Te Araroa 2022-2023

October 2022 - March 2023
Te Araroa (le long chemin) est un itinéraire de randonnée longue distance (thru-hike) en Nouvelle-Zélande, qui s'étend sur environ 3'000 kilomètres le long des deux îles principales du pays, de Cape Reinga à Bluff. Read more
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  • 3.0kkilometers
  • 2.4kkilometers
  • 301kilometers
  • 156kilometers
  • 44sea miles
  • 62kilometers
  • 20sea miles
  • Day 78

    J78, km 1’715, Wellington

    December 31, 2022 in New Zealand ⋅ ☀️ 18 °C

    Ça y est, après 2 mois et demi de marche depuis Cape Reinga, nous avons terminé la traversée de l’île du Nord le 31.12.2022! Tout un symbole, et de quoi bien fêter le passage à la nouvelle année synonyme pour nous de nouvelle île, la sauvage île du Sud!

    Mais avant cela, retour sur nos derniers jours.

    Après les éprouvantes Tararua ranges, nous aurons soudainement basculé dans l’été austral. Au départ de Waikanae, nous rejoindrons l’océan par un sentier le long d’une rivière, puis nous longerons une plage jusqu’à atteindre Paekākāriki où on prendra un jour de repos. On aura tôt fait de découvrir que les vacances d’été battent désormais leur plein. On croisera des centaines de touristes (en très grande majorité des kiwis), le long du chemin et surtout sur la plage. Ce sera à nouveau l’occasion de nous faire interpeller : notre accoutrement tranche clairement avec leurs habits de vacanciers. La plupart nous demanderont si “on fait le trail”. Un jeune papa nous proposera également, après 30 secondes de discussions, de nous héberger lorsque nous passerons près de chez lui sur l’île du Sud!
    Après nous être faufilés entre les linges de bain, nous arriverons au holiday park. On prendra la dernier emplacement disponible dans ce grand camping. Notre tente fera pâle figure face aux équipements des autres résidents qui doivent parfois venir à deux voitures par famille pour tout emporter: tentes géantes “3 pièces”, frigos, barbecues de luxe, étagères,… et évidemment les vélos, que des centaines d’enfants chevauchent vaillamment à travers tout le camping! L’ambiance, quoique forcément bien différente de ce que l’on a connu, est bon enfant. Malgré la foule, le respect et la gentillesse des kiwis est toujours au rendez-vous. Après 22h on entendrait une mouche voler! Autre attention incroyable: alors qu’on passait un peu de temps sur notre emplacement à lire, écrire et planifier, coincés sous un arbuste à la recherche d’ombre, un voisin nous proposera d’installer sur notre place sa “tente pare-soleil” flambant neuve de 3x3 m pour nous abriter! On profitera encore de cette parenthèse estivale pour aller nous baigner plusieurs fois dans l’océan et nous prélasser sur la plage de sable.

    Après notre “zéro” balnéaire, on empruntera un sentier nommé “Escarpment track”, qui longe l’océan sur un flanc de montagne…escarpé. On croisera passablement de touristes sur ce joli parcours.

    La suite de notre marche nous fera arriver à Porirua, une ville côtière sans charme, où on dormira dans un camp chrétien méthodiste dénoué de tout attrait… Malgré un accueil chaleureux, on se verra offrir pour emplacement une zone en pente herbeuse utilisée comme parking ou, notre choix, une petite place “moins en pente” coincée entre deux bâtiments. Celle-ci étant également bordée par un parking en dur, un responsable du camp nous dira de mettre des cônes oranges devant notre tente pour “éviter que quelqu’un ne la prenne pour une place de parc”. On rigolera à sa remarque, lui pas. On mettra donc les cônes oranges bien en vue.
    On découvrira ensuite que deux énormes spots se situent de part et d’autre de notre tente, offrant durant toute la nuit suffisamment de lumière pour lire un livre... Cerise sur le gâteau, je (Vincent) découvrirai cette nuit-là que mon matelas est troué, m’obligeant à passer la majorité de la nuit directement sur le sol.

    Le lendemain, nous remonterons sur des collines couvertes de pâturages et de forêts qui nous mèneront jusqu’au cœur de Wellington! Au fur et à mesure de notre avancée, le vent forcira jusqu’à nous empêcher par moment d’avancer. Nous avons rarement senti un vent si puissant! Un habitant du coin rabattra notre enthousiasme en nous disant que cela n’a rien d’exceptionnel ici. Wellington est effectivement réputée pour ses vents fréquents et violents provenant du détroit de Cook. Après avoir traversé le joli jardin botanique, nous prendrons nos quartiers dans un appart-hôtel pour quelques jours.

    Après une nuit de repos, le 31.12, nous parcourrons finalement les 13 derniers kilomètres nous séparant de la fin du trail sur l’île du Nord, dans une banlieue sud (Island Bay) de Wellington nichée au bord du détroit. Même si ce n’est au final qu’une étape, c’est avec une certaine émotion que nous avons vécu ce moment. Nous terminerons cette journée par quelques bières au soleil sur le quai de Wellington, par un excellent repas (merci Déborah!), puis par le feu d’artifice concluant pour tout le monde cette année 2022, et pour nous une étape notoire de notre périple.

    On en profite bien entendu pour vous souhaiter à toutes et tous une excellente année 2023. On vous remercie encore pour tous vos messages qui nous sont parvenus sur les différents canaux.

    Le bilan de cette île du Nord est pour nous excellent. Tant de découvertes naturelles et humaines ont parsemé notre chemin. Tant de rencontres riches avec les autres randonneurs et avec les locaux qui nous auront ouvert le cœur et l’esprit. Nous avons également profité, volontairement ou non, de laisser nos pensées vagabonder, vers des réflexions tantôt personnelles, et tantôt plus générales. Parmi d’autres, un thème évident est revenu à nous: la migration. Car oui, nous avons migré, du Nord au Sud, et continuerons de le faire. Cependant, il s’agit une migration de loisir, par choix, et dans un pays accueillant et sûr, où notre démarche amène la sympathie et la bienveillance des locaux. Nous avons pu utiliser notre argent mis de côté pour nous acheter du matériel de qualité et léger, et nous nourrir sans nous poser de question. Et malgré cela, notre voyage n’a pas été de tout repos. Alors on ne peut que humblement nous mettre à la place de celles et ceux qui, de gré ou de force, quittent leur pays et se retrouvent sur les routes, et sont si souvent rejetés comme des pestiférés, captés par divers réseaux d’exploitation, et vus de travers par la plupart des gens. On ne peut s’empêcher de penser aux parcours dangereux que tant d’entre elles et eux ont dû affronter. Ces parcours qui ne nous sont que rarement contés. La vraie bravoure est bien plus présente dans leur histoire que dans notre petite aventure. Une petite phrase revient souvent dans la bouche des hikers: nous sommes des privilégiés. C’est si vrai, et c’est une bonne chose de s’en rendre compte.

    ———

    Sans transition, et de manière plus légère, au programme de nos quelques jours à Wellington :
    - Lessives, nettoyage de matériel, ré-imperméabilisation, etc.
    - Achat de matériel (p.ex. nos 3èmes paires de chaussure qu’on enverra sur l’île du Sud, bouteille de gaz, caleçon, etc.)
    - Réparation de matelas (2 bonnes heures, ne serait-ce que pour trouver ce fichu trou!)
    - Coiffeur / barbier
    - Ré-abonnement de téléphone (…)
    - Et surtout: planification et achat de nourriture (et petit matériel) pour 4 sections de l’île du Sud où nous ne pourrons pas nous ravitailler (pas de magasin digne de ce nom), mais où des campings ou auberges acceptent de recevoir, en avance, un carton qu’on doit donc préparer et envoyer préalablement par poste. Nous les récupérerons donc en arrivant sur place. Nous avons donc acheté de la nourriture non périssable - et donc pas très saine… - pour 7 jours, 2x6 jours et 3 jours, soit un total de 22 jours de nourriture dans 4 cartons. Cela a donc demandé beaucoup de temps de préparation, d’achat et d’emballage. Nous sommes, au moment où nous écrivons ces lignes, occupés par un problème logistique à ce sujet: nous n’avions pas anticipé que la poste principale serait fermée jusqu’au 09.01 (!) et que ses filiales gérées par des kiosks et autres magasins seraient en grande partie fermées (ou en incapacité de faire des envois…) pour plusieurs jours à cause des vacances et fériés. Nous avons donc dû reporter notre départ pour l’île du Sud d’un jour (04–>05.01) pour nous assurer de pouvoir envoyer nos colis à temps. Evidemment il faut oublier de trouver des informations fiables en ligne ou un numéro de téléphone qui réponde... Et dire que nous sommes dans la capitale…parfois on oublie à quel point nos services en Suisse sont si performants, clairs et simples d’utilisation. En espérant que la gestion des services postaux par des tiers sous-payés et mal formés ne devienne pas non plus une généralité chez nous!

