Istanbul

April 2022
10 jours entre Byzance et Constantinople Read more
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  • Day 10

    J10 - Retour et conclusion

    April 27, 2022 in France ⋅ ☁️ 16 °C

    Eh bien, nous avions bien une bonne étoile au-dessus de la tête hier soir: nous descendons à 9h pétantes ce matin dans le lobby, notre hôte est là avec une amie. Nous retrouvons également la connaissance de hier, qui est en fait le "vrai" réceptionniste.
    Nous attendons quelques minutes, notre hôte va chercher sa camionnette de style Kangoo, on charge les valises et bye bye Istanbul.

    ESPÉRANCE DE VIE : NULLE

    La circulation stambouliote est une véritable épreuve nerveuse pour tout conducteur. Les véhicules s'insèrent dans des voies déjà congestionnées ou trop petites dans lesquelles il y en a toujours un qui essaye de faire demi-tour, pour une raison ou pour une autre. Ça klaxonne, ça avance par à-coups, en bagayant et les gaz d'échappement transforment l'ouverture des vitres en expérience désagréable avec la chaleur qui s'élève.

    Nous vérifions quand même de temps à autres que nous nous dirigeons bien dans la bonne direction, ça serait balaud de se retrouver dans le mauvais aéroport!

    Puis nous quittons le lacis de ruelles tortueuses et pentues pour tomber dans des embouteillages XXL sur les grands axes. Vue du ciel, Istanbul est un monstre tentaculaire, un réseau d'artères pulsantes et de veines se subdivisant elles-mêmes en une myriades de veinules congestionnées, ralentissant d'autant le flot continu de véhicules.

    Nous finissons par nous extirper de cette toile et prenons rapidement de la vitesse sur la voie rapide, direction Havalimani International Airport.

    Nous avons néanmoins failli ne jamais arriver. Notre hôte discute sans cesse avec sa voisine et loupe une sortie. Pas de problème, il s'arrête sur la bande d'arrêt d'urgence, fait marche arrière jusqu'aux zébras triangulaires marquant la séparation des deux voies et en évitant une deuxième voiture déjà en warnings sur la zone (pourquoi?)... lorsqu'un vrombissement infernal nous fonce dessus à grands coups de klaxon. Le camion nous frôle en hurlant et soulevant une tornade de poussière, passant à une distance définitivement trop courte pour ne pas donner des sueurs froides à Mérignac qui se trouve de ce côté de la voiture.
    Nous attendons quelques instants sur les zébras qu'un trou se crée dans l'enchaînement des véhicules, puis c'est notre fenêtre, on s'engage et nous voilà repartis, sains et saufs, avec juste une tension élevée de quelques points supplémentaires pour certains.

    AÉROPORT ET ENVOÛTEMENT

    On pourrait croire que tout est bien qui finit bien. Nous venons d'arriver largement en avance au hall des départs, déposés, remerciés, salués... Mais c'est mal nous connaître, nous et notre formidable potentiel d'attraction des conneries et autres événements indésirables.

    L'aéroport d'Istanbul est fantastique. Récent de quelques années, il est gigantesque, doté d'une tour de contrôle au look futuriste et, semble-t-il, totalement conçu pour opérer en symbiose avec Turkish Airlines.

    Nous passons devant un contrôle sécurité des bagages dès l'entrée dans le bâtiment. Puis tout s'enchaînement rapidement : check-in automatique sur borne, dépôt des bagages, tous les vols de la Turkish sont mélangés aux comptoirs, on est sur la zone "International check-in": pas besoin de chercher sa destination.

    Nos valises taggées et parties, c'est la police aux frontières et un deuxième contrôle sécurité avant d'accéder aux halls d'attente.

    C'est à ce moment que je manque perdre Olivier définitivement. Je pars aux toilettes et lorsque j'en sors, je le vois au loin en conversation avec une demoiselle d'origine caucasienne, blonde, les cheveux mi-longs frisés et les yeux d'un bleu pur, avec un gros livre dans la main. Tsss il suffit que je m'absente une minute et voilà!

    Je m'approche d'eux et c'est bizarre, il n'y a qu'elle qui parle, lui ne bouge pas, il n'y a pas d'interaction. Je me mets à leur niveau, Mérignac tourne la tête en me voyant et me sourit un peu gêné, mué. Tout est très rapide mais tu sais, lecteur, des fois, il suffit d'un regard trop long d'un millième de seconde pour sentir que quelque chose est étrange.

    "Ça va?
    - euh oui. Elle me parle, j'ai pas tout compris, elle me dit de ne pas m'inquiéter..." fit-il en souriant.
    Je me tourne vers la fille, souris et lui lance "hello?" pour engager un semblant de conversation et comprendre ce qui se passe. Elle me regarde rapidement, ne répond pas et se retourne vers Olive et j'ai l'impression d'entendre, en anglais "c'est la vérité..."
    Il répond "OK", toujours en souriant, presque embarrassé de ne pas savoir comment mieux répondre. Puis elle me lance un dernier regard et s'en va de son côté et nous du nôtre. La scène s'est déroulée au ralenti, comme dans un rêve.

    Mérignac semble s'être fait prendre pour cible, voire cobaye, par une illuminée qui se baladait avec sa bible (le mot "Holy", "saint", écrit en gros) et l'a accroché en lui disant qu'il avait l'air soucieux, qu'il ne devait pas s'inquiéter, que les temps étaient difficiles... mais ce regard bleu intense, appuyé... je l'ai remarquée de suite, la manière dont elle le regardait. Pas un regard social normal, il était comme envoûté et c'est ce qu'il me dira aussi après qu'elle est partie.
    C'est comme si elle l'avait hypnotisée le temps qu'elle lui parlait et mon arrivée a rompu le charme.
    Mowgli était dans les anneaux de Kaa, en train de siffler "aie confiaaaaaaance en mmmooooaaaaaa..." et Bagheera (ou Baloo?) est arrivé et lui a mis une grande calotte qui a tout cassé. Je comprends mieux pourquoi mon "hello" n'a eu aucun retour, si ce n'est un regard plutôt hostile, en fait.

    Bref, quelle histoire, encore.

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    Voilà, Nous avons découvert Istanbul. Anciennement Constantinople, anciennement Byzance.
    Le vacarme des embouteillages, le tumultes des gens, le choc des continents et le fracas des civilisations au fil des siècles... La Turquie, le reste, fera l'objet d'un autre voyage, à n'en pas douter, l'Istanbul touristique n'étant qu'une délicieuse entrée pleine de saveurs et de textures nouvelles.

    Comment ne pas être marqué par toutes ces cultures qui s'entrecroisent et s'entremêlent à chaque coin de rue, dans chaque boutique? On y croise des Turcs bruns aux yeux noirs, d'autres blonds aux yeux bleus, témoins de ce métissage de populations millénaire, on y vit à cent à l'heure dans un capharnaüm de ruelles aussi chargées d'Histoire que les étals le sont de grenades fraîches ou de bibelots en forme de nazar boncuğu, le "nazar boncuk", cet oeil de verre bleu et blanc censé protéger son propriétaire de l'autre, le mauvais oeil, et se briser lorsqu'il a rompu un sortilège.

    Les Stambouliotes sont fiers : les drapeaux rouges au croissant et à l'étoile sont accrochés partout dans la ville, minuscules en porte-clés ou titanesques, flottant haut et droit à flanc de colline. Le sourire a priori rare lorsqu'on les croise, le visage fermé et l'oeil dur, ils sont néanmoins serviables et à l'écoute lorsque la communication s'établit malgré la barrière de la langue.

    Istanbul est une ville inoubliable à découvrir, qu'il faut prendre le temps de visiter et apprécier, des hauteurs de Sainte-Sophie jusqu'au fond de la Corne d'Or. Nous avons parcouru quelque 160 km à pied sur 9 jours. Même si nous n'avons pas tout apprécié, nous ne regrettons rien si ce n'est ce que nous n'avons pas pu visiter, justement. Mais pour découvrir le reste du pays, il faudra bien repasser par la capitale...

    Merci de nous avoir suivis, lecteur fidèle, en espérant t'avoir permis de voyager un peu avec nous pour quelques jours dans cette incroyable cité.

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    Ce carnet de voyage sera publié sur waysandays.com avec les photos et le film lorsque ceux-ci seront finalisés, dans quelques semaines.
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  • Day 9

    J-9: Les taxis, nos amis

    April 26, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 14 °C

    Voilà, la journée des dernières fois est entamée. Nous sommes réveillés vers 8h et faisons nos sacs dans un silence monacal. Après une inspection complète des moindres recoins de la chambre (nous sommes spécialistes pour oublier à peu près tout ce qui est oubliable, de préférence dans un endroit où nous ne reviendrons pas), nous quittons l'Ipekyolu Hotel en quête de nouvelles aventures et à défaut, d'un taxi.

    Le premier taxi que nous trouvons baisse sa fenêtre et je lui demande à aller à la station de métro Omangazi. Il me baragouine quelque chose, fait des signes de la main... et se barre.
    Je crois comprendre qu'il est dans le mauvais sens et qu'il va faire demi-tour. On ne le reverra jamais.

    Le deuxième, un papi turc dans son véhicule jaune poussin, nous parle en début de course, et nous acquiescons en ouvrant grand les yeux et faisant des hochements de tête entendus lorsqu'il mentionne certains des endroits touristiques de sa ville. On s'esclaffe au moment où il le fait après avoir dit quelque chose d'apparemment comique sans avoir la moindre idée de ce qu'il nous a raconté tout du long. Puis la conversation s'éteint, nécessairement interrompue par la barrière de la langue, et il nous dépose à la station demandée.

    BUS... OU PAS.

    Nous avons un peu plus d'une heure d'avance. C'est du jamais vu. On se laisse donc le temps de se tromper, se perdre, oublier des sacs en chemin, même.
    Nous cocherons deux cases sur trois avant midi.

    Le métro à Bursa est d'une simplicité enfantine : une longue ligne droite d'une vingtaine de kilomètres (à vu de plan), qui se subdivise en différentes branches à 5 ou 6 stations des terminus. Evidemment, nous prenons la bonne direction, vers Emek, mais le mauvais terminus. Je m'en rends compte avant la bifurcation, c'est déjà ça. On descend donc au bon moment pour reprendre la bonne ligne quelques minutes après.

    Une fois arrivés à Emek, nous devons trouver le bus qui nous conduira au terminal des "feribot", à une douzaine de kilomètres d'ici. Seulement, nous n'avons aucune idée de l'emplacement des arrêts, ni même des horaires. On y va au talent.

    Les Turcs sont sympa, dès qu'ils te voient tourner et virer avec un GPS ou un plan dans la main, ils savent se rendre utiles. On nous indique le bon arrêt. Et heureusement car aucune information, plan, horaire ni même direction générale ne sont affichés.

    Le bus arrive une vingtaine de minutes plus tard. Mérignac s'avance avec sa valise près de la porte avant et demande au chauffeur s'il va dans la bonne direction puis monte. Je comprends que c'est OK, donc je grimpe avec mes affaires par les portes centrales et en tournant machinalement la tête, je vois qu'il a juste laissé son sac à dos sur le banc de l'abribus. J'ose à peine imaginer l'effroi si on avait laissé le sac là. C'est pas comme s'il avait été vacciné après avoir oublié son sac photo dans un pub un soir au fin fond de l'Ecosse...

    On est large en horaire, mais peut-être pas au point de courir après un sac à dos qui aurait très probablement disparu, rapporté quelque part par une personne consciencieuse ou volé. Olive ne semble pas s'en émouvoir outre mesure. Il m'étonnera toujours.

    Nous retrouvons notre "feribot terminal" dans l'état où nous l'avons laissé 3 jours plus tôt. Nous prenons nos aises, nous connaissons les lieux. Olive va faire valider les billets tandis que je fais le garde-valise, puis nous allons au bar-boutique du coin boire un thé, et finalement faire un déjeuner light et pas franchement bon avant de prendre le ferry à midi, pour 1h45 de traversée de la Mer de Marmara, destination Istanbul.

    Je commence à rédiger cet ultime rapport, pendant que Mérignac... corrige des copies.
    Il a apporté du travail. Je m'abstiens de tout commentaire, mais je prends une photo, sait-on jamais, elle pourrait servir dans un avenir proche.

    HALLUCINATION

    Ouais, on a halluciné, et pas à cause de la chicha.
    On sort du ferry en suivant le flot de passagers, puis on sort du terminal et on se retrouve sur le trottoir avec une armée de taxis à nos ordres. Que l'on croit.

    Le premier type qui me saute dessus regarde l'adresse de notre hôtel, me vomit quelque chose en turc et part avec un geste de la main plus que désinvolte en se foutant ouvertement de nous! Et maintenant, regarde-le, lecteur outré, ce bouffon, là, qui en parle à son pote chauffeur et il rigole encore.

    Je reste zen et me dirige vers un second qui arrive. La voiture ralentit, le moteur ronronne, la vitre se baisse, j'ai l'impression d'être Pretty Woman mais au début du film, sur Hollywood Boulevard... je lui indique l'adresse, il prétend (parce que ça se voit qu'il n'a pas fait théâtre en 6e) ne pas savoir où c'est et prend quelqu'un d'autre.

    Non mais s'te plaît!! Le troisième sera plus cool dans la mesure où il accepte de nous y conduire, mais il ne lance pas le compteur car "trop de trafic" et nous propose un 80 livres pour faire 2km.
    Il est là le problème : l'hôtel est trop prêt, cela ne les intéresse pas de nous prendre. Mais il est quand même trop loin pour qu'on se tape la traversée de la voie rapide je ne sais comment, avec deux valises d'une vingtaine de kilos et des sacs à dos qu'il faut numéroter pour n'en perdre aucun!

    Nous partons et on lui lâche 50 livres au final, et c'est déjà bien trop.

