Cappadoce, 11 décembre (oui, on a pris "un peu" de retard...), un ciel étoilé, des collines quadrucolores et, au milieu des célèbres cheminées de fée, 2 tentes et 4 vélos : nous bivouaquons dans ce cadre magique avec Izzie et Bim, un couple d'Allemands jeunes trentenaires . Lui est ingénieur, elle est prof et ils se sont lancés en avril sur la route de la Soie... Ca vous rappelle quelqu'un? Autant vous dire que le courant passe bien et qu'on a bien des choses à se raconter! Le froid s'installe doucement mais les anecdotes de voyage ont la peau dure! Nous n'avons pas rejoint la Turquie par le même chemin et leurs récits nous mettent l'eau à la bouche: une fois rentrés, nous aurons encore de beaux terrains de jeux dans nos régions !
Le lendemain, nous remontons en selle dans des directions opposées : ils montent vers la mer noire et nous partons à la conquête de l'Est de la Turquie. Un petit coup d'oeil sur l'itinéraire des jours à venir et le ton est donné : on va se manger 1000m de D+ par jour, Afiet olsun !
Heureusement, le cadre aide assez bien les guiboles : routes hyper tranquilles, paysages hors du temps à couper le souffle ! S'engager dans les montagnes pour plusieurs jours nous rend toujours dans un état second de plénitude. Tout à coup, un petit gars de 12 ans surgit de nul part. Il est également à velo et, malgré l'apparence douteuse de son bolide, il est bien plus rapide et ca le fait beaucoup rire. On ne se comprend pas, mais son sourire et son regard en dise long. Fier comme un coq, il pédale à nos côtés... Comme le soleil se couche, on lui fait comprendre qu'on cherche un endroit pour camper. Il nous fait signe de nous suivre. Dans son village, il s'arrête auprès de chaque adulte qu'il croise et explique notre situation. Très vite, on se retrouve encerclés, assaillis de questions et le Maire du village débarque. Ce soir, on dormira bien au chaud au centre du 112, mais d'abord, souper chez le Maire pour fêter le congé de maternité d'une des secouristes! Gros festin, douche bien chaude (j'ai quand même un peu stressé car, durant un temps, j'ai bien cru que la femme du Maire allait tenir à me savonner elle-même) et petit tour en ambulance dans le village! Quel accueil, on se souviendra longtemps de cette soirée et de notre petit pote!
Le lendemain, c'est du sérieux : on s'attaque au mont Nemrut. On s'engage sur des côtés dont l'inclinaison me paraît être du 33% (mais soyons honnêtes j'exagère peut-être légèrement), le vent s'en mêle et nous pousse en arrière, une fine neige vient nous rafraîchir....
Fiers comme deux paons en chaleur, nous arrivons au sommet, où se trouve le tombeau du roi Nemrut , gardé par des énormes têtes de divinités. On se réjouit de visiter tout ça sauf qu'un petit gardien nous informe que... ça vient de fermer pour la nuit! Pas de bol! A notre plus grand agacement, il continue à laisser passer des Turcs. On comprend qu'en fait, il préfère qu'on visite demain histoire de pouvoir nous louer sa cabane pour dormir! Bien essayé, mais on a notre tente et Gasp'est tout content de pouvoir la planter à 2100m d'altitude (moi un peu moins, mais son sourire béat est pas mal motivant).
La suite de notre voyage nous mènera dans un région de la Turquie surnommée le "Kurdistan", car peuplée de Kurdes. Région hautement déconseillé pour les touristes, dangereuse, responsable de tous les maux de la Turquie il paraît. La réalité est tout autre: plus tu vas à l'est, plus les gens sont accueillants. Étant donné nos ventres pleins de Cay et les nuits sous tente devenues anecdotiques, on ne s'imaginait pas trop comment cette prophétie pourrait se réaliser! Et pourtant...ici, il est même devenu impossible de pique-niquer ("range tout ca dans tes saccoches et viens plutôt manger chez moi")! Évidemment, on s'aligne sur la nourriture locale: intestin à midi et tête de coq au soir, Check! Dans cette région, la vie des gens semble réellement guidée par la religion et nous passons de longues heures à discuter théologie. Nous dormirons également dans des mosquées à deux reprises et discuterons avec des Imans. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout, mais les discussions sont très ouvertes et, par conséquent, follement enrichissantes. Et puis, même si certains aspects nous fâchent, on découvre également des valeurs exceptionnelles. Comme on nous le répète tous les jours : " Nous sommes tous frères" et ça, c'est sûr, on l'a compris.
Petit dédicace à trois frères qui nous ont invité à prendre un thé vers 11h30... nous avons quitté leur maison à 10h le lendemain (ils nous ont expliqué au passage que leur père avait eu 6 femmes et que, dans le village, il n'y avait pas d'étranger, que de la famille!)