    Voici les étapes réalisées depuis Waikanae :
    - km 1’643 Paekākāriki
    - km 1’671 Porirua
    - km 1’703 Wellington
    - km 1’715 Wellington (Island Bay)
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  • Day 87

    J88, km 1’827, Pelorus Bridge

    January 9, 2023 in New Zealand ⋅ ☀️ 22 °C

    Après les quelques jours de repos et de ravitaillement à Wellington, nous avons donc pris le ferry le 05.01 pour atteindre, 3h30 plus tard, les Marlborough Sounds dans l’île du Sud. Le ferry était du même type que ceux qui nous permettent, plus près de chez nous, de rejoindre la Corse. Prendre ce type de bateau s’apparente ici davantage à un aéroport, puisque nous avons dû enregistrer nos sacs qui sont partis « en soute »!
    La traversée était très belle, surtout en arrivant vers l’île du Sud, puisque nous avons emprunté plusieurs canaux, baies et parties de criques avant d’atteindre notre destination, Picton. Ça a également été l’occasion pour nous de voir des dauphins!

    Nous ne passerons qu’une heure à Picton avant de reprendre une petite embarcation avec 20 autres personnes en direction de Ship Cove. Ce trajet constitue en fait une mini-croisière de découverte de la faune sauvage peuplant la baie. On profitera donc des explications intéressantes de Nikki et d’observer des phoques, des dauphins, des pingouins bleus, et de nombreux oiseaux avant de nous faire déposer au départ du trail.

    Après le départ du bateau, repartant avec les autres touristes, on se retrouvera avec 2 autres TA hikers, prêts à entamer cette deuxième partie de voyage. On découvrira d’abord la stèle à la mémoire du capitaine James Cook, qui fit 5 escales ici même. Ensuite, et sans attendre, nous serons accueillis par les « locaux » : des sandflies (mouches des sables dont les piqûres vous démangent une semaine et auxquelles on a déjà eu affaire sur l’île du Nord), des cigales assourdissantes ressemblant à celles du Sud de la France, et les fameux Weka. Ces derniers sont des oiseaux sans ailes - et qui donc comme le rare kiwi ne volent pas - à mi-chemin entre le canard et la poule, avec une touche de…Velociraptor! Ces oiseaux sont très peu peureux et extrêmement curieux. Ils sont complètement cleptomanes et ont donc tendance à voler tous ce qu’ils peuvent emporter avec leur bec. Hors de question de passer la nuit en ne laissant ne serait-ce qu’une paire de tongs hors de la tente!

    On traversera ainsi sur quelques jours le sentier nommé Queen Charlotte Track qui longe, dans une forêt sub-tropicale, une crête montagneuse bordée par l’océan. Le chemin était facile, ce qui fût apprécié après le classique « coup de mou » qu’on éprouve juste après avoir enchaîné plusieurs jours de repos.
    Malgré un temps pluvieux puis couvert, le cadre était enchanteur, avec parfois même des airs de Caraïbes : eaux vert-turquoise parsemées ça et là de voiliers, forêts sauvages, baies et criques à foison, le tout cerné de petites montagnes - ou grandes collines - qui plongent dans l’eau.
    Il faut dire que toute la grande zone des Marlborough a une particularité géologique : elle est en subsidence, en d’autres termes elle s’enfonce. Effectivement, la grande faille alpine qui affecte toute l’île du Sud a une composante de chevauchement qui fait « couler » le secteur depuis des millions d’années. Le résultat est un réseau d’anciennes vallées désormais immergées. Imaginez par comparaison que le Valais soit enfoncé et que l’océan le submerge jusqu’au niveau de Savièse. Érodez un peu les montagnes et mettez y une forêt subtropicale et voilà à quoi ressemble notre paysage!

    On a dormi dans des camps peu aménagés avec quelques touristes qui ne font « que » quelques jours de marches ou des balades, ou sont déposés de site en site en bateau. Nous avons également rencontré des randonneurs qui commencent le Te Araroa - ils ont choisi de parcourir « uniquement » les 1’300 km de l’île du Sud. On passe ainsi pour des vétérans, ce qui est assez drôle. On regarde de même leurs trop gros sacs - comme la plupart des hikers ils se sépareront du matériel en surplus après avoir constaté que leur sac était trop lourd - et on serre un peu les dents lorsqu’ils font encore du bruit à 21:30. Fatigue aidant, ils se coucheront bientôt vers 20:00, comme tout le monde!

    Nous sommes à présent sortis du Queen Charlotte Track, et avons fait nos au-revoir à l’océan, que l’on ne reverra que quelques kilomètres avant la fin de notre périple, dans plus de 1’000 km. On s’est consolé en nous baignant dans la magnifique Pelorus River!

    Les prochains jours nous attaquerons enfin de vraies montagnes, les Richmond Ranges. Il s’agit d’une section de 6 à 11 jours, selon le rythme et les aléas météorologiques, qui ne présente pas ou très peu de réseau téléphonique, pas d’électricité, et évidemment pas de possibilité de ravitaillement. Nous partirons donc avec 7+1 (réserve) jours de nourriture sur le dos. On se réjouit!

    Voici les étapes réalisées depuis Wellington :
    - km 1’721 Schoolhouse Bay
    - km 1’743 Camp Bay
    - km 1’774 Mistletoe Bay
    - km 1’806 Havelock
    - km 1’827 Pelorus Bridge
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  • Day 96

    J96, km 1’968, St Arnaud

    January 18, 2023 in New Zealand ⋅ ☀️ 21 °C

    Les derniers jours nous ont vus traverser la magnifique région montagneuse des Richmond Ranges. Après avoir parcouru une île du Nord somme toute avec peu de relief, pour les suisses que nous sommes, on a enfin pu nous lancer dans un parcours en altitude, rocheux et sauvage, qui se rapproche des randonnées que l’on chérit tant dans nos « propres Alpes ». Pour notre plus grand bonheur!

    Nous avons donc quitté Pelorus Bridge le sac lourd de 8 jours de nourriture. L’approche de ces Richmond ranges, une des sections les plus difficiles de réputation de tout le TA, s’est faite en longeant la magnifique Pelorus River, une rivière vert-émeraude sauvage, et en marchant dans une belle forêt. Notre première nuit se fera sous tente à côté d’une hut (cabane) pleine. Le paradis que représente la rivière, dans laquelle on se lavera très brièvement, cachera un vrai enfer. On nous avait averti à plusieurs reprises sur l’île du Nord que les « sandflies » - ces moucherons qui piquent - étaient largement plus nombreux sur l’île du Sud. Comme, par endroit sur l’île du Nord, il y en avait déjà passablement, on s’était dit qu’ils exagéraient. Ils n’exagéraient pas.
    Des milliers de ces bêtes nous harcèleront en permanence, rendant toute activité hors de la hut ou de la tente impossible. Tout au plus on aura un léger répit près du feu en faisant volontairement de la fumée et en s’y immergeant en prenant notre souper. Toute zone de peau non couverte est sinon prise d’assaut. Nous aurons de même aussi eu beau entrer le plus rapidement dans la tente, 100-200 sandflies nous suivront. On passera 30 minutes à les exterminer à la main. Des milliers se colleront à la moustiquaire de la tente. Cet épisode peut paraître presque drôle, mais il nous a mis un petit coup au moral. La frustration est d’autant plus grande que les autres hikers semblent largement plus épargnés. Les quelques kiwis qu’on verra sont en short et t-shirt sans être autrement dérangés. On ignore si uniquement l’odeur de notre peau nous a condamné… On espère vraiment avoir vu le pire. Les jours suivants seront moins problématiques à ce niveau - moins de sandflies - mais ça reste un facteur à considérer dans le choix de nos emplacements pour la nuit : par exemple, si on peut, on évite les bords de rivières. Il y a bien quelques produits qui permettent d’éviter la plupart des piqûres, mais les plus efficaces sont si forts qu’ils dissolvent les matières plastiques - on risquerait en outre d’abîmer notre matériel technique… Le meilleur moyen est donc de se couvrir d’habits, et de rester en mouvement.
    La légende maori raconte que la côte du Fjordland (Ouest de l’île du Sud, réputée pour être la plus envahie de sandflies), créée par le dieu Tu-te-raki-whanoa, était tellement magnifique, que les habitants en restaient béats, et ne travaillaient plus. La déesse Hinenuitepo, énervée, créa ainsi les sandflies pour les obliger à rester en mouvement et à se mettre à l’ouvrage…

    Pour compenser on s’arrêtera dans de magnifiques huts en altitude. On y rencontrera en outre une famille allemande très sympathique, composée de 2 parents et leurs 3 fils adultes, dont 2 avec leurs copines. Ils font le Te Araroa tous ensemble, un joli projet commun!