    OLD PALMERA CITY HOTEL

    Nous sommes déposés dans une rue étroite face à un hôtel à l'entrée étroite, vitrine teintée. Nous pénétrons dans le lobby aménagé en mini-salon. Le réceptionniste qui est accessoirement le patron nous offre d'emblée un thé et procède à l'enregistrement. On commence à discuter avec lui. Au bout d'un moment on sait que l'hôtel est neuf, ou du moins tout juste rénové et que la chambre est au 5e et si on veut laisser nos grosses valises au rez-de-chaussée c'est bon pas de problème on les récupérera demain en partant et il espère que la chambre n'est pas trop petite il n'a pas réfléchi avec tous ces sacs c'est certains ça va être étroit mais sinon on peut monter tous nos sacs par l'ascenseur il est tout petit mais il peut contenir 140kg ça devrait aller et surtout si on a besoin on hésite pas il suffit de composer le 0 sur le téléphone de la chambre pour avoir la réception.

    Devant ce flot d'informations, nous essayons de mettre de l'ordre dans nos idées comme les portes se referment et qu'il reprend sa respiration. Je suis à moitié sur ma grosse valise rouge sans m'appuyer vraiment car Olivier à son pied coincé entre la paroi et les portes coulissantes. Je ne peux pas trop bouger, son coude est sur ma tête. Il a le dos calé contre mon mollet gauche et sa semelle me chatouille l'oreille. Bref, nous sommes serrés.

    La chambre est extrêmement petite, mais toute belle, neuve. La salle de bain est presque aussi grande. On visite rapidement les lieux lorsque quelqu'un toque à la porte.
    "Sorry again, really you can change room if you want, with all your bags..."
    Dis-donc, il a de la suite dans les idées!
    On lui assure que non, c'est gentil mais nous ne voulons pas changer de chambre, on va se débrouiller. Il repart et je jette un oeil à la chambre d'à-côté.

    Ah ouais.

    "On va pas le faire remonter, non, on reste ici! s'énerve Mérignac.
    - Non mais viens voir! Comment on va faire demain matin pour faire les sacs? C'est tendu ici quand même."

    Nous déménageons dans la chambre d'à-côté, la 103, 3 minutes plus tard. Et j'y suis actuellement. J'ai la place d'étendre mes jambes, je suis heureux.

    CITERNE ET BAZAR

    Nous faisons une dernière visite: une citerne, qui n'a pas les colonnes dans l'eau cette fois. Ce n'est toujours pas le standing et la beauté de celle qui est fermée, mais elle est plus grande que celle que nous avons visitée il y a quelques jours. Sympa et frais.

    Puis c'est retour au Grand Bazar puis au Bazar Egyptien pour effectuer nos derniers achats-souvenirs. On se rend compte que non seulement les prix sont au minimum doublés au Grand Bazar, voire plus souvent triplés, et d'autant plus chers qu'on se rapproche des points d'entrée ou de sortie.

    Nous jetons notre dévolu sur une boutique (parmi le millier qui vend la même chose) de pâtisseries turques. Le type sent bien qu'on va acheter, il sort le grand tralala: il nous fait goûter absolument de tout. On passe par les épices à viande, les baklavas bien lourds de sucre et de gras, puis retour aux thés digestifs pour finir sur les Turkish delights et autres loukoums. Une apothéose de saveurs : grenade, rose, nougat, chocolat, pistache...

    On refait la même à l'Egyptien. Des trucs déco pour la maison, des épices, on repart alourdis de quelques kilos... de marchandise.

    DUBB²

    Et pour notre dernier dîner stambouliote, nous retournons au Dubb, le resto turco-indien avec sa vue imprenable sur Sainte-Sophie au 4e étage.
    Ce n'est pas que c'est le meilleur auquel nous ayons mangé mais le cadre est magnifique. Le dernier repas est un peu lourd, surtout qu'ils nous apportent tous les plats et les boissons quasiment en même temps, c'est pénible, ils n'ont aucun sens de la gastronomie, ces Turcs. Le serveur m'apporte le verre de vin avant mon coca. On a à peine fini le premier plat qu'il vient nous débarrasser et apporter la suite. Une honte.

    Nous rentrons à pied comme tous les soirs mais nous ne sommes pas logés aussi près du centre historique cette fois. Dernières photos de rue, notamment de Divanyolu Caddesi, l'avenue qui passe devant la mosquée, avec ses lignes de tram, ses vendeurs, ses lumières... Derniers instants passés à figer cette bulle d'espèce-temps dans nos mémoires.

    LE PÈRE NOEL ?

    Nous parvenons après une vingtaine de minutes à l'hôtel, en grande conversation sur la marche à suivre pour demain.
    Nous devons prendre un bus qui se trouve à 2 km de l'hôtel, et le patron nous a dit qu'il serait difficile de trouver un taxi ici, car les ils ne s'y aventurent pas, trop étroit. Donc, "it's good, 700 meters, you can walk!"

    Euh ouais, 700m à pied, no soucy, ma caille, mais à pied dans des rues au stype pavé-défoncé, avec deux valises et les sacs... j'ai plus l'âge pour ces conneries! Surtout qu'en arrivant, on regarde la distance: 700m? que dalle. 2km. Donc, là... pas possible.

    Nous sommes assis dans le lobby et on réfléchit à voix haute. De toute façon, il n'y a personne pour nous comprendre. La patron est là à sa réception et nous écoute. Il comprend le nom des arrêts de bus que nous mentionnons et s'imisce dans la conversation:
    "Beyazıt Meydan stop? closed. First stop from hotel : Aksaray metro!
    C'est justement le souci. Elle est à 2km.
    - C'est pas grave, on marchera un peu et on prendra un taxi.
    Il se renfrogne. Il réfléchit. Il évalue.
    - Bon, demain, vous partir à quelle heure?
    - 9h, lui réponds-je (que j'adore cette tournure).
    - Bien! J'ai mon ami que j'amène à l'aéroport demain. Vous aller à l'aéroport, moi aussi, aller à l'aéroport. Je vous emmène. Vous avez la chance!
    Il prend à témoin un type qui vient d'entrer, probablement une connaissance.
    - Ils arrivent auourd'hui, moi à la réception, ils ont chambre petite, et hop, c'est moi le patron, mon hôtel, je suis à la réception aujourd'hui, pas de problème, on change de chambre! Et là besoin d'aéroport, et moi aussi aller à l'aéroport, ils ont la chance! la Chance!!

    Je sens le loup. On lui demande combien. Car en version "correspondance sur Booking", le "service de transfert aéroport" était facturé 35 euros.
    "Gratuit, je vous amène, gratuit, tu payes pas, pas d'argent, j'ai un ami à l'aéroport, je vais chercher, je vous emmène, gratuit, t'as la chance aujourd'hui! je demande juste une faveur...

    Ah. Je le savais!

    ... vous donner meilleure note sur internet si je vous aide. le maximum, 100%! C'est pour la chance!"

    Bon ben si c'est le prix à payer, pas de souci, de toute façon, on a toujours l'habitude de noter les établissements et celui-ci avait toute notre appréciation, dès le départ.

    On ne peut s'empêcher de sourire. On se checke les poings, se serre la main, et c'est entendu : demain, rendez-vous à 9h dans le lobby et on part tous à l'aéroport, comme des potes.
    On verra bien.
    Et en même temps, j'ai envie d'y croire...
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  • Day 8

    J8 - lundi 25 avril

    April 25, 2022 in Turkey ⋅ 🌙 16 °C

    Ça y est, ça commence à sentir la fin. Nous venons de passer notre dernière journée complète à Bursa, et c'est sans regret que nous la quitterons en avance demain, à midi au lieu de 18h.

    Pas de petit déjeuner ce matin, nous partons directement pour la Grande Mosquée, que nous atteignons vers 12h30 après avoir traversé et visité le Bazar local.

    BAZAR

    Nous l'avons parcouru de long en large depuis notre arrivée ici, notre hôtel étant tout proche. Ce matin, (comme tous les matins probablement), c'est le marché. On le découvre dans une sorte de bazar parallèle, dans des petites rues adjacentes. Les étals ne sont pas bien différents des nôtres en France, sauf que les maraîchers font de gros efforts de présentation.
    Les fruits, les légumes, les graines sont tous disposés de manière plus ou moins artistique, en tout cas ordonnée, et c'est très joli. Cela donne vraiment envie d'acheter.
    Il ne nous en faut pas plus pour nous faire basculer dans l'inconscience la plus débridée: nous achetons une barquette de fraises.

    Oh, je te vois sourire, lecteur taquin, "encore un effet dramatique pour rien", penses-tu. Si tu es un habitué, néanmoins, tu te souviendras peut-être que la négligence envers les plats locaux, notamment les crudités, souvent aspergés d'eau pour leur conserver un semblant de fraîcheur, peut coûter très, très cher.

    En 2017, lors de notre voyage au Rajasthan, j'ai ingurgité un protozoaire dans un plat de nouilles servies dans des assiettes sales. C'était ma deuxième tourista du voyage. j'ai perdu quelques kilos et pas mal de points de tension pendant près de deux mois. Je sais que je suis un choupinou de l'estomac.
    Nous prenons des gélules de probiotiques spéciales voyageurs depuis, et cela semble fonctionner car même si nous ne buvons pas d'eau du robinet, nous avons déjà mangé des crudités et on est encore en vie.

    Donc ces fraises. On n'y pense pas une seconde en les voyant : bien grosses, rouges à souhait, elles ont l'air bien mûres et juteuses. On descend la barquette en 2 minutes, en papillonnant d'étal de fruits en étal de légumes et la réalité nous rappelle à sa dure loi en voyant un pépé-maraîcher arroser consciencieusement ses salades avec un petit arrosoir en plastique. Je souris en l'apercevant, et le montre à Mérignac. "T'as vu? il arrose ses salades!" De l'eau.
    "Putain, de l'eau! On a mangé des fraises!!" éructe-t'il.
    L'ambiance s'assombrit juste de le temps de manger la dernière, la mort dans l'âme (et peut-être la bébête dans la tripe) mais on sert les dents, on se la déguste comme si c'était la Dernière de toutes.
    On'allait pas la laisser perdre, et advienne que pourra.

    ULI CAMI

    Alors, "cami" en turc, c'est "mosquée". C'est utile de le savoir et facile à se rappeler parce qu'on le voit écrit partout. La Grande Mosquée de Bursa est la 5e en importance du monde musulman après celles de La Mecque bien sûr, Médine, Jérusalem et Damas en Syrie.

    Elle date de 1400 et possède 20 coupoles.
    C'est à croire que l'étalon de majesté et de renommée à l'époque était le nombre de coupoles données aux édifices. On a vu des coupoles centrales entourées de coupoles secondaires, elles-mêmes emprisonnées par une armées de petites coupoles tout autour, et on sent bien la frustration de l'architecte d'alors qui, ne pouvant plus les entourer elles-mêmes d'autre coupoles minuscules a finalement choisi de disposer ces dernières (elles devaient déjà être fabriquées) directement sur les précédentes, les faisant ressembler à de grosses pustules pas forcément agréables à première vue.

    Toutes les mosquées que nous avons visitées jusqu'à présent ne sont "que" une large salle où divaguent les touristes sous d'imposants lustres, avec une zone de prière réservée aux croyants près d'un mirhab (une niche) qui indique la direction de La Mecque et un minbar (une chaire), souvent en bois noble ou en marbre.
    Ici, le mihrab est magnifique, orné de volutes et d'arabesques d'or, et le minbar est en bois de noyé. Par contre, la coupole centrale est percée d'une verrière qui laisse entrer les rayons du soleil et éclaire une fontaine aux ablutions juste en dessous, alors qu'en général, les fontaines se trouvent à l'extérieur. Original.

    Nous passons un petit moment à regarder les gens prier, prendre des photos, se reposer.

    DÉJEUNER

    Puis il est l'heure de manger notre salade/plat turc devenus habituels. Pour l'un de nos derniers repas ici, on reprend une pide, cette pizza en forme de barquette LU garnie d'un mélange de mouton, poivrons, piments, tomates et fromage. Un délice. Elle est quand même énorme, on a demandé la plus grosse.
    Oui, on est en vacances.

    Je suis totalement rempli de ce bonheur turc et je n'ai plus qu'un café en tête. Olive, lui, a bien de la place encore pour un dessert. Nous allons le prendre dans l'ancien caravansérail à l'architecture magnifique que nous avons découvert hier, Koza Han. Il teste une nouveauté (pour nous) : le dondurmalı irmik helvası. Alors, ça fait style, comme ça, mais en fait c'est une glace à la vanille servie dans un pot en carton et recouverte d'une pâte de semoule/pistaches jusqu'à rabord. Je pense que c'est la version "à emporter" car on voit des photos ailleurs où le dessert semble être servie sans le pot et a une forme de dôme pointu.

    Moi j'ai mon café turc. C'est une particularité, aussi, ce café turc. On nous a toujours dit que "café bouillu, café foutu", mais le dicton n'a pas dû arriver jusqu'ici car dans la tradition, le café turc est moulu très fin, versé dans un petit pot en cuivre directement avec l'eau et le sucre si besoin, puis bouilli trois fois avant d'être servi.
    Je ne sais pas si les cafés turcs que nous avons bus étaient bouillus trois fois, mais ils n'avaient pas le goût de café foutu en tout cas. Un goût particulier, certes, mais pas si mauvais si on passe le barrage de la fine mousse sombre. Aussi, il faut faire attention de ne pas boire plus que le liquide, car tout le marc reste au fond. C'est un café que l'on ne touille surtout pas (je sais de quoi je parle!).

    Devant moi, ce triste, pauvre dondurmalı est en train de se faire déchiqueter en silence par une cuillère en plastique avant de finir sa vie dans la bouche de Mérignac.
    Je suis quelqu'un de solitaire, c'est convenu. Mais de solidaire aussi, notamment en bouffe. Je ne peux décemment pas le laisser manger seul.
    2 minutes plus tard, je dévore le mien. Un nouveau massacre intersidéral.

