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- 15.11.2022 klo 2.24
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- RanskaPays de la LoireLes Sorinières47°8’59” N 1°31’58” W
« Apatride »
15. marraskuuta 2022, Ranska ⋅ ☁️ 12 °C
Trois semaines de voyage retour.
Techniquement trente-huit heures entrecoupées de deux escales à Ho-Chi-Minh et Singapour.
Un retour long, donc en douceur me serait-je imaginé. Mais non, il m’aura fallu trois semaines de plus pour digérer ce voyage. À l’heure ou j’écris ces lignes, en ce premier dimanche de décembre, froid et gris, je me dis que je ne m’en remettrais jamais totalement. Mais au moins maintenant, je me dis que ce n’est pas forcément un mal.
Ce retour était en deux temps ; Lors de notre arrivée à Hanoï déjà, après notre premier Tchin-Tchin sur le rooftop de notre hôtel de dingue, un cover de « Can’t Help Falling in Love » de notre bon vieux Elvis avait entamé ma lente descente en nostalgie en faisant couler mes premiers sanglots.
Ce retour est différent. Quatre fois en huit ans, les trois premiers voyages en quatre ans ; le temps s’espace entre chaque retour en Inde et à cet instant, sur cette banquette, face à Gaël et à l’écoute de cette musique, je me rend compte que je ne serais pas prêt d’y retourner ; là, les images commencent à défiler dans ma tête, toutes ces interactions, ces rires, ces situations cocasses et comiques, ces moments de stress et de frustration.
Mes milliers de photos, autant d’histoires à raconter serons là pour me rappeler, et seulement me rappeler. Ces condensés de vie qui t’ennivrent en une journée plus qu’en trois ans dans ton bled. Tu fais du portrait de rue ? Soit patient à Nantes, pour trouver un sujet qui ne detournera pas la tête et ne prendra pas un air suspicieux; Va à Jodhpur, deux heures, observe les gens s’amuser de ton activité, accepter de se voire capturer pour toujours sur une pellicule ou un capteur photo-sensible. A toi de jouer alors pour en capturer l’huile, cette étincelle au coin de l’oeil rieur, ce sourcil levé et surpris de se voire au centre de l’attention d’un type qui passait par là avec ses trois kilos de matériel.
Cette confiance innée entre toi et cette personne, ces milliers de personnes, que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam, mais qui pourtant se laissent photographier avec plaisir, comme autant de témoignages d’humeurs et de sens du partage. Deux heures, tu n’auras pas eu le temps de regarder ta montre que déjà le temps est écoulé. Que dire de vingt jours ? Que dire d’un mois ? Déjà en arrivant au Vietnam, le travail de digestion commençait dans l’amertume. Mais fort heureusement, le magnifique Vietnam aura su me consoler autrement qu’une Hong-Kong vide de toute interactions il y a 8 ans.
Je me souviens il y a 8 ans avoir éprouvé une intense tristesse au retour. Et un dégoût, celui d’avoir quitté un monastère perdu dans l’himalaya et me retrouver dans le plus haut hôtel du monde, affreusement seul et noyé dans un luxe qui me faisait rêver avant mon départ. Je m’étais bourré la gueule avec du champagnes et des fraises ; Oui, quit a dégueuler de luxe, allons y quoi…et j’avais pleuré et pleuré. Une digestion. Où une maïeutique ? Réaliser ce que j’avais vécu en un mois, seul, et pétri de peurs. Ressasser tout ce que j’avais traversé et découvert : la richesse de la simplicité, la générosité de l’autre.
Ce retour-ci est différent, plus proche d’un deuil à mon goût et beaucoup plus long à mijoter.
Il y a 8 ans, je savais que je repartirais vite, à 23 piges on a que ca à planifier pour les dix années suivantes. 8 années plus tard, la preuve.
Delhi, Agra Jaipur, Udaipur, Jodhpur, Jaisalmer, Amritsar, Varanasi, Darjeeling, Singalila, Kolkata, Varanasi, Khana, Satpura, Ahmedabad, Bhavnagar, Diu, Junagadh, Jainabad, Mumbai, Pune, Delhi, Jaisalmer, Jodhpur, Udaipur, Agra, Varanasi, Kolkata, Cochi, Alappuzha, Munnar, Delhi, Jaisalmer, Jodhpur, Pushkar, Agra, Varanasi, Kolkata.
Je t’ai déjà dit lecteur que je n’avais jamais visité Quimper ? Voila voila.
Suis-je en dépression ou seulement nostalgique ? Dépression ? À ce point ? Ca me paraît excessif, mais pourtant, cela fait trois semaines que je travaille avec un semblant de sourire en journée et que je voudrais pleurer le soir. Sans mélodrame aucun. Je suis aussi bougon, pour ne pas dire particulièrement imbuvable à l’heure des chandelles.