    On profite, lors des multiples traversées de rivière que l’on effectue, de nous baigner / laver (sans savon!), ou simplement de nous rafraîchir, et de faire le plein d’eau. Le tout plutôt rapidement!

    Les 8 jours que nous aurons pris pour traverser les Richmond Ranges, auront été marqués par :
    - Les premiers vrais terrains alpins, en altitude, avec enfin (!) du rocher et des pierriers, et notamment de magnifiques roches de serpentinite et d’autres roches ultramafiques. De l’amiante était notamment exploitée dans le secteur.
    - Des chemins accidentés, où la progression est lente. On passera des journées fatigantes de pourtant seulement 20 km par jour en moyenne.
    - L’ascension de plusieurs sommets, notamment le Mt Rintoul, lors de journées où on fera jusqu’à 1’800 m de dénivelé positif- avec un sac encore assez lourd.
    - De belles forêts, paraissant désormais moins tropicales, transitant rapidement vers une sorte de garrigue aride remplie de manukas dans le secteur de Red Hills. Le côté aride / avec peu de végétation est dû à la charge importante en métaux lourds d’origine naturelle (lié au substrat rocheux) rendant le sol toxique pour la plupart des plantes.
    - Des rivières sauvages et limpides, s’écoulant dans des lits de gros rochers emportés lors de précédentes laves torrentielles, qu’on traversera à de multiples reprises. Je (Vincent) ferai notamment une belle glissade qui me fera plonger intégralement dans l’eau, en me contusionnant le genou au passage, et en manquant de peu de perdre un de mes bâtons emporté par le courant sur une quinzaine de mètres.
    - Une météo sans pluie, d’abord un peu nuageuse, puis ensoleillée et chaude.
    - Une forme physique au top pour nous deux, et une faim grandissante ; on aura perdu quelques kilos sur cette section!

    De manière générale, cette section aura également été marquée par un isolement total: les seules infrastructures humaines qu’on aura aperçues durant 8 jours sont les cabanes rudimentaires. Entre deux, rien, pas même une ligne électrique ni même de vue de bâtiments au loin. C’est ce qui a notamment rendu les 140 km de ce parcours si spéciaux et grandioses!

    Mise à part une nuit, lors de laquelle nous avons dormi dans la cabane, nous avons toujours dormi en dehors de celles-ci, c’est-à-dire dans notre tente. Sur un sol pas toujours optimal. Ce choix de dormir dans la tente est principalement motivé par notre préférence pour le calme (pas de ronflement) et pour éviter les odeurs des hikers et des chaussettes qui pendent partout (8 jours sans douche pour tout le monde…). Mais de toute façon, sur cette section, nous ne trouverons presque que des cabanes avec 4-8 lits, alors qu’en moyenne le nombre de randonneurs (y.c. hors TA) varie entre 10 et 20.
    Nous prenons cependant toujours la peine d’aller inscrire nos noms dans le livre des cabanes, qui permet de garder une trace de chacun en cas d’accident ou si quelqu’un devait se perdre. On apprendra après coup que trois hikers distincts ont récemment dû être évacués en hélicoptère depuis les Richmond, dont deux suite à une chute.
    Les cabanes ont également parfois des revues. On y apprendra dans un très sérieux manuel expliquant comment traiter les personnes atteintes d’hypothermie à différents degrés, qu’il ne faut pas pratiquer de massage cardiaque sur… « une personne décapitée », dont « le torse a été coupé en deux », ou « en cours de décomposition »!! Drôles de cas d’hypothermie…

    Nous sommes à présent à St Arnaud, un petit village touristique au bord d’un joli lac, où on passe un jour de repos. C’est également ici que nous avons récupéré un de nos colis envoyé depuis Wellington et rempli de provision pour les 6 prochains jours de marche.

    Voici les étapes réalisées depuis Pelorus Bridge :
    - km 1’849 Captain Creek hut
    - km 1’858 Rocks hut
    - km 1’878 Starveall hut
    - km 1’897 Mt Rintoul hut
    - km 1’912 Mid Wairoa hut
    - km 1’929 Hunters hut
    - km 1’947 Red Hills hut
    - km 1’968 St Arnaud
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  • Day 102

    J102, km 2’087, Boyle village

    January 24, 2023 in New Zealand ⋅ ⛅ 19 °C

    Ces derniers jours, nous avons traversé le parc national de Nelson Lakes, dans un décor alpin, entouré de hauts sommets tapissés ça et là de quelques restes de névés.

    Nous avons passé le cap symbolique des 2’000 km près du magnifique col de Travers Saddle, où une vue époustouflante nous a accueillis. « Plus que » 1’000 km à parcourir!
    On a également passé le cap du 100ème jour sur le trail (jours de repos compris).

    Le premier jour de marche au départ de St Arnaud (ou plutôt « Sanano », tel que prononcé par les locaux…), on longera le lac Rotoiti, puis on remontera une vallée pour atteindre Upper Travers hut. Après une nuit de sommeil, on aura la chance de nous réveiller au son des chants des kéas, d’adorables perroquets alpins rares et réintroduits à ce titre en divers endroits sur l’île du Sud. Ces oiseaux sont réputés pour leur curiosité: ils n’ont pas peur des humains, et passent leur temps à démonter tout ce qu’ils peuvent avec leur bec. Une de leur passion, dans certains parkings en altitude, est d’arracher les joints des portes de voitures! On passera donc un moment à les observer. L’observation va apparemment dans les deux sens: aux toilettes, l’un d’entre eux s’amusera à m’espionner depuis un trou qu’il a réalisé dans le toit!

    On aura séjourné dans cette cabane avec quelques autres randonneurs. On apprendra plus tard que l’un d’entre eux se sera fracturé la cheville dans une méchante pente, quelques kilomètres derrière nous. Il sera hélitreuillé jusqu’à l’hôpital de Nelson.

    On rejoindra ensuite le Blue Lake, où le terme « eau limpide » prendra tout son sens : il s’agit du lac scientifiquement le plus transparent du monde, avec une visibilité sous l’eau de…75 à 80 m!
    A la hut homonyme, le gardien (quelques rares cabanes sont gardées) nous indiquera que les prévisions météo qu’il reçoit par radio pour le lendemain annoncent « light rain » (légère pluie). On est quelque peu déçus, puisque nous savons que cette journée nous mènera en altitude avec de potentielles vues grandioses. Au réveil, le ciel est sans nuage, hormis quelques brumes matinales. Il fera grand beau toute la journée, on se sent bénis!
    Nous monterons donc pour rejoindre le « Lake Constance », dans un milieu sauvage et entouré de montagnes défiantes, et attaquerons l’ultime et très raide chemin nous menant au fameux col « Waiau Pass ». La vue sera tout du long digne de nos Alpes (soyons un peu chauvins), mais avec un côté « isolé de tout » et sauvage en sus. La descente suivant le col sera similaire à la montée : très raide. On la descendra en faisant parfois un peu de grimpe pour sortir de zones rocheuses. Le concept de chemin en zig-zag ou lacet n’est pas parvenu jusqu’ici, et c’est une vérité qu’on a déjà eu l’occasion d’observer moult fois jusqu’à présent. Nos genoux apprécient assez peu cette topographie des sentiers… Mais rien de grave puisque les douleurs ne persistent pas.
    Le cadre sera enchanteur jusqu’au bout. Nous terminerons cette journée exceptionnelle en longeant la Waiau River, à travers d’énormes éboulis, puis en forêt et le long d’une plaine alluviale où on serpente entre les tresses de la rivière. On plantera notre tente assez tôt, en sauvage, seuls et entourés des montagnes. Le bonheur brut.

    Le lendemain, la vallée s’élargira de plus en plus, laissant encore davantage de place à la rivière et aux herbes hautes prenant possession des terrasses graveleuses. On finira par des chemins assez faciles le long de vallées jusqu’à atteindre Boyle Village où nous sommes actuellement. Nous repartirons demain pour une nouvelle section de 5 à 6 jours de marche, en entrant dans la grande région de Canterbury, avec en ligne de mire Arthur’s Pass.

    Dans le série des anecdotes, nous changeons ici de chaussures et enfilons donc notre troisième paire, puisque nous nous les étions envoyées - avec également de la nourriture - dans un carton en poste restante. Il était temps pour moi: mes chaussures ont nécessité plusieurs réparations successives ces derniers jours, toujours au fil dentaire et à la colle, pour éviter qu’elles ne s’ouvrent comme des boites de conserve!

