Te Araroa 2022-2023

October 2022 - March 2023
Te Araroa (le long chemin) est un itinéraire de randonnée longue distance (thru-hike) en Nouvelle-Zélande, qui s'étend sur environ 3'000 kilomètres le long des deux îles principales du pays, de Cape Reinga à Bluff. Read more
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  • 62kilometers
  • 20sea miles
  • Day 152

    Bilan du Te Araroa

    March 15, 2023 in New Zealand ⋅ ⛅ 19 °C

    Après quelques jours de repos, il est temps pour un petit bilan. En terme de retour d’expérience, il est difficile de résumer près de cinq mois de trail. De manière très générale, le bilan est pour nous extrêmement positif. On a eu un plaisir fou à parcourir ces îles à la vitesse du pas. On a eu la chance de pouvoir effectuer l’entier du tracé à l’exception d’une unique section de 40 km sur l’île du Nord qui était fermée (et l’est toujours…) à cause d’un glissement de terrain de >100 m de large. On a par contre pu faire quelques kilomètres en plus sur des sentiers parallèles qui présentaient un intérêt évident. En somme, on a adoré cette aventure tant physique et mentale qu’humaine au travers de multiples rencontres. On a même tellement aimé ce voyage, qu’on peut par avance affirmer qu’il ne s’agit probablement pas de notre dernier “thru-hike”…!

    Voici tout d’abord un petit bilan chiffré de notre aventure:

    Distances parcourues
    - 3’026 km, la distance totale officielle du trail
    - 3’310 km, la distance parcourue selon enregistrement GPS de la montre de Marc, soit 1’871 km sur l’île du Nord, et 1’439 km sur l’île du Sud, dont:
    - 3’115 km de marche
    - 195 km en canoë ou kayak
    - ~85’000 m de dénivelé total, soit 10x l’ascension, et la descente, de l’Everest…depuis la mer.

    Jours
    - 146, le nombre de jours pour terminer le trail, dont:
    - 125 jours de marche
    - 21 jours de pause / “zero day” ou “vacances”, dont 6 à Auckland et Wellington

    On aura dormi (île du Nord + île du Sud = total) :
    - 44 + 39 = 83 nuits sous tente
    - 2 + 7 = 9 nuits dans des cabanes
    - 36 + 18 = 54 nuits en cabine, backpacker, motel, ou chez des trails angels

    Divers
    - 3.5 paires de chaussures usées pour Vincent et 3 pour Marc
    - 5 bouteilles de gaz (taille moyenne) vidées

    Finalement, voici un petit classement des nationalités de hikers que l’on a rencontrés :
    - Nouvelle-Zélande: 25
    - Allemagne: 23
    - France: 15
    - Royaume-Uni: 11
    - Hollande: 10
    - États-Unis: 9
    - Belgique: 8
    - Suisse: 6
    - Australie: 5
    - Canada: 4
    - République tchèque: 3
    - Japon: 2
    - Slovaquie: 1
    - Suède: 1
    - Autriche: 1
    - Israel: 1

    Et maintenant un petit bilan par thème:

    Les rencontres
    L’aspect social est probablement l’un des points forts de cette marche, et dont on ne s’attendait pas à ce qu’il ait autant d’importance. On aura ainsi, en particulier sur l’île du Nord, eu très souvent l’occasion d’échanger avec des kiwis, et d’en apprendre plus sur la culture maori et le mode de vie local. Le sens de l’accueil, la confiance et la gentillesse des néo-zélandais n’a pas de pareil, c’est un élément qui nous marquera, surtout en contraste avec la vision assez austère de l’accueil que l’on peut avoir en Suisse. Cette ouverture aux autres et cette confiance instantanée, qui pourraient avec un esprit cynique paraître presque naïve, est certainement un prolongement du fort sens communautaire et d’entraide qui lie entre eux les kiwis, et qui peut probablement être expliqué par des générations d’un relatif isolement dû à la vie insulaire.
    La fréquentation forte du trail cette année nous aura également permis d’avoir des échanges avec un nombre important d’autres hikers. Certains nous marqueront pour longtemps. Un des aspects qu’on retiendra est que, malgré le nombre de personnes rencontrées, on ne déplore presqu’aucune “mauvaise expérience”. La très grande majorité des randonneurs était très respectueuse des autres et de l’environnement, sympathique et ouverte. En outre, on a absolument jamais ressenti la moindre gêne à être un couple d’hommes, et on ne l’a pas du tout caché.
    Évidemment, la forte densité de hikers pouvait par moment rendre l’expérience du trail un peu moins…unique, ou sauvage. Paradoxalement les discussions sont aussi un peu moins passionnantes et sincères en grand groupe plutôt qu’en petit comité. Un des désavantages était également la pression sur les hébergements que cela amenait. Pour éviter ce problème dans les cabanes, notre stratégie aura été de camper sous tente la plupart du temps. Mais à nouveau, globalement, tout ce monde nous aura permis de merveilleuses rencontres, le bilan est donc largement positif.
    Finalement, en parallèle de ce thème, il nous paraît encore important de mentionner un aspect dont tout le monde je pense est conscient sur le trail, et qu’on a déjà mentionné dans un article: nous, marcheurs au long court sommes des privilégiés, au sens où l’on peut se permettre de voyager sur une longue durée. Pour être clair, la plupart des randonneurs ne sont pas riches, ce sont même très souvent des jeunes au budget serré, mais nous sommes presque toutes et tous…blancs et occidentaux. Il y a certainement en partie un facteur culturel, la pratique de la randonnée n’étant pas répandue partout, mais ne nous mentons pas, la capacité financière est sans nul doute la raison première. Ainsi, nous n’aurons rencontré personne provenant d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie (à l’exception du Japon), ni même d’Europe du Sud (voir le détail des nationalités en début de cette publication). Par contre, il y avait au moins des gens de tous âges et une certaine mixité sociale.

    Le parcours / le trail
    Comme nous nous y attendions, nous étant passablement renseignés avant d’entamer la marche, l’île du Nord consistait principalement à traverser des forêts, des plages, des zones rurales et urbaines, et comprenait un certain nombre de sections sur route. Et l’île du Sud était à l’opposé beaucoup plus sauvage. Nous savions à quoi nous attendre et nous avons aimé pour leurs particularités chacune des deux îles. Bien entendu, si on devait n’en retenir qu’une, l’île du Sud serait notre choix de cœur avec ses montagnes et vallées perdues.
    Plusieurs aspects nous ont marqués concernant le tracé et les sentiers du trail:
    - Le TA étant encore jeune, certains passages sont souvent mal indiqués sur carte, sur le terrain, ou sur les deux en même temps. De même, certaines alternatives à des sections sur route semblaient exister, et les choix du tracé nous ont paru parfois incompréhensibles.
    - Les kiwis utilisent le terme de “tramping” pour parler de randonnée (“hiking” en anglais). Le terme est donc unique, et ce n’est pas pour rien: il ne s’agit pas de marcher sur des sentiers comme on en trouve chez nous, mais bien souvent plutôt “d’affronter” la nature brute sur des chemins non ou très peu entretenus. Comme déjà expliqué, nous avons donc dû traverser de nombreuses zones boueuses, enjamber des milliers d’arbres tombés, nous griffer sur des kilomètres de végétation épineuse, éviter des milliers de bouses de vaches, et traverser des centaines de rivières et estuaires. On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein: beaucoup de hikers se sont plaints - et parfois nous aussi avouons-le - de la qualité des sentiers. Mais franchement, on aura aussi adoré l’aspect ludique que cela apporte à notre expérience: on se sentait parfois tels des Indiana Jones en pleine exploration! En particulier, on aura pris énormément de plaisir à franchir des rivières à gué, d’autant plus que ça arrive rarement - pour ne pas dire jamais - sur nos chemins suisses.

    Le mental
    On aura traversé ces mois avec une motivation forte. Je me souviens avoir craint, à la fin de l’île du Nord, que le “trail soit trop court” ou que le temps passe trop vite. Puis finalement, progressivement, à partir du km 2’000, on a commencé à se réjouir de plus en plus d’atteindre notre but final. Jusqu’au dernier jour on aura apprécié et dégusté cette aventure, mais en nous réjouissant aussi de faire autre chose que marcher ou avoir des jours de “récupération”. L’équilibre était ainsi parfait, puisqu’on est arrivé à la fin en étant heureux de transiter vers un autre style de voyage. Ceci n’empêchait évidemment pas un pincement au cœur, en quittant un mode de vie qui fût notre quotidien durant près de 5 mois.
    On aura aussi eu des périodes “de hauts et de bas”, mais on n’aura jamais remis en question nos choix, ni douté de notre envie et de notre capacité à aller au bout.

