Tres Lagos

Après un délicieux petit déjeuner (sans hésitation le plus garni depuis le début du voyage), nous reprenons notre post de stop. Avant de partir, nous saluons tout de même Lucia, une formidable bolivienne du staff de l'hôtel avec qui nous avons longuement échangé ce matin. L'objectif est clair : être à El Chalten ce soir ! Et la journée commence bien puisque Silvana nous prend rapidement pour nous avancer de 5 km jusqu'au croisement entre la RN 40 et la RP 27, qui mène jusqu'à Piedra Buena où elle emmenait son fils Micael chez l'orthodentiste. Autant dire qu'ils partaient pour 400 km aller-retour à la journée pour soigner une dent ! « Una locura » (une folie) comme elle dit ! C'est là que l'on se rend compte que c'est pas simple tous les jours de vivre dans une telle province où les villes sont éloignées de centaines de kilomètres les unes des autres.

Une fois déposés au croisement, on ne s'attendait pas à vivre un tel calvaire. Au total, on aura vu passer une vingtaine de véhicules sur l'ensemble de la journée, avec quasi 6 heures d'attente ici et 4 heures de plus à un croisement 20 kilomètres plus loin. Entre les deux, on a simplement été avancé un peu par les gérants d'une estancia. Les estancias, c'est le terme utilisé sur ce continent pour désigner les grandes exploitations agricoles d'élevage. Et en Patagonie, il y en a beaucoup ! En effet, au XIXème siècle, de nombreuses estancias ont été créées afin de marquer des points de chute où faire escale pour ceux qui traversaient la province à cheval. Aujourd'hui, certaines sont abandonnées tandis que d'autres ont été rénovées et accueillent quelques touristes en transit. Ce que j'aime bien faire pour passer le temps, c'est chercher ces estancias au loin. On voit tout le temps les panneaux qui marquent l'entrée des propriétés mais très peu les édifices, cachés derrière des collines, et souvent uniquement accesibles par plusieurs dizaines de kilomètres de routes de pierre une fois avoir quitter la route principale.

Cette attente interminable au milieu de nulle part me permet également de vous parler des paysans morts en martyres dans la province de Santa Cruz puisqu'un monument commémoratif a été érigé à la sortie de la ville non loin de là où nous attendions en stop. Dans les années 1920, un mouvement social important est né dans la région lorsque des ouvriers ont commencé à se révolter pour lutter en faveur de plus de droits au travail et de meilleurs salaires. Le mouvement a tellement pris que le gouvernement argentin a été contraint d'envoyer l'armée pour garder le contrôle dans la province, tuant au passage plus de 1500 ouvriers.

Vers 19h30, alors qu'on s'apprêtait à installer la tente en bord de route et aller demander de l'eau à une estancia à quelques kilomètres d'ici, une voiture s'arrête enfin 🤩. Il s'agit de Véronique et Henri, un couple franco-suisse. Je dois avouer que ça fait quand même du bien de parler dans sa langue natale en fin de journée quand on est fatigué comme ça 😅. Ils n'ont eu que des galères toute la journée (éclat sur le pare-brise, pneu crevé) mais en mettant un peu d'ordre dans leur caravane, on finit par se frayer deux places à l'arrière de la voiture ! Direction Tres Lagos ! On n'aura pas réussi notre pari d'arriver à El Chalten aujourd'hui, mais il ne nous reste plus que 124 km demain. Cela devrait être une formalité puisque le couple nous a dit qu'ils passeront nous prendre en fin de matinée si personne ne nous a pris plus tôt. Ils nous déposent à la station de service de Tres Lagos où je plante ma tente à l'extérieur. La température va tutoyer les 0°C cette nuit mais le duvet tient toujours assez chaud !Read more