    Voici les étapes réalisées depuis St Arnaud :
    - km 1’999 Upper Travers hut
    - km 2’015 Blue Lake hut
    - km 2’027 Waiau River
    - km 2’057 Anne hut
    - km 2’087 Boyle village
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  • Day 111

    J111, km 2’275, Lake Coleridge

    February 2, 2023 in New Zealand ⋅ 🌬 19 °C

    Nous aurons donc passé un « zero day » à Boyle Village le 24.01, soit le jour de l’anniversaire de Marc. Autant dire qu’avec des nouilles instantanées au soir, le côté festif est resté…limité. Il n’y a effectivement rien à faire à cet endroit, où on est cependant restés pour nous reposer et planifier les prochains jours.

    Au départ de ce village, on longera une rivière dans une large vallée, on retrouvera ponctuellement de la boue - évidemment, pour baptiser nos chaussures neuves…! Et on finira par rester dans une hut où arriveront…21 autres hikers! A nouveau, par choix, on préférera dormir sous tente, et ce après avoir mangé et sociabilisé dans la cabane de Hope Kiwi Lodge.

    Le lendemain, après avoir croisé plusieurs petites rivières et longé la vallée Hurunui, on arrivera près d’une « hot pool », une source thermale naturelle. On choisira de ne pas s’y baigner car, pour une raison inconnue, j’étais nauséeux à ce moment, car l’endroit était infesté de sandflies, car il était difficile de se rincer après, et car un gros panneau indiquait (traduction) « Avertissement, la méningoencéphalite amibienne est mortelle et causée pas une entrée d’eau dans les narines, ne pas immerger la tête ». Bref, les bains thermaux seront pour une autre fois.

    Le lendemain, nous marcherons une bonne partie de la matinée avec Tom, celui qui ambitionne de faire le tour du monde à pied (cette fois-ci son site web est fonctionnel: https://www.iwalkaroundtheworld.com), avec qui on échangera sur le TA et sur ses projets futurs. Nous longerons la vallée de la Taramakau river, toujours sublime, et camperons en sauvage à proximité d’un bras de la rivière. L’occasion de faire un peu de lessive et de se laver un peu, le tout sans savon évidemment.

    Le jour suivant, nous remonterons presque toute la journée l’Otira puis la Deception River, en marchant principalement dans leurs lits ou sur leurs berges. La navigation se fait souvent sans marquage, on suit ainsi le chemin qui nous paraît le moins accidenté. Nous traverserons ce jour 38x ces rivières et leurs affluents avec au moins les pieds et chevilles immergés. Nous sommes chanceux car assez fréquemment, après de fortes pluies, ces rivières ne peuvent être franchies et les hikers doivent ainsi patienter jusqu’à ce que le niveau baisse. La marche était magique, puisque nous passerons dans des milieux très sauvages, d’abord le long de rivières en tresse, puis le long d’un torrent jonché d’énormes blocs. Il nous faudra même faire un peu d’escalade pour passer certains obstacles! Bonus du jour: on surprendra une famille de « Blue Ducks », des canards « de montagne » très rares.
    Nous aurons également vu ce jour de nombreux Trail runners qui s’entraînent pour une course, la « Coast to Coast », qui se tiendra dans deux semaines et passera notamment par ici.
    Une fois n’est pas coutume, nous ne serons que trois TA hikers dans la cabane, les 7 autres personnes y résidant étant des randonneurs locaux partis pour le week-end. A nouveau ce fut l’occasion d’échanges sympathiques.

    Ensuite nous rejoindrons Arthur’s Pass, un petit village alpin touristique en bord de route, mais à quelques kilomètres du trail. On fera donc de l’auto-stop pour y aller et en revenir le lendemain. On y récupérera notre dernier colis de nourriture pour les jours suivants, et on profitera d’aller manger dans un café et dans un restaurant. Dans ces deux établissements, le manque de personnel est criant: affiches avec annonces de recherche d’employés, horaires d’ouverture écourtés, menus simplifiés, et personnel surchargé…! Ce sont ici les conséquences du Covid et des fortes limitations d’activité durant la crise : le personnel a ainsi depuis trouvé d’autres emplois, et à cause de l’ouverture tardive des frontières et du délai requis pour les visas de travail, pas assez d’étrangers n’ont encore pu venir renforcer les effectifs.

    Au départ d’Arthur’s Pass, on longera de nouvelles rivières - c’est bien le thème du trail ces derniers temps - et on montera à la très charmante Hamilton hut. On dormira à l’intérieur, ce qui nous évitera de vivre sous tente un fort épisode de pluie.
    Après encore une petite journée à descendre la Harper River, puis une autre à marcher 28 km sur une route en gravier, nous avons rejoint Lake Coleridge, au bord du lac homonyme. On y sera accueillis par la propriétaire d’un lodge qui nous offrira gratuitement fruits, boissons, et biscuits maison!
    A cet endroit le trail s’arrête devant la rivière Rakaia, trop large et dangereuse pour être traversée à pied. Faute de pont, il nous faut ainsi la contourner sur 60 km pour retrouver l’autre rive, c’est ce qui est prévu « officiellement » par le trail. Depuis le village nous avons donc pris une navette qui nous a mené, hors trail, dans la ville de Methven, où nous prenons un jour de repos, et où nous nous ravitaillons enfin en produits frais. Marc profitera aussi de s’acheter un nouveau t-shirt et de nouvelles chaussettes, usure oblige. Demain nous reprendrons une navette pour retrouver le tracé.

    En terme de météo, alors qu’Auckland a subi récemment de terribles inondations, ici seules quelques bruines nous amèneront les premières gouttes de pluie depuis longtemps, et quelques franches ondées passeront, mais uniquement la nuit. On est donc toujours bien chanceux avec le temps!

    Concernant les sandflies, nous en aurons vus quotidiennement - pour ne pas dire en permanence - ces derniers jours, mais en quantité qu’on qualifiera de raisonnable. La brise fréquente, ainsi que notre consommation irraisonnée de Marmite (sorte de Cenovis) qui contient des vitamines B2 supposées les repousser, semblent nous aider à être moins assaillis. Sinon il nous restera toujours la possibilité de continuer notre périple accompagnés d’un pingouin. On a effectivement appris qu’il s’agissait des cibles préférées des sandflies, qui préféreront ainsi toujours s’attaquer à eux plutôt qu’à nous.

    Depuis le début de notre marche sur l’île du Sud, à de rares exceptions près, nous n’aurons mangé que notre nourriture envoyée à l’avance par colis. C’est-à-dire uniquement des aliments non périssables. Donc pas de légumes et peu de variété. Ce dernier mois, « aidés » par les dénivelés souvent importants et les chemins exigeants, nous aurons donc perdu un peu de poids. Comme notre ami Guillaume - qui a traversé récemment les États-Unis (PCT) - l’a vécu, on commence à rêver de nourriture. Dans mes derniers songes, je me trouvais à un buffet familial, où des tartes étaient disposées sur les tables. J’attrapais de mes mains et avalais sans manière tout ce qui était à ma portée, sous le regard désapprobateur de ma famille… On se réjouit donc de faire le plein de produits frais, et on profite en ville de manger plus varié et plus sainement!

    Anecdote géologique : à nouveau, on n’aura pas ressenti deux tremblements de terre de magnitude 4.3 dont l’épicentre n’était chaque fois qu’à quelques kilomètres de notre emplacement. Ceux-ci font suite à un autre, il y a quelques mois vers le lac Taupo, d’une magnitude de 5.7, que nous n’avions pas ressenti alors que tout le monde dans notre motel s’était réveillé en sursaut… Nous étions à 100 km de l’épicentre et des signalements dans tout le pays avaient été communiqués. Je reste donc un géologue qui n’aura jamais éprouvé un tel phénomène…

    Pour terminer, mentionnons que même si nous rencontrons passablement de gens que nous avions déjà croisés plus ou moins récemment sur le trail, nous voyons également de nouvelles têtes. Comme déjà mentionné il s’agit souvent de randonneurs qui ont décidé de ne parcourir « que » l’île du Sud. Mais cela ne cause pour autant pas de surpopulation sur le trail. Effectivement, en parallèle nous commençons à voir quelques abandons, et surtout en entendons parler par d’autres: que ce soit pour des causes externes (problèmes familiaux, emploi, date limite de retour, autres projets, etc.), de santé (blessure, maladie), ou simplement car ils ont perdu la motivation, ou estiment avoir trouvé ce qu’ils étaient venus chercher. De notre côté, pour la première fois, on commence à se réjouir de voir le bout de ce long chemin. Ou plutôt disons qu’on est contents de voir qu’on avance : dans 100 km on sera à la moitié de l’île du Sud! Mais soyons clairs, on est toujours autant épanouis et ravis d’être ici et, chaque jour, enfiler nos chaussures et marcher.