    Le corps
    C’est avec joie qu’on peut constater ne pas avoir souffert de blessure durant le trail. Celles-ci ont pourtant été fréquentes chez les autres hikers, et en ont poussé plus d’un à l’abandon. Pas surprenant quand on réalise avoir marché 3’000 km sur des chemins souvent très accidentés.
    Pour autant nos corps ne seront pas restés sans souffrance. Pour ainsi dire, celle-ci fait partie intégrante d’un tel thru-hike, et ce d’autant plus qu’on s’éloigne définitivement de la vingtaine… Nos pieds, après avoir souffert d’ampoules, auront tous les matins, ou même après des pauses, communiqué leur mécontentement par des douleurs variables mais très fréquentes, surtout après de longues sections sur route. Mes poignets, mains et doigts auront successivement montré des signes de tendinite (à cause de bâtons de marche), mes jambes des périodes de “jambes sans repos” assez intenses la nuit, le dos de Marc été périodiquement douloureux, tout comme nos genoux voire nos chevilles après de fortes descentes. Nos peaux auront été écorchées lors de chutes ou de passages dans les divers types de ronces, puis dévorées par les sandflies, et nos lèvres été gercées par le soleil et le vent. Bref, nos corps ont été mis à rude épreuve. Et il ne faut pas se leurrer: évidemment, on a une forme physique que l’on a jamais eue grâce à l’exercice constant, mais on ne devient pas des surhommes pour autant, et le manque de repos s’est fait ressentir, en particulier vers la fin de notre parcours. Mais la dopamine nous a toujours largement permis de passer outre ces petits désagréments. Et c’est quasi systématiquement que, chaque matin, on repartait avec le sourire affronter une nouvelle journée de marche.

    Bref, en un mot comme en cent, et vous l’aurez compris, si on devait conclure notre ressenti, le Te Araroa fût pour nous une aventure sans pareil qui nous a apporté un bonheur intense et unique. On portera pour le reste de nos jours dans nos cœurs et nos têtes un souvenir heureux de ces 146 jours à traverser, pas à pas, ce pays à la fois accueillant et sauvage.
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  • Day 146

    J146, km 3’026, Bluff

    March 9, 2023 in New Zealand ⋅ ⛅ 17 °C

    Après un peu moins de 5 mois de marche, le dernier jour sur le trail est donc arrivé avec émotion. Notre dernière nuit aura été agitée, les pensées et les images se bousculant dans nos têtes.
    Au petit matin, on se réveillera avec le bruit de la pluie tambourinant sur notre cabine de camping. Pourtant, après 10 minutes de marche, celle-ci cessera et ne fera plus qu’une brève apparition un peu plus tard. Une nouvelle fois, on se sent bénis de pouvoir terminer par temps sec et même avec de beaux passages ensoleillés.
    Dès le matin, on marchera avec Jennie, puis on sera rejoints par Élise et Severin, puis Liv et Bert. C’est donc à 6 qu’on passera presque toute la journée, jusqu’à la fin, et ce sans l’avoir prévu, juste de manière naturelle. On passera rapidement et sans en faire trop de cas la barre des 3’000 km, le but final du jour est bien plus significatif.
    Cette dernière section a ceci de particulier qu’elle longe en bonne partie l’unique route d’accès à Bluff, qui forme « presque une presqu’île ». Au sortir de la route, on prendra un dernier repas de midi, assis par terre, tous ensemble au pied des lettres géantes de Bluff. On y dégustera le pavlova et le « gâteau d’anniversaire » que Liv et Bert ont emporté pour célébrer!
    Les 8 derniers kilomètres nous mèneront le long de la belle côte océanique rocheuse (de gabbros et granodiorites), où on profitera encore d’une ultime partie de randonnée en milieu naturel. On avalera ensuite en quelques minutes les 270 m d’ascension de la colline de Bluff. Colline que nous redescendrons ensuite jusqu’au point final du trail, Stirling Point. Les pensées se bousculent, dans un sentiment irréel. Le pas se fait rapide. On compte la distance restante, 1 km, 500 m, 100 m. Puis on débouche sur le parking de ce lieu assez touristique où l’équipe de hikers étant arrivés le jour précédant nous accueille. Ils ont des bières, des chips, et leurs accolades et félicitations nous émeuvent. Évidemment on les félicite en retour, puisqu’ils ont tout autant terminé le trail.
    C’est au final là que se trouve le cœur de ce thru-hike, dans l’échange avec des inconnus qui deviennent, si vite, des personnes qu’on a envie de prendre dans ses bras, sueur ou pas. On a partagé ensemble le même but, les mêmes bonheurs et les meme galères. Je pense que si l’on rencontre dans le futur une personne ayant marché ce trail, même une autre année, il y aura immédiatement une connexion. C’est difficile à expliquer, c’est un lien qui se fait par l’expérience commune, et par la trace indélébile que ces îles laisseront en chacun de nous, indépendamment de l’âge, de l’origine, et du milieu social.

    On aura donc bien fêté notre arrivée à Stirling Point, où se trouvent les fameux panneaux jaunes d’indication de distance - du même type de ceux de Cape Reinga. Puis nous terminerons la journée par d’excellents fish and chips, et finalement à boire des bières avec nos comparses au Bluff Lodge, chéris par l’adorable propriétaire Kay, qui adore les marcheurs du TA, car « être entourée de ceux-ci lui permet de rester jeune » selon ses propres termes. Il est effectivement rare de voire une dame de son âge, qu’on ne précisera pas, avec une telle énergie et une telle générosité. Merci Kay!

    C’est ainsi que se termine notre Te Araroa, même si on a encore de la peine à l’assimiler. Notre quotidien va désormais changer. On devra encore prendre le temps de digérer les émotions et de faire un bilan de cette aventure. Mais sans surprise on peut déjà affirmer que c’était sans doute une des plus fortes expériences de notre vie. On ne pense pas être devenus de grands sages ou même d’avoir beaucoup changé, ce n’était d’ailleurs pas de que nous venions chercher ici - on ne fuyait pas nos vies que l’on aimait. Mais il est certain qu’on n’en ressort pas non plus « indemnes ». Ce chemin nous aura permis de nous confronter davantage à nos propres forces et faiblesses, et d’en tirer des enseignements. Il nous aura évidemment fait prendre, par la distance, un recul unique sur nos vies comme sur la société. A nouveau, il serait très prétentieux de croire avoir gagné en sagesse, mais on se sent certainement plus résiliants et prêts aux changements.

    Cette épreuve commune, avec Marc, nous aura encore renforcé en tant que couple. Le soutien mutuel que l’on se sera apporté nous prouvera encore à quel point on est épanouis et heureux ensemble. Évidemment, lors de journées difficiles on a pu avoir parfois de petites frictions, mais que l’on a toujours pu résoudre par la communication. Et une chose est sûre, on aura bien davantage ri! Te Araroa sera désormais une marque commune indélébile pour les individus que nous sommes, tout comme pour notre couple.

    Et maintenant?
    On enchaîne sur un nouveau thru-hike? Bon, pas immédiatement, même si certain.e.s qu’on a rencontré sur le trail vont le faire. Mais il nous paraît clair que le TA ne sera pas le dernier!
    Dans l’immédiat, après deux jours de repos, nous repartirons le 12.03 pour 3 petits jours sur la Stewart Island, la « 3ème » petite île de Nouvelle-Zélande, où on va faire…une randonnée! Celle-ci est une « great walk », donc un chemin très facile où on fera peu de kilomètres par jour. On dormira encore sous tente pour profiter une dernière fois des nuits en extérieur. Si on a de la chance, on pourra apercevoir des kiwis qui y sont un peu moins rares à observer!
    Ensuite on remontera par bus jusqu’à Invercargill puis jusqu’à Christchurch, où on a loué un van du 21.03 jusqu’au 08.05. Un autre moyen de visiter le reste du pays!

    Concernant ce blog:
    - nous ferons encore une ou deux publications sous ce voyage (Te Araroa 2022-2023), avec probablement en tout cas un bilan chiffré (distances effectives, etc.)
    - nous ouvrirons certainement une nouvelle page (toujours sous ce compte FindPenguins) pour la suite du voyage en van. Ça sera certainement moins…aventureux et palpitant, mais ça nous permettra de garder un souvenir, et à nos proches de suivre notre parcours. Sentez-vous évidemment libres de suivre cet « autre voyage » ou non!

    Dans tous les cas on en profite de vous remercier pour le soutien et tous les encouragements que vous nous avez donnés avant et durant le voyage, par divers moyens. On est chanceux d’être si bien entourés! Encore une dernière fois nous pouvons le dire, nous sommes des privilégiés.

    Voici la dernière étape réalisée depuis Invercargill:
    - km 3’026 Bluff
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  • Day 145

    J145, km 2’996, Invercargill

    March 8, 2023 in New Zealand ⋅ ⛅ 25 °C

    Nous serons partis de Te Anau en navette, afin de rejoindre le trail là où on l’avait laissé. La première journée sera marquée par de petites montagnes couvertes d’une alternance de jolies forêts, de marais et de champs de tussock, des herbes drues hautes (jusqu’à 1.8 m) en gerbes dans lesquelles on perdra le chemin à plusieurs reprises. Ces herbes seront souvent accompagnées de gorse (plantes à épines) et autre végétation basse de bush. Marc y déchirera son short, le forçant à une soirée couture. Ceci étant dit, les paysages étaient très beaux et à nouveau sauvages.
    Au milieu de nulle part, en lisière de forêt, on arrivera par surprise à 4 m d’un immense taureau esseulé se tenant immobile entre les arbres. On reculera et on le contournera au mieux. Heureusement, il restera impassible et nous laissera tranquilles. Plus de peur que de mal… À la cabane où, faut-il encore le préciser, on dormira sous tente, on se retrouvera avec 8 autres TA hikers, dont un couple très sympathique franco-suisse de Dietikon ayant étudié à l’EPFL et ayant déjà fait le PCT, avec qui on échangera nos impressions de la Nouvelle-Zélande et du trail.

