Objectif transat ⛵

On est le 14 décembre 2023, je suis dans le ferry pour la Guadeloupe. Je ne réalise pas vraiment ce qu'il s'est passé à vrai dire. Voilà 48 jours que l'on a quitté Toulon à bord de Plouf. Alors comment décrire cette aventure ? J'arriverai difficilement à le faire de manière exhaustive, c'est un meli mélo de ressentis : de photos mentales et de sensations. Mais je vais tâcher d'en faire un condensé.
Avant toute chose, c'était une aventure humaine ou j'ai découverte des personnes merveilleuses. Initialement, je pensais vivre cette transat' comme une grande aventure d'introspection, seule avec les éléments et l'apprentissage du bateau. Finalement, ça n'a pas vraiment été ça. Bien sûr, j'ai eu le temps de réfléchir sur moi, mes envies, mes craintes, mes doutes, mon travail, mes amours mais au bout de quelques jours cette introspection m'a semblé futile et vaine. Comme si ces questions permanentes, ces remises en question, ces autoflagelations ne m'avanceraient en rien voir l'inverse. Alors, au fil des jours j'ai délaissé ma plume d'écriture mélancolique et rigoureuse pour la parer de récits d'aventures, de lecture, d'expériences, de musique, d'art, d'amitié et de beauté. Et qu'est-ce que cela m'a fait du bien !
La contemplation de ces paysages, le lâcher prise au bon vouloir des éléments, l'apprentissage de la voile et les amitiés m'ont bien sûr aidé dans cette voie. D'ailleurs, je ne peux pas conclure cette aventure sans parler de l'équipage. Je vais commencer par mes deux bras droits, Juliette et Lucas.
Lucas. Rencontré sur le quai à Toulon, avec ses yeux bleus intelligents et son sourire. Nous avons rapidement appris à se connaître avec une facilité presque déconcertante. En si peu de temps, je pense qu'il me connaît à présent mieux que beaucoup. Il a été d'une grande patience avec moi. Quand je faisais ma tête de mule, que je ne voulais pas avoir tort ou lâcher le morceau il a su me montrer pas à pas que l'on peut avoir tort et que ce n'est pas grave. Faire descendre la position défensive que je peux adopter quand je me sens inférieure. Mais aussi, me faire des cours d'anatomie, de sport, rire, parler de nos amours, rêver de notre futur voilier ou juste ne rien dire dans cette bienveillance magnifique. Ce que j'ai aimé par dessus tout, c'est de le voir se dévoiler couche par couche comme un petit oignon. Il est arrivé à bord en tant que grand novice des colocs, des expériences collectives et en nous indiquant son malaise dans des groupes. Petit à petit, à bord, on l'a vu prendre confiance en lui. Nous révélant son caractère volontaire, la main sur le cœur tout comme son regard grognon à la sortie du lit, son côté sanguin quand "trop c'est trop", ses petites psychoses comme on en a tous. Enfin, Lucas, c'est aussi cette relation protectrice de grand frère qui s'est installée entre Juliette, lui et moi.
Juliette. Difficile de résumer en quelques lignes ma reconnaissance pour avoir partagé cette aventure avec elle. On s'est redecouverte car bien qu'amie de longue date cela faisait deux bonnes années que nous nous étions pas retrouvées. Elle a sublimé ce voyage. J'ai vue une personne d'une intelligence rare, d'une sensibilité merveilleuse, d'un soutien sans faille et d'une énergie solaire intense. Elle m'a et nous a fait tellement rire, à participé à rendre cette traversée bien plus belle. J'ai découvert aussi à quel point des personnes exceptionnelles avaient du mal à se rendre compte de leur valeur. Un manque de confiance chronique. Juliette c'est cette fille que l'on croise et avec qui on a envie d'être amie. Ce genre de fille qui boit une bière et danse sur la table, joue au billard avec classe, chante des chansons en connaissant les paroles par cœur, anime une soirée comme personne et donne le sourire à n'importe qui. Intelligente et qui quand elle arrive à se poser, dessine, peint avec brio, vous parle avec un sens critique et humilité, vous écoute et vous conseille. Ce genre de fille sportive comme jamais, avec cette rage d'en finir avec les injustices. Bref, je remercie l'univers de l'avoir mise sur ma route et j'espère rester son amie pour un bon bout de temps.