    Voici les étapes réalisées depuis Boyle village:
    - km 2’114 Hope Kiwi Lodge
    - km 2’142 Hurunui #3
    - km 2’172 Taramakau River
    - km 2’192 Goat Pass Hut
    - km 2’203 Arthur’s Pass
    - km 2’227 Hamilton Hut
    - km 2’247 Harper Campsite
    - km 2’275 Lake Coleridge
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  • Day 114

    J114, km 2’345, Potts River

    February 5, 2023 in New Zealand ⋅ 🌧 21 °C

    Au lendemain de notre jour de repos à Methven,
    nous partirons en navette/minibus pour atteindre le début du trail à Glenrock station. Cette section est divisée en deux parties: 3 jours pour atteindre la large rivière Rangitata, puis 4 jours pour atteindre Lake Tekapo. Entre ces deux parties, se trouve donc la rivière en tresses susnommée dont les bras séparent les deux côtés de la vallée sur une largeur d’environ 10 km.
    Les jours avant d’entamer cette section auront été ponctués de nombreuses recherches et discussions entre nous deux et avec les autres marcheurs pour répondre à une question simple: va-t-on tenter ou non la traversée à pied de cette vaste et sauvage rivière. Les notes officielles du TA indiquent que le trail s’arrête sur la première rive, et reprend de l’autre côté. Il s’agit donc à nouveau, comme pour la rivière Raikaia qu’on a contourné en minibus en passant par Methven, d’un obstacle considéré comme « natural hazard zone » (zone de danger naturel). Sauf que cette fois le détour est de 140 km, et que les notes précisent également que des personnes adultes et expérimentées peuvent, lors de conditions favorables (basses eaux), effectuer le passage à gué des bras successifs de cette rivière.
    Nous avons croisé plusieurs « NOBO » (« North bounders », des personnes qui marchent le TA du Sud au Nord) récemment qui nous ont indiqué avoir pu faire cette traversée sans soucis majeurs. On prévoit ainsi, au départ de Methven, de le faire si les conditions météo et hydrologiques le permettent. A cette fin on s’organise avec Daniel et Katharina, un couple d’allemands qu’on vient de retrouver par hasard alors qu’on avait sympathisé sur l’île du Nord, partagé quelques restos et parcouru de nombreuses sections ensemble. Le plan est qu’ils se fassent transmettre sur leur appareil GPS (on n’aura pas de réseau) les dernières informations nous permettant de décider de traverser ou non: le débit de la rivière, publié en ligne automatiquement chaque heure, et la météo en amont du bassin versant (pleut-il ou non).

    Juste avant notre départ de Methven, on apprend par Instagram une nouvelle qui nous incitera pour le moins à être prudent: une fille que l’on connaît pour avoir notamment descendu avec elle la Whanganui River en canoë, a dû être secourue par hélicoptère le jour précédent, alors qu’elle tentait justement la traversée de la Rangitata. Elle a pu franchir sans encombre les 15 premiers bras de rivière, mais comme de forts orages se déroulaient en amont, le niveau est rapidement monté, et lors de sa tentative de passer le dernier bras de rivière, elle a chuté et s’est fait emporter. Heureusement, elle arrivera à flotter sur son sac et regagner le bord. Elle perdra au passage sa tente, ses bâtons, et sa bouteille de filtration d’eau. En voulant faire machine arrière et revenir sur la rive de départ, elle fera le constat que le niveau d’eau est déjà trop haut. Elle se retrouvera ainsi coincée sur un îlot de gravier sans autre choix que d’appeler les secours par son PLB (« personal locator beacon », appareil d’urgence GPS/satellite). Un hélicoptère viendra la sauver 45 minutes plus tard.
    Cette histoire sera riche en enseignements pour la communauté: ne pas franchir de telles zones seul, se renseigner sur la météo en amont lorsque le franchissement dure 3 heures, et avoir sur soi un PLB (ce que nous avons, merci Guillaume pour le prêt!). A la décharge de cette pauvre randonneuse qui en est ressortie choquée, le débit de la rivière est passé de 55 à 150 m3/s en seulement deux heures, et son père lui avait envoyé les dernières données de débit par satellite! Ce débit montera encore à plus de 300 m3/s le lendemain, puis excédera encore les 400 m3/s les jours suivants. Pour comparaison, le débit moyen du Rhône à Genève est de 250 m3/s…

    Mais revenons au début de notre section. Après 1h15 de minibus, on partira en fin de matinée dans un massif sauvage, aride, couvert d’éboulis et de végétation basse : bush, herbes hautes / tussock, et gorse / divers types de plantes épineuses qui nous lacèrent fréquemment les jambes. Le deuxième jour on remontera la Hakatere River sur plusieurs kilomètres en marchant sur ses berges et dans son lit. On la franchira pas moins de 68 fois en quelques heures!

    Les paysages sont grandioses, sans forêt à l’horizon, juste des montagnes, souvent pelées, et de larges vallées. On se croirait dans le Rohan du Seigneur des Anneaux, ou carrément dans un western. Le temps est magnifique avec de la chaleur et un grand soleil.

    Après une nuit agitée avec des vents violents qui nous réveilleront en sursaut à plusieurs reprises, nous repartons dans des vallées d’herbes brunes et hautes, toujours accompagnés d’un vent soutenu.
    La pluie, que nous aurons vu les trois jours au loin dans le bassin versant de la Rangitata, finira par nous arroser en fin de la troisième journée. Nous recevrons en parallèle par satellite les nouvelles que nous attendions: les pluies battent leur plein en amont de la Rangitata (72 mm/j!), et le débit reste très élevé. Au moins cela facilite notre choix. Ou plutôt il s’agit alors d’un non-choix: impossible de traverser la rivière, et nous ne savons pas combien de jours nous devrions attendre pour pouvoir le faire. Toujours par satellite, Daniel organise ainsi une navette / un minibus pour nous permettre de faire le détour par la route, comme prévu « officiellement » par le trail. On verra encore avant de partir le Mt Sunday, qui a été filmé dans le Seigneur des Anneaux ; il s’agit de la cité d’Edoras, la capitale du Rohan! Nous sommes donc allés dans la ville de Geraldine, hors-trail, pour la nuit, et sommes remontés le lendemain sur l’autre rive de la Rangitata pour reprendre le sentier.

    Voici les étapes réalisées depuis Lake Coleridge :
    - km 2’292 Comyns Hut
    - km 2’313 Manuka Hut
    - km 2’345 Potts River
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  • Day 119

    J119, km 2’419, Lake Tekapo

    February 10, 2023 in New Zealand ⋅ ☁️ 18 °C

    Repartir de la ville de Geraldine en navette pour nous enfoncer dans un milieu de plus en plus en sauvage nous a paru comme un retour vers ce qui est désormais notre environnement naturel. On en est donc arrivé à ce stade: sans prétendre nous sentir tels de véritables nomades ou d’intrépides aventuriers, on ressent la nature et les grands espaces en quelque sorte comme notre maison. Là où on se sent à notre aise, et où nos sens ont pris leurs marques. Evidemment, nous nous réjouissons toujours de retrouver la « civilisation » et ses avantages notamment culinaires et hygiéniques, mais c’est toujours avec excitation et énormément de plaisir que nous la quittons pour reprendre notre route.

    Je mentionnais plus haut « nos sens » : comme on l’a lu concernant d’autres « thru-hikers » précédemment - et peut-être l’avais-je déjà écrit? - il nous arrive de sentir (littéralement) d’autres randonneurs plusieurs minutes avant de les croiser. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce sont plutôt ceux « propres » et parfumés qu’on décèlera le plus rapidement.

    Mais revenons à notre parcours. La navette nous laissera de l’autre côté de la vallée où nous nous étions arrêtés, au Bush Stream car park. Nous remonterons ensuite la rivière homonyme, où certaines traversées nous verrons nous immerger jusqu’à la taille. Puis nous atteindrons la Crooked Spur Hut, dans un écrin sauvage et sublime, entouré de montagnes, et où nous planterons notre tente malgré la fraîcheur des passés 1’000 msm.