    Après une nuit fraîche, on marchera une journée presque entière dans une belle forêt un peu accidentée. On gravira un petit sommet duquel on distinguera avec un peu d’imagination, entre les nuages, l’océan! En descendant au camp de Telford, on ressortira nos imperméables, ça faisait longtemps! C’est ensuite sous la pluie, et malgré celle-ci attaqués par des sandflies en même temps, qu’on montera notre tente. En cas de pluie, de sandflies, ou comme ici des deux en même temps, notre stratégie est simple et rodée: on monte la tente, on y balance nos sacs et nos corps mouillés, on se sèche et on enfile nos habits secs pour éviter le froid.
    J’aurai été ce matin assez fatigué, alors que le rhume de Marc peine à passer. C’est donc en petite forme qu’on a passé cette journée. Peut-être que le corps et l’esprit sentent la fin approcher!

    Le lendemain matin nous nous réveillons au sec, mais dans une ambiance plutôt froide. Dans ces conditions, enfiler nos shorts et t-shirt encore mouillés n’est pas l’étape la plus réjouissante. Tout comme commencer la journée par marcher dans des herbes hautes et détrempées. Mais c’est de bonne humeur, et avec Marc enfin soigné, qu’on attaque cette journée que l’on passera entièrement à traverser…la plus grande exploitation fermière de Nouvelle-Zélande, rien que ça: plus de 12’500 hectares (la surface de toute la commune de Val-de-Ruz) et 107’000 moutons et bœufs Angus….! Des panneaux ça et là nous avertissent que sortir du trail dans le reste du domaine est illégal et peut être puni d’une amende de 1’000 $ ou d’une peine de prison. On traversera ainsi, en suivant strictement le trail, passablement de vastes pâturages. Dans un de ceux-ci se trouve un taureau, qui restera heureusement assez distant.
    En fin de journée on arrive à une étape obligatoire - puisqu’aucun arrêt ou campement n’est permis ~30 km avant ou après - Birchwood station. Ici, une famille de paysans a mis à disposition pour une somme modique une petite baraque avec des lits et…une douche chaude! Étant arrivés sous la pluie qui a repris en fin de journée, on est plutôt heureux de cette surprise! Cerise sur le gâteau, le pub local organise une navette qui vient nous chercher et nous ramener, le rêve dun hiker! C’est ainsi qu’on se retrouve un samedi soir à Wairio, petit village rural, dans l’unique restaurant de la zone. Celui-ci, plein, accueille un concert de reprises de chansons version country. On pourrait se croire dans un « diner » perdu dans le mid-ouest américain. On y est accueillis par de grands sourires, qui ne sont que plus tendres avec quelques dents manquantes.

    Au petit matin suivant, on partira par temps froid (~3 degrés) dans une brume magique mais glaciale, à marcher dans de hautes herbes à épines détrempées par la rosée, tout en plongeant nos pieds dans des dépressions pleines d’eau. Autant dire qu’on était gelés jusqu’aux os. Puis, littéralement 30 minutes plus tard, alors que le soleil émergeait derrière les nuages, que l’on sortait de la brume et qu’on s’attaquait à une montée raide - dont seuls les kiwis ont le secret - on se mit à transpirer alors qu’on n’était plus qu’en t-shirt. Contraste contraste…!
    La journée passera vite, à marcher dans des décors qui seraient typiques de l’île du Nord: forêt, chemins ruraux puis bord de route. On en aura profité pour discuter avec Élise et Severin, nos compères franco-suisses. Comme ils ont déjà parcouru le PCT en 2017, le retour d’impressions et la comparaison TA - PCT était vraiment intéressante à entendre. On se réjouit d’en discuter avec toi Guillaume!
    Fin de journée à Merrivale où, à nouveau, un paysan a mis à disposition pour quelques dollars une petite cabane et un petit champ pour camper.

    Après une nuit passée dans le beuglement des vaches alentours et de camions passant sur une route proche, on se lèvera tôt pour entamer une journée éreintante. C’est donc, encore une fois, dans le froid matinal et de nuit qu’on commence de marcher. Après quelques chemins de transition on entrera dans Longwood, une longue forêt sur des collines qui doit nous mener jusqu’à l’océan. La réputation de celle-ci la précède et on ne sera pas déçus: des kilomètres de sentier boueux à souhait, où on s’enfoncera souvent jusqu’aux genoux. On rira bien notamment avec Jennie, Élise et Severin, avec qui on parcourt cette section. En atteignant le sommet de Bald Hill l’émotion montera, s’agissant de la première fois que l’on verra clairement au loin l’océan, et surtout la colline de Bluff, notre but final.
    Arrivés à la petite cabane de Martin’s Hut, où les seuls 4 lits sont pris par une famille entière, on plantera nos tentes avec nos comparses moyennant un peu d’imagination pour trouver des emplacements vaguement plats. On crapahutera encore quelques dizaines de mètres dans la forêt dense pour atteindre un ruisseau où on enlèvera au mieux les couches de boue sèche couvrant nos jambes et nos chaussures. La technique retenue pour décaper nos jambes : utiliser nos chaussettes sales et rugueuses comme éponge…

    Après une nuit passée pas vraiment à l’horizontal, mais sans trop glisser au fond de notre tente grâce au calage d’habits sous nos matelas, on se réveillera enfin par des températures moins froides (~6 degrés). Dès le matin je constaterai ce que je soupçonnais le jour précédent, j’ai attrapé la bronchite de Marc (qui va mieux). Les 30 km de la journée seront donc pénibles pour moi. Heureusement, de beaux moments forts viendront éclaircir notre horizon: nous sortirons de la forêt tortueuse et boueuse de Longwood pour rejoindre la côte océanique, où nous retrouverons une plage de galets et de belles petites falaises. On quittera ainsi définitivement, à deux jours de la fin, la partie sauvage du Te Araroa. Autre point fort, nous verrons à nouveau à l’horizon, cette fois-ci encore plus proche, Bluff, notre destination.
    Nous passons la nuit au Holiday Park de Riverton où une douche bienvenue nous réchauffe et nous débarrasse de la boue.

    Notre longue avant-dernière journée (39 km) nous fera d’abord marcher sur une plage de sable de 23 km, qui sera un joli clin d’œil à nos premiers pas sur le Te Araroa le long de la 90 Miles Beach. Ma bronchite m’obligera à prendre un Dafalgan pour ne pas m’écrouler, mais l’émotion restera dominante. Nous traverserons ensuite la banlieue d’Invercargill puis longerons sa baie avant d’atteindre un Holiday Park où, à nouveau, une cabine nous permet de bien nous reposer.
    A ce stade, et au-delà de nos refroidissements, tout le monde commence à avoir « le corps qui lache ». Le mental sait que notre but est à bout touchant, et diverses douleurs viennent nous rappeler qu’il n’est pas anodin de marcher autant durant près de 5 mois.
    Plus qu’un jour pour atteindre Bluff, nos émotions sont à leur comble. Les larmes ne sont jamais très loin non plus. Encore un jour pour profiter. Mille pensées traversent nos esprits.

    Voici les étapes réalisées depuis Te Anau :
    - km 2’828 Aparima Hut
    - km 2’848 Telford Campsite
    - km 2’875 Birchwood station
    - km 2’902 Merrivale (Merriview Hut)
    - km 2’930 Martin’s Hut
    - km 2’959 Riverton
    - km 2’996 Invercargill
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  • Day 138

    J138, Km 2’806, Te Anau

    March 1, 2023 in New Zealand ⋅ ☁️ 19 °C

    A Queenstown, où nous avons passé deux jours de repos, le tracé officiel du trail s’interrompt. Il nous indique d’emprunter par navette ou auto-stop un détour longeant le lac Wakatipu jusqu’à Greenstone. Effectivement, aucun parcours raisonnable ne peut être effectué à pied entre ces points. La seule alternative serait de marcher le long d’une route très fréquentée, étroite et sinueuse de 80 km.

    Afin de prolonger le plaisir, on décide ainsi de prendre une navette sur la moitié de ce « by-pass », puis d’aller randonner sur une des « Great walks » (randonnées classées particulièrement belles) qui se trouve à proximité: la Routeburn track. Celle-ci a l’avantage d’être jointive avec le tracé du TA, qu’on rejoindra et continuera ainsi après 2 jours de marche.

    C’est donc au petit matin à Queenstown que l’on se retrouve avec de nombreux autres touristes pour embarquer dans un autocar ; la Routeburn est très réputée et présente des cabanes d’une cinquantaine de lits, réservés des mois à l’avance. Après avoir longé le magnifique lac Wakatipu, on atteint Glenorchy, dont les environs ont servis de cadre à plusieurs scènes du Seigneur des Anneaux, puis le début du trail au pied des montagnes à Routeburn shelter. Là encore, davantage de randonneurs seront en partance. Ce sera une constante de la journée : beaucoup de monde!
    Le sentier de Routeburn est habituellement parcouru en 2-3 jours. On l’aura complété en un seul, en partant de plus à 9h50, et en gravissant un petit sommet en plus.
    Toute la journée nous aurons été subjugués par la beauté des paysages, de surcroît par un grand beau temps. On se trouvera en milieu clairement alpin, avec des montagnes couvertes de glaciers dans les environs, et un sentier très entretenu mais rocheux. En somme on ne se sera jamais autant cru en Suisse!
    Depuis le sommet de Conical Hill, on pourra apercevoir au loin l’océan dans le Fjordland, grandiose! De belles cascades viendront compléter ces décors enchanteurs.
    Après avoir dépassé les énormes cabanes ainsi que quelques lodges privés, on ira planter notre tente dans un campement sommaire dans un cadre toujours autant sublime.