    RE-PLOUF

    Comme nous avons épuisé toutes les visites qui nous intéressaient, pourquoi ne pas tester un nouveau hamam? Le Routard nous en conseillait deux, il faut bien qu'on puisse choisir en connaissance de cause. Nous voilà donc partis vers l'Eski Kaplıka, un bain turc datant de la fin du 14e siècle. Nous en avons pour trois quarts d'heure de marche. Cela devraient nous faire digérer tous nos écarts.

    J'étais mitigé quant à l'idée d'en faire un autre, et aussi rapidement, mais je ne regrette absolument pas. L'extérieur est dans le plus pur style ottoman avec ses nombreuses coupoles de toutes les tailles. Mais l'intérieur... nous laisse bouche bée.

    Ces coupoles recouvertes de zinc dehors sont toutes montées en briques en dedans. Les éclairages, naturels et artificiels (les dômes sur les côtés de la salle d'accueil sont éclairés par des spots rouges) mettent en valeur l'édifice de manière incroyable. L'atmosphère est paisible, calme, peu de bruits nous parviennent de la furie extérieure, les deux employés chuchotent entre eux.
    L'un d'eux nous amène vers notre vestiaire (on a désormais le code, on sait) qui n'est plus un compartiment de train mais une cabine de bonne taille avec deux couchettes matelassées si l''envie nous prenait de nous détendre avant d'aller nous détendre.
    Portes coulissantes, panneaux opaques colorés, croisillons de bois, tout respire le voyage dans le temps, dans ces époques lointaines où l'on quittait la chaleur terreuse des déplacements à dos de chameau, les foules pulsantes des marchés de fruits orientaux et de soies pour venir se laver, se reposer et discuter de la vie ou des affaires avec les siens. En quelques minutes, je suis déjà loin dans ma tête.

    Puis je me rappelle que je suis tout nu devant le miroir, prêt à m'enrouler dans la serviette fournie (tiens, des carreaux bleus aujourd'hui) et la seule vision de mon reflet me remet violemment dans l'axe de ma propre chronologie. Les chameaux, les nuages de poussière et les odeurs d'épices s'évanouissent aussi rapidement et nous sortons de notre box.
    On nous indique l'entrée de la première salle de douche, la vraie entrée du hamam. La porte en bois massif et à la pointe persane s'ouvre, grince, et là, deuxième choc.

    la salle est toute en marbre blanc. Nous descendons une première marche, puis une deuxième, chacune séparée de l'autre par un étroit caniveau où coule en continu un filet d'eau translucide. Sur les murs, les mêmes petits lavabos et leurs robinets, mais ceux-ci mieux oeuvrés, en métal forgé et pas en plastique.
    La chaleur n'est pas étouffante, pas de vapeur d'eau non plus. Les dalles sont en marbre également mais ne glissent pas, et pourtant, toutes les surfaces planes sont recouvertes d'eau, une très fine pellicule qui coule des lavabos et se répand à l'infini, brillante, et finit sa course dans les petits caniveaux tout autour.

    Le spectacle n'est pas encore terminé. De l'autre côté de la pièce, une autre ouverture : le passage pour le bain en lui-même. La salle du bassin, au centre, avec ses dalles de marbres surélevées qui servent de bancs tout autour. Si l'autre hamam était coloré en rose et vert pâles, ici, tout est blanc et gris-bleu. Les peintures des murs ont été appliquées avec un effet vieilli, ou alors très mal, mais le résultat est unique et confère à la pièce une beauté hors du temps, comme si nous étions transportés à des siècles de maintenant.

    La piscine fait à peu près 6 mètres de diamètre et tout autour 8 colonnes blanches s'élèvent jusqu'en haut des murs pour soutenir la coupole, elle-même immaculée et percée d'une verrière surmontée à l'extérieur d'une sorte de clocheton en pierres.
    Autour du bassin, la zone de passage et dans les murs des alcoves avec leurs propres coupoles, les bancs de marbre et les petits lavabos.
    L'eau de source chaude jaillit d'une gueule de lion en pierre dans un petit bassin carré dont le trop-plein se déverse dans le bassin.

    Je reste juste sans voix. Je n'ai pas les mots. C'est majestueux, grandiose. La cerise sur le gâteau: nous avons le hamam pour nous seuls pendant un très long moment. On s'imagine follement être chez nous, que tout cela nous appartient. Un rêve fou.

    Nous y restons une heure, puis ressortons nous faire sécher par l'employé qui nous habille comme des pachas. Une vingtaine de minutes supplémentaires à siroter un thé allongés sur des couchettes moelleuses dans la salle principale, quelques photos (on a bien demandé à photographier le bassin mais refus poli), puis nous repartons, le corps et l'esprit détendus, juste bien.

    SOIRÉE

    Vu la distance et l'heure, nous n'aurons pas le temps de repasser par la chambre avant d'aller dîner. On va directement au resto de ce soir, goûter ces fameux iskender kebaps qui ont été inventés ici même. Bon ce n'est pas une première, mais celui-ci, l'original, est recommandé. Ils ne font que ce plat, rien de moins, rien de plus. Mais quel plat!

    Nous mettons près d'une heure pour rejoindre l'Iskender-1867, repaire des aficionados de ce plat typiquement turc. On a opté pour un retour à pied, histoire de moins culpabiliser sur la bouffe. Et aujourd'hui, on bat tous nos records: 18,5km!

    Au risque de te décevoir, cher lecteur : rien de notable ce soir. Aucune connerie, aucun accident (ah si, Mérignac a renversé son verre de jus de raisin sur la table du resto. Service impeccable, serveur au grand sourire "no problem", avec en retour un verre de nouveau plein). Nous nous couchons plus tôt ce soir car nous reprenons le ferry demain à midi, direction Istanbul pour une dernière nuit avant le retour en France.

    Demain, c'est la journée des dernières fois. Je la redoute à chaque voyage. Elle est annonciatrice de gros craquages. Encore plus que d'habitude...
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  • Day 7

    J7 - dimanche 24 avril, journée

    April 24, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 15 °C

    Une journée relax aujourd'hui, comme disait les jeunes quans je l'étais. Nous réalisons que passer 4 jours à Bursa était peut-être un peu ambitieux, question visites et points d'intérêt. Non pas qu'il n'y ait rien à voir, mais ces intérêts sont moindres, du coup, on décide de se la couler douce et de ne pas courir partout comme lors de nos précédents voyages.

    Mais y aller cool ne veut pas dire ne rien faire. Depuis une semaine tout pile que nous sommes en Turquie, nous avons parcouru en moyenne... 15km par jour, et pas en taxi, crois-moi, lecteur perplexe. Dixit la montre connectée de Mérignac. 137 000 pas, grosso modo!

    On décide donc de se faire un petit hamam. Un turkish bath en Turquie, cela s'impose! Mais cela sera en fin d'après-midi, car nous avons nos 18 000 pas quotidiens à faire avant.

    INTERDIT DE MOSQUÉE

    Le petit déj de l'hôtel est d'une qualité inversement proportionnelle au standing du bâtiment, donc on passe. On s'est levés plus tard, on est les seuls, ils cuisinent pour nous, mais ça ne vaut pas grand chose.

    Nous prenons la route vers 10h30, armés de notre matos photo, moi en bermuda, on a jeté les blousons et les moufles, c'est l'été ici. La journée promet d'être chaude.
    Nous commençons à croire que nous savons nous repérer dans nos alentours immédiats, mais il nous faut encore le GPS pour nous confirmer qu'en localisation, on reste des burnes à Bursa.

    Nous arrivons quelques dizaines de minutes après aux deux monuments que nous voulons visiter : le Mausolée Vert et juste à côté la Mosquée Verte. Ouais, ils ne se sont pas cassé la tête sur ce coup-là.

    Le Mausolée abrite la sépulture d'un sultan, Mehmet 1er, et de ses fils et épouses. Les sépultures ici sont surmontées, en lieu et place d'une croix comme chez les Catholiques, d'une pierre taillée en forme de turban. Sauf que chez les sultans, ce n'est pas une pierre mais du tissu, selon toute vraisemblance. On ne peut pas toucher, bien sûr, mais un petit indice nous met la puce à l'oreille : il est recouvert d'un plastique transparent, probablement pour le protéger de la poussière. Du meilleur effet.
    Sinon, le mausolée est recouvert de carreaux de faïence turquoise qui le rendent vraiment atypique.

    La Mosquée, plus loin, est assez imposante, et c'est le seul commentaire que j'en ferai car je n'y suis pas entré, étant en bermuda. J'avais totalement oublié ce petit détail vestimentaire. Olive, une fois entré, me dégote bien une longue toge maronnasse destinée aux femmes sans foulard ou en jupe et qui voudraient entrer, un sur-vêtement. J'ai un flash d'une micro-seconde, Olive a déjà la connerie dans l'oeil droit, aussi je refuse catégoriquement. Je ne le sais pas encore, mais je finirai la soirée sur ses épaules, dans le noir. Je dois pressentir que cela suffira en termes de ridicule pour un jour. La Culture et l'Architecture se passeront donc de ma présence pour l'heure, et je m'assois au pied du bâtiment pour bouquiner. On me jette bien une pièce ou deux, mais je les renvoie illico à leurs donateurs, j'ai ma fierté.

    DÉJEUNER

    Je ne veux pas déjeuner. On a pris le petit dej il n'y a pas si longtemps, et on a des réserves vu ce qu'on s'enfile depuis le début. Et puis ce soir, on mangera tôt : les resto ferment tôt, on en a fait l'expérience hier, et c'est le résultat du second tour des présidentielles, on voudrait être devant notre écran à 21h pétantes, heure turque. Donc, pas de déjeuner.

    On finit par trouver un petit resto qui propose des salades près de la rue commerçante couverte, en face de la Grande Mosquée, que nous visiterons demain. La salle est juste magnifique. Les murs sont peints d'arabesques jusqu'aux plafonds en dômes (ils aiment les dômes dans ce pays). Et la micro-cuisine à côté de l'entrée, dans une alcove, est surmontée d'une énorme hotte en cuivre rutilante.
    Nous mangeons nos salades (ça fait du bien) avec un seul plat de kebab pour 2, pour les protéines. Pas de dessert, et juste de l'eau à boire (de toute façon, c'est sevrage alcoolique depuis notre arrivée, les établissements ici ne vendent pas d'alcool).
    C'est ça, la volonté, prends-en de la graine, lecteur.
    A noter : les toilettes turques sont tellement bien! En version urinoir ou popo, je découvre qu'ils offrent à chaque fois un jet d'eau savemment placé pour nettoyer ce qui doit l'être!

    LE JARDIN-CIMETIÈRE

    Nous nous rendons ensuite au complexe funéraire de Muradiye. Oui, c'est une journée mortelle, aujourd'hui.
    Une courte demi-heure plus tard, nous en poussons les grilles. C'est un curieux "jardin-cimetière" où sont disséminés 12 mausolées hexagonaux datant des 15e et 16e siècles. Le plus majestueux est celui du sultan Murat II et les autres sont ceux d'enfants, d'épouses ou de frères de ses successeurs, assassinés lors d'intrigues de succession. Faut pas les emmerder, les Turcs, je te le confirme, lecteur!

    " IF I GO TO THE TURKISH BATH...

    ... I risque. I risque énormément." Cette réplique de Louis de Funès dans La Grande Vadrouille résonne dans ma tête alors que nous arrivons au Yeni Kaplica Erkekler Hamami, un bain datant du 16e siècle construit à la demande de Solimane le Magnifique. Point de "Big Moustache" ici, l'analogie avec ma scène culte s'arrêtera là.

    Nous sommes des novices en t(h)ermes de hamam. Tout est extrêmement codifié, mais nous, on n'a pas les clés du code. Ce code qui fait toujours cruellement défaut aux voyageurs et qu'il est si excitant de découvrir au fur et à mesure que l'on s'approprie une culture, souvent en accumulant les faux pas ou les hésitations.

    Nous sommes pris en charge par un client à l'extérieur, alors que nous essayons de déchiffrer un panneau à l'aide de Google Trad en version réalité augmentée : on allume l'appareil photo, on vise le texte à traduire et la traduction se surimpose comme par magie sur le texte originale. Quand elle marche.

    Cette traduction nous parle alors d'une piscine de 4 bisous, de hammam de 20 hivers, c'est à n'y rien comprendre. On s'esclaffe comme deux idiots lorsque le monsieur vient nous traduire dans un anglais rudimentaire mais qui fait sens. Google a encore du taff à faire.

    Il s'agit en fait de l'annonce des capacités des différentes installations. Pas d'informations de fonctionnement. Nous entrons.

    Le client extérieur passe le relai au type derrière sa caisse, qui nous explique tout super gentiment. Bon il veut garder nos passeports et nos téléphones dans une petite boîte, mais quand je lui montre mon sac à dos de photo, il abandonne et nous file la clé du vestiaire.
    Une recommandation fort utile : ne laisse jamais ton passeport en gage! C'est bête mais apparemment il y a un gros trafic de papiers d'identité en Turquie et il faut donc faire attention.

    Nous entrons dans le vestiaire, qui ressemble plus à un compartiment de train, mais un train class, tout en bois. Le hamam date du 16e siècle, je te rappelle. Les portes sont vitrées en version dépolie sur la moité inférieure, pour qu'on puisse se changer même debout sans être vu.
    Nous avions apporté nos maillots, au cas où. Nous les mettrons même si nous n'en avons pas besoin (je m'en rendrai compte dans un moment en faisant face à un vieux monsieur jambes écartées). Des serviettes légères sont sur les 2 banquettes, prêtes à être utilisées. On ne sait pas trop s'il faut quand même mettre le maillot ou pas dessous, nous le gardons.