    Le lendemain, nous passerons une journée grandiose sous un magnifique soleil à arpenter les montagnes couvertes de tussock, et à longer de beau ruisseaux. On passera à Royal Hut, une cabane ainsi nommée car le roi Charles III et la princesse Anne y sont passés lorsqu’ils étaient enfants! Nous y croiserons, ainsi que sur la suite du chemin, un nombre record de NOBO (~18). C’est aussi ici que notre petit groupe du moment de 5, avec Katharina et Daniel (DE), et Jennie (NZ), on décidera d’aller camper en sauvage à 1’740 msm, au bord d’un lac situé juste sous le Stag Saddle. Ce col est le plus haut point du Te Araroa. Le vent sera fort mais nous trouverons un endroit vaguement plus calme - et approximativement plat - pour planter notre tente. Le froid s’installe vite, et le coucher se fait tôt. Le but de l’opération est de voir le lever de soleil au col le lendemain.
    Notre réveil sonne à 4h00 du matin. Après une nuit passée bien emballés dans nos sacs de couchage, on se lève par une température glaciale. Le givre sur la face intérieure de la tente donne le ton: la température est clairement négative. Dans ces conditions, chaque geste est pensé pour ne pas perdre trop de chaleur. On réchauffe nos habits dans le sac de couchage, et on enfile presque toutes nos couches en gardant même celles de la nuit (leggings et t-shirt longues manches, tous deux en laine de mérinos). Chausser nos chaussettes, et surtout nos chaussures encore humides et donc gelées, n’est pas des plus agréables. On ne traîne pas et on part rapidement, après avoir plié la tente et nos affaires, en direction du col. La nuit est entière mais, la lune, qui était pleine 3 jours plus tôt, accompagne nos pas. On s’oriente avec nos cartes et grâce aux réflecteurs des (rares) poteaux marqueurs qui reflètent la lumière de nos lampes frontales. On atteint rapidement Stag Saddle, où on célèbre le passage de ce point culminant du trail, à un modeste (pour nous suisses) 1’925 m d’altitude, avec un peu de thé et de café qu’on prépare toujours dans une ambiance glaciale. On se réchauffe comme on peut, et on passera sur place près de 2h, des premières lueurs aux premiers rayons de soleil. Le tout avec un ciel limpide: la chance est toujours de notre côté!
    Après ce moment magique, d’autant plus fort que nous venons à quelques kilomètres près de passer symboliquement la moitié de l’île du Sud, nous longerons une crête d’où la vue est une des plus belles qu’il nous ait été donné de voir. On y verra le Mt. Cook, le plus haut sommet du pays, ainsi que d’autres montagnes élevées parfois recouvertes de glaciers, des vallées énormes et sauvages, et le sublime lac Tekapo, dont la teinte bleu clair paraît irréelle. On continuera notre journée en parcourant d’énormes terrasses graveleuses glaciolacustres, témoins du passé glaciaire de ces vallées. On terminera ce jour, certainement le plus marquant de tout le trail, en campant seuls en sauvage dans un cadre splendide, avec vue sur le lac.

    La dernière demi-journée de cette section nous mènera, via 18 km de route graveleuse, à Lake Tekapo, au bord du lac homonyme. Il s’agit d’un village très (uniquement?) touristique, offrant une vue magnifique sur le lac et les montagnes. On y passe un jour de repos, comprenant également les corvées habituelles: lessive, ravitaillement, planification, etc. On conclut la journée par un délicieux repas concocté a l’auberge de jeunesse (backpacker) par Marc et Daniel : pavé de saumon avec patates au four et salade grecque, et glace triple chocolat en dessert! Un régal!

    Voici les étapes réalisées depuis Potts River / Geraldine :
    - km 2’355 Crooked Spur Hut
    - km 2’374 Stag Saddle Lake
    - km 2’402 Boundary Stream
    - km 2’419 Lake Tekapo
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  • Day 126

    J126, km 2’615, Wanaka

    February 17, 2023 in New Zealand ⋅ ☁️ 21 °C

    Tout d’abord nous souhaitons rassurer les personnes qui se seraient inquiétées au vu des nouvelles météorologiques qui sont parvenues jusqu’en Suisse (et au Pérou): on va très bien. Merci pour vos nombreux messages inquiets. Le cyclone Gabrielle a effectivement touché très fortement l’île du Nord il y a quelques jours, occasionnant des morts et d’importants dégâts, et déclenchant l’état d’urgence national. Ici, dans la moitié sud de l’île du Sud, nous sommes complètement épargnés, puisque nous avons même un grand soleil et relativement peu de vent depuis quelques jours. Notre amie Anna et sa famille, qui habitent l’île du Nord, se portent bien également.
    Heureusement, la Nouvelle-Zélande est un pays développé et bien préparé à gérer ce type de catastrophe. Cela n’en reste pas moins une épreuve difficile pour les personnes touchées.



    Voici donc les nouvelles de nos derniers jours.

    Comment rendre intéressante une longue section quelque peu monotone le long d’une route asphaltée ou sur un chemin en gravier le long d’un interminable canal? En le transformant en défi! C’est ainsi qu’on a décidé de parcourir d’une traite, en un jour, 56 km du trail. Pour comparaison, cela représente environ l’équivalent par la route d’un Neuchâtel - Berne, d’un Renens - Genève aéroport, ou d’un Fribourg - Vevey! Pour ne pas arriver trop tard, nous avons donc mis notre réveil à 2h30 du matin… Le départ, à 3h00, s’est bien entendu fait dans la nuit, et donc dans la fraîcheur matinale. Après être rapidement sortis du village de Lake Tekapo, nous nous sommes donc lancés dans la nuit sur le chemin longeant un canal liant deux lacs permettant par turbinage de générer de l’électricité. Le ciel était en partie couvert mais nous avons pu voir quelques étoiles, et la lune était suffisamment présente pour que l’on puisse marcher la plupart du temps sans la lumière de nos lampes frontales. Durant une pause, nous aurons l’opportunité d’observer un phénomène assez unique: une ligne régulière de dizaines de satellites défilant à intervalle régulier. Il s’agit de satellites lancés récemment (faible altitude et faible dispersion) faisant partie du programme Starlink, le projet d’Elon Musk pour offrir, ou plutôt vendre, un accès internet mondial sans connexion « au sol ».
    Nous serons ensuite rapidement rejoints par deux randonneurs: Liv, la malheureuse américaine qui a dû être héliportée depuis la Rangitata la semaine passée - elle s’est heureusement bien remise de ses émotions; et Niall, un kiwi marchant en faveur de sa fondation « Eye care for Africa » (https://www.eyecareforafrica.org.nz), et qui filme chacune de ses journées (on apparaît donc ici: https://youtu.be/O9GabV29gBc). On aura eu des discussions super intéressantes avec les deux, ce qui nous aura aidé à faire passer le temps! On longera ensuite encore le lac Pukaki avant d’atteindre le village de Twizel.
    En fin de journée, heureux et fier de la distance parcourue, on ne fera cependant pas les malins, et je ne serai pas loin de tomber dans les pommes de fatigue en effectuant des courses dans un magasin…

    Le jour suivant nous sentirons la fatigue, surtout par manque de sommeil. Nous parcourrons un sentier facile, à plat, parfois ennuyeux mais également devenant charmant au bord d’une rivière bleue crème et surtout en rejoignant et longeant le lac Ōhau. On dormira au bord de ce dernier, et on profitera d’une vraie baignade dans ce nouveau lac bleu turquoise avant de dormir!

    Le lendemain nous remonterons dans les montagnes, dans de toujours sublimes et très sauvages décors. En fin de cette journée nous atteindrons la vallée paraissant infinie de l’Ahuriri River, puis traverserons cette rivière. Celle-ci est considérée comme la plus large / profonde à franchir « obligatoirement » (pas de détour possible) de tout le TA. Les conditions lors de notre passage étaient favorables et nous n’avons dû nous immerger que jusqu’à mi-cuisses, dans un courant cependant assez fort, dans lequel on préfère ne pas tomber… On campera en sauvage sur la rive opposée, toujours par un grand beau temps.

    Au réveil, on sait déjà que la journée sera longue: on aimerait atteindre un certain point du trail pour une question de logique d’étape, et également afin d’éviter de marcher les pieds dans une rivière glacée en matinée.
    On parcourra lors de cette nouvelle sublime journée de nouvelles vallées et on montera au col très venteux de Martha Saddle. En redescendant, dans un décor très rocailleux avec des beaux éboulis, on se croira quelques instants en Suisse, à cause des paysages mais aussi de la qualité momentanée du sentier! En continuant notre descente nous rejoindrons la rivière Timaru, dont nous rejoindrons le lit. La progression se fera tantôt sur ses berges, et tantôt sur le lit même. Évidemment, avec les descente la rivière se montrera de plus en plus gonflée, rendant l’expérience autant ludique que sportive! On sera comme deux gamins à sauter de pierres en blocs et à traverser le courant de ce torrent. Le trail se transformera donc davantage en canyoning qu’en randonnée l’espace de quelques heures. Malgré cette progression finale lente, on aura parcouru ce jour 38 km et 1’450 m de dénivelé positif, ce qui expliquera notre arrivée tardive, à 20h30, à un des rares espaces aptes à accueillir une tente dans cette vallée étroite.
    A noter encore ce jour notre rencontre avec plusieurs « NOBO », dont un californien très sympa et…un peu cliché, puisqu’il ne pouvait s’empêcher de terminer chacune de ses phrases par « bro » (frère) ou « dude » (mec).