    Après une nuit très humide et glaciale, on se réveillera par des températures négatives avec du givre au sol. Ce sera le début d’une journée contrastée, puisqu’on la terminera en nous baignant dans une rivière pour nous rafraîchir et nous laver!
    C’est donc dans la froideur matinale et dans des brumes nappant le fond de vallée qu’on partira pour une journée où on longera une large vallée. On croisera quelques touristes parcourant la zone ceinturés de guides, afin d’atteindre un de ces lodges privés, où un accueil tout confort les attend, pour l’équivalent de CHF 1’400.- par personne pour deux jours…!
    A la grande Greenstone hut, on reverra quelques connaissances dont Jennie, avec qui nous avions gravi Stag Saddle, puis on ira plonger dans une sublime rivière verte-transparente. Le temps est encore et toujours ensoleillé!
    En allant nous coucher, on constatera avoir fait une erreur de débutant…planter notre tente sous un gros arbre mort. Déjà quelques branches sont tombées aux alentours. On hésite, mais à défaut de place restante et fatigués, on prendra le risque de ne pas la déplacer.

    Au matin, heureux de ne pas avoir été écrasés, on entrera dans une forêt qui nous prouvera qu’on est bien de retour sur le tracé du TA et plus sur une section très fréquentée : le chemin est couvert à des dizaines de reprises, sur 10 km, d’amas d’arbres tombés et enchevêtrés. Le jeu consiste donc à trouver le meilleur moyen de passer par-dessus ou par-dessous ces troncs afin de progresser péniblement en avant. Après être sortis d’affaire, on profitera de vues magnifiques dans un nouveau val sauvage surmonté de jolis pans de montagnes. On y croisera un NOBO valaisan d’Arbaz (près d’Anzère) avec qui on échangera quelques mots. Nous camperons ensuite à côté de la Careys Hut et du North Mavora Lake dans lequel on se baignera.
    Après quelques semaines de quasi total répit, on retrouvera également ici nos chères amies les sandflies, qui réanimeront quelque peu le syndrome post-traumatique de Marc, qui se met à les chasser frénétiquement dès qu’il en aperçoit dans la tente.

    Le jour suivant sera relativement facile et surtout court. D’une part car Marc se sera réveillé avec un refroidissement / un petit mal de gorge, et d’autre part car notre arrêt de fin de journée « semi-sauvage » en bord de rivière est une étape logique pour le lendemain.
    La section aura consisté à longer les deux lacs Mavora et la rivière Mararoa, où des scènes épiques de la Communauté de l’Anneau ont été tournées. Pour les connaisseurs, il s’agit des sites où Frodo quitte la communauté en traversant la rivière en canot et où Sam manque de se noyer, ainsi que de la rivière Anduin (Lothlórien). Le ciel bleu nous aura accompagné aujourd’hui dès la mi-journée.

    Pour le « dernier jour » de cette section, nous avons fait un choix pour lequel nous avons hésité. Nous pouvions soit parcourir 32 km de chemin routier peu fréquenté en gravier, soit prendre le chemin parallèle dans les champs, mais que de précédents marcheurs ont qualifié de « shitty farm track », ce qu’on pourrait traduire, non littéralement, par un « chemin rural fort peu agréable ». Apparemment celui-ci n’apporte rien de très bucolique, se trouve dans des champs irréguliers, peu, pas ou mal marqués, où on se perd facilement, et qui longe des barrières en barbelés. Bien que pas très jouissif non plus, on a donc opté pour la route en gravier. Au bout des 32 km finalement calmes et assez paisibles - à part de rares camions qui nous noieront dans des nuages de poussière - on fera de l’auto-stop sur la route SH94, afin de rejoindre la seule ville à proximité nous permettant de nous réapprovisionner, Te Anau. Après une heure de pouce, un sympathique voyageur californien s’arrêtera et, d’une conduite approximative, nous mènera jusqu’au camping. Le soir on retrouvera avec plaisir plusieurs hikers que l’on croise régulièrement depuis la Whanganui River, et avec lesquels on ira nous rassasier au restaurant et boire quelques bières. On passe actuellement un jour de repos sous tente, qui est également consacré aux traditionnels achats et à la planification de la dernière section avant d’atteindre notre but final, Bluff. On connaît ainsi désormais notre date finale (très) probable d’arrivée, ce devrait être le 09 mars! D’ici là, on attaquera 6 jours de marche en autonomie dans ce qui s’annonce comme un retour à l’île du Nord: forêts boueuses reliées par des chemins ruraux, terminant sur 2 jours supplémentaires de plages et de rivage océanique. On se réjouit!

    Demain jeudi nous prendrons donc une navette qui nous ramènera au point auquel nous avons été pris hier en stop pour continuer et, dans 8 jours, terminer notre marche.

    Voici les étapes réalisées depuis Queenstown:
    - (hors-trail) Routeburn / Greenstone Saddle Campsite
    - km 2’724 Greenstone Hut
    - km 2’751 Careys Hut
    - km 2’774 Mararoa River
    - km 2’806 Te Anau / Princhester Road
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  • Day 131

    J131, km 2’710, Queenstown

    February 22, 2023 in New Zealand ⋅ 🌧 9 °C

    Après notre dernier jour de repos, à Wanaka, nous sommes partis alors qu’un triathlon battait son plein dans le secteur. On s’est donc retrouvés à traverser une zone de course pleine de spectateurs. Cet événement nous permettra d’encourager au passage les athlètes, et de bien manger à notre pause de midi grâce à la présence de food trucks.
    Après avoir longé le lac Wanaka, nous gravirons une vallée sur le Motatapu Alpine Track. On finira la journée à la cabane Fern Burn Hut, qui a la particularité de se trouver sur un terrain appartenant de manière tout-à-fait improbable…à Shania Twain, la chanteuse pop, qui a notamment financé la construction de cet abri et du chemin pour y permettre le passage du TA! A cette cabane, où comme d’habitude on préférera dormir sous tente, nous finirons par être 27 randonneurs! Dont 6 locaux qui sont ici pour le week-end, 3 NOBO, et donc 18 autres SOBO comme nous…! La variabilité du nombre de marcheurs de jour en jour est vraiment étonnante. La nuit, nous recevrons à nouveau la visite d’un possum qui, après avoir été effrayé, se vengera en sautant sur le toit de la cabane voisine dans un boucan peu propice au repos…

    Le lendemain nous rejoindrons Roses Hut sur un tracé comprenant uniquement des montées ou des descentes (+1’700 et -1’700 m), au moins sur une relative faible distance de 17 km. On passera en outre sur de sublimes crêtes nous offrant des vues grandioses. Le chemin traversera notamment un énorme et actif glissement de terrain… La fin d’après-midi sera émouvante, puisque nous réaliserons qu’il s’agit de l’une des dernières « vraies » journées en pleine montagne. Le thème de la « fin du trail », qui se profile pour tout le monde dans une quinzaine de jours, commence à être dans toutes les bouches. Cette perspective est perçue différemment par chacune et chacun. Entre soulagement, tristesse, impatience ou appréhension. De notre côté, notre projet de continuer quelques temps notre découverte de la Nouvelle-Zélande en van (de location) nous donne matière à nous réjouir et nous fera une belle transition.

    Au départ de Roses Hut, nous gravirons un dernier col avant de descendre rejoindre le lit de l’Arrow River. Nous marcherons dans celui-ci sur plus de 4 km, la plupart du temps les pieds dans l’eau glaciale du petit matin. Heureusement, le soleil généreux viendra vite nous réchauffer. Nous rejoindrons ensuite, au sortir de la rivière, Macetown, un village minier désormais abandonné que 200 âmes en quête d’or peuplaient il y a plus d’un siècle. Aujourd’hui, seules les sandflies subsistent parmi les ruines.
    En continuant de descendre la vallée, on marchera sur une piste où on croisera pas moins de 17 gros 4x4 pilotés par des retraités qui viennent se donner des frissons sur ce sentier accidenté qui croise plusieurs fois la rivière.

    Au moment où nous écrivons ces lignes, soit 2 jours après avoir parcouru cette vallée, nous venons d’apprendre par un article faisant les gros titres de la presse nationale (en anglais: https://www.stuff.co.nz/national/300813127/mass…) que le lendemain de notre passage, soit hier, 110 athlètes d’un ultra-marathon se trouveront coincés exactement là où nous sommes passés 24 heures plus tôt, suite à de fortes précipitations ayant engendré une crue de l’Arrow River… Au total 9 athlètes enclencheront leur balise de détresse, et 6 personnes finiront à l’hôpital pour hypothermie, sans autre séquelle heureusement. Une démonstration supplémentaire de la rudesse de ces montagnes et des très rapides changements de conditions météo qui peuvent survenir. A nouveau, par pur hasard, nous aurons été très chanceux.