    On sort de notre vestiaire comme deux puceaux lâchés rue St Denis, aux abois, observant tout minutieusement, à la recherche d'indices nous dévoilant un peu de ce code qui nous fait tant défaut.
    Le type est là qui nous attend. Il nous dirige vers la première grande salle de bain, où l'on doit passer intégralement à la douche. C'est là qu'on voit que certains habitués, surtout des jeunes, sont en caleçons de bain. Les plus vieux sont tous dans la même serviette d'inspiration vaguement écossaise maintenant que j'y repense, en quadrillage rouge et blanc.

    Après la douche, il nous indique la deuxième salle, la vraie, le bain en lui-même: une salle ronde, décorée de marbre vert et rose, dans laquelle sont disposées 7 larges alcoves avec des bancs de marbre et de petits lavabos à chaque coin. Chacune peut accueillir 4 personnes à l'aise. Tout est chaud : les murs, les dalles, les bancs.
    L'eau qui coule dans les petits lavabos provient de deux robinets, un froid, l'autre chaud. L'eau chaude ici, et c'est la raison de la renommée des bains de Bursa, provient de sources thermales chaudes issues de la colline à laquelle s'accroche la ville.

    D'ailleurs, entre deux alcoves, une gueule de bête en pierre déverse l'eau naturelle très chaude dans une large piscine au centre de la pièce. Un panneau nous indique l'heure et la température : 42°C.

    Nous y passons à peu près une heure, à transpirer, somnoler, discuter ou se plonger dans l'eau bouillante de la piscine et résister un maximum de minutes avant de ressortir en sautillant sur la pointe des pieds parce que quand même c'est super chaud!
    Un papi est avachi dans son coin, la tête baissée sur le thorax, il n'en bougera pas de toute notre séance, si bien qu'en partant j'éprouve une furieuse envie de le secouer doucement pour savoir s'il est encore vivant ou devenu un fait divers.

    Ici, point d'ambiguité: les groupes d'hommes qui se connaissent et viennent ensemble se frotter mutuellement le corps avec les gants de tissu rèche et le savon fournis pour s'exfollier les uns les autres. Et vas-y que je t'exfollie le dos et la nuque, et toi tu m'exfollies les jambes et entre les orteils, et puis après je t'exfollierai les bras et le thorax... C'est troublant quand même, surtout après nos mésaventures stambouliotes.

    Mais pour l'heure, nous nous exfollions donc l'un l'autre, et n'y vois là rien de scabreux, lecteur peut-être salace, nous nous exfollions méthodiquement et c'est très agréable. Nous n'avons pas pris l'option massage à l'entrée, parce que sur plusieurs sites, ils disent tous que les massages pour homme prennent vite l'allure d'une séance de baffes dans la gueule. C'est assez sportif. Moi j'ai un dos en carton, donc je passe. Je préfère me faire exfollier. Nettement.

    Puis c'est au tour de Mérignac. Je l'exfollie assez rudement au début, il n'apprécie que moyennement cette exfolliation sportive, donc je réduis la pression. Mais j'ai déjà en tête l'excitation du moment où je vais pouvoir le rincer à grands coups de coupelle d'eau froide! Je suis un sous-être, je sais. Mais lorsqu'il m'a rincé, il s'est bien foutu de moi aussi, parce que bon, presque une heure à 42°C, je te laisse imaginer, lecteur, qu'une coupelle d'eau froide ne serait-ce que sur le petit orteil m'a fait hurler sur 6 octaves en un quart de soupir. Et il n'a évidemment pas ciblé mon petit orteil, la crevure...

    Puis vient l'heure de cesser ces bêtises exfolliatoires. On repasse par la douche puis je reviens à mon compartiment de train pour me changer. Pauvre fou que je suis, j'ai cru que la session était terminée!
    Le monsieur du début vient me chercher en me faisant un signe "halte" de la main, les yeux fermés, la bouche en moue, puis disparait un instant et revient avec 3 serviettes dans les mains. Il s'approche tout près de moi... bien plus près que ce à quoi j'étais prêt à consentir, il rentre dans ma bulle sociale, mais que fait-il!? Il me faut du code! ... et me fait lever les bras de chaque côté à l'horizontale pour m'attacher une première serviette autour de la taille en version très haute (ils appellent ça une "chirac" ici) (non, je plaisante), puis la seconde me couvre tout le haut du corps et la dernière, la tête en turban, suite à un savant pliage. Et il me sèche également le visage! Non mais cet homme est un sécheur professionnel, j'en veux un comme lui chez moi tous les matins!

    Puis il me refait sortir du vestiaire et me propose de m'asseoir à cette table, dans la salle principale. Il me fait un signe d'apaisement des deux mains, genre "tu te calmes!" mais je suis très calme, et me sens tout mou, qu'est-ce que c'est bon d'être tout mou! Il repart dans la salle des douches et un instant après, je vois Olive débouler, emmitouflé dans ses serviettes comme moi, un grand sourire aux lèvres et nous éclatons de rire en nous découvrant.
    Malheureusement, aucun appareil électronique n'était présent pour capter ces bons moments, et c'est peut-être mieux ainsi.

    Nous restons assis là un moment, interdits, lorsque le monsieur nous demande si nous voulons du thé ou de l'eau. Et on termine la session hamam sur un thé, bien chaud, bien agréable.

    RETOUR

    Nous sommes des Bursiens nés désormais. On rejoint la station de métro la plus proche et le prenons comme des chefs jusqu'à notre arrêt, Osmangazi. Encore un nom de sultan je crois.

    Petite marche finale d'une vingtaine de minutes et nous nous posons finalement dans la chambre. Juste le temps de se rafraîchir (ma peau a l'air toute neuve au toucher, c'est un vrai bonheur) et nous voilà repartis pour note resto de hier, où du moins celui où on n'a pas pu dîner parce qu'il était "trop tard".

    ISKENDER DÖNER

    Du coup, on y arrive à 19h pile. Ils sont en train de dresser les tables. Le patron (ou un vieux serveur) nous regarde comme deux hurluberlus lorsqu'on entre et qu'on demande si on peut... manger. Euh c'est un resto, non? Ils ont des expressions faciales qui donnent des envies de mandales des fois. On a vraiment l'impression de passer pour des extraterrestres.

    On nous fait asseoir dans une petite cour sympa. Pas de menu, c'est plat unique, local : l'iskender döner. En fait, on est venu pour en manger un. Et celui qu'on nous apporte en 5 minutes est une tuerie intergalactique, encore une.

    Dans une assiette, disposons des lamelles de döner kebab sur un lit de pide (le pain turc), ajoutons sur un côté quelques cuillérées de fromage frais, des tranches de tomate fraîches, des piments grillés, et agrémentons d'une sauce tomate à tomber... et l'ingrédient final arrive dans un instant.
    Le döner kebab est le fameux mouton cuit à la broche qu'on a en tête lorsqu'on parle de kébab en France. Döner veut dire "tournant" et kebab (ou kebap) signifie "grillé".

    Celui qu'on est venu manger ce soir est l'iskender döner, le döner d'(e Monsieur) Iskender, parce que c'est ce monsieur qui a eu l'idée de faire griller un agneau en mode vertical pour le découper méthodiquement en lamelles avant de le servir. C'était il y a un gros siècle. C'est devenu mondial depuis.

    L'ingrédient ultime arrive devant nos yeux ébahis et de manière totalement inattendue : le serveur se pointe avec une petite poêle en cuivre au manche très long qu'il incline au-dessus de mon assiette et d'où coule au bas mot un demi-litre de beurre fondu! Ouh putain, va falloir remonter la barre kilométrique dès ce soir!!
    Olive a droit au même traitement, halluciné et comptant déjà combien d'abdos il va devoir faire pour n'en éliminer ne serait-ce que le souvenir. Nous nous lamentons deux secondes, puis attaquons cette petite merveille.

    Puis comme on en a l'habitude maintenant, nous nous faisons jeter à peine notre assiette finie (ils sont en planque derrière nos chaises, ils débarrassent à peine la dernière bouchée avalée). Pas de dessert. Ni proposé, ni compris (Olivier fait la demande, l'autre lui répond que la table est réservée). On paye et nous voilà déjà dehors, un peu interloqués d'être traités de la sorte.

    Ce n'est pas la première fois qu'on sent que note statut de touriste nous soumet à une différence de considération, et pas vers le mieux. On nous parque souvent dans un coin, peu ou pas de propositions faites, c'est étrange. Ils acceptent bien nos livres néanmoins...

    DESSERT

    Mérignac n'a pas dit son dernier mot. Il veut un dessert. Qu'à cela ne tienne : on en cherche un dans la rue, mais rien n'est attirant, aussi, nous revenons au resto de hier soir, demandons une table et là encore, le serveur nous apporte une pauvre carte en plastique avec deux menus burgers imposés.
    Déjà, on veut pas manger ta merde, on veut juste des desserts. Et après on veut la VRAIE carte. Qu'il nous apporte en suivant.

    Nos deux desserts finalement pas top engloutis à grands renforts de thé, nous quittons les lieux et retournons à la chambre.

    Le temps de changer les horaires de ferry de mercredi (nous voulons repartir plus tôt, dès le matin, pour profiter d'Istanbul une dernière fois plutôt que de rester ici une journée de plus), et voilà, on assiste au résultat tellement passionnant de l'élection présidentielle.

    Dernier événement débile de la soirée, mai qui nous a bien fait une dizaine de minutes: je veux me refaire un thé et je branche la bouilloire que j'ai demandée hier soir. Elle avait déjà fuit dans la nuit, on s'en est rendu compte ce matin au réveil. Et là, elle a continué mais je n'y prête pas attention. Je la branche...
    ... et provoque une interruption d'électricité instantanée et généralisée de tout l'étage. Court-circuit. Je pense que nous sommes les seuls dans cette aile, car personne ne bronche. On repère le disjoncteur dans la chambre : il est au plafond.
    Pas de souci, voilà Galgon perché sur les épaules de Mérignac, dans le noir avec un portable en mode loupiotte à la main. Le pauvre Mérignac chancelle de faiblesse (Galgon pèse son poids de kebab) et de rire. Je remets le disjoncteur en position ON, mais il faudra quand même l'intervention du concierge pour réactiver celui du couloir!

    On peut appeler cela une bonne fin de soirée. Sur ce, Guy Lux, je rends l'antenne, à vous Cognac-Jay, à vous les studios.
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  • Day 6

    J6 - Bursa

    April 23, 2022 in Turkey ⋅ 🌙 15 °C

    Je profite de notre traversée de 2h entre Istanbul et Bursa pour m'avancer dans mes comptes rendus, ça sera toujours ça de gagné ce soir quand on en aura plein les pattes.

    Rien de bien remarquable ce matin. On s'est levés très tôt, trop tôt certains diront (moi, en l'occurrence) mais Mérignac ayant décidé de ne pas être en retard (on avait quand même un bateau à prendre), je n'allais pas le contrecarrer.
    Nous hellons prestement un taxi qui nous déleste d'une cinquantaine de livres pour nous amener à l'embarcadère de Yenikapi, roulant comme un malade et à deux doigts de renverser un cycliste à l'arrivée. Comme tout bon Turc au volant, il s'arrête juste là où il veut sans prêter attention aux voitures derrière lui qui le klaxonnent à peine a-t'il lâché son frein à main.
    Le Turc est sympa, mais faut pas trop le chauffer quand même. Le nôtre tourne instantanément la tête vers l'autre conducteur et lui lance un regard noir, meurtrier, immobile, figeant le temps l'espace de quelques secondes.
    Puis le monde reprend sa course, il nous décharge les valises, on paye et le voilà reparti vers d'autres aventures, comme nous d'ailleurs. Pfiou. J'était à deux doigts de m'excuser profusément pour l'autre conducteur...

    Le terminal n'est pas bien grand mais tout est très bien organisé. On a le temps de prendre un petit café avec une pâtisserie histoire d'avoir quelque chose à vomir dans un moment, puis nous embarquons.

    Et là, à la seconde où j'écris ces lignes, nous sommes en train de voguer en Turquie, sur la mer de Marmara, vers la ville de Bursa.
    La vie est belle.

    Nous en profitons pour réviser notre turc basique. Pas simple, les changements phonétiques. En turc, en plus, il faut rouler les R et prononcer les H.
    - Bonjour : merhaba
    - Merci : teşekkür ederim 'téchékur édérim"
    - oui : evet
    - non : hayır (un peu comme "ailleurs")
    - 1: bir
    - 2: iki
    - j'ai faim : acıktım ("adjeukteum")
    Le basique, quoi.

    UN AUTRE TOURISME

    Nous avons été surpris les premiers jours de croiser autant de personnes avec le nez cassé. Des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes, tous se baladent comme si de rien n'était avec de gros pansements et les yeux gonflés, bleuis, la zone tuméfiée. Ma parole, ils se battent tous ou quoi?

    Puis après les nez, ce sont les crânes. Bon nombres d'hommes de tout âge aussi ont soit la tête bandée en couronne, soit le crâne à vif, piqué de centaines de points rouges. Mais mon Dieu mais que font-ils de leur temps libre, ces gens-là!?

    Evidemment, nous comprenons que tous ces gens sont en Turquie non seulement pour le tourisme, mais c'est en fait du tourisme médical : la Turquie est apparemment à la pointe des rhinoplasties ainsi que de l'implantation capillaire. Ils viennent tous se refaire un nez, un scalp, probablement à moindre coût, la livre turque ayant perdu le double de sa valeur depuis à peine un an! Cela me laisse songeur...(non, non, lecteur inquiet, ne te fais point de cheveux blancs : point de chirurgie, la tondeuse restera ma meilleure amie).

    Et pour conclure le chapitre sur le tourisme, comment ne pas mentionner les incroyables hordes de touristes russes! Ils sont absolument partout, et ça baragouine à tout va, ça s'apostrophe, ça se helle, sans aucune vergogne! On leur dit qu'ils sont en guerre et qu'ils emmerdent tout le monde ou bien?
    Bon ça me permettra de "tester" mon russe scolaire et d'interloquer une vendeuse qui ne comprend pas pourquoi je lui réponds en russe que je ne comprends pas ce qu'elle me demande en russe.