    Après une nuit réparatrice, je me ferai réveiller par le bruit d’une des corde de tension de la tente vibrant en faisant des « doiiiing », puis entendrai des bruits d’animal trifouillant le sol, puis grattant notre tente du côté de nos stocks de nourriture. Immédiatement je siffle et tape la tente pour l’effrayer, mais il continue. Je saisis alors ma lampe frontale et, en l’allumant, tombe sur deux yeux me fixant à travers la moustiquaire. Sans surprise il s’agit d’un possum. Je hurle et l’effraie cette fois pour de bon. Marc, quant à lui, continuera de dormir du sommeil du juste. Sans intervention, on aurait pu se retrouver avec la tente et nos sacs de nourriture éventrés, comme c’est arrivé à d’autres randonneurs…
    Après ces émotions on attaquera une longue montée, nous menant finalement à un sublime point de vue, Breast Hill. On y verra un paysage époustouflant avec le lac Hawea entouré de montagnes. Après une descente longue et présentant des pentes parfois indécentes, on atteindra le lac et son eau bleue limpide, dans lequel on ira immerger nos corps suants. Le paradis. On ira ensuite planter notre tente dans un joli Holiday Park.
    Les paysages sont désormais clairement arides. Les montagnes comme les plaines sont couvertes d’herbes jaunies et/ou de végétation basse qui pourraient faire penser à la Grèce.

    Entre Hawea et Wanaka, nous longerons des rivières toujours aussi bleues et transparentes puis le magnifique lac Wanaka, tout en passant par des banlieues cossues. Un nouveau plongeon dans ce lac nous rafraîchira en cette chaude journée. On aura aussi le plaisir de croiser à midi une pâtisserie française, dont les délices nous feront presque nous réjouir de rentrer retrouver du bon pain!
    Nous passons désormais un jour de repos à Wanaka, ville très touristique au bord du lac homonyme.

    Anecdote:
    Il y a deux ans, nous avions investi dans l’achat de notre tente, dont le matériau est à la fois exceptionnellement léger tout en étant très résistant. Ces qualités se traduisent par un prix important, environ 800.-, qu’on estimait pertinent d’investir s’agissant de notre maison pour plusieurs mois. On a effectué avec elle deux précédentes randonnées de 10 et 13 jours, puis l’entier du TA jusqu’à présent. C’est donc sans trop de surprise qu’on commence à constater de petits trous qui se forment ça et là. En demandant à la firme qui l’a fabriquée (ZPacks), si on peut utiliser une colle pour boucher ces micro-trous, on se voit répondre que l’apparition de ces défauts ne devrait pas arriver, et donc qu’ils vont nous renvoyer gratuitement une nouvelle tente, ce qu’on n’avait même pas demandé! Ça c’est du service après-vente!

    Ces derniers jours on aura fêté nos 2’500 km, puis rapidement nos 2’600 km, et le cap des 4 mois sur le trail le 15 février!

    Voici les étapes réalisées depuis Lake Tekapo :
    - km 2’473 Twizel
    - km 2’503 Lake Ohau
    - km 2’531 Ahuriri River
    - km 2’567 Timaru River
    - km 2’591 Hawea
    - km 2’615 Wanaka
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  • Day 131

    J131, km 2’710, Queenstown

    February 22, 2023 in New Zealand ⋅ 🌧 9 °C

    Après notre dernier jour de repos, à Wanaka, nous sommes partis alors qu’un triathlon battait son plein dans le secteur. On s’est donc retrouvés à traverser une zone de course pleine de spectateurs. Cet événement nous permettra d’encourager au passage les athlètes, et de bien manger à notre pause de midi grâce à la présence de food trucks.
    Après avoir longé le lac Wanaka, nous gravirons une vallée sur le Motatapu Alpine Track. On finira la journée à la cabane Fern Burn Hut, qui a la particularité de se trouver sur un terrain appartenant de manière tout-à-fait improbable…à Shania Twain, la chanteuse pop, qui a notamment financé la construction de cet abri et du chemin pour y permettre le passage du TA! A cette cabane, où comme d’habitude on préférera dormir sous tente, nous finirons par être 27 randonneurs! Dont 6 locaux qui sont ici pour le week-end, 3 NOBO, et donc 18 autres SOBO comme nous…! La variabilité du nombre de marcheurs de jour en jour est vraiment étonnante. La nuit, nous recevrons à nouveau la visite d’un possum qui, après avoir été effrayé, se vengera en sautant sur le toit de la cabane voisine dans un boucan peu propice au repos…

    Le lendemain nous rejoindrons Roses Hut sur un tracé comprenant uniquement des montées ou des descentes (+1’700 et -1’700 m), au moins sur une relative faible distance de 17 km. On passera en outre sur de sublimes crêtes nous offrant des vues grandioses. Le chemin traversera notamment un énorme et actif glissement de terrain… La fin d’après-midi sera émouvante, puisque nous réaliserons qu’il s’agit de l’une des dernières « vraies » journées en pleine montagne. Le thème de la « fin du trail », qui se profile pour tout le monde dans une quinzaine de jours, commence à être dans toutes les bouches. Cette perspective est perçue différemment par chacune et chacun. Entre soulagement, tristesse, impatience ou appréhension. De notre côté, notre projet de continuer quelques temps notre découverte de la Nouvelle-Zélande en van (de location) nous donne matière à nous réjouir et nous fera une belle transition.

    Au départ de Roses Hut, nous gravirons un dernier col avant de descendre rejoindre le lit de l’Arrow River. Nous marcherons dans celui-ci sur plus de 4 km, la plupart du temps les pieds dans l’eau glaciale du petit matin. Heureusement, le soleil généreux viendra vite nous réchauffer. Nous rejoindrons ensuite, au sortir de la rivière, Macetown, un village minier désormais abandonné que 200 âmes en quête d’or peuplaient il y a plus d’un siècle. Aujourd’hui, seules les sandflies subsistent parmi les ruines.
    En continuant de descendre la vallée, on marchera sur une piste où on croisera pas moins de 17 gros 4x4 pilotés par des retraités qui viennent se donner des frissons sur ce sentier accidenté qui croise plusieurs fois la rivière.

    Au moment où nous écrivons ces lignes, soit 2 jours après avoir parcouru cette vallée, nous venons d’apprendre par un article faisant les gros titres de la presse nationale (en anglais: https://www.stuff.co.nz/national/300813127/mass…) que le lendemain de notre passage, soit hier, 110 athlètes d’un ultra-marathon se trouveront coincés exactement là où nous sommes passés 24 heures plus tôt, suite à de fortes précipitations ayant engendré une crue de l’Arrow River… Au total 9 athlètes enclencheront leur balise de détresse, et 6 personnes finiront à l’hôpital pour hypothermie, sans autre séquelle heureusement. Une démonstration supplémentaire de la rudesse de ces montagnes et des très rapides changements de conditions météo qui peuvent survenir. A nouveau, par pur hasard, nous aurons été très chanceux.

    Au sortir de la vallée on rejoindra Arrowtown, d’origine minière également, aux airs de village far west avec ses vieux bâtiments le long de l’allée principale. De là nous marcherons en longeant notamment un prestigieux terrain de golf, jusqu’à un point convenu où Kristine et Bernard, un couple franco-kiwi-canadien, viendra nous chercher en voiture pour nous mener chez eux pour la soirée. Nous avions commencé le trail à Cape Reinga le même jour qu’eux. Comme il ont « uniquement » parcouru l’île du Nord cette année - ils attaqueront l’île du Sud l’année prochaine - et qu’ils habitent à proximité directe d’Arrowtown, ils nous ont invités tout comme d’autres marcheurs à nous rendre chez eux pour un souper et passer la nuit lors de notre passage. C’est ainsi qu’on se retrouvera avec deux autres randonneurs très sympathiques qu’on côtoie depuis plusieurs jours, Alistair (Ecosse) et Reid (NZ), à être traités comme des rois dans la sublime demeure de Bernard et Kristine, dont la générosité nous a beaucoup touchés. On visitera leur grand jardin où ils ont arraché les espèces végétales importées pour y replanter des centaines d’indigènes, soutenant ainsi la biodiversité locale. Après un apéro de fromages et autres délicatesses, on mangera des plats riches en légumes et aux goûts exquis. C’est simple, on n’aura pas si bien mangé depuis des lustres! Les discussions passionnantes sur nos parcours, la politique et les différences entre nos pays seront riches et intéressantes. Après une nuit de repos dans un vrai lit, et un déjeuner succulent, ils nous redéposeront à l’endroit même où ils nous avaient pris le jour précédent. A eux deux, un immense merci!