Forts de ces 10 jours mémorables, nous attaquons la dernière ligne droite... plus que quelques jours de vélos et nous serons en Iran. JGG et Céline chantent à tue-tête dans mes écouteurs, il fait froid mais le ciel est tout bleu et les paysages sont dingues! Je me dis que la vie ne pourrait pas être plus belle et, comme pour me prouver le contraire, une voiture s'arrête, un monsieur en sort, nous offre deux simit (petit pain au sésame) puis redémarre... Peu après, on lève le pouce: une grande nationale peu séduisante et bien en pente, c'est plus fun en camion. Installés bien au chaud, nous assistons en 1/4 d'heure à une transformation du paysage qui se couvre gracieusement, puis très gracieusement, puis très très gracieusement (vous avez compris l'idée) de blanc! L'hiver est bel et bien là. On fait moins les malins quand notre chauffeur nous droppe à 15 km de notre point d'arrivée... Tout gèle : non seulement nos doigts et nos orteils mais aussi l'eau de nos gourdes, nos freins et nos changements de vitesse. Durant les jours qui ont suivit, nos 2 roues nous servirons surtout à pédaler jusqu'à des bon spot de stop !
Le 25 décembre à 15heures, nous arrivons chez Yasin, qui gère une ferme laitière à 35km de la frontière Iranienne. Nous avions prévu travailler avec lui pendant une semaine, puis, de filer se mettre au chaud en Iran. Le 25 décembre à 15h donc... sauf qu'à 19h, l'Iran annonçait une fermeture de ses frontières terrestres ! Chute libre pour notre moral, d'autant plus que c'est l'un des pays que nous sommes le plus impatients de découvrir. Le lendemain, nous rencontrons Tim, un cyclos français qui venait de se faire recaler à la frontière. Véritable rayon de soleil, il nous redonne un peu la pêche. On revoit les plans des prochains jours et nous décidons de nous offrir des vacances de Noël ! À l'aide d'un bus, on part à 3 rejoindre Izzie et Bim pour fêter le nouvel an en bord de mer noire. Surprise, cette dernière est bleue! L'arnaque ne nous a pas empêché de faire un petit plouf dedans le 1er janvier ( dédicace aux colocs et à tout ce qu'il peut se passer " sur un 2 de coeur "). Et, je peux vous garantir que lorsque 5 cyclos se retrouvent dans un appartement avec un four pour cuisiner, la fête est facile !
Nous décidons ensuite de visiter la Géorgie, mais sans les vélos. Le changement d'ambiance est radical : marché de Noël, vin chaud... Car oui, chez eux la Noël se fête le 7 janvier. On retrouve clairement une ambiance beaucoup plus européenne. Nous avons d'ailleurs dépensé une fortune pour s'offrir une lasagne importée, de marque Carrefour, dont chaque bouchées nous a comblés de joie. Sans nos vélos, nous n'allons pas hors des sentiers battus et restons dans les lieux touristiques et forcément, c'est moins le coup de cœur (le 2 roues rajoute une dimension magique) mais on accroche quand même bien!
Nous rencontrons Giori, qui nous prend en stop pour un trajet de 5 heures... au milieu de celui-ci, il s'arrête pour le pique-nique et nous fait goûter son vin maison. Si lui ne boit par car il conduit, cela ne l'empêche pas de nous servir et resservir allègrement et, comme on ne lève plus beaucoup le coude depuis 6mois...autant vous dire qu'on voit vite double! Lorsqu'il nous droppe sur le bord de la route avec 7kg de mandarines, on a déjà la gueule de bois! Des habitants joviaux, une cuisine assez savoureuse, des chouettes traditions ( tous les aînés s'appelle Giori et toutes les aînées s'appellent Nino, on ne boit pas un verre sans porter un toast), des croix non perpendiculaires (Sainte Nino, qui est venue christianiser le pays à pied depuis les Cappadoces- et a mis 13 ans pour arriver- avait oublié sa croix...oups! Elle en a donc fabriqué une avec des branches de vignes mais, apparemment, elle n'a pas assez serré ses brelages) , bref... ce pays nous donne envie d'y revenir plus longtemps et en été, car sa nature a l'air exceptionnelle!
Ensuite vient une période de doute. Où aller, que faire des semaines à venir, sans savoir si l'Iran ouvrira un jour ses portes. Nous supportons mal cette période de doutes, sans perspectives.
Face aux pays fermés qui nous entourent (sauf la Russie, ouverte, mais dont le climat nous décourage), on envisage tous les possibles quand soudain, on reçoit un message : l'Iran a réouvert. Il y a des restrictions pour certains pays et nous ne savons pas exactement ce qu'il en est pour la Belgique mais on décide de le tenter... On a pédalé, pris un bus, fait du stop, repédalé et bien stressé... Le douanier nous gratifie d'un grand sourire, nous lache un petit "Eden Hazard really good", joue avec le tampon au dessus de vos visas et, finalement, appuie un bon coup dessus en nous disant : "Welcome to Iran! "
Notre émotion ne fut pas contenue, l'aventure continue!Læs mere