    Au sortir de la vallée on rejoindra Arrowtown, d’origine minière également, aux airs de village far west avec ses vieux bâtiments le long de l’allée principale. De là nous marcherons en longeant notamment un prestigieux terrain de golf, jusqu’à un point convenu où Kristine et Bernard, un couple franco-kiwi-canadien, viendra nous chercher en voiture pour nous mener chez eux pour la soirée. Nous avions commencé le trail à Cape Reinga le même jour qu’eux. Comme il ont « uniquement » parcouru l’île du Nord cette année - ils attaqueront l’île du Sud l’année prochaine - et qu’ils habitent à proximité directe d’Arrowtown, ils nous ont invités tout comme d’autres marcheurs à nous rendre chez eux pour un souper et passer la nuit lors de notre passage. C’est ainsi qu’on se retrouvera avec deux autres randonneurs très sympathiques qu’on côtoie depuis plusieurs jours, Alistair (Ecosse) et Reid (NZ), à être traités comme des rois dans la sublime demeure de Bernard et Kristine, dont la générosité nous a beaucoup touchés. On visitera leur grand jardin où ils ont arraché les espèces végétales importées pour y replanter des centaines d’indigènes, soutenant ainsi la biodiversité locale. Après un apéro de fromages et autres délicatesses, on mangera des plats riches en légumes et aux goûts exquis. C’est simple, on n’aura pas si bien mangé depuis des lustres! Les discussions passionnantes sur nos parcours, la politique et les différences entre nos pays seront riches et intéressantes. Après une nuit de repos dans un vrai lit, et un déjeuner succulent, ils nous redéposeront à l’endroit même où ils nous avaient pris le jour précédent. A eux deux, un immense merci!

    Deux cent mètres après être repartis, la
    panse encore pleine et l’esprit apparemment étourdi, on empruntera un mauvais chemin qui nous vaudra un « petit détour » de 4 km… Rien de bien grave. On longera ensuite le lac Hayes puis la baie de Frankton qui s’ouvre sur le lac Wakatipu et, après être progressivement entrés dans la « civilisation », on atteindra la ville de Queenstown. Il s’agit de la Mecque des sports de plein air, ce qui nous est confirmé par la population jeune, touristique, et souvent sportive qui arpente les rues et les bars de cette cité nichée entre lac et montagnes.
    On y passe actuellement deux « zero days », de quoi prévoir les prochaines étapes, de passer chez le coiffeur, de réparer nos bâtons de marche, d’acheter pour moi (Vincent) une quatrième paire de chaussures, et surtout de réfléchir et nous renseigner sur la suite de notre voyage, comme mentionné a priori en van. Affaire à suivre!

    Voici les étapes réalisées depuis Lake Tekapo :
    - km 2’640 Fern Burn Hut
    - km 2’657 Roses Hut
    - km 2’685 Arrowtown
    - km 2’710 Queenstown
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  • Day 126

    J126, km 2’615, Wanaka

    February 17, 2023 in New Zealand ⋅ ☁️ 21 °C

    Tout d’abord nous souhaitons rassurer les personnes qui se seraient inquiétées au vu des nouvelles météorologiques qui sont parvenues jusqu’en Suisse (et au Pérou): on va très bien. Merci pour vos nombreux messages inquiets. Le cyclone Gabrielle a effectivement touché très fortement l’île du Nord il y a quelques jours, occasionnant des morts et d’importants dégâts, et déclenchant l’état d’urgence national. Ici, dans la moitié sud de l’île du Sud, nous sommes complètement épargnés, puisque nous avons même un grand soleil et relativement peu de vent depuis quelques jours. Notre amie Anna et sa famille, qui habitent l’île du Nord, se portent bien également.
    Heureusement, la Nouvelle-Zélande est un pays développé et bien préparé à gérer ce type de catastrophe. Cela n’en reste pas moins une épreuve difficile pour les personnes touchées.



    Voici donc les nouvelles de nos derniers jours.

    Comment rendre intéressante une longue section quelque peu monotone le long d’une route asphaltée ou sur un chemin en gravier le long d’un interminable canal? En le transformant en défi! C’est ainsi qu’on a décidé de parcourir d’une traite, en un jour, 56 km du trail. Pour comparaison, cela représente environ l’équivalent par la route d’un Neuchâtel - Berne, d’un Renens - Genève aéroport, ou d’un Fribourg - Vevey! Pour ne pas arriver trop tard, nous avons donc mis notre réveil à 2h30 du matin… Le départ, à 3h00, s’est bien entendu fait dans la nuit, et donc dans la fraîcheur matinale. Après être rapidement sortis du village de Lake Tekapo, nous nous sommes donc lancés dans la nuit sur le chemin longeant un canal liant deux lacs permettant par turbinage de générer de l’électricité. Le ciel était en partie couvert mais nous avons pu voir quelques étoiles, et la lune était suffisamment présente pour que l’on puisse marcher la plupart du temps sans la lumière de nos lampes frontales. Durant une pause, nous aurons l’opportunité d’observer un phénomène assez unique: une ligne régulière de dizaines de satellites défilant à intervalle régulier. Il s’agit de satellites lancés récemment (faible altitude et faible dispersion) faisant partie du programme Starlink, le projet d’Elon Musk pour offrir, ou plutôt vendre, un accès internet mondial sans connexion « au sol ».
    Nous serons ensuite rapidement rejoints par deux randonneurs: Liv, la malheureuse américaine qui a dû être héliportée depuis la Rangitata la semaine passée - elle s’est heureusement bien remise de ses émotions; et Niall, un kiwi marchant en faveur de sa fondation « Eye care for Africa » (https://www.eyecareforafrica.org.nz), et qui filme chacune de ses journées (on apparaît donc ici: https://youtu.be/O9GabV29gBc). On aura eu des discussions super intéressantes avec les deux, ce qui nous aura aidé à faire passer le temps! On longera ensuite encore le lac Pukaki avant d’atteindre le village de Twizel.
    En fin de journée, heureux et fier de la distance parcourue, on ne fera cependant pas les malins, et je ne serai pas loin de tomber dans les pommes de fatigue en effectuant des courses dans un magasin…

    Le jour suivant nous sentirons la fatigue, surtout par manque de sommeil. Nous parcourrons un sentier facile, à plat, parfois ennuyeux mais également devenant charmant au bord d’une rivière bleue crème et surtout en rejoignant et longeant le lac Ōhau. On dormira au bord de ce dernier, et on profitera d’une vraie baignade dans ce nouveau lac bleu turquoise avant de dormir!

    Le lendemain nous remonterons dans les montagnes, dans de toujours sublimes et très sauvages décors. En fin de cette journée nous atteindrons la vallée paraissant infinie de l’Ahuriri River, puis traverserons cette rivière. Celle-ci est considérée comme la plus large / profonde à franchir « obligatoirement » (pas de détour possible) de tout le TA. Les conditions lors de notre passage étaient favorables et nous n’avons dû nous immerger que jusqu’à mi-cuisses, dans un courant cependant assez fort, dans lequel on préfère ne pas tomber… On campera en sauvage sur la rive opposée, toujours par un grand beau temps.

    Au réveil, on sait déjà que la journée sera longue: on aimerait atteindre un certain point du trail pour une question de logique d’étape, et également afin d’éviter de marcher les pieds dans une rivière glacée en matinée.
    On parcourra lors de cette nouvelle sublime journée de nouvelles vallées et on montera au col très venteux de Martha Saddle. En redescendant, dans un décor très rocailleux avec des beaux éboulis, on se croira quelques instants en Suisse, à cause des paysages mais aussi de la qualité momentanée du sentier! En continuant notre descente nous rejoindrons la rivière Timaru, dont nous rejoindrons le lit. La progression se fera tantôt sur ses berges, et tantôt sur le lit même. Évidemment, avec les descente la rivière se montrera de plus en plus gonflée, rendant l’expérience autant ludique que sportive! On sera comme deux gamins à sauter de pierres en blocs et à traverser le courant de ce torrent. Le trail se transformera donc davantage en canyoning qu’en randonnée l’espace de quelques heures. Malgré cette progression finale lente, on aura parcouru ce jour 38 km et 1’450 m de dénivelé positif, ce qui expliquera notre arrivée tardive, à 20h30, à un des rares espaces aptes à accueillir une tente dans cette vallée étroite.
    A noter encore ce jour notre rencontre avec plusieurs « NOBO », dont un californien très sympa et…un peu cliché, puisqu’il ne pouvait s’empêcher de terminer chacune de ses phrases par « bro » (frère) ou « dude » (mec).