Les projets avancent, la vie aussi, je sais qu’il faut faire des choix, le mien est de construire une vie à deux. Cela implique des moyens, qui ne pourront plus servir à retourner en Inde avant un bout de temps. Il y a tant d’autres voyages à vivre et pourtant il va faloir bosser, bosser pour l’avoir ce jardin un jour, et le cultiver. L’Inde est désormais un souvenir, une immense page, desormais tournée. Et l’Inde continuera d’avancer sans moi pendant de longues années et je ne sais quelle Inde je retrouverais alors, si je la retrouve.
Vendredi j’ai pris ma première petite cuite. Oui lecteur tu constatera que l’ivresse me permet d’évacuer généralement ce que je ressasse un peu trop.
J’aurais fais la fête, j’aurais dansé et fait le mec qui rigole et passe pour plus con qu’il ne l’est. Mais au moment d’enfourcher mon vélo (oui je sais c’est pas bien), mes écouteurs sur les oreilles (oui c’est pas bien non plus), une musique m’explose le cerveau, et là, c’est fini, Jayjay content se transforme en lavette. J’aurais chialé sur toute la route du retours. Chialé chialé. Avec ce tourbillons d’images dans mon crâne et un seul mot me venant : « apatride ».
Il faut dire que trois semaines pour crever un pneu et le repayer, apprendre que ton embrayage est foutu ; foutre 100 balles d’essence en une semaine parceque t’as pas le courage de faire du vélo sous cette pluie froide ; velo que tu paye encore 200 balles par mois. Tu devais déjà te payer deux chicos pour 1500 balles, t’as pas encore acheté la bouffe que déjà tu pourrais être à découvert et surendetté.
Car le loyer, l’elec, les assurances son passés. Et toi, naïvement tu te disais en rentrant il y a trois semaines : « ah, cette année, on rentre à la cool et enfin cette année on trouve les moyens de s’acheter un sapin de noël. »
Dommage, le sapin va passer dans l’embrayage. Les dix sapins à venir aussi.
Et puis le taf…Tu te tappes une semaine de formation pour dissequer et payer des factures d’ostéopathe, pendant qu’en appel on insulte ton humanité, on chiale avec une retraite à deux fois ton salaire et on te ressasse a longueur de journée comme tu es impuissant et bon à rien d’autre qu’à annoncer des délais de traitement et inviter à patienter. Et puis tu repense à ces 5 petites filles, jouant avec leur chameau en peluche, roulant dans la poussière mais s’ecclatant comme des folles à Bénarès.
Et là sur ton vélo, légèrement peté tu laches tout, et tu te dis que « définitivement, il est loins le chaï, il est loin Al Paccino et son halaine fétide d’adorable dromadaire ; elle est loin la dune-discothèque à scarabées ; et cette Ganga Arti, ces flambeaux et ces bougies, ces pétards et ces chiens, ces gypsies vendeurs de bracelets et ces joueurs d’harmonium qui chantent « frère Jacques » .
Mais au moins cette intense chute de tension aura permi d’évacuer totalement cette aigreur et cette tristesse.
Je peux écrire et me tourner vers l’avenir en commencant par de nouveau penser au présent.
Je suis loins de mon Inde, mais fort heureusement, aussi proche que possible de toi maman, et toi papa, de toi ma soeur, (bon frérot toi tu es loins de moi mais ça c’est ton choix 🤓) et de toi mon amie, de toi collègue qui me fait supporter des gens insupportables en me faisant rire. Je suis plus proche de toi ma Booboo, et je suis proche de toi mon Gaël, qui a vécu ce voyage a mes côtés et sait m’y replonger joyeusement. Cette satisfaction de se sentir compris, d’écouter ton plus proche équipier parler avec les mots que tu aurais employé, pour décrire cette fantastique traversée d’un bout du monde, au bout du monde.
Pour moi le voyage c’est aussi la route, le chemin, les heures et les heures de train, de voiture, d’avion, des moments parfois si inconfortables, mais des heures à regarder a travers une vitre, un hublot, et où tu peux songer et divaguer à tout ce que tu vies au présent, une digestion et un festin.
Putain que c’est bon. Et plus c’est bon, plus ça fait mal de se dire que c’est terminé. C’est finalement ce qu’il faut retenir.
J’espère lecteur, avoir su te partager un bout de ce voyage en toute honnêteté et spontanéité. Pardonne mon écriture poussive. Mais l’important : t’ai-je donné envie d’aller en Inde ?
Si oui fonce, tu ne seras pas déçu du voyage, prépare toi mentalement à ce que tu vas y découvrir, il n’y a que toi qui sera responsable de ton expérience. L’Inde est un miroir, une projection de toi. Soit frustré et elle saura t’apprendre la frustration, soit impatient et elle t’en donnera toutes les raisons, soit généreux bon sang ce qu’elle se fera belle pour toi, nappée de son splendide sari de bordel.
Moteur. Action. Namaste.Lue lisää
Matkaaja Bon alors ! Y’a une grève du stylo ? 🤪
Matkaaja Non, je terminerais l’écriture quand j’aurais atterri 😊