perdu dans le mid-ouest américain. On y est accueillis par de grands sourires, qui ne sont que plus tendres avec quelques dents manquantes.

    Au petit matin suivant, on partira par temps froid (~3 degrés) dans une brume magique mais glaciale, à marcher dans de hautes herbes à épines détrempées par la rosée, tout en plongeant nos pieds dans des dépressions pleines d’eau. Autant dire qu’on était gelés jusqu’aux os. Puis, littéralement 30 minutes plus tard, alors que le soleil émergeait derrière les nuages, que l’on sortait de la brume et qu’on s’attaquait à une montée raide - dont seuls les kiwis ont le secret - on se mit à transpirer alors qu’on n’était plus qu’en t-shirt. Contraste contraste…!
    La journée passera vite, à marcher dans des décors qui seraient typiques de l’île du Nord: forêt, chemins ruraux puis bord de route. On en aura profité pour discuter avec Élise et Severin, nos compères franco-suisses. Comme ils ont déjà parcouru le PCT en 2017, le retour d’impressions et la comparaison TA - PCT était vraiment intéressante à entendre. On se réjouit d’en discuter avec toi Guillaume!
    Fin de journée à Merrivale où, à nouveau, un paysan a mis à disposition pour quelques dollars une petite cabane et un petit champ pour camper.

    Après une nuit passée dans le beuglement des vaches alentours et de camions passant sur une route proche, on se lèvera tôt pour entamer une journée éreintante. C’est donc, encore une fois, dans le froid matinal et de nuit qu’on commence de marcher. Après quelques chemins de transition on entrera dans Longwood, une longue forêt sur des collines qui doit nous mener jusqu’à l’océan. La réputation de celle-ci la précède et on ne sera pas déçus: des kilomètres de sentier boueux à souhait, où on s’enfoncera souvent jusqu’aux genoux. On rira bien notamment avec Jennie, Élise et Severin, avec qui on parcourt cette section. En atteignant le sommet de Bald Hill l’émotion montera, s’agissant de la première fois que l’on verra clairement au loin l’océan, et surtout la colline de Bluff, notre but final.
    Arrivés à la petite cabane de Martin’s Hut, où les seuls 4 lits sont pris par une famille entière, on plantera nos tentes avec nos comparses moyennant un peu d’imagination pour trouver des emplacements vaguement plats. On crapahutera encore quelques dizaines de mètres dans la forêt dense pour atteindre un ruisseau où on enlèvera au mieux les couches de boue sèche couvrant nos jambes et nos chaussures. La technique retenue pour décaper nos jambes : utiliser nos chaussettes sales et rugueuses comme éponge…

    Après une nuit passée pas vraiment à l’horizontal, mais sans trop glisser au fond de notre tente grâce au calage d’habits sous nos matelas, on se réveillera enfin par des températures moins froides (~6 degrés). Dès le matin je constaterai ce que je soupçonnais le jour précédent, j’ai attrapé la bronchite de Marc (qui va mieux). Les 30 km de la journée seront donc pénibles pour moi. Heureusement, de beaux moments forts viendront éclaircir notre horizon: nous sortirons de la forêt tortueuse et boueuse de Longwood pour rejoindre la côte océanique, où nous retrouverons une plage de galets et de belles petites falaises. On quittera ainsi définitivement, à deux jours de la fin, la partie sauvage du Te Araroa. Autre point fort, nous verrons à nouveau à l’horizon, cette fois-ci encore plus proche, Bluff, notre destination.
    Nous passons la nuit au Holiday Park de Riverton où une douche bienvenue nous réchauffe et nous débarrasse de la boue.

    Notre longue avant-dernière journée (39 km) nous fera d’abord marcher sur une plage de sable de 23 km, qui sera un joli clin d’œil à nos premiers pas sur le Te Araroa le long de la 90 Miles Beach. Ma bronchite m’obligera à prendre un Dafalgan pour ne pas m’écrouler, mais l’émotion restera dominante. Nous traverserons ensuite la banlieue d’Invercargill puis longerons sa baie avant d’atteindre un Holiday Park où, à nouveau, une cabine nous permet de bien nous reposer.
    A ce stade, et au-delà de nos refroidissements, tout le monde commence à avoir « le corps qui lache ». Le mental sait que notre but est à bout touchant, et diverses douleurs viennent nous rappeler qu’il n’est pas anodin de marcher autant durant près de 5 mois.
    Plus qu’un jour pour atteindre Bluff, nos émotions sont à leur comble. Les larmes ne sont jamais très loin non plus. Encore un jour pour profiter. Mille pensées traversent nos esprits.

    Voici les étapes réalisées depuis Te Anau :
    - km 2’828 Aparima Hut
    - km 2’848 Telford Campsite
    - km 2’875 Birchwood station
    - km 2’902 Merrivale (Merriview Hut)
    - km 2’930 Martin’s Hut
    - km 2’959 Riverton
    - km 2’996 Invercargill
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