    Deux cent mètres après être repartis, la
    panse encore pleine et l’esprit apparemment étourdi, on empruntera un mauvais chemin qui nous vaudra un « petit détour » de 4 km… Rien de bien grave. On longera ensuite le lac Hayes puis la baie de Frankton qui s’ouvre sur le lac Wakatipu et, après être progressivement entrés dans la « civilisation », on atteindra la ville de Queenstown. Il s’agit de la Mecque des sports de plein air, ce qui nous est confirmé par la population jeune, touristique, et souvent sportive qui arpente les rues et les bars de cette cité nichée entre lac et montagnes.
    On y passe actuellement deux « zero days », de quoi prévoir les prochaines étapes, de passer chez le coiffeur, de réparer nos bâtons de marche, d’acheter pour moi (Vincent) une quatrième paire de chaussures, et surtout de réfléchir et nous renseigner sur la suite de notre voyage, comme mentionné a priori en van. Affaire à suivre!

    Voici les étapes réalisées depuis Lake Tekapo :
    - km 2’640 Fern Burn Hut
    - km 2’657 Roses Hut
    - km 2’685 Arrowtown
    - km 2’710 Queenstown
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  • Day 138

    J138, Km 2’806, Te Anau

    March 1, 2023 in New Zealand ⋅ ☁️ 19 °C

    A Queenstown, où nous avons passé deux jours de repos, le tracé officiel du trail s’interrompt. Il nous indique d’emprunter par navette ou auto-stop un détour longeant le lac Wakatipu jusqu’à Greenstone. Effectivement, aucun parcours raisonnable ne peut être effectué à pied entre ces points. La seule alternative serait de marcher le long d’une route très fréquentée, étroite et sinueuse de 80 km.

    Afin de prolonger le plaisir, on décide ainsi de prendre une navette sur la moitié de ce « by-pass », puis d’aller randonner sur une des « Great walks » (randonnées classées particulièrement belles) qui se trouve à proximité: la Routeburn track. Celle-ci a l’avantage d’être jointive avec le tracé du TA, qu’on rejoindra et continuera ainsi après 2 jours de marche.

    C’est donc au petit matin à Queenstown que l’on se retrouve avec de nombreux autres touristes pour embarquer dans un autocar ; la Routeburn est très réputée et présente des cabanes d’une cinquantaine de lits, réservés des mois à l’avance. Après avoir longé le magnifique lac Wakatipu, on atteint Glenorchy, dont les environs ont servis de cadre à plusieurs scènes du Seigneur des Anneaux, puis le début du trail au pied des montagnes à Routeburn shelter. Là encore, davantage de randonneurs seront en partance. Ce sera une constante de la journée : beaucoup de monde!
    Le sentier de Routeburn est habituellement parcouru en 2-3 jours. On l’aura complété en un seul, en partant de plus à 9h50, et en gravissant un petit sommet en plus.
    Toute la journée nous aurons été subjugués par la beauté des paysages, de surcroît par un grand beau temps. On se trouvera en milieu clairement alpin, avec des montagnes couvertes de glaciers dans les environs, et un sentier très entretenu mais rocheux. En somme on ne se sera jamais autant cru en Suisse!
    Depuis le sommet de Conical Hill, on pourra apercevoir au loin l’océan dans le Fjordland, grandiose! De belles cascades viendront compléter ces décors enchanteurs.
    Après avoir dépassé les énormes cabanes ainsi que quelques lodges privés, on ira planter notre tente dans un campement sommaire dans un cadre toujours autant sublime.

    Après une nuit très humide et glaciale, on se réveillera par des températures négatives avec du givre au sol. Ce sera le début d’une journée contrastée, puisqu’on la terminera en nous baignant dans une rivière pour nous rafraîchir et nous laver!
    C’est donc dans la froideur matinale et dans des brumes nappant le fond de vallée qu’on partira pour une journée où on longera une large vallée. On croisera quelques touristes parcourant la zone ceinturés de guides, afin d’atteindre un de ces lodges privés, où un accueil tout confort les attend, pour l’équivalent de CHF 1’400.- par personne pour deux jours…!
    A la grande Greenstone hut, on reverra quelques connaissances dont Jennie, avec qui nous avions gravi Stag Saddle, puis on ira plonger dans une sublime rivière verte-transparente. Le temps est encore et toujours ensoleillé!
    En allant nous coucher, on constatera avoir fait une erreur de débutant…planter notre tente sous un gros arbre mort. Déjà quelques branches sont tombées aux alentours. On hésite, mais à défaut de place restante et fatigués, on prendra le risque de ne pas la déplacer.

    Au matin, heureux de ne pas avoir été écrasés, on entrera dans une forêt qui nous prouvera qu’on est bien de retour sur le tracé du TA et plus sur une section très fréquentée : le chemin est couvert à des dizaines de reprises, sur 10 km, d’amas d’arbres tombés et enchevêtrés. Le jeu consiste donc à trouver le meilleur moyen de passer par-dessus ou par-dessous ces troncs afin de progresser péniblement en avant. Après être sortis d’affaire, on profitera de vues magnifiques dans un nouveau val sauvage surmonté de jolis pans de montagnes. On y croisera un NOBO valaisan d’Arbaz (près d’Anzère) avec qui on échangera quelques mots. Nous camperons ensuite à côté de la Careys Hut et du North Mavora Lake dans lequel on se baignera.
    Après quelques semaines de quasi total répit, on retrouvera également ici nos chères amies les sandflies, qui réanimeront quelque peu le syndrome post-traumatique de Marc, qui se met à les chasser frénétiquement dès qu’il en aperçoit dans la tente.

    Le jour suivant sera relativement facile et surtout court. D’une part car Marc se sera réveillé avec un refroidissement / un petit mal de gorge, et d’autre part car notre arrêt de fin de journée « semi-sauvage » en bord de rivière est une étape logique pour le lendemain.
    La section aura consisté à longer les deux lacs Mavora et la rivière Mararoa, où des scènes épiques de la Communauté de l’Anneau ont été tournées. Pour les connaisseurs, il s’agit des sites où Frodo quitte la communauté en traversant la rivière en canot et où Sam manque de se noyer, ainsi que de la rivière Anduin (Lothlórien). Le ciel bleu nous aura accompagné aujourd’hui dès la mi-journée.

    Pour le « dernier jour » de cette section, nous avons fait un choix pour lequel nous avons hésité. Nous pouvions soit parcourir 32 km de chemin routier peu fréquenté en gravier, soit prendre le chemin parallèle dans les champs, mais que de précédents marcheurs ont qualifié de « shitty farm track », ce qu’on pourrait traduire, non littéralement, par un « chemin rural fort peu agréable ». Apparemment celui-ci n’apporte rien de très bucolique, se trouve dans des champs irréguliers, peu, pas ou mal marqués, où on se perd facilement, et qui longe des barrières en barbelés. Bien que pas très jouissif non plus, on a donc opté pour la route en gravier. Au bout des 32 km finalement calmes et assez paisibles - à part de rares camions qui nous noieront dans des nuages de poussière - on fera de l’auto-stop sur la route SH94, afin de rejoindre la seule ville à proximité nous permettant de nous réapprovisionner, Te Anau. Après une heure de pouce, un sympathique voyageur californien s’arrêtera et, d’une conduite approximative, nous mènera jusqu’au camping. Le soir on retrouvera avec plaisir plusieurs hikers que l’on croise régulièrement depuis la Whanganui River, et avec lesquels on ira nous rassasier au restaurant et boire quelques bières. On passe actuellement un jour de repos sous tente, qui est également consacré aux traditionnels achats et à la planification de la dernière section avant d’atteindre notre but final, Bluff. On connaît ainsi désormais notre date finale (très) probable d’arrivée, ce devrait être le 09 mars! D’ici là, on attaquera 6 jours de marche en autonomie dans ce qui s’annonce comme un retour à l’île du Nord: forêts boueuses reliées par des chemins ruraux, terminant sur 2 jours supplémentaires de plages et de rivage océanique. On se réjouit!

    Demain jeudi nous prendrons donc une navette qui nous ramènera au point auquel nous avons été pris hier en stop pour continuer et, dans 8 jours, terminer notre marche.

    Voici les étapes réalisées depuis Queenstown:
    - (hors-trail) Routeburn / Greenstone Saddle Campsite
    - km 2’724 Greenstone Hut
    - km 2’751 Careys Hut
    - km 2’774 Mararoa River
    - km 2’806 Te Anau / Princhester Road
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