Idukki district

6h du mat’ le réveil sonne et donne le top d’une journée, que je ne sais pas encore intense.
J’ai rendez-vous à 7h15 pour un nouveau trek dans la jungle, dans une autre partie de la réserve de Periyar.

Arrivée sur place sous la lumière d’un soleil encore endormi, je m’empare du sac à dos que me tend le guide. Notre petit groupe passe les barrières signalant la limite entre le village et la réserve et s’engouffre dans la forêt.

Nous longeons un village tribal fait de cahutes de tôles, de maisons en béton ou en pisé. Des vaches, chèvres, poules, canards, chiens, chats, cochons, daims, buffles vivent au milieu des humains me renvoyant l’image d’une formidable arche de Noé. De ce que j’ai compris de ces villages tribaux, ils existent depuis la décolonisation, lorsque le gouvernement a souhaité répertorier les différentes tribus et procéder à une discrimination positive en réservant des postes dans tous les domaines professionnels à ces populations. Ils ont ainsi été rapatriés à proximité des villes et villages pour y être intégrés.

Les femmes, bien qu’au foyer, s’enfoncent chaque jour dans la jungle pour aller ramasser les lourds fagots de bois que d’autres s’affairent à préparer. Ce bois leur sert à chauffer l’eau et faire à manger. Elles portent sur leur têtes fagots et troncs énormes et les rapportent d’un pas rapide. J’imagine alors que leurs cervicales doivent ressembler à des chapatis (délicieuse galette plate) sous le poids de tels charges !

En tentant une bribe de conversation avec elles, j’entends le mot magique : aana. Elles voient que je comprends, surréagis et en rient, déployant leurs dents rougies par le bétel !

Quelques minutes plus tard, le signal intervient (chuuuuuuuut) en même temps qu’un arrêt de notre guide et une vigilance redoublée de notre ranger (qui est d’ailleurs unE ranger). En surplomb de notre chemin, 3 éléphants évoluent au milieu de la végétation. 2 adultes et un bébé. Bouche bée, sidérée et émue aux larmes comme au jour de mon premier éléphant, je réalise qu’on ne s’habitue pas à une telle merveille.

Nous reprenons la route au milieu de la forêt avec une attention largement troublée par les discussions interminables et hautes en volume du groupe de (vieux) touristes qui nous accompagne. Leur trophée remporté (voir des éléphants), ils ne semblent plus intéressés par rien… et pourtant singes et oiseaux de paradis volent au-dessus de nos têtes dans un concert digne d’un CD de chez Nature et Découvertes.

Je presse le pas avec l’un des 2 guides pour m’éloigner de cette pollution sonore. Le guide partage mon sentiment mais est muselé par sa position : il est rémunéré par les touristes et ne peut donc pas se permettre de les brusquer.

Nous apercevons donc sur notre chemin des dizaines d’oiseaux différents tous plus colorés les uns que les autres, des singes noirs endémiques du Kérala, des écureuils Malabar… et des empreintes de ce qui doit être un très très gros chat. Un tigre est passé par là dans la nuit. Plus loin, des traces de griffes sur le tronc d’un arbre laissent supposer que ce gros matou l’utilise comme griffoire. Les griffures montent très haut et j’imagine la taille de la bête une fois sur ses pattes arrières !

Au bout de 5 kilomètres d’une forêt dense et piaillante (malheureusement pas uniquement grâce aux oiseaux), nous atteignons le second but de notre trek : une traversée du lac en radeaux de bambou.
Ces embarcations plates de rondins de bambou semblent prêtes à chavirer à chaque clignements de paupières ! Mais l’aventure c’est aussi de faire confiance donc, …
Assis au ras de l’eau, le radeau s’élance grâce aux coups de pagaie de nos guides.
Une heure de navigation lente et silencieuse démarre… avant que nos vieux touristes repartent dans leur gymnastique linguale ! À part des oiseaux d’eau, nous n’apercevrons rien de vivant.

Au milieu de ce lac artificiel s’élèvent des troncs d’arbres morts, comme un cimetière de fossils végétaux. Cette vision tranche avec la vie qui grouille autour de nous, partout dans la forêt.Read more