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  • Day 40

    Traversée Cal Vert - #1

    December 9, 2023 in Cape Verde ⋅ 🌙 25 °C

    Après une nuit au mouillage (pas top mais on a fait du mieux qu'on pouvait avec la côte, les vagues et le vent), on est parti pour le Cap Vert. La prévision des prochains jours semble top, un vent assez stable, nous portant tranquillement dans la direction du Cap Vert. Aujourd'hui Damona bombarde à 6,9 noeuds de moyenne, la pointe de vitesse si on le maintient sur 24h. À cette vitesse, on mettra 4-5j pour arriver, on sait bien qu'il faut pas réfléchir comme ça mais c'est toujours agréable de voir son bateau filer sans trop de contraintes.

    Au moment où j'écris, il fait nuit noire sur le bateau, aucune Lune et des nuages, on ne voit pratiquement rien et le peu de lumiere qui s'échappe de l'intérieur du bateau empeche nos yeux de s'habituer à l'obscurité. C'est assez angoissant commte tenu de la gite importante du bateau dû aux grosses vagues qui nous poussent vers le cap vert. Heureusement qu'on les prends par l'arrière, ça aurait été un enfer de travers. Aujourd'hui c'était encore journée torse nu, pas mal pour un 2 décembre. On a fini l'aprèm en mixant tous les uns après les autres avec l'enceinte callée entre le pont et l'intérieur, c'était super.

    Pendant mon quart, il y a très vite eu l'un des plus beaux ciels de ma vie. Parce que pas de lune et très peu de nuage, les etoiles brillaient d'un éclat que je leur connaissaient assez peu. Armé d'une petite application qui permet de cartographier le ciel en temps réel, j'ai pu reconnaitre et nommer toutes ces constellations d'hiver. Toutes ces étoiles m'étaient inconnues, les plus beaux ciels que j'ai vu sont ceux de Crouzit l'été en Auvergne ou bien ceux de Carantec, l'été aussi.
    J'ai donc mis un dessin sur Persée, Andromède, Taureau, les Gémeaux avec les célèbres Castor et Pollux, ainsi qu'Orion, que Raphaël m'avait montré un jour mais que je n'avais jamais su retrouver.

    Le quart se passe doucement, la mer est énorme, mais aucune vague ne casse, on s'en rend bien compte lorsque la Lune se pointe et diffuse son eclat sur ces masses d'eau. J'ai de grosses discussions sur l'éducation avec Elsa et sur les partis politiques avec Paulo. Je vais me coucher tout fatigué mais ça sera très dur de trouver le sommeil, le bateau gite énormément et je n'arrive pas à mettre la main sur mes boules quies. Une nuit avec peu de sommeil, on s'habitue à tout.

    03-12
    Aujourd'hui le bateau avance bien moins rapidement, le vent s'est tarit. En voulant enlever le ris pour gagner en vitesse les copains coincent la drisse de GV en tête de mât, ça me préoccupe pas mal puisque j'y suis monté y'a deux trois jours pour vérifier les fameux réas. J'ai du mal à imaginer que la graisse blanche que j'ai appliqué puisse être la cause du blocage de drisse, mais ça fait chier, on ne peut pas pour le moment modifier la voilure de la GV. Un problème à régler à l'arrivée.

    Grand soleil aujourd'hui encore, bouquinade sur le pont toute la journée, j'attaque "La vie mode d'emploi" de Perec avec une attention toute particulière sachant l'affect que papa y porte. Je poursuis aussi tranquillement mon anime Samurai Champloo, j'en attendais un peu plus de ce qu'on m'avait décrit mais ça se regarde très bien.
    Vers midi on croise une tortue à la surface, elle est énorme. Elle doit bien faire 80cm de long, la tête hors de l'eau elle a pas l'air super à l'aise. Mais bon, on ne s'y connaît pas en tortue et on a juste le temps de l'admirer qu'elle est déjà loin dans le sillage.
    Croiser des tortues n'est peut être pas si anormal que ça dans les eaux sur lesquelles on navigue, la température de l'eau monte sans jamais s'arrêter. Aujourd'hui on a atteint 25°, obligé d'aller me baigner pour fêter ça.
    Se baigner quand le bateau avance est un processus bien defini, on sort l'échelle de bain et on met un bout à l'eau qui pend sur une dizaine de mètres. On se met à l'eau doucement avec l'échelle puis on se laisse tracter par la vitesse du bateau. Bizarrement on a plusbdu tout l'impression de faire du qur place quand nos petits bras nous retiennent des milliers de litres qui nous arrive à quelques noeuds dans la figure en permanence. On prend de jolies accélérations avec les vagues et on peut profiter de nuances de bleus qu'on trouve pas dans la nature autre part avec seulement un masque.

    Vers 15-16h, un bateau est en vu et nous appelle à la radio. Comme je m'en aperçoit le premier je m'occupe de discuter avec eux, ils sont suedois mais parlent tres bien anglais. Ils nous racontent qu'ils n'ont plus de communications et qu'ils voudraient joindre leurs proches pour les rassurer, ils nous demandent de transmettre un message. Alors on se dit qu'on tente le coup du téléphone satellite pour la première fois, pour rassurer de complets étrangers.
    Je prends numéro de téléphone et message, on rigole ensemble sur deux trois points de mecomprehension puis on se dit au revoir. Avant de se lâcher, ils nous disent qu'ils vont au même endroit que nous "Sao Vincente", surement Mindelo et qu'ils viennent de pêcher un Espadon de plus de 2,2m et 110kg. J'hallucine complètement derrière ma petite radio en repensant à notre dorade de 2kg. J'ai l'impression qu'il nous dit ça en clin d'oeil au message envoyé à ses proches, on capte l'intention et on rigole une nouvelle fois avec eux. Maintenant nous avons une motivation de plus pour arriver à Mindelo, goûter pour la première fois d'un espadon !