    Après une nuit réparatrice, je me ferai réveiller par le bruit d’une des corde de tension de la tente vibrant en faisant des « doiiiing », puis entendrai des bruits d’animal trifouillant le sol, puis grattant notre tente du côté de nos stocks de nourriture. Immédiatement je siffle et tape la tente pour l’effrayer, mais il continue. Je saisis alors ma lampe frontale et, en l’allumant, tombe sur deux yeux me fixant à travers la moustiquaire. Sans surprise il s’agit d’un possum. Je hurle et l’effraie cette fois pour de bon. Marc, quant à lui, continuera de dormir du sommeil du juste. Sans intervention, on aurait pu se retrouver avec la tente et nos sacs de nourriture éventrés, comme c’est arrivé à d’autres randonneurs…
    Après ces émotions on attaquera une longue montée, nous menant finalement à un sublime point de vue, Breast Hill. On y verra un paysage époustouflant avec le lac Hawea entouré de montagnes. Après une descente longue et présentant des pentes parfois indécentes, on atteindra le lac et son eau bleue limpide, dans lequel on ira immerger nos corps suants. Le paradis. On ira ensuite planter notre tente dans un joli Holiday Park.
    Les paysages sont désormais clairement arides. Les montagnes comme les plaines sont couvertes d’herbes jaunies et/ou de végétation basse qui pourraient faire penser à la Grèce.

    Entre Hawea et Wanaka, nous longerons des rivières toujours aussi bleues et transparentes puis le magnifique lac Wanaka, tout en passant par des banlieues cossues. Un nouveau plongeon dans ce lac nous rafraîchira en cette chaude journée. On aura aussi le plaisir de croiser à midi une pâtisserie française, dont les délices nous feront presque nous réjouir de rentrer retrouver du bon pain!
    Nous passons désormais un jour de repos à Wanaka, ville très touristique au bord du lac homonyme.

    Anecdote:
    Il y a deux ans, nous avions investi dans l’achat de notre tente, dont le matériau est à la fois exceptionnellement léger tout en étant très résistant. Ces qualités se traduisent par un prix important, environ 800.-, qu’on estimait pertinent d’investir s’agissant de notre maison pour plusieurs mois. On a effectué avec elle deux précédentes randonnées de 10 et 13 jours, puis l’entier du TA jusqu’à présent. C’est donc sans trop de surprise qu’on commence à constater de petits trous qui se forment ça et là. En demandant à la firme qui l’a fabriquée (ZPacks), si on peut utiliser une colle pour boucher ces micro-trous, on se voit répondre que l’apparition de ces défauts ne devrait pas arriver, et donc qu’ils vont nous renvoyer gratuitement une nouvelle tente, ce qu’on n’avait même pas demandé! Ça c’est du service après-vente!

    Ces derniers jours on aura fêté nos 2’500 km, puis rapidement nos 2’600 km, et le cap des 4 mois sur le trail le 15 février!

    Voici les étapes réalisées depuis Lake Tekapo :
    - km 2’473 Twizel
    - km 2’503 Lake Ohau
    - km 2’531 Ahuriri River
    - km 2’567 Timaru River
    - km 2’591 Hawea
    - km 2’615 Wanaka
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  • Day 119

    J119, km 2’419, Lake Tekapo

    February 10, 2023 in New Zealand ⋅ ☁️ 18 °C

    Repartir de la ville de Geraldine en navette pour nous enfoncer dans un milieu de plus en plus en sauvage nous a paru comme un retour vers ce qui est désormais notre environnement naturel. On en est donc arrivé à ce stade: sans prétendre nous sentir tels de véritables nomades ou d’intrépides aventuriers, on ressent la nature et les grands espaces en quelque sorte comme notre maison. Là où on se sent à notre aise, et où nos sens ont pris leurs marques. Evidemment, nous nous réjouissons toujours de retrouver la « civilisation » et ses avantages notamment culinaires et hygiéniques, mais c’est toujours avec excitation et énormément de plaisir que nous la quittons pour reprendre notre route.

    Je mentionnais plus haut « nos sens » : comme on l’a lu concernant d’autres « thru-hikers » précédemment - et peut-être l’avais-je déjà écrit? - il nous arrive de sentir (littéralement) d’autres randonneurs plusieurs minutes avant de les croiser. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce sont plutôt ceux « propres » et parfumés qu’on décèlera le plus rapidement.

    Mais revenons à notre parcours. La navette nous laissera de l’autre côté de la vallée où nous nous étions arrêtés, au Bush Stream car park. Nous remonterons ensuite la rivière homonyme, où certaines traversées nous verrons nous immerger jusqu’à la taille. Puis nous atteindrons la Crooked Spur Hut, dans un écrin sauvage et sublime, entouré de montagnes, et où nous planterons notre tente malgré la fraîcheur des passés 1’000 msm.

    Le lendemain, nous passerons une journée grandiose sous un magnifique soleil à arpenter les montagnes couvertes de tussock, et à longer de beau ruisseaux. On passera à Royal Hut, une cabane ainsi nommée car le roi Charles III et la princesse Anne y sont passés lorsqu’ils étaient enfants! Nous y croiserons, ainsi que sur la suite du chemin, un nombre record de NOBO (~18). C’est aussi ici que notre petit groupe du moment de 5, avec Katharina et Daniel (DE), et Jennie (NZ), on décidera d’aller camper en sauvage à 1’740 msm, au bord d’un lac situé juste sous le Stag Saddle. Ce col est le plus haut point du Te Araroa. Le vent sera fort mais nous trouverons un endroit vaguement plus calme - et approximativement plat - pour planter notre tente. Le froid s’installe vite, et le coucher se fait tôt. Le but de l’opération est de voir le lever de soleil au col le lendemain.
    Notre réveil sonne à 4h00 du matin. Après une nuit passée bien emballés dans nos sacs de couchage, on se lève par une température glaciale. Le givre sur la face intérieure de la tente donne le ton: la température est clairement négative. Dans ces conditions, chaque geste est pensé pour ne pas perdre trop de chaleur. On réchauffe nos habits dans le sac de couchage, et on enfile presque toutes nos couches en gardant même celles de la nuit (leggings et t-shirt longues manches, tous deux en laine de mérinos). Chausser nos chaussettes, et surtout nos chaussures encore humides et donc gelées, n’est pas des plus agréables. On ne traîne pas et on part rapidement, après avoir plié la tente et nos affaires, en direction du col. La nuit est entière mais, la lune, qui était pleine 3 jours plus tôt, accompagne nos pas. On s’oriente avec nos cartes et grâce aux réflecteurs des (rares) poteaux marqueurs qui reflètent la lumière de nos lampes frontales. On atteint rapidement Stag Saddle, où on célèbre le passage de ce point culminant du trail, à un modeste (pour nous suisses) 1’925 m d’altitude, avec un peu de thé et de café qu’on prépare toujours dans une ambiance glaciale. On se réchauffe comme on peut, et on passera sur place près de 2h, des premières lueurs aux premiers rayons de soleil. Le tout avec un ciel limpide: la chance est toujours de notre côté!
    Après ce moment magique, d’autant plus fort que nous venons à quelques kilomètres près de passer symboliquement la moitié de l’île du Sud, nous longerons une crête d’où la vue est une des plus belles qu’il nous ait été donné de voir. On y verra le Mt. Cook, le plus haut sommet du pays, ainsi que d’autres montagnes élevées parfois recouvertes de glaciers, des vallées énormes et sauvages, et le sublime lac Tekapo, dont la teinte bleu clair paraît irréelle. On continuera notre journée en parcourant d’énormes terrasses graveleuses glaciolacustres, témoins du passé glaciaire de ces vallées. On terminera ce jour, certainement le plus marquant de tout le trail, en campant seuls en sauvage dans un cadre splendide, avec vue sur le lac.

    La dernière demi-journée de cette section nous mènera, via 18 km de route graveleuse, à Lake Tekapo, au bord du lac homonyme. Il s’agit d’un village très (uniquement?) touristique, offrant une vue magnifique sur le lac et les montagnes. On y passe un jour de repos, comprenant également les corvées habituelles: lessive, ravitaillement, planification, etc. On conclut la journée par un délicieux repas concocté a l’auberge de jeunesse (backpacker) par Marc et Daniel : pavé de saumon avec patates au four et salade grecque, et glace triple chocolat en dessert! Un régal!

    Voici les étapes réalisées depuis Potts River / Geraldine :
    - km 2’355 Crooked Spur Hut
    - km 2’374 Stag Saddle Lake
    - km 2’402 Boundary Stream
    - km 2’419 Lake Tekapo
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  • Day 114

    J114, km 2’345, Potts River

    February 5, 2023 in New Zealand ⋅ 🌧 21 °C

    Au lendemain de notre jour de repos à Methven,
    nous partirons en navette/minibus pour atteindre le début du trail à Glenrock station. Cette section est divisée en deux parties: 3 jours pour atteindre la large rivière Rangitata, puis 4 jours pour atteindre Lake Tekapo. Entre ces deux parties, se trouve donc la rivière en tresses susnommée dont les bras séparent les deux côtés de la vallée sur une largeur d’environ 10 km.
    Les jours avant d’entamer cette section auront été ponctués de nombreuses recherches et discussions entre nous deux et avec les autres marcheurs pour répondre à une question simple: va-t-on tenter ou non la traversée à pied de cette vaste et sauvage rivière. Les notes officielles du TA indiquent que le trail s’arrête sur la première rive, et reprend de l’autre côté. Il s’agit donc à nouveau, comme pour la rivière Raikaia qu’on a contourné en minibus en passant par Methven, d’un obstacle considéré comme « natural hazard zone » (zone de danger naturel). Sauf que cette fois le détour est de 140 km, et que les notes précisent également que des personnes adultes et expérimentées peuvent, lors de conditions favorables (basses eaux), effectuer le passage à gué des bras successifs de cette rivière.
    Nous avons croisé plusieurs « NOBO » (« North bounders », des personnes qui marchent le TA du Sud au Nord) récemment qui nous ont indiqué avoir pu faire cette traversée sans soucis majeurs. On prévoit ainsi, au départ de Methven, de le faire si les conditions météo et hydrologiques le permettent. A cette fin on s’organise avec Daniel et Katharina, un couple d’allemands qu’on vient de retrouver par hasard alors qu’on avait sympathisé sur l’île du Nord, partagé quelques restos et parcouru de nombreuses sections ensemble. Le plan est qu’ils se fassent transmettre sur leur appareil GPS (on n’aura pas de réseau) les dernières informations nous permettant de décider de traverser ou non: le débit de la rivière, publié en ligne automatiquement chaque heure, et la météo en amont du bassin versant (pleut-il ou non).