    BURSA ?

    Nous accostons vers 11h45 mais ne sommes pas arrivés à Bursa. La ville se trouve à une quinzaine de kilomètres de la côte, mais j'ai trouvé l'info du siècle pour nous aujourd'hui : il y a un tramway qui relie l'embarcadère à la ville. C'est ce que nous nous mettons à chercher à l'arrivée, entre les rabatteurs de taxi, les rabatteurs de bus et d'autres rabatteurs dont on ne sait pas trop ce qu'ils rabattent mais tant qu'ils le font, ils'en contentent, et ma foi nous aussi.

    Il faut nous rendre à l'évidence : Bursa n'est pas Istanbul. Ici, il fait beau et chaud, surtout. On est à 26°C, pas un nuage, on dirait l'été. Mais un été sans tramway. Pas l'ombre d'un. Que des taxis et des bus. Nous optons pour le bus. Nous prenons la file d'attente pour le guichet.
    Ah. On nous dit que ce n'est pas la file d'attente pour le bus. La file d'attente pour le bus? Elle est là-bas. Nous nous faisons préciser un tantinet cette information, là-bas étant toujours plus loin que là où on se trouve... la file? là-bas!

    Bon, OK on n'en tirera pas plus. Mérignac va demander à une commerçante qui lui pointe l'épicerie d'à-côté, et effectivement, c'est tellement intuitif d'aller acheter son ticket de bus dans l'épicerie du coin...
    On nous vent la Bursakart, la carte des transports de la ville, à recharger en argent dès qu'elle est vide.

    Un vieux monsieur fort aimable nous prend en charge de loin, comme je lui ai expliqué où nous voulions aller en lui demandant comment le faire. En fait, c'est tellement intuitif aussi : bateau, puis bus, puis métro et enfin taxi. E-vi-dem-ment!! Mais comment diable n'y avons-nous pas pensé avant!? Et tout ça sans aucune explication ni aucun panneau sur place bien entendu.
    Bref, le monsieur m'explique par gestes car il ne parle rien d'autre que le turc comment faire, puis comme il va sensiblement dans la même direction, je le vois qui nous surveille de loin, de temps en temps, voir si on ne fait pas de bêtises.

    Nous finissons par descendre à la bonne station, trouvons un taxi qui nous dépose enfin, ENFIN, à notre Ipekiolu Hotel, dans le centre historique de Bursa.

    BURSA

    Bursa est moche lorsqu'on arrive. Une ville banale, avec ses rues, ses grandes artères, sa pollution, et en état assez moyen en ce qui concerne la voirie, notamment les trottoirs. Je ne vivrai pas à Bursa. Je n'y achèterai pas une maison pour y aller en vacances. Tout juste nous y venons pour voir deux, trois trucs et peut-être serons-nous surpris, mais pour l'heure, Bursa, c'est pas la joie.

    L'hôtel en revanche, est assez class avec une pointe de vieillerie kitsch pas déplaisante. Nous avons droit aux sols de marbre et parquet, un long couloir de bois avec des lustres en globes de verre décorés d'arabesques métalliques. Le bâtiment à étage forme un U, c'est une ancienne demeure de style ottoman - nous sommes dans le centre historique, te dis-je ! La cour semble un peu nue avec uniquement ses tables et sièges pour le petit déjeuner visiblement. La chambre est du même modèle, nous sommes agréablement surpris.

    ARE YOU ? YOU ARE?...

    Depuis deux jours, et notre insoluble mystère de l'inconnu de 5h18, nous trouvons petit à petit des pièces qui nous permettent de reconstituer ce puzzle qui occupe notre esprit. De sorte que je peux probablement offrir une première (et unique) explication sans inquiéter personne (si tant est que quelqu'âme pût l'être. Inquiétée.)

    Souviens-toi plutôt, lecteur précédemment frustré mais pas rancunier, jeudi matin, 5h18, quelqu'un nous réveille en frappant à la porte de la chambre.
    J'ouvre. Derrière la porte, le concierge de nuit se tient à quelques mètres et là nous basculons dans la 4e dimension.

    "Excuse me but... are you gay?"
    La question me met une grande claque derrière la nuque. Il est 5 du, l'autre s'est manifestement réveillé et en tout cas nous a réveillés pour nous poser cette question!?
    Je le fais répéter.
    "Are you gay? because errr... you are together and errr... you have one room..."
    Mais je t'en pose des questions, Gaston? Je suis atterré. Et bien mal inspiré (je n'ai la plupart du temps absolument pas de répartie, ou un vraiment très mauvais timing), je lui réponds mal à l'aise que non, on est juste en voyage. Dans l'histoire des répliques merdiques, je pense qu'on peut m'attribuer le Galgon de bronze de la plus vaseuse.

    Mon esprit fuse en même temps. Turquie + gay = pas cool. Que faut-il faire ? Affronter la vindicte populaire et la connerie humaine et rester fier ou faire profil bas pour ne pas se faire emmerder, voire pire.
    Parce que, oui, à cet instant, je pense un peu au pire. Je disais avant-hier que la situation pouvait potentiellement partir en vrille quelle que soit la direction qu'elle prenne.
    La pire de toutes est que si on dit oui, on peut se faire casser la gueule. Et on n'est pas venu ici pour souffrir, hein!? Après, on ne connaît pas le statut du traitement de la communauté ici, mais après quelques recherches avisées, il semblerait que les actes d'agression sont plus ou moins volontairement ignorés par les autorités.

    2e possibilité à haut potentiel de vrillage : il cherche du contact! Logiquement, les homos du pays doivent être super tendus du coup par rapport à cette situation. Cela ne doit pas être simple d'être gay ici. Et donc, s'il l'est, il nous voit dans une chambre, il tente sa chance avec les deux vieilles! Mais alors là, dans l'histoire des premiers pas, on lui décerne l'Istanbul d'or, à Isidor. Olive me demandera comment il était habillé. Je pense me souvenir qu"il était uniquement en caleçon, mais beaucoup moins sûr pour le haut. Torse nu ou pas? Pas fait attention sur le coup. Cela aurait pu être une indication, pour lui, quant à ses intentions.

    3e possibilité, probablement la bonne, car plusieurs indices pointent dans cette direction. Une précédente cliente a laissé un message sur Booking, furieuse qu'on lui ai refusé une chambre sous prétexte qu'elle ne portait pas le nom de son copain. Pas mariée, quoi.
    Alors, quoi de plus logique pour lui que de s'interroger si nous sommes en couple? Si oui, il va nous jeter dehors avant la fin du séjour, et ça dera galère.

    En prenant la chambre à 13h ici à Bursa, l'hôtesse d'accueil nous dit qu'on avait réservé une chambre avec un grand lit mais que c'est plus possible, elle n'a que 2 petits lits. On se regarde subrepticement avec Olive, disposant cette nouvelle pièce dans note puzzle mental. Peut-être est-ce parce qu'on est 2 hommes..? Je lui dis que tutti va bene pour nous et le plus logiquement du monde, on nous amène dans une chambre avec un grand lit...!
    Je n'exclue pas la mauvaise compréhension de ma part, mais je n'exclue pas non plus les événements totalement hors de toute logique qui nous arrivent parfois.
    Quoi qu'il en soit, on pense que là aussi, quand ils voient que c'est deux mecs qui réservent une seule chambre, ça doit tiquer un peu.

    Bref, voici donc le fin mot de l'histoire. Je me suis renié jusqu'au tréfonds de mes atomes mais ça va mieux, c'est passé. On a préféré ne pas en parler avant d'avoir quitté Istanbul et peut-être compris le pourquoi du comment. On ne saura jamais vraiment ce qui s'est passé dans sa tête à 5h du matin qui l'a poussé à nous réveiller pour nous poser cette question de but en blanc. Y'a quand même des gens chelous, non?

    CUMALIKIZIK

    Tu te souviens, lecteur attentif, de la prononciation? Djoumaleukeuzeuk, c'est ça.
    Ben nous y arrivons. Le temps de te raconter notre mystère de 5h18 et le taxi nous a amenés pile poil sur la place du village, à une quinzaine de kilomètres de notre hôtel.

    Même si la campagne n'est pas très remarquable en route, cela fait du bien de quitter une grande ville l'espace d'une journée. On respire de nouveau, même si la température est encore montée d'un ou deux degrés.

    L'arrivée au village nous arrache un "wouah!" d'excitation en pensant aux photos qu'on va pouvoir faire si tout le village ressemble à cette place.
    Un gros arbre est planté en plein milieu derrière deux stèles et quelques plots de circulation en ciment pour agrémenter le tout. Le sol est en terre battue, et tout autour sont disposés les étalages de vendeurs de tout et de rien, mais principalement de rien-à-touristes : vieilles feuilles poussiéreuses pour le thé (goût pneu ou gaz d'échappement certainement), des poupées de chiffon que même Stephen King n'oserait pas mettre dans ses romans tellement elles sont effrayantes et malaisantes (comme dirait ma fille) dans leur simplicité. On y vend aussi de l'artisanat : bibelot, broderie, crochet, les mamies locales sont assises sur des petits sièges en plastique et font salon tout en gardant un oeil sur leur camelote.

    Les touristes se photographient, prennent les bâtiments, les rues qui partent dans des angles improbables, toutes ces façades décrépies, peintes en vieux bleu, jaune pâle ou vert. Beaucoup de maisons, les plus vieilles, vu leur état, sont à encorbellement, c'est à dire que le premier étage dépasse du rez-de-chaussée et est soutenu par des poutres dont on se demande bien ce qui les soutient, elles...
    L'ambiance est détendue, des enfants rigolent pendant que les adultes papotent, c'est vraiment sympa.

    DEJEUNER

    Mais il est l'heure des photos, même si on n'a pas encore mangé. Il est 14h. Pour photographier des ruelles encaissées, coincées entre de hautes maisons, il vaut mieux les faire lorsque le soleil est au plus haut, donc aux alentours de midi pour que la lumière les illumine. Trop tôt ou trop tard, et la ruelle est plongée dans la pénombre et la photo est souvent nulle.

    Nous prenons donc plusieurs séries de photos, les rues environnantes grimpent et se tordent silencieusement autour des vieilles maisons, le village étant adossé à une colline. Elles grimpent . On adore. Au centre de la première, le caniveau pavé est ruisselant d'une eau brillante de lumière, tandis que certaines femmes toutes voilées et accoutrées de vêtements sombres sont assises devant leurs échoppes et regardent les gens passer ou discutent avec les enfants qui jouent là.

    Mais la photographie finit par n'avoir qu'une emprise toute relative sur nous lorsqu'il s'agit de manger, ce n'est pas une nouveauté.
    Nous choississons donc une boutique assez grande qui vend un peu de tout et n'importe quoi, un peu comme tout le monde ici et on voit qu'ils font aussi à manger.
    La jeune fille nous invite de la main à monter l'escalier, ce que nous faisons. On se dirige alors vers une salle à l'étage où des tables sont disposées. "No, no, no, not here!" nous fait-elle alors. Pas ici? Mais où, alors? elle tend la main en direction d'un endroit derrière nous. Tiens un autre escalier. On s'y engage.
    "No, no, no, not there!" fait-elle en souriant.
    Elle se foutrait pas de notre gueule aussi...?

    Elle nous installe dans une sorte de petit salon mezzanine très bas de plafond (même nous on se cogne aux poutres) où une multitude de coussins de toutes tailles sont disposés au sol, avec une table ronde. Nos yeux s'illuminent, ça va être royal! Des paşa!

    Bon, le repas n'est pas le meilleur du monde mais c'était quand même très agréable. Nous repartons une grosse demi-heure plus tard et basculons en mode photo-sniper : 2 équipes, temps pré-défini. Et c'est parti, chacun de notre côté.

    VISITE ET DEPART

    Le village de Cumalıkızık est apparemment classé au Patrimoine mondial, mais il serait temps de lui faire une petite beauté. L'architecture des habitations est belle mais la plupart sont dans un état de délabrement avancé, et on se demande comment ces (vieilles) personnes peuvent vivre dans de tels lieux.
    La fin d'après-midi approche, je me lance dans une exploration aérienne du village avec mon drone jusqu'à ce qu'un paysan vienne se garer sur le parking éloigné d'où j'opère et me dise que c'est interdit. Parce que lui doit connaître les règles en matière de vol de drone... de toute façon, j'avais fini mes prises de vue, donc je lui fais plaisir et je le fais rentrer au bercail (le drone, pas le pépé).

    La question du retour se pose maintenant. Il est 18h... et comment dire... Cumalıkızık n'est pas un gros, gros hub de taxis de ouf en fait.
    Pas l'ombre d'un. Celui qui nous a déposé en début d'après-midi nous a demandé s'il devait nous attendre ou pas. On l'a remercié gentiment (en turc, il a apprécié) mais nous l'avons congédié. Donc maintenant, selon mon expression favorite, on est Grosjean comme devant. Retour au point de départ, faut qu'on retrouve un transport.

    Et de l'eau. Nous n'avons pas bu depuis le repas, ça commence à grincer dans les rouages. On rentre dans une petite boutique tenue par des jeunes, prenons des bouteilles et demandons le prix.
    La demoiselle super souriante et sympa mais qui ne parle pas très bien anglais nous montre des deux mains 6 doigts levés...en nous annonçant fièrement "seven"!
    Pfff on contient un rire nerveux, la pauvre elle est sincère, elle veut se montrer commerçante.... son pote vendeur éclate de rire et la refait compter depuis 1 jusqu'à 10 en anglais et elle finit par comprendre et nous avoue qu'elle a toujours compté comme ça!
    On en profite pour lui demander comment retourner à Bursa. Elle nous montre plus qu'elle nous explique que là, sur la place, justement, il y a le mini-van blanc qui y part, faut le prendre!

