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  • Day 332

    Barbotages, rencontres & troglodytes

    February 9 in Turkey ⋅ ⛅ 11 °C

    La vallée d’Ihlara

    Trois jours dans l’eau chaude. Trois jours à barboter. Au réveil, après les repas, à l’apéro, avant de se coucher ; au cœur de notre petite baignoire naturelle creusée dans la roche (si bien que nous n’avons pas pensé à prendre la moindre photo de ce petit lieu secret que nous garderons dans le creux de notre mémoire, comme un doux souvenir, une petite capsule temporelle). 🧡

    Les quatre compères à quatre roues posés dans un décor sur fond de mont Hasan enneigé, Chloé & moi entamons une vaste opération nettoyage du spot ! Ce petit paradis est aussi le lieu où s’amoncellent des tonnes de déchets... Nous faisons disparaître avec satisfaction une couche, une autre se dévoile aussitôt. Bouteilles plastiques, bières en verre, canettes, paquets de chips, caleçons, vêtements d’enfants ; on s’étonne à chaque minute de nos tristes trouvailles ! Après le dur labeur, c’est l’heure de s’immerger dans l’eau chaude. Dans notre bain, sous la voûte étoilée, on échange, on cherche la grande ourse et on rit. La police passe et contrôle quelques papiers, puis, détendu·e·s, le sommeil gagne toute la petite troupe.

    Éloge de la lenteur en cette matinée de nettoyage des vans et pauses café/thé collectives. Nous prenons nos aises, installons tranquillement notre campement de fortune ; l’occasion de provoquer deux belles rencontres. La première s’appelle Jillian. Une américaine de 35 ans voyageant en stop et coach surfing à travers le pays. La deuxième est celle d’un vieil homme turc aux chaussures rapiécées, masque dissimulant sa bouche et sac de toile de jute sur le dos. Adorable, il s'inquiète de notre confort et nous prévient du froid annoncé la nuit prochaine. Il nous indique également la présence du « hammam » naturel en contrebas, tout en ramassant de grandes herbes séchées par le soleil sur la colline. Nous le reverrons quelques heures plus tard, le souffle court, mais le dos vaillant supportant un large fagot bien fourni sur le dos. Après un bel après-midi vélo pour certain·e·s, écriture ou création de décorations et bracelets pour d’autres, nous nous attelons à trouver du bois pour réchauffer les corps.

    Jillian refait une joyeuse apparition autour de ce feu de camp improvisé. Une délicieuse odeur commence à envahir nos narines tandis que les naans cuisent sur les braises. Nous partageons notre repas avec cette texane ayant quitté sa terra natale il y a quelques semaines déjà. Son aller simple en poche, elle a parcouru le Maroc, l’Islande, et maintenant la Turquie ; pour une durée indéterminée. Son sac à dos comme seule maison, elle hèle les voitures de passage et occupe lits vacants et canapés convertibles chez les personnes croisant sa route. Elle nous livre ne devoir attendre que 5 minutes avant qu’une voiture ne s’arrête pour lui proposer de monter, tant les turc·que·s sont accueillant·e·s ! Notre organisation presque religieuse de préparation du repas à base de pain au feu de bois, en bon·ne·s français·e·s, l’impressionne et provoque son rire. Dans la nuit noire percent les flammes de notre feu et fusent nos discussions autour du voyage, de nos différentes cultures et de la politique de nos pays.

    Le lendemain, nous partons explorer le canyon à pied, à la découverte des habitats troglodytiques dont il recèle. Les gorges majestueuses s’étalent sur 15 km et peuvent atteindre jusqu'à 150 m de profondeur ! En cherchant notre chemin, nous apercevons le vieil homme d'hier, effectuant le même trajet, fagot sur le dos. Nous partons sur ses traces sous un soleil de plomb. Un chien errant, un brin gauche, mais très attachant (nous l’avons prénommé Arturo) nous adopte rapidement et s’improvise guide au sein de ce paysage désertique et aride.

    La roche friable nous entoure et forme des cheminées de fées sortant de terre, s’élançant vers le ciel et parsemant la vallée. Des centaines d’habitations ont été taillées dans la roche des falaises à partir du 7è siècle par des moines byzantins y ayant élu domicile. Ils y ont creusé leurs maisons et leurs églises à même la pierre de tuf déposée par les éruptions du mont Hasan. On s’y glisse, s’y hisse, et découvrons meules, âtres pour cuisiner et murs noircis par la fumée, tunnels menant aux différentes pièces de la maison, colonnes et autels, étables... Apprenti·e·s explorateurices, nous prenons plaisir à escalader, éclairé·e·s par le halo de la lampe frontale, dans les dédales de tunnels poussiéreux ; sur les traces de cette civilisation enfouie.

    La mince rivière vive parcourant le canyon nous conduit jusqu’à un troupeau mixte de chèvres & moutons. À quelques mètres de l’eau, dans l’herbe sèche du canyon, un chevreau tout juste né tente de faire ses premiers pas. 💛
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