    Juste avant notre départ de Methven, on apprend par Instagram une nouvelle qui nous incitera pour le moins à être prudent: une fille que l’on connaît pour avoir notamment descendu avec elle la Whanganui River en canoë, a dû être secourue par hélicoptère le jour précédent, alors qu’elle tentait justement la traversée de la Rangitata. Elle a pu franchir sans encombre les 15 premiers bras de rivière, mais comme de forts orages se déroulaient en amont, le niveau est rapidement monté, et lors de sa tentative de passer le dernier bras de rivière, elle a chuté et s’est fait emporter. Heureusement, elle arrivera à flotter sur son sac et regagner le bord. Elle perdra au passage sa tente, ses bâtons, et sa bouteille de filtration d’eau. En voulant faire machine arrière et revenir sur la rive de départ, elle fera le constat que le niveau d’eau est déjà trop haut. Elle se retrouvera ainsi coincée sur un îlot de gravier sans autre choix que d’appeler les secours par son PLB (« personal locator beacon », appareil d’urgence GPS/satellite). Un hélicoptère viendra la sauver 45 minutes plus tard.
    Cette histoire sera riche en enseignements pour la communauté: ne pas franchir de telles zones seul, se renseigner sur la météo en amont lorsque le franchissement dure 3 heures, et avoir sur soi un PLB (ce que nous avons, merci Guillaume pour le prêt!). A la décharge de cette pauvre randonneuse qui en est ressortie choquée, le débit de la rivière est passé de 55 à 150 m3/s en seulement deux heures, et son père lui avait envoyé les dernières données de débit par satellite! Ce débit montera encore à plus de 300 m3/s le lendemain, puis excédera encore les 400 m3/s les jours suivants. Pour comparaison, le débit moyen du Rhône à Genève est de 250 m3/s…

    Mais revenons au début de notre section. Après 1h15 de minibus, on partira en fin de matinée dans un massif sauvage, aride, couvert d’éboulis et de végétation basse : bush, herbes hautes / tussock, et gorse / divers types de plantes épineuses qui nous lacèrent fréquemment les jambes. Le deuxième jour on remontera la Hakatere River sur plusieurs kilomètres en marchant sur ses berges et dans son lit. On la franchira pas moins de 68 fois en quelques heures!

    Les paysages sont grandioses, sans forêt à l’horizon, juste des montagnes, souvent pelées, et de larges vallées. On se croirait dans le Rohan du Seigneur des Anneaux, ou carrément dans un western. Le temps est magnifique avec de la chaleur et un grand soleil.

    Après une nuit agitée avec des vents violents qui nous réveilleront en sursaut à plusieurs reprises, nous repartons dans des vallées d’herbes brunes et hautes, toujours accompagnés d’un vent soutenu.
    La pluie, que nous aurons vu les trois jours au loin dans le bassin versant de la Rangitata, finira par nous arroser en fin de la troisième journée. Nous recevrons en parallèle par satellite les nouvelles que nous attendions: les pluies battent leur plein en amont de la Rangitata (72 mm/j!), et le débit reste très élevé. Au moins cela facilite notre choix. Ou plutôt il s’agit alors d’un non-choix: impossible de traverser la rivière, et nous ne savons pas combien de jours nous devrions attendre pour pouvoir le faire. Toujours par satellite, Daniel organise ainsi une navette / un minibus pour nous permettre de faire le détour par la route, comme prévu « officiellement » par le trail. On verra encore avant de partir le Mt Sunday, qui a été filmé dans le Seigneur des Anneaux ; il s’agit de la cité d’Edoras, la capitale du Rohan! Nous sommes donc allés dans la ville de Geraldine, hors-trail, pour la nuit, et sommes remontés le lendemain sur l’autre rive de la Rangitata pour reprendre le sentier.

    Voici les étapes réalisées depuis Lake Coleridge :
    - km 2’292 Comyns Hut
    - km 2’313 Manuka Hut
    - km 2’345 Potts River
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  • Day 111

    J111, km 2’275, Lake Coleridge

    February 2, 2023 in New Zealand ⋅ 🌬 19 °C

    Nous aurons donc passé un « zero day » à Boyle Village le 24.01, soit le jour de l’anniversaire de Marc. Autant dire qu’avec des nouilles instantanées au soir, le côté festif est resté…limité. Il n’y a effectivement rien à faire à cet endroit, où on est cependant restés pour nous reposer et planifier les prochains jours.

    Au départ de ce village, on longera une rivière dans une large vallée, on retrouvera ponctuellement de la boue - évidemment, pour baptiser nos chaussures neuves…! Et on finira par rester dans une hut où arriveront…21 autres hikers! A nouveau, par choix, on préférera dormir sous tente, et ce après avoir mangé et sociabilisé dans la cabane de Hope Kiwi Lodge.

    Le lendemain, après avoir croisé plusieurs petites rivières et longé la vallée Hurunui, on arrivera près d’une « hot pool », une source thermale naturelle. On choisira de ne pas s’y baigner car, pour une raison inconnue, j’étais nauséeux à ce moment, car l’endroit était infesté de sandflies, car il était difficile de se rincer après, et car un gros panneau indiquait (traduction) « Avertissement, la méningoencéphalite amibienne est mortelle et causée pas une entrée d’eau dans les narines, ne pas immerger la tête ». Bref, les bains thermaux seront pour une autre fois.

    Le lendemain, nous marcherons une bonne partie de la matinée avec Tom, celui qui ambitionne de faire le tour du monde à pied (cette fois-ci son site web est fonctionnel: https://www.iwalkaroundtheworld.com), avec qui on échangera sur le TA et sur ses projets futurs. Nous longerons la vallée de la Taramakau river, toujours sublime, et camperons en sauvage à proximité d’un bras de la rivière. L’occasion de faire un peu de lessive et de se laver un peu, le tout sans savon évidemment.

    Le jour suivant, nous remonterons presque toute la journée l’Otira puis la Deception River, en marchant principalement dans leurs lits ou sur leurs berges. La navigation se fait souvent sans marquage, on suit ainsi le chemin qui nous paraît le moins accidenté. Nous traverserons ce jour 38x ces rivières et leurs affluents avec au moins les pieds et chevilles immergés. Nous sommes chanceux car assez fréquemment, après de fortes pluies, ces rivières ne peuvent être franchies et les hikers doivent ainsi patienter jusqu’à ce que le niveau baisse. La marche était magique, puisque nous passerons dans des milieux très sauvages, d’abord le long de rivières en tresse, puis le long d’un torrent jonché d’énormes blocs. Il nous faudra même faire un peu d’escalade pour passer certains obstacles! Bonus du jour: on surprendra une famille de « Blue Ducks », des canards « de montagne » très rares.
    Nous aurons également vu ce jour de nombreux Trail runners qui s’entraînent pour une course, la « Coast to Coast », qui se tiendra dans deux semaines et passera notamment par ici.
    Une fois n’est pas coutume, nous ne serons que trois TA hikers dans la cabane, les 7 autres personnes y résidant étant des randonneurs locaux partis pour le week-end. A nouveau ce fut l’occasion d’échanges sympathiques.

    Ensuite nous rejoindrons Arthur’s Pass, un petit village alpin touristique en bord de route, mais à quelques kilomètres du trail. On fera donc de l’auto-stop pour y aller et en revenir le lendemain. On y récupérera notre dernier colis de nourriture pour les jours suivants, et on profitera d’aller manger dans un café et dans un restaurant. Dans ces deux établissements, le manque de personnel est criant: affiches avec annonces de recherche d’employés, horaires d’ouverture écourtés, menus simplifiés, et personnel surchargé…! Ce sont ici les conséquences du Covid et des fortes limitations d’activité durant la crise : le personnel a ainsi depuis trouvé d’autres emplois, et à cause de l’ouverture tardive des frontières et du délai requis pour les visas de travail, pas assez d’étrangers n’ont encore pu venir renforcer les effectifs.