    Sortie en trombe de la boutique, je cours derrière le van qui est en train de partir, tape à la carrosserie et saute à l'intérieur. Le type est au téléphone mais me fait un signe affirmatif de la tête lorsque je lui demande "Bursa?"
    Sauvés. Nous venons de prendre un dolmuş ("dolmouche"), un mini-bus qui a un itinéraire global mais s'arrête un peu n'importe où sur sa route pour peu qu'on lui demande ou qu'on lui fasse signe depuis le trottoir. On monte, on fait passer l'argent de la course par les autres voyageurs si on est au fond. C'est très... collaboratif. On en avait pris un déjà mais qui ne portait pas le même nom au Cap, en Afrique du Sud. Toujours un grand moment lorsqu'on ne connaît pas les us et coutumes.

    SOIREE

    Nous ressortons dîner plus tard que la normale comme nous avons déjeuné tardivement. Nous sommes encore dans un quartier très, très vivant: l'hôtel est entouré de magasins d'électro-ménager et de meubles, de sorte qu'on ne découvre qu'il s'agit d'un hôtel que lorsque on y entre. Sinon, sur le trottoir et la zone piétonnière, c'est un déballage de lave-linges, sofas, lave-vaisselles et fauteuils bigarés qui fait plus penser à une brocante en plein air.

    Non loin, une rue étroite semble concentrer tous les restaurants populaires du coin. On l'a parcourue plus tôt: les panières de pain, les condimens et sauces étaient déjà disposés sur chaque table et plastifiés pour les potéger de la poussière. On en a souri.
    Mais maintenant, on comprend qu'ils attendaient le rush du samedi soir! Au moment où nous partons manger, les gens sont aglutinés à leurs tables par 4, par 6 ou plus, mangeant tous le même plat et buvant des bières ou des thés. C'est une cantine très bon enfant, joyeuse et rigolarde. Les serveurs ont une patience et une dextérité extrêmes de faire leur boulot avec autant de gens au mètre carré, c'est invraisemblable. Nous avons juste une cinquantaine de cm au centre de la rue pour passer entre des alignements de rangées de tables, et il faut s'y croiser avec des dizaines de personnes qui déambulent comme nous, dans les deux sens. A cela s'ajoutent des groupes de musiciens qui chantent et jouent à tue-tête alors que les clients les accompagnent et les touristes les filment... un véritable Capharnaüm, mais c'est super marrant.

    Nous, notre resto choisi nous jette : trop tard. TROP TARD? Samedi soir, 21h? Alors qu'à Istanbul, ils servent jusqu'à minuit, voire plus!
    Nous nous rabattons sur le voisin, qui ferme à 22h. Nous nous retrouvons propulsés sur la terrasse, assis près d'une fontaine qui glougloute et dans laquelle le serveur qui débarrasse les tables vide consciencieusement les bouteilles d'eau minérale. On nous colle un menu dans les mains, on revient chercher la commande 1 minute 45 après montre en main, on est servis 5 minutes plus tard. Il ne reste plus que nous sur la terrasse qui était pleine lorsque nous sommes arrivés. Incroyable.
    Nous finissons notre repas, payons et hop, on est jetés dehors de nouveau.

    Le retour à l'hôtel est plus lent, on traîne un peu... et on retraverse la rue de la cantine. Méconnaissable. Plus de tables, elles ont toutes été rangées. Un type passe un jet d'eau sur les pavés tandis que d'autres portent des entassements de chaisses brinquebalantes à l'intérieur. Tout est fini. Ils sont tous partis, en un claquement de doigts. Ils étaient pourtant des centaines ici, il y a encore 20 minutes.

    En arrivant à l'hôtel, on croit s'être retrouvé dans un film. Plus un lave-vaisselle, plus une chaise, plus un canapé. Tout a disparu également. C'était un décor, assurément. C'était des acteurs, les mangeurs, les musiciens, les serveurs, tous des comédiens, on s'est bien fait avoir, on n'a pas vu les caméras... hein?
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  • Day 5

    J5 - De l'autre côté de la Corne d'Or

    April 22, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 15 °C

    Réveil à 8h au lieu de 7h30, parce que pourquoi pas... on n'est pas à une demi-heure près, surtout que le temps nous joue encore un tour minable: ciel couvert et atmosphère voilée alors qu'on devait avoir grand beau temps. Nos photos ne seront de toute façon pas ouf, donc autant faire du rab de sommeil.

    TRAMWAY

    La première blague de la journée: acheter un ticket de tramway. Ça te paraît simple, hein, lecteur moqueur, mais je te défie d'utiliser une borne automatique... en turc.
    Mais d'abord, il nous faut du cash, bébé, parce que les machines ne prennent pas les cartes apparemment. Soit. Il y a une chariotte de distributeurs mobiles en bordure de l'immense place entre nos deux mosquées. D'expérience, je sais qu'il faut trouver quelle banque locale est en partenariat avec la nôtre pour voir nos commissions de change et de retrait s'évaporer. On s'est pris un 6,5% le premier soir. C'est pas énorme, mais c'est le principe!

    Ce n'est qu'au bout du 3e distributeur (le premier était élevé, le 2e, plus de cash...) que nous trouvons le 0% de com. On retire et nous voilà partis à l'arrêt de tram.
    Non.
    D'abord, il nous faut l'appoint. Le Routard nous a prévenus que les machines ne rendaient pas la monnaie. Le ticket unique est à 15 livres, nous n'avons que des billets de 50. Et de toute façon, nous découvrirons que les machines n'acceptent pas de billets plus haut que 20!

    On fait le tour des commerçants pour casser un billet. Evidemment, c'est la croix et la banière, ils veulent garder leur menue monnaie. Encore une épreuve Pékin Express... je me sens investi de cette mission, et d'un coup, elle se retrouve chronométrée comme par magie! Je commence à accélérer le pas, prends le billet de 50 des mains de Mérignac et me jette sur le premier vendeur qui me gifle sèchement pour me calmer sur l'instant.

    Bon, il ne m'a as vraiment giflé, tu l'auras compris, mais son refus me ramène sur terre.
    Je redonne le billet à Olive, tout penaud, et le laisse finir sa transaction plus tard. Nous finissons par trouver un rabatteur sympa qui nous fait un 2x20 + 10. Le top serait d'avoir des 5 pour faire l'appoint maintenant.
    La mission se poursuit avec un dernier commerçant qui nous échange un 10 contre deux billets de 5.

    Nous voilà enfin devant la machine.
    Nous restons interdits devant l'écran, essayant de comprendre a) comment cela fonctionne, b) pourquoi ce n'est pas traduit, au moins en anglais, et c) pourquoi on n'irait pas à pied, finalement?
    Au bout d'un moment, on découvre le petit drapeau tricolore qui nous ouvre la Voie de la Compréhension. Olivier sur une machine, moi sur une autre, on achète nos tickets. Enfin, Mérignac achète le sien. Moi, mon billet de 5 ne passe pas, quelle que soit la position dans laquelle je l'insère...

    Nous terminerons la mission en agressant un vendeur ambulant de simits, ces petits pains en forme de couronne et parsemés de graines de sésame si savoureux que les gens en mangent à toute heure, mais plus souvent le matin car ils sont frais. Le type ne comprend rien, nous lui braquons sa caisse pour échanger mon billet pourri de 5 livres turques contre 5 pièces clinquantes et nous achetons le dernier ticket à coups de pièces insérées avec délicatesse car en plus d'être revêche, la machine est espiègle et n'en accepte qu'une sur deux lorsqu'on les lui envoie un peu trop violemment.

    Nous descendons au mauvais arrêt, ce qui a pour effet de faire un peu monter la tension car sur le schéma du tram (fort mal expliqué au demeurant) Mérignac a pris la ligne de métro pour la ligne de tram, quand Galgon savait de quoi il parlait (pour une fois!).
    Nous arrivons enfin en face du pont qui enjambe la Corne d'Or.

    GALATA

    Nous traversons cet estuaire en observant la myriade de pêcheurs au coude à coude sur la rembarde, lignes en tension, bac à eau derrière eux pour y jeter les petits poissons qu'ils attrapent et qui finissent, au bout d'un moment, par flotter à la surface, le ventre en l'air. On ne sait pas s'ils les mangeront, et cela restera un mystère sanitaire.

    On rencontre un photographe turc sympa avec qui on tape la causette un moment lorsqu'il voit nos appareils. On parle boutique, puis échange de cartes, d'instagrams, je le filme, il nous filme et ce soir je reçois un message qu'on se retrouve dans une story qu'il a postée sur son compte. Rencontre sympa.

    Puis nous sommes dans le quartier de Kadiköy. Ce n'est plus Istanbul la Vieille, mais la moderne. Enfin, elle n'a de moderne que parce qu'elle s'est développée sur l'autre rive, bien après son aînée. Sinon, c'est plutôt vieillot, sale, mal aménagé. Foutrac. C'est ça,
    la municipalité stambouliote semble foutraque. Cela ressemble par certains aspects à l'Inde, mais sans la saleté et les animaux. Cela reste néanmoins très bordélique par endroits.

    La Tour Galata se trouve sur une colline, donc ce ne sont que des rues très pentues que nous arpentons, et nos sacs semblent peser une tonne, alors que quelqu'un a manifestement monté la température du chauffage, où que nous allions.

    La Tour est ceinte de ces mêmes petites ruelles biscornues qui font le charme de la ville. Elle se dresse de mémoire à près de 70m de haut, toute ronde avec un toit pointu, elle est très moyen-âgeuse, et pour cause, elle date du 8e siècle et on apprend incidemment que le père de jean-Jacques Rousseau, notre philosophe, a vécu ici en tant qu'horloger du palais. Ca, c'est une info de machine à café où je ne m'y connais pas!

    Elle est très bien aménagée, avec des expositions et même un simulateur de vol à chacun de ses 7 étages. Le simulateur, c'est parce qu'un type s'est élancé de son sommet au 16e siècle et a réussi à voler avec des ailes faites maison (à la De Vinci) et se poser dans un champ voisin, devenant instantanément un star locale auprès de ses congénères, tu m'étonnes!

    La vue est magnifique depuis le sommet, nous y restons un certain temps à nous imprégner des sons de la ville qui montent jusqu'à nous: ce groupe d'écoliers déguisés qui défilent et chantent en choeur dans cette rue, en-dessous, en agitant leurs drapeaux turcs, où ces gens qui se font servir à la terrasse de ce café, alors que les taxis jaunes stambouliotes se faufilent à la queue leu leu dans ce labyrinthe de ruelles. Vraiment syma.

    DÉJEUNER

    L'heure hypra-importante, parce qu'on n'a pas déjeuné, ce matin. Bon, moi, je suis habitué mais Olive moins. Et finalement, cela fait du bien, après tout ce qu'on s'ingurgite depuis lundi.
    On trouve notre recommandation du jour au détour d'une rue tordue : un café/brasserie un peu branchouille où on s'asseoit... à côté d'un autre couple de Frenchies qui ont le Routard également. Mais comment te dire, lecteur interloqué, comment j'en ai marre parfois, d'être un mouton...

    La recommandation valait le coup, on découvre un nouveau dessert à tomber de saveurs et de légèreté (le même commandé ce soir ailleurs sera moins léger, de moindre qualité): le katmer. En gros, une pâte de pistache (ils mettent de la pistache absolument partout ici) dans une sac de pâte filo ou de feuille de brick pliée à la manière d'un vague samoussa. Le tout frit, évidemment. Une tuerie intergalactique, lecteur.

    ÇA CHAUFFE

    Nous passons par le quartier de Beyoğlu mais nous le trouvons sans grand intérêt. Peut-être n'avons-nous pas vu les bons spots, mais l'heure tourne et nos pieds et dos chauffent.

    Mérignac se traîne aujourd'hui, fatigue accumulée depuis ces derniers jours, et moi aussi, je me sens arriver au bout de ma vie, que je porte justement sur mon dos, comme chaque jour. Mon sac photo pèse 10kg. Et c'est la version voyage.
    Je n'arrive pas à me résoudre à modifier mon équipement, ni à renoncer à quoi que ce soit. J'ai plein d'artifices quand même qui me permettent d'alléger la charge sur les épaules, mais je finis toujours par porter le même poids, réparti ou non. Et aujourd'hui, je le sens particulièrement bien.

    Re-traversée du pont de Kadiköy pour revenir sur Eminönü, le quartier du bazar égyptien, que nous traversons également pour rejoindre l'autre bazar, le Grand, cette fois, car nous avons des achats de dernière minute.

    En chemin, nous tombons nez à nez (ou presque) avec un derviche tourneur, ces religieux-danseurs traditionnels musulmans avec leur grande robe blanche qui se mettent en transe en tournant sur eux-mêmes sur de très longues périodes (10 à 30 minutes quand même!), leur robe aux ourlets lestés s'ouvrant en corolle et donnant l'impression qu'ils lévitent. Un beau moment de poésie, même entouré d'une foule de badauds sur une place passante, à côté d'une voie rapide et bruyante.

    Les sectes et confréries religieuses furent interdites en Turquie lorsque le président Atatürk voulut moderniser son pays, dans les années 20. Mais depuis, ils sont tolérés, probablement parce qu'ils représentent tellement une partie du patrimoine culturel du pays. Ils sont censés communier avec le divin par cette transe dans laquelle ils entrent au moyen de la danse, une main paume en l'air pour recevoir la parole divine, l'autre tournée vers le bas pour la transmettre aux croyants. Enfin, la tête est penchée sur l'épaule droite, ce qui maintient la circulation du sang centrifugé dans la partie supérieure du cerveau.

