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  • Day 33

    I had a dream…

    February 14, 2023 in India ⋅ 🌙 14 °C

    Je suis arrivée hier matin sur Kumily, petite ville du Kerala bien connue pour ses épices et ses treks en pleine jungle.

    Levée à 6h45, j’ai rendez-vous 1h plus tard avec 2 guides, 1 naturaliste et 1 ranger pour un trek dans la jungle Kéralaise.

    Il fait frais et la nature s’éveille paisiblement. Les guides travaillant dans cette réserve de Periyar sont d'anciens braconniers devenus de fervents protecteurs de la nature et des animaux qu’ils ont longtemps tués pour leurs défenses et leur fourrure notamment. Ce programme d'écotourisme communautaire a permis un changement des mentalités pour ces personnes issues de minorités ethniques et à qui l’on ne voulait pas donner d’emploi.
    Les groupes de 6 randonneurs sont également toujours accompagnés d’un ranger armé, la jungle du Kerala pullule de dangers insoupçonnés que seul un homme aguerri peut éviter.

    Nous voici donc partis à travers une légère brume qui monte du sol au fur et à mesure que le soleil grimpe. La nature qui nous entoure est magique, de nombreuses espèces d’arbres, d’oiseaux, de plantes et d’insectes ponctuent notre avancée en quête, soyons honnêtes, de 2 des merveilles qu’offre cet endroit : le tigre et l’éléphant.

    Après une première pause breakfast, au cours de laquelle affluent des macaques qui connaissent très bien ce point d’arrêt, nous reprenons notre trek sur un chemin plus escarpé.

    Je me nourris de chaque bruit et chaque espèce vivante autour de moi, buvant les expériences des guides comme du lassi ! Soudain, le ranger nous fait signe de stopper et de faire silence d’un geste de la main ferme et sans appel. Il s’avance tel un chat devant une proie et nous fait signe d’avancer sans parler. Tout à coup, mon cœur s’emballe, à quelques dizaines de mètres de moi, cachée dans un sous-bois, cette force de la nature qui semble si douce et si paisible : une famille d’éléphants.

    Je regarde ce rêve se réaliser et ne perd pas une miette de chacun de leurs mouvements. Après des minutes qui ressemblent à des secondes, ils disparaissent dans l’épaisseur de la jungle.
    À cet instant, je remercie la vie, et le ranger, de m’avoir offert ce moment inoubliable.

    Le groupe reprend sa marche vers le sommet de la montagne, où nous prendrons notre déjeuner. De là-haut, nous pouvons observer les 2 vallées : celle du Kerala et celle du Tamil Nadu. Nous sommes en effet à la frontière entre les 2 états et la nature prend toute la place dans le paysage.

    Sitôt notre riz pulao et curry de légumes engloutis, nous reprenons notre route sous un soleil de plomb. Les chemins sont plus dégagés au sommet, la jungle moins présente, de nombreux eucalyptus nous abritent légèrement et nous évoluons dans une ambiance légère et amicale avec mes comparses de rando : 2 suisses et une australienne.

    Nouvelle alerte du ranger mais cette fois il a l’air inquiet, il prend en main son fusil qu’il avait jusqu’alors à l’épaule, ce qui n’a rien de rassurant ! Il nous fait signe de reculer rapidement et en silence sur le chemin et d’aller nous cacher plus loin. Nous obtempérons sans comprendre… quand tout à coup, ce que nous avons pris pour un gros rocher en bordure du sentier se met à bouger. C’est un mâle solitaire, un éléphant énorme, tranquillement en train de manger.
    Les mâles solitaires sont les spécimens les plus dangereux d’après ce que nous explique Prakeesh, notre guide.
    En effet, nombreux sont ceux qui attaquent quiconque se trouve en travers de leur chemin ou les dérange. Les histoires terribles ne manquent pas en Inde sur les tueries perpétrées par des éléphants isolés ou rejetés de leur groupe. La mémoire d’éléphant n’est pas une légende, ce sont des animaux très intelligents, doués de réflexion, d’affection mais aussi d’esprit de vengeance. Peut-être les éléphants tueurs ont-ils simplement perdus des membres de leurs familles, tués par des braconniers, et s’en souviennent…

    Nous attendrons 1h que ce seigneur de la jungle ait fini son déjeuner pour pouvoir passer notre chemin, en marchant le plus rapidement et silencieusement possible. L’adrénaline nous inonde et voir la crainte sur le visage des guides ne rassure en rien.
    Mais ce mâle solitaire nous laisse passer, heureusement, sans la moindre agressivité.

    Par 2 fois mon cœur s’est empli de cette sensation d’amour universel, celui qui s’étend à chaque être vivant quel qu’il soit. Un sentiment mêlé de respect et de fascination. En ce jour qui célèbre l’amour, la nature m’a gâtée de la plus belle des façons.

    L’INFO EN + :
    L’Inde compte environ 30.000 éléphants sauvages, soit près de 60 % de la population sauvage totale. Ces dernières années, une augmentation du nombre d’éléphants tués par des hommes mais aussi, à l’inverse, d’hommes tués par des éléphants, a été constatée à mesure que l’activité humaine empiétait sur les zones forestières. Le ministère de l'Environnement estime quant à lui qu'un humain meurt chaque jour en Inde après avoir croisé la route d'un animal sauvage, et qu'une grande majorité de ces victimes sont écrasées par des éléphants.
    Les rencontres violentes entre des humains et des éléphants sont une «tendance croissante», a déclaré Singh, alors que de vastes étendues de forêts sont défrichées pour y établir des habitations et des activités industrielles.

    Selon les autorités indiennes, les attaques d’éléphants sauvages ont tué au moins 3 310 personnes entre 2014 et 2021, dont un nombre important dans l’Etat d’Odisha, où une quarantaine de décès ont été enregistrés en sept mois. Chaque année, un demi-million d’Indiens voient par ailleurs leurs cultures ravagées par les pachydermes. Les agriculteurs, qui perdent parfois l’ensemble de leurs revenus du jour au lendemain, n’hésitent pas à les tuer en représailles. Le ministère indien de l’Environnement et des Forêts estime que 474 éléphants sont morts électrocutés entre 2014 et 2020.

    Je me réserverai toutefois le mot de la fin et la pensée selon laquelle, pour son simple intérêt et son simple confort, l’Homme détruit l’habitat des espèces sauvages en pensant les réduire au silence et à l’invisibilité. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs et on n’empiète pas sur la nature sans qu’elle ne se révolte un jour où l’autre.
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