    Au départ d’Arthur’s Pass, on longera de nouvelles rivières - c’est bien le thème du trail ces derniers temps - et on montera à la très charmante Hamilton hut. On dormira à l’intérieur, ce qui nous évitera de vivre sous tente un fort épisode de pluie.
    Après encore une petite journée à descendre la Harper River, puis une autre à marcher 28 km sur une route en gravier, nous avons rejoint Lake Coleridge, au bord du lac homonyme. On y sera accueillis par la propriétaire d’un lodge qui nous offrira gratuitement fruits, boissons, et biscuits maison!
    A cet endroit le trail s’arrête devant la rivière Rakaia, trop large et dangereuse pour être traversée à pied. Faute de pont, il nous faut ainsi la contourner sur 60 km pour retrouver l’autre rive, c’est ce qui est prévu « officiellement » par le trail. Depuis le village nous avons donc pris une navette qui nous a mené, hors trail, dans la ville de Methven, où nous prenons un jour de repos, et où nous nous ravitaillons enfin en produits frais. Marc profitera aussi de s’acheter un nouveau t-shirt et de nouvelles chaussettes, usure oblige. Demain nous reprendrons une navette pour retrouver le tracé.

    En terme de météo, alors qu’Auckland a subi récemment de terribles inondations, ici seules quelques bruines nous amèneront les premières gouttes de pluie depuis longtemps, et quelques franches ondées passeront, mais uniquement la nuit. On est donc toujours bien chanceux avec le temps!

    Concernant les sandflies, nous en aurons vus quotidiennement - pour ne pas dire en permanence - ces derniers jours, mais en quantité qu’on qualifiera de raisonnable. La brise fréquente, ainsi que notre consommation irraisonnée de Marmite (sorte de Cenovis) qui contient des vitamines B2 supposées les repousser, semblent nous aider à être moins assaillis. Sinon il nous restera toujours la possibilité de continuer notre périple accompagnés d’un pingouin. On a effectivement appris qu’il s’agissait des cibles préférées des sandflies, qui préféreront ainsi toujours s’attaquer à eux plutôt qu’à nous.

    Depuis le début de notre marche sur l’île du Sud, à de rares exceptions près, nous n’aurons mangé que notre nourriture envoyée à l’avance par colis. C’est-à-dire uniquement des aliments non périssables. Donc pas de légumes et peu de variété. Ce dernier mois, « aidés » par les dénivelés souvent importants et les chemins exigeants, nous aurons donc perdu un peu de poids. Comme notre ami Guillaume - qui a traversé récemment les États-Unis (PCT) - l’a vécu, on commence à rêver de nourriture. Dans mes derniers songes, je me trouvais à un buffet familial, où des tartes étaient disposées sur les tables. J’attrapais de mes mains et avalais sans manière tout ce qui était à ma portée, sous le regard désapprobateur de ma famille… On se réjouit donc de faire le plein de produits frais, et on profite en ville de manger plus varié et plus sainement!

    Anecdote géologique : à nouveau, on n’aura pas ressenti deux tremblements de terre de magnitude 4.3 dont l’épicentre n’était chaque fois qu’à quelques kilomètres de notre emplacement. Ceux-ci font suite à un autre, il y a quelques mois vers le lac Taupo, d’une magnitude de 5.7, que nous n’avions pas ressenti alors que tout le monde dans notre motel s’était réveillé en sursaut… Nous étions à 100 km de l’épicentre et des signalements dans tout le pays avaient été communiqués. Je reste donc un géologue qui n’aura jamais éprouvé un tel phénomène…

    Pour terminer, mentionnons que même si nous rencontrons passablement de gens que nous avions déjà croisés plus ou moins récemment sur le trail, nous voyons également de nouvelles têtes. Comme déjà mentionné il s’agit souvent de randonneurs qui ont décidé de ne parcourir « que » l’île du Sud. Mais cela ne cause pour autant pas de surpopulation sur le trail. Effectivement, en parallèle nous commençons à voir quelques abandons, et surtout en entendons parler par d’autres: que ce soit pour des causes externes (problèmes familiaux, emploi, date limite de retour, autres projets, etc.), de santé (blessure, maladie), ou simplement car ils ont perdu la motivation, ou estiment avoir trouvé ce qu’ils étaient venus chercher. De notre côté, pour la première fois, on commence à se réjouir de voir le bout de ce long chemin. Ou plutôt disons qu’on est contents de voir qu’on avance : dans 100 km on sera à la moitié de l’île du Sud! Mais soyons clairs, on est toujours autant épanouis et ravis d’être ici et, chaque jour, enfiler nos chaussures et marcher.

    Voici les étapes réalisées depuis Boyle village:
    - km 2’114 Hope Kiwi Lodge
    - km 2’142 Hurunui #3
    - km 2’172 Taramakau River
    - km 2’192 Goat Pass Hut
    - km 2’203 Arthur’s Pass
    - km 2’227 Hamilton Hut
    - km 2’247 Harper Campsite
    - km 2’275 Lake Coleridge
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  • Day 102

    J102, km 2’087, Boyle village

    January 24, 2023 in New Zealand ⋅ ⛅ 19 °C

    Ces derniers jours, nous avons traversé le parc national de Nelson Lakes, dans un décor alpin, entouré de hauts sommets tapissés ça et là de quelques restes de névés.

    Nous avons passé le cap symbolique des 2’000 km près du magnifique col de Travers Saddle, où une vue époustouflante nous a accueillis. « Plus que » 1’000 km à parcourir!
    On a également passé le cap du 100ème jour sur le trail (jours de repos compris).

    Le premier jour de marche au départ de St Arnaud (ou plutôt « Sanano », tel que prononcé par les locaux…), on longera le lac Rotoiti, puis on remontera une vallée pour atteindre Upper Travers hut. Après une nuit de sommeil, on aura la chance de nous réveiller au son des chants des kéas, d’adorables perroquets alpins rares et réintroduits à ce titre en divers endroits sur l’île du Sud. Ces oiseaux sont réputés pour leur curiosité: ils n’ont pas peur des humains, et passent leur temps à démonter tout ce qu’ils peuvent avec leur bec. Une de leur passion, dans certains parkings en altitude, est d’arracher les joints des portes de voitures! On passera donc un moment à les observer. L’observation va apparemment dans les deux sens: aux toilettes, l’un d’entre eux s’amusera à m’espionner depuis un trou qu’il a réalisé dans le toit!

    On aura séjourné dans cette cabane avec quelques autres randonneurs. On apprendra plus tard que l’un d’entre eux se sera fracturé la cheville dans une méchante pente, quelques kilomètres derrière nous. Il sera hélitreuillé jusqu’à l’hôpital de Nelson.

    On rejoindra ensuite le Blue Lake, où le terme « eau limpide » prendra tout son sens : il s’agit du lac scientifiquement le plus transparent du monde, avec une visibilité sous l’eau de…75 à 80 m!
    A la hut homonyme, le gardien (quelques rares cabanes sont gardées) nous indiquera que les prévisions météo qu’il reçoit par radio pour le lendemain annoncent « light rain » (légère pluie). On est quelque peu déçus, puisque nous savons que cette journée nous mènera en altitude avec de potentielles vues grandioses. Au réveil, le ciel est sans nuage, hormis quelques brumes matinales. Il fera grand beau toute la journée, on se sent bénis!
    Nous monterons donc pour rejoindre le « Lake Constance », dans un milieu sauvage et entouré de montagnes défiantes, et attaquerons l’ultime et très raide chemin nous menant au fameux col « Waiau Pass ». La vue sera tout du long digne de nos Alpes (soyons un peu chauvins), mais avec un côté « isolé de tout » et sauvage en sus. La descente suivant le col sera similaire à la montée : très raide. On la descendra en faisant parfois un peu de grimpe pour sortir de zones rocheuses. Le concept de chemin en zig-zag ou lacet n’est pas parvenu jusqu’ici, et c’est une vérité qu’on a déjà eu l’occasion d’observer moult fois jusqu’à présent. Nos genoux apprécient assez peu cette topographie des sentiers… Mais rien de grave puisque les douleurs ne persistent pas.
    Le cadre sera enchanteur jusqu’au bout. Nous terminerons cette journée exceptionnelle en longeant la Waiau River, à travers d’énormes éboulis, puis en forêt et le long d’une plaine alluviale où on serpente entre les tresses de la rivière. On plantera notre tente assez tôt, en sauvage, seuls et entourés des montagnes. Le bonheur brut.

    Le lendemain, la vallée s’élargira de plus en plus, laissant encore davantage de place à la rivière et aux herbes hautes prenant possession des terrasses graveleuses. On finira par des chemins assez faciles le long de vallées jusqu’à atteindre Boyle Village où nous sommes actuellement. Nous repartirons demain pour une nouvelle section de 5 à 6 jours de marche, en entrant dans la grande région de Canterbury, avec en ligne de mire Arthur’s Pass.

    Dans le série des anecdotes, nous changeons ici de chaussures et enfilons donc notre troisième paire, puisque nous nous les étions envoyées - avec également de la nourriture - dans un carton en poste restante. Il était temps pour moi: mes chaussures ont nécessité plusieurs réparations successives ces derniers jours, toujours au fil dentaire et à la colle, pour éviter qu’elles ne s’ouvrent comme des boites de conserve!

    Voici les étapes réalisées depuis St Arnaud :
    - km 1’999 Upper Travers hut
    - km 2’015 Blue Lake hut
    - km 2’027 Waiau River
    - km 2’057 Anne hut
    - km 2’087 Boyle village
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