    On passe sur le Grand Bazar. Son accès est plus qu'éreintant, on dirait que tous les Stambouliotes (j'adore ce mot) et les touristes se sont jurés de se rencontrer ici aujourd'hui, par quelque miracle télépathique totalement hors de note contrôle.
    Les allées, les ruelles sont juste pleines à craquer, on peut à peine avancer sans bousculer quelqu'un, se faire tirer en arrière, pousser en avant ou le contraire, voire les deux en même temps, tout en se maîtrisant pour ne pas arracher trois carotides/minute avec les dents. C'est juste le dos en compote qui me retient, en fait.

    LA CITERNE

    Prochaine étape: la citerne de Théodose.
    Outre le fait que ce charmant empereur byzantin (donc grec) avait un nom particulièrement étrange, qui nous l'a fait renommer Théodore systématiquement dès que nous parlions de lui (ou Thé/eau-de-rose, la fibre poétique de Mérignac a encore frappé), c'est sous son règne que fut construite cette citerne, dont la visite comblera en partie l'immense déception de ne pouvoir découvrir la star des citernes stambouliotes (voire mondiales): la citerne-basilique, fermée pour rénovation, je te le rappelle, lecteur distrait.

    Cette cathédrale souterraine a tout de même 1600 ans, plus d'un millénaire et demi! On y parvient par un escalier qui s'enfonce dans l'obscurité de ladite citerne, qui s'illumine doucement au top départ de la visite pour nous laisser nous ébaubir devant cette (petite) forêt de colonnes antiques à chapiteaux soutenant des voutes et des coupoles en briques. Saisissant.
    Le "spectacle immersif de mapping 3D", tu sais, lecteur, la nouvelle mode de faire des projections sur les monuments, ce spectacle de 10 minutes l'est beaucoup moins, saisissant. Heureusement que le café frappé que nous avons dégusté au bar (le "Kitap", véridique !) au-dessus de la citerne en attendant notre tour de visite m'avait tapissé l'estomac de douceur sucrée, je n'étais donc pas ronchon. Ou du moins, moins que d'habitude.

    LE POULET DE L'OMBRE

    Oui, l'un de nous deux a encore frappé.
    Non, je ne te laisserai pas dire, lecteur moralisateur, que je me moque encore et toujours de Mérignac. D'ailleurs, si tu en es venu à cette conclusion, c'est que tu as inconsciemment identifié le responsable sans que j'en rajoute. Tu es donc tout aussi fautif que moi, si tu m'accuses!
    Mais point de ces sornettes entre nous. Il m'a fait rire, même si cela va rajouter 10 lignes à ce rapport bien trop long déjà.

    Ce soir, nous dînons dans la rue touristique que nous n'aimons pas, parce que nous ne voulons pas nous coucher trop tard. On doit faire les valises demain et partir pour Bursa, dernière étape de ce mini-voyage en terre ottomane.

    Nous nous en référons donc comme d'habitude à notre guide qui nous conseille d'aller au Shadow Kitchen, qu'on pourrait traduire au premier sens (étrange) de Cuisine de l'Ombre, mais qui fait probablement référence au Shadow Cabinet du pouvoir britannique, c'est à dire, l'Opposition, c'est à dire encore le clan politique opposé à celui du Premier Ministre. C'est comme ça qu'ils les appellent.
    Bref, Mérignac, soudainement pris d'une sorte de dyslexie anglo-turque du soir me le rebaptise le plus sérieusement du monde le Shadow Chicken... qui devient donc le Poulet de l'Ombre.
    Cela me fera une bonne dizaine de minutes où je suis hilare comme un collégien déneuronné.

    L'aventure ne s'arrête malheureusement pas là: les plats sont tentants, nous nous décidons rapidement. Manque de chance... le serveur fort aimable (qui avait des faux airs de Pierre Niney, alors que le barman de midi ressemblait clairement à Colin Farrell) Pierre, disais-je, ne pipe pas un mot d'anglais. Ou plutôt si, un peu, juste assez pour penser qu'il n'a rien compris et qu'il va se faire engueuler. Compliqué? Attend: TOUT, absolument tout ce que nous commandons est faux quand cela arrive sur la table. A part les apéros (bon, se tromper sur "Guinness" et "Coca" ça serait chaud quand même!)
    On lui commande une salade de légumes, il nous en apporte une autre. Les deux plats de roulés de poulet fourrés avec une sauce turque prennent l'apparence de nems tout plats. Et le verre de vin rouge que j'attends arrive en version blanche.
    On retourne le vin. Pas étonnant, dans sa bouche, "red" sonne comme "white", paye ta prononciation... je ne me moque par sentiment de supériorité, mais juste parce que c'est quand même très éloigné!

    On explique le souci des plats qui viennent d'arriver au rabatteur qui, lui, parle correctement, et comprend, surtout, correctement. Il explique lui-même les erreurs à notre serveur qui se fait gentiment engueuler, lorsqu'en prenant de nouveau le menu pour bien montrer ce que nous avons commandé, Olive se rend compte que notre plat qui fait partie des "plats cuisinés"... porte le même nom que le plat de ces nems totalement différents qu'on nous a portés, qui eux étaient classés dans les "entrées".
    Du coup, le serveur avait quand même bien compris pour les plats, c'est juste le chef qui a fait des conneries sur son menu en nommant deux plats du même nom (et encore avec des fautes de frappe). Le rabatteur s'excuse, mais on ne leur en veut pas, on est à Istanbul, en voyage!

    On termine le repas sur un thé à la grenade offert. Ils adorent la grenade ici. Il s'en vend partout, à chaque coin de rue, sous forme fraiche ou en jus acidulé, exquis. Tu trouveras si tu viens à Istanbul des sets de salière/poivrière en forme de grenade, des porte-clé grenade, mais aussi des pots-grenade, pour ton plus grand plaisir.

    Ah oui, un petit truc de voyage en Turquie probablement, à Istanbul en tout cas : le thé est souvent offert à la fin du repas au restaurant. Par contre, si tu le commandes, ben, tu le paieras! C'est des malins!

    Bon et comme j'ai fini presque en avance ce soir, voici deux informations insolites qui te feront briller dans le prochain dîner mondain:

    - la tulipe fut cultivée en Turquie bien avant qu'elle le soit aux Pays-Bas. On comprends de suite mieux pourquoi il y en a littéralement partout ici! D'ailleurs, son nom vient du turc "tülbent" en raison de sa forme qui rappelle celle d'un turban.

    - 1 mot sur 20 de turc moderne provient... du français! Et c'est vrai que parfois, j'ai vraiment fait la réflexion à Olive aujourd'hui, on a l'impression "réconfortante" qu'ils parlent français et assez déstabilisante au final de se rendre compte qu'on n'a rien compris!..
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  • Day 4

    J4 - Jeudi 21 avril

    April 21, 2022 in Turkey ⋅ 🌙 11 °C

    La journée commence très, très tôt ce matin. 5h18. Quelqu'un frappe à la porte. Je remonte de mes lointaines vapeurs de rêve, le chemin est long, sinueux, je veux y rester.
    On frappe de nouveau, quelques coups, francs. C'est le gardien de nuit, le concierge, le type qui reste au bureau pour accueillir les éventuels retardataires ou voyageurs nocturnes, ou encore répondre aux demandes les plus insolites des clients, comme moi, hier: un rouleau de PQ et un café. On vit une époque...

    On en est à trois depuis lundi, toujours une nouvelle tête à saluer le soir quand on rentre, en général un jeune d'une vingtaine d'années, affalé sur son siège en train de jouer à un jeu sur son téléphone, parlant à peine anglais. Bref, celui-ci était sympa, dans le sens où on a eu une conversation la veille assez érudite, à savoir : pourrais-je avoir un rouleau de papier toilette et une café s'il vous plaît?" A quoi il a répondu, voilà pour le rouleau, et pour le café, c'est dans la cuisine, sur le toit.

    Je m'égare. A 5h18, j'ai aussi cette tendance. J'ai encore du mal à aligner mes planètes, mes chakras, mes énergies, tout ce que tu veux, lecteur, le compte n'y est pas.

    Je finis par tenir debout sans m'écrouler à moitié par terre, à moitié sur le lit, la bouche entrouverte et la salive me coulant dans l'oeil (comme j'ai la tête renversée). Non, je suis debout, il est 5h18, à Istanbul et on vient de frapper à la porte de la chambre. Deux fois.
    Cela doit être important. Une urgence? Le doute m'habite.
    J'ouvre la porte.

    EMINÖNÜ

    Je m'extirpe violemment du lit vers 9h, les yeux dans les valises. On était censés se lever tôt pour traverser la Corne d'Or, l'estuaire qui sépare la vieille ville au sud de la nouvelle au nord, toujours côté européen. Là-bas, il y a les quartiers de Karaköy, Beyoğlu et Cihandir et notre première visite de la journée: la Tour de Galata, que nous avons instantanément renommée Tour de Gataca et maintenant, tu peux t'asseoir pour dire le vrai nom de nouveau.

    Mais en voyant le jour se lever et la météo qui retourne au couvert, confirmée par nos applications de téléphone, nous décidons de reporter à vendredi cette journée car il nous faut absolument du soleil pour Gatac- GaLAta. Galata. C'est une tour dont je reparlerai qui donne sur notre vieille Istanbul depuis la moderne et du coup, en y montant, on a une vue panoramique sur toutes les mosquées et la vieille ville. Tu comprendras donc, cher lecteur, qu'il nous faut absolument du soleil, et en particulier du soleil levant, de l'est évidemment, pour éclairer Byzance de tous ses feux.
    Question de lumière.

    Pour la photo.

    Mais si, tu sais? la photo...! Ah ça y est. Je croyais t'avoir perdu.

    Nous optons donc pour une permutation avec vendredi et ça tombe bien, on n'avait rien de définitivement prévu. Nous irons dans le quartier d'Eminönü, celui du Bazar Egyptien, ou Marché aux Epices. Nous avons encore quelques mosquées à explorer ainsi qu'une éventuelle croisière sur le Bosphore à commettre, si l'envie nous gratouille.

    RÜSTEM PAŞA

    Nous voilà partis de nouveau à travers cet invraisemblable enchevêtrement de ruelles et de routes, moi armé de mon GPS, Mérignac de sa confiance (il est particulièrement inutile question orientation pour ce voyage, alors qu'en général, si tu me connais un peu en vrai et que tu es du sud-ouest, tu ddécouvriras peut-être, ébaubi, que je suis capable d'arriver à Arcachon lorsqu'on m'attend au Cap Ferret).
    Nous nous débrouillons comme des Stambouliotes. Si je n'obtiens pas ma licence de "taksi" dans le Vieux Stamboul d'ici mercredi prochain, c'est à n'y rien comprendre.

    La première mosquée de la matinée, Rüstem Paşa (le "s" cédille se dit "ch" en turc) est tellement imbriquée dans le lacis d'impasses, de ruelles et de caravansérails que nous tournons autour un moment, sachant pertinemment que c'est la bonne mais sans trouver l'entrée.

    Ah oui : un caravansérail. On a tous entendu ce mot un jour, et c'est très vocateur des chameaux, pour ma part. Et pour cause: jusqu'au 7e siècle, seuls les Chinois possédaient le secret de la fabrication de la soie. Et donc son importation se faisait le lond de la fameuse route de la soie, depuis la Chine en traversant l'Himalaya, la Perse (= le moyen-Orient) et la Turquie. Les cargaisons, extrêmement précieuses,
    voyageaient à dos de chameau, aussi, tous les 30/35km (une journée de marche à dos de camélidé), de mini-villes fortifiées s'élevaient pour protéger les caravanes pendant la nuit. Elles se composaient d'écuries, de hamams, de boutiques, d'entrepots ou encore de mosquées et les commerçants pouvaient y passer la nuit sans crainte de se faire piller leur trésor.

    L'intérieur de la mosquée est encore et toujours somptueux. Elle a été construite par le gendre de Soliman le Magnifique, à la tête de l'empire pendant une quarantaine d'années au 16e siècle, et qui était aussi son Grand Vizir.
    De taille beaucoup plus modeste que Sainte-Sophie ou même celle de Soliman, que nous allons visiter après, elle n'en reste pas moins un des plus belles.

    SOLIMAN LE MAGNIFIQUE

    Nous nous dirigeons maintenant vers la 2e mosquée d'Istanbul en termes de prestige et de magnificence, c'est le cas de le dire, après l'Ayasofya (Sainte-Sophie). Ici, c'est carrément un complexe entier qui a été bâti avec un hôpital, une bibliothèquee, des écoles, un hamam...
    Nous restons à l'intérieur pendant la prière, une nouvelle fois. Les fidèles sont beaucoup plus nombreux, les hommes regroupés autour de l'imam devant son mihrab, la niche dans le mur qui indique la direction de la Mecque et donc l'orientation de la prière, alors que les femmes sont regroupées contre le mur arrière de la mosquée, cachées par des panneaux de bois en moucharabiehs.

    APRÈS-MIDI

    Après de nouvelles divagations volontaires dans les ruelles animées où nous croisons un nombre hallucinant d'hommes de tout âge poussant des diables (souvent vides) de toute taille, nous comprenons soudain leur but dans la vie en observant un échange: ils parcourent en fait les rues à la recherche de "clients" potentiels comme des personnes chargées de gros colis imposants et lourds qui pourraient se faire facilement transporter sur un diable! Pendant note repas, nous voyons par deux fois un petit jeune pousser un chariot sur lequel se balancent dangereusement deux longs placards/armoires. Les rues étant très souvent bondées (le mot doit être ici considéré dans sa pleine mesure), étroites et pentues, on ne peux que les admirer!

    A table, nous nous laissons encore endormir par le serveur, qui, mine de rien, nous re-propose la quasi-intégralité de la carte et finit par nous faire prendre une portion de frites supplémentaire. Alors que Mérignac avait juré devant Allah qu'il ne mangerait qu'une salade aujourd'hui. Il avait juste oublié de mentionner la demi-pide ("pidé") que nous prenons en plus car on n'est pas sûr qu'une salade soit suffisante. Une pide, c'est une sorte de pizza turque très fine et formée comme une grosse barquette de Lu. Nous n'avions pas prévu que les salades seraient juste énormes.