Alors avec Juliette et Lucas en poche cette expérience, peut importe les difficultés, était déjà une expérience réussie.
Denis et Laeticia sont arrivés quelques jours plus tard. "Nos suisses" adorables. Denis à l'accent jurassien, d'une grande intelligence, marrant comme jamais. Difficilement atteint, on dirait que beaucoup de choses lui passent au dessus mais il les prends juste avec le détachement et la considération nécessaire. Un grand esprit. Cette intelligence flagrante pas tout de suite accessible mais une fois la porte passée, rigolade et discussions de haut vol garanties et sans aucun jugements gratuit.
Laeti sûrement la plus calme de notre équipage à premier abord. Mais aussi très marrante avec son esprit vif et dynamique. Très volontaire pour tout type de jeux, motivée et avec ce sourrire solaire constant. Enfin, cette gentillesse, à prendre sur elle malgré la maladie pour ne pas impacter le reste de l'équipe. À eux deux, ils forment le couple chill et adorable par excellence.
Bien sûr si je souhaite retranscrire au mieux ce voyage et mon ressenti général je me dois de parler de notre capitaine !
Christophe, sacrée découverte. Un personnage tel qu'on l'entends ! C'est un gars que je rattache au cliché du capitaine. Un côté imbus de sa personne, aimant les femmes et la bière. Je ne le rabaisse pas qu'à ça bien sûr et je ne le remercierai jamais assez de m'avoir fait vivre cette aventure, de m'avoir appris des notions en voile et d'avoir partager de belles discussions. Il a su mettre de belles âmes en connexion, nous mener à bon port dans la bonne humeur partageant nos folies quotidiennes. Mais les derniers jours étaient plus compliqué avec l'équipage. En tant que femmes, il avait clairement un comportement distinct entre nous et les hommes. C'est ce genre de caractère écoutant que ce qu'il veut et quand il veut, ce qui n'est pas des plus simple quand on vit en collectivité ! Mais heureusement, cela ne nous a pas scindé. La si belle énergie précédemment décrite nous a permis de surpasser cela sans encombre.
Cette traversée était donc humaine, réflexive mais aussi belle. Cette beauté gratuite et quotidienne, celle la ou tu fais des "whaoou" toutes les deux minutes. Cette beauté, quotidiennement côtoyée, que nous avions le temps d'admirer et de contempler. Ce temps, qui semble si difficile à trouver, la, à cet instant, nous l'avions. Cette leçon est peut être celle que je souhaite le plus retenir pour la suite de ma vie : continuer à prendre son temps, on le peut toujours un peu. Le monde continuera de tourner.
La beauté de la mer. Cette grande étendue bleue merveilleuse, qui ne fait que confirmer mon envie de vivre à ses côtés et de la preserver comme je peux. La mer et ses multiples nuances de bleus qui nous ont accompagnés : turquoise, cyan, klein, ciel, noir. Bleu mais pas que, ces multiples couleurs et lumieres qui nous ont émerveillés et qui ont rythmés notre quotidien.
Ce voyage c'était aussi le soleil, la lune, les nuages, le vent, la pluie, les étoiles. Ces éléments qui font partie de notre quotidien depuis qu'on a foulé la terre mais qu'on oublie trop souvent alors qu'ils sont simplement magiques. Cette traversée n'a fait que me le rappeler.
Merci à tout ça. Je ferai en sorte de ne pas oublier cette capsule spatio-temporelle qui était la notre durant ces dernières semaines, cette parenthèse de vie.
Je me réjouis et suis fière d'avoir réussi à prendre le temps nécessaire pour faire ce voyage. J'en garde beaucoup. Et enfaîte en écrivant ces mots, je réalise que j'ai réalisé un rêve. C'est beau non ?Read more