    Une autre de mes motivations serait de régater avec les Suédois pour arriver en premier aux îles. Paul me soutient mais la demande de nous battre un peu pour la première place ne chauffe pas tout le monde, à voir comment les choses evoluent. Une course sur plus de 700 milles nautiques, entre deux bateaux de 13m, pour se retrouver à l'arrivée, moi ça me plaisait bien.

    L'aprem se conclue sur un échantillonnage de plastique (on profite de notre petite vitesse), on essaye de faire fonctionner notre téléphone et on se fait deux trois parties de jeux devant le coucher du soleil.

    À l'heure où j'écris, on peut encore voir le feu de tête de mât du Niord, le bateau suédois, il est à 3 milles maintenant, on a pris un peu de retard avec l'échantillonnage (on a du ralentir un chouïa pour garantir la justesse du prélèvement). Ils avaient pas l'air de se mettre en vent de plein cul cette aprèm midi. Pour notre part, on est vent arrière avec le genois tangonné, les voiles sont merveilleusement bien en papillons et on file en direction direct de notre destination.
    J'espère qu'au reveil on aura rattrapé l'écart, du moins pas perdu de terrain.

    5-12
    Pendant le quart d'hier soir, j'ai finalement perdu de vu les Suedois, d'abord de visu et puis après sur les instruments. Trois possibilités, ils ont parcouru plus de 22 milles en 40min donc ils ont navigué à 33 milles, autant que les bateaux de courses les plus modernes dans leur pic de vitesse. Soit leurs instruments ne fonctionnent plus, soit ils l'ont simplement éteint.
    J'espère qu'ils l'ont éteint pour économiser de l'énergie afin de conserver au mieux possible leur espadon. J'sais pas pourquoi mais cette histoire d'espadon plus grand et lourd qu'un champion de MMA me travaille sacrément.

    Au réveil ce matin, 7h, première rencontre avec les dauphins de la journée, ils sont super fast et prennent juste le temps de venir voir ce qu'on fait et ils filent. Leur respiration est efficace, on sort le trou d'air et bam ça repart direct dans l'eau.
    Première parce qu'on les verra trois fois aujourd'hui, à chaque fois des groupes différents ceci dit. La seconde fois, il est aux alentours de 11h. Youen dit qu'il y a des dauphins, c'est drôle comme on s'habitue vite, on est loin de l'excitation de notre première rencontre. Seuls les copains sur le pont se déplacent ou levent les yeux pour les apercevoir. Pourtant ceux ci valent le détour, on en compte entre 15 et 20, ils ont pas du bouffer la même chose que les premiers parce qu'ils font des bonds de partout. Par réflexe on compte, on regarde quel type de dauphin c'est, on sort le micro pour enregistrer leurs bruits et on note tout ça pour le programme Ketos.
    La troisième rencontre est la plus impressionnante, quand je sors ma tête pour aller les voirs, y'en a partout, ils sont une quarantaine autour du bateau et derriere nous au large on voit une multitude d'ailerons se rapprocher rapidement. Il y a une telle effervescence dans l'eau qu'on ne peut pas tout voir, on tourne la tête fans tous les sens pour essayer de ne pas rater chacune des pirouettes qu'ils font. Le spectacle est hallucinant, certains font des vrilles hors de l'eau, d'autres se dandinent en l'air avec un manque de grâce qui nous fait marrer tandis que d'autres ont l'air aggressif et frappent la surface avec leur queue. Les vagues sont grosses et on les voit sortir à 5-6 de chacune d'entre elles, c'est complètement fou.
    Les copains remettent le micro à l'eau, le règlent bien et enregistrent. Un dauphin met quelques coups dedans histoire de jouer un peu avec, ce qui me dissuade de me mettre à l'eau. Lorsque l'on s'écoute ça sur l'enceinte, on est tout étonné, qu'est ce qu'ils jactent, on se croirait à la cantine. Tout le monde y va de son petit mot, ça piaille comme c'est pas permis.

    Toute cette vie nous fait mettre la traîne à l'eau et même pas deux heures plus tard on chope notre deuxième dorade coryphène. Cette fois ci, plus d'excuse, c'est pratiquemment la sœur jumelle de celle de la dernière fois donc elle a pas intérêt à souffrir ou alors cest que y'a un sadique dans la bande. On la sort en ayant prévu le coup, bassine et vodka bon marché, ça la calme bien une première fois, puis petit coup de couteau entre les yeux en visant le cerveau, c'est jamais drôle mais ça va nettement plus vite. On pense avoir fait ça un peu plus dignement. En tout cas, le résultat est toujours aussi bon.

    C'est assez fou de croiser autant d'agitation dans l'eau surtout qu'on ne voit que la surface. Ça rajoute une petite dose d'adrénaline lorsqu'on met le masque pour aller à l'eau. Si il y a des dorades de 75cm qui se baladent à la surface, qu'est ce qu'on peut bien trouver à 10-20m, ou bien à 3km car c'est la profondeur au dessus duquel on navigue.
    Le sentiment d'être entouré de vie est magique, on se sent faire partie d'un tout. C'est beau et puissant sur le moment, mais un oeu triste lorsque l'on pense aux trois semaines passées dans la méditerranée, sans voir le moindre poisson. Il aura fallu (c'est français ça ?) s'eloigner des hommes pour retrouver la vie, pas vraiment contre intuitif. Autre constat pas des plus agréables, on croise plus fréquemment des déchets qui flottent en surface, surtout des petits récipients comme des grosses bouteilles ou des petits bidons, on essaye de les ramasser quand on les voit suffisamment en avance mais c'est vraiment pas simple.
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