    Depuis le début du séjour, nous qui ne mangeons quasiment jamais de pain, nous avons refait les stocks, sous toutes leurs formes : pita, galette, pain brioché, pain blanc, naan, beurré, huilé, grillé... et c'est que du bonheur dans 9 cas sur 10!
    Pour ma part, je ne jure plus de rien devant personne. C'est les vacances et quelle que que soit la force de ma volonté, elle finira de toute façon par s'évanouir dans ma nature (bon, dans le domaine du raisonnable quand même, hein?).

    Pour faire court, après un café turc, nous refaisons un tour de Bazar Egyptien puis nous dirigeons vers l'embarcadère d'Eminonu pour acheter une croisière sur le Bosphore, histoire de dire qu'on y était.

    1h45 de bateau et un tour jusque sous le deuxième pont qui relie l'Europe à l'Asie. C'est cocasse. On découvre une nouvelle facette d'Istanbul, que ce soit du côté européen comme asiatique. Les maisons sont par endroits très luxueuses, en hauteur et sur des terrains boisés. Les collines environnantes sont toutes plantées à intervalles réguliers de gigantesques drapeaux turcs dont le rouge tranche sur le vert de la végétation et qui claquent au vent. Le retour n'est pas très fun, le vent est glacial.

    Nous terminons les visites de la journée par un ultime retour au Bazar Egyptien faire des amplettes pour les familles.

    SOIRÉE

    Rien de bien notable, nous repartons dans la rue du Dubb de hier, l'indien en terrasse. Le serveur me reconnaît et me demande si on revient pour lui. Ben... non! Et du coup, on s'arrête manger juste en face (mais c'est juste une coïncidence).

    Une étrangeté parmi tant d'autres que je n'ai jamais le temps de raconter ici: tous les soirs, une camionnette food-truck vient se garer sur l'étendue entre sainte-Sophie et la Mosquée Bleue, notre QG, pour distribuer une soupe gratuite et un quignon de pain à une foule de passants toujours plus nombreux. On a au début pensé à une sorte d'Armée du Salut, mais les poireuteurs n'ont rien d'indigents ou de personnes en difficultés financières. Il y a même des étrangers, des touristes! Et tout ce petit monde s'installe sur la place et boit sa soupe en gobelet dans la satisfaction la plus intérieure...

    Bon, je sens bien que tu reste sur un non-dit, lecteur frustré. Il te manque quelque chose, je t'ai dérobé une partie de l'histoire que tu as pris le temps et la patience de lire malgré d'évidentes lacunes rédactionnelles.

    Que vois-je à 5h18 ce matin lorsque j'ouvre la porte, après que le concierge m'a tiré du plus profond des sommeils en frappant de manière si décidée?
    Eh bien, je te le raconterai une prochaine fois, car nous n'avons nous-mêmes pas le moindre début d'amorce d'explication quant à sa décision de nous réveiller.
    Nous voulons tirer les choses au clair en espérant le revoir demain (pas vu ce soir) pour lui parler et comprendre, car la situation avait un haut potentiel de vriage, quelque soit la direction prise! Quoi qu'il en soit, pas d'inquiétude, aucun animal (pas même un chat errant du quartier) n'a été blessé pendant le tournage, comme i'disent à Oliwoud.
    Je te souhaite une douce nuit.
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  • Day 3

    J3 - Sophie et le Top

    April 20, 2022 in Turkey ⋅ ⛅ 10 °C

    Alors là, les amis, quelle journée!

    Les nuages se sont gentiment dissipés hier soir lorsque nous rentrions du restaurant, et ce matin, le ciel est d'un bleu limpide... et ça change absolument tout!

    Le moral remonte, les déconvenues touristiques de la veille ne sont plus que de nouveaux prétextes pour re-visiter la ville une prochaine fois, nous prenons un petit déjeuner plus light que hier (enfin, dans mon cas) et nous voilà partis pour une grande journée de visites.

    CLIC-CLAC

    D'abord, on rattrape les clichés perdus de la veille : on n'a (presque) rien photographié en extérieur, aucun bâtiment, la lumière étant ultra moche, avec ce temps pluvieux. Donc aujourd'hui, à peine arrivés entre Sophie et la Mosquée Bleue, nous nous plaçons en position d'attaque : deux équipes, une heure de rendez-vous que personne ne respectera (seul le moins en retard aura le privilège de pourrir l'autre) et nous voilà partis en mode photo-sniper.

    Oui, lecteur imperturbable, je sais, tu n'es probablement pas un technicien de la photo, un malade du cliché ou un timbré du pola, mais nous, c'est notre came!

    Nous passons trois quarts d'heure à shooter tout ce qui bouge ou pas : les bâtiments évidemment, mais aussi les chiens errants (qui sont gros, plutôt du type labrador que bâtard maigrelet, et nombreux, au moins autant que les chats, mais ici tous taggés par les services municipaux, et très dociles) les chiens, donc, qui se prélassent sur les bancs de la place, au soleil, à se faire caresser par les touristes.

    Le soleil a un pouvoir de transformation phénoménal. La lumière matinale vient doucement caresser les dômes des mosquées, réchauffer les murs et les colorer de mille teintes d'ocre, tandis qu'elle illumine les coupoles de plombs et sature les couleurs. Nous nous abîmons dans une orgie photographique, cela fait deux ans que nous n'avons pas pu nous livrer à notre activité favorite en terre étrangère. Que du bonheur.

    SAINTE-SOPHIE

    Nous nous retrouvons à notre point de rendez-vous et c'est la Fête à la Mauvaise Foi, chacun arguant de sa présence à l'heure et au bon endroit, même si personne ne s'est vu (et pour cause). Puis après reconnaissance commune de notre lamentable situation, nous nous réconcilions instantanément et prenons la direction de la Sainte-Sophie (bon, en fait, la reconnaissance commune nous prend les 3 minutes de trajet nécessaire pour rejoindre Sophie, du coup, nous y sommes déjà.)

    Allez, 3 lignes sur cette mosquée-qui n'en-était-pas-une-au-début, c'est une histoire incroyable.

    Elle naît basilique, construite en moins de 6 années et inaugurée en 537 dans le but de dépasser en splendeur le temple de Salomon à Jérusalem (apparemment, pari réussi). Plus de 10 000 ouvriers furent employés en partie pour élever la coupole gigantesque de 32 mètres de diamètre à une hauteur de 56 mètres... qui s'effondra deux ans après, provoquant une nouvelle étude de la structure et l'ajout de renforts latéraux massifs.

    Pour Sophie, rien de trop beau.Les matériaux les plus nobles et chers furent utilisés: marbre, granit rouge, or, argent, ivoire... on prétendit que l'empereur Justinien avait reçu d'un ange le plan de l'édifice et l'argent nécessaire à sa construction... et nous qui avons honte de nos justifications bancales!

    Pourtant, elle n'a jamais été dédiée à une sainte Sophie. Car son vrai nom turc, c'est l'Ayasofya, ou Sainte Sagesse. Le traducteur devait avoir une ou deux amphores de pinard dans le nez au moment de faire son boulot.

    Quelques heures seulement après la chute de Constantinople en 1453, (le Pape se fait renvoyer dans les cordes par les Ottomans), le Sultan Mehmet II transforme la basilique en mosquée, par une simple prière.
    Nouvelles dépenses de ouf pour re-décorer, transformer, améliorer, convertir... Sophie reste musulmane jusqu'en 1934, lorsque le président Ataturk qui veut moderniser, occidentaliser et laïciser la Turquie la transforme en musée...
    ... jusqu'en 2020 où Erdogan la re-convertit en mosquée, suite à un petit déficit de popularité au sein des siens.
    Voilà. Dingue, non?

    UNE GIFLE

    Celle-là, je veux bien l'avoir tous les jours du reste de ma vie! C'est une véritable gifle qu'on se prend en pénétrant dans la mosquée. Déjà, la taille est titanesque. C'est bien beau, une "coupole de 32m de diamètre à 56m de haut" mais quand tu es dessous, lecteur incrédule, je peux te dire que ça calme; Ca détend automatiquement les muscles des mâchoires, de sorte que chaque touriste faisant un pas sur l'épaisse moquette verte de l'édifice entre la bouche bée, le souffe court, l'oeil hagard l'air hautement cultivé.

    Je suis juste sans voix. Les lustres circulaires pendent de la coupole à des chaînes d'une cinquantaine de mètres, ils sont tous allumés et semblent flotter à 2 mètres au-dessus du sol. C'est féérique.

    Les touristes déambulent selon des parcours déterminés à l'entrée de la nef, mais tout mouvement est libre juste après qu'on a vérifié que personne n'avait gardé ses chaussures.

    La re-conversion en mosquée de 2020 ne semble pas du meilleur augure culturel en tout cas : notre Routard nous a prévenus que toute ancienne oeuvre représentant un symbole chrétien, et a fortiori des visages, était voilée, cachée, voire recouverte de motifs peints. Effectivement, nous voyons bien une vierge et son Jésus à moitié dissimulés derrière un voile blanc tendu à une dizaine de mètres au-dessus de l'imam qui est en train de prêcher. Les visages d'ange en mosaïques sur chacun des 4 piliers sont recouverts de nouvelles mosaïques abstraites, seul un reste visible. Mais on sent qu'il y a quand même une certaine "tolérance culturelle": le Jésus à l'entrée, dans le vestibule, nous accueille, à la vue de tous, le drap destiné à l'occulter totalement relâché à ses pieds.

    Nous y restons quasiment une heure, à photographier, regarder, lire le guide, écouter... A elle-seule, Sainte-Sophie vaut largement le déplacement à Istanbul. Je suis ravi et gonflé à bloc.

    TOPKAPEU

    Après un déjeuner insipide de boulettes de viande qu'Olivier voulait déjà goûter hier soir, nous enchaînons avec le Palais de Topkapi.

    Enfin, Topkapeu, devrais-je dire, car il s'écrit avec un "i" sans point, vois-tu, lecteur linguiste, et il y a deux "i" en turc, un avec un point, qui se prononce comme le nôtre, et un sans, qui se prononce entre le "i" et le "eu"; ce son, je pense le reconnaître de mes lointaines études de russe où ils ont le même. Il est pénible ce son. Il casse tout, il rend tout ridicule. Tiens, par exemple, le weekend prochain, nous allons visiter un charmant petit village nommé Cumalıkızık. Eh bien, visiter "Djoumalikizik" (ah oui, aussi: le "c" se prononce "dj" en turc!), ça donne envie, ça évoque plein de choses, alors que passer le weekend à Djoumaleukeuzeuk, excuse-moi, lecteur, mais autant se finir à la Suze dans un bar à Heume-l'Eglise.

    Bref, donc, Topkapeu. On ne va pas les contrarier, on n'est pas chez nous, quand même. Pour faire court, c'est le palais impérial des lignées de sultans entre le 14e et 19e siècles.
    C'est plutôt une ville-palais qu'un palais au sens que l'on s'imagine. Plusieurs pavillons de taille variable sont agencés autour de larges jardins calmes et reposants plantés - en ce mois d'avril - de massifs de tulipes rouges et jaunes où les chats errants font leur vie, se battent en feulant, font des crottes qu'ils enterrent juste après au pied des arbres ou se laissent caresser par les touristes, les quatre actions citées interventant dans un ordre aléatoire et pas des plus avenant parfois.

    La visite nous (me) parait longue, mais longue... les bâtiments sont magnifiques, oui, mais vides, voire vidés de tout. Tout me semble très épuré, aseptisé, peut-être pour rappeler les origines nomades de cette culture? Quoi qu'il en soit, oui, c'est quand même à découvrir, mais de toute façon, derrière Sophie... rien ne survit!

    HAREM

    Bon, si, le harem est incroyable : une ville dans la ville. Des hamams pour les eunuques, pour la mère du sultan, pour les courtisanes, chacun a son jardinet, sa salon, sa cour, les mini-pièces sont enchevêtrées dans un labyrinthe ahurissant.

    Nous ressortons à genoux, ou presque. On n'en peut plus de piétiner, revenir sur nos pas, c'est plus fatigant que de marcher autant qu'on l'a fait la veille.

    SOIRÉE

    Nous trouvons un resto indien, le Dubb, qui nous fait de l'oeil depuis le guide : ils ont apparemment un toit-terrasse avec vue sur la Sainte-Sophie et derrière, la mer. Essayons!

    Nous pénétrons dans l'établissement une demi-heure plus tard.
    "Vous avez une réservation?
    - Non.
    (Cela me paraît mal parti pour le toit-terrasse.)
    - Vous voulez être dehors ou dedans?
    - On peut aller en haut?
    - Oui, pas de problème."

    Cool! Le temps de monter ces QUATRE étages à pied dans un escalier aussi étroit que dans un château-fort, soufflant comme des boeufs après le labour et nous voilà dans une charmante petite salle avec des fenêtres pour murs et une vue imprenable sur la mosquée qui commence à s'illuminer pour la nuit. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, le serveur nous demande si nous désirons manger indien ou turc!
    Nous sommes les rois de l'indécision, c'est un euphémisme. Aussi, nous finissons quelques instants plus tard avec 2 cartes de menus chacun et nous lançons dans la découverte de nouveaux mets, alors que d'autres clients arrivent au bout de leur vie en haut des escaliers, soufflant comme des boeufs après le labour.
    (Pour info, pas de passe-plat : les serveurs prennent le même chemin pour servir et débarrasser!)

    Nous rentrons après quelques nouvelles photos mais de nuit cette fois. Tiens, c'est nouveau aussi, on nous annonce devant un restaurant que c'est "Chicha time. you want? You want?"
    Hier on était des Chinois, ce soir on fume. Tout change. Que serons